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16/03/2010 | FRANCE | N°08-41393

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2010, 08-41393


Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., salariée de la société Camaïeu qui l'employait en qualité de responsable de magasin, a été licenciée pour faute grave par lettre du 5 juillet 2004, en raison du non-respect de la législation en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail au préjudice de ses subordonnés, de la violation du règlement intérieur de l'entreprise et d'attitudes de direction inadaptées, décourageantes et injurieuses pour les autres salariées ;
Attendu que la société Camaïeu fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement dépou

rvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'employeur à lui payer de...

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., salariée de la société Camaïeu qui l'employait en qualité de responsable de magasin, a été licenciée pour faute grave par lettre du 5 juillet 2004, en raison du non-respect de la législation en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail au préjudice de ses subordonnés, de la violation du règlement intérieur de l'entreprise et d'attitudes de direction inadaptées, décourageantes et injurieuses pour les autres salariées ;
Attendu que la société Camaïeu fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'employeur à lui payer de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1° / que l'employeur rappelait avoir été saisi par Mmes Y... et Z... de plaintes précises concernant la journée du 17 mai 2004 au cours de laquelle elles ont dû effectuer une heure non prévue au planning et non payée et le fait qu'elles étaient empêchées de prendre leur temps de pause par Mme X... ; qu'en retenant, pour écarter ces griefs, les témoignages de Mmes A... et C... attestant seulement qu'elles-mêmes avaient récupéré l'heure litigieuse et pouvaient prendre leur temps de pause sans difficulté, ce qui ne permettait pas de connaître ce qu'il en avait été pour les autres salariés du magasin, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail (nouveaux articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9) et 1134 du code civil ;
2° / que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que lorsqu'une partie invoque un accord d'entreprise précis, il doit se procurer par tous moyens ce texte qui contient la règle de droit éventuellement applicable au litige, au besoin en invitant les parties à lui en faire parvenir un exemplaire ; qu'en affirmant que l'employeur ne pouvait utilement se prévaloir de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail de l'entreprise prévoyant que les séquences de travail ne peuvent être inférieures à trois heures continues, faute d'avoir produit ledit accord, la cour d'appel a violé les articles L. 132-1 (nouvel article L. 2221-2), L. 135-2 (L. 2254-1) du code du travail et 12 du code de procédure civile ;
3° / que l'employeur faisait valoir dans ses écritures d'appel que le rapport de l'entretien annuel de progrès réalisé le 7 avril 2004 ne pouvait être retenu dès lors que ce n'est qu'à compter du mois de mai 2004 que les salariées de la boutique ont saisi leur hiérarchie pour se plaindre de Mme X... et notamment du fait qu'elles avaient du remettre de l'argent dans la caisse suite à une erreur ; qu'en se basant sur cet entretien et sur le soucis de Mme X... de garantir le bon fonctionnement de l'entreprise, pour écarter le reproche fondé sur la violation de l'article 11 du règlement intérieur, sans s'expliquer sur la chronologie de ces événements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail (nouveaux articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9) ;
4° / que moyen résultant de la prescription des faits fautifs n'est pas dans le débat si le salarié ne l'a pas invoqué et le juge du fond n'a pas à relever d'office un tel moyen ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions de la salariée, que celle-ci se soit prévalue de la prescription relativement au grief tiré de son attitude manageriale ; qu'en décidant néanmoins que ce reproche était prescrit, la cour d'appel a violé l'article L. 122-44, alinéa 1er, du code du travail (nouvel article 1332-4) ;
5° / que si aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de nouveaux faits intervenus dans le délai de prescription dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir agi suite au courrier de juillet 2003 mettant en cause le comportement managerial de la salariée pour déclarer prescrite la procédure de licenciement mise en oeuvre à son encontre en juin 2004 suite à de nouveaux agissements fautifs dénoncés en mai 2004 et exercés à l'encontre d'autres salariées, la cour d'appel a violé l'article L. 122-44, alinéa 1er, du code du travail (nouvel article 1332-4) ;
Mais attendu, d'abord, que la charge de la preuve de la faute grave pesant sur l'employeur, il lui appartient de produire les éléments propres à établir la réalité des manquements qu'il reproche à son salarié ; qu'ayant constaté que les modalités conventionnelles d'organisation du temps de travail n'étaient pas justifiées par l'employeur, la cour d'appel a pu en déduire que le reproche exprimé à ce titre dans la lettre de licenciement n'était pas établi ;
Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que le manquement dénoncé par un salarié en juillet 2003 n'avait pas été retenu par l'employeur, qui avait au contraire soutenu l'action de sa responsable de magasin, la cour d'appel a pu en déduire que le grief exprimé à ce titre n'était pas constitué ; que le moyen, inopérant en ses deux dernières branches et mal fondé pour le surplus, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Camaïeu aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Camaïeu à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour la société Camaïeu
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de la salariée (Mme X...) est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné l'employeur (la société CAMAIEU) à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaires pour la période mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE, sur la violation du droit du travail, si Madame X... reconnaît avoir demandé à son équipe de venir travailler ce jour-là pour ranger le magasin, tout en précisant que les salariées concernées ont travaille jusqu'à 9h30, et non jusqu'à l0h, elle fait valoir que cette heure a été récupérée par la suite ; qu'elle verse à l'appui de ses prétentions deux attestations de vendeuses, lesquelles confirment ses dires ; qu'ainsi Mademoiselle A... indique :''pour ce qui est du jour où l'on a commencé à 8h30 (...), ma responsable X... Karina me l'a fait rattraper dans les jours à suivre " ; que Madame C... explique quant à elle ; " pour ce qui est de l'heure travaillée non payée, je l'ai récupérée le 11 juin 2004 et je tiens à préciser que c'était de 8h30 à 9h30 ; que la précision des attestations permet de considérer que la réduction ultérieure de l'horaire de travail des salariées dont se prévaut Madame X... est établie ; que cette version des faits n'est d'ailleurs pas expressément contestée par les salariées qui se sont plaintes de ce changement d'horaire ; Qu'en outre, s'agissant de la durée de la séquence de travail imposée aux salariées, la société CAMAÏEU fait valoir que l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail de l'entreprise prévoit que les séquences de travail ne peuvent être inférieures à trois heures continues, mais ne produit pas ledit accord ; qu'elle ne peut donc utilement se prévaloir de cette disposition ; Que la décision de faire travailler Madame Y... le lundi 17 mai n'est pas constitutive d'une faute, même si celle-ci devait initialement bénéficier d'une journée de repos, dès lors qu'il ressort des plannings versés aux débats que la salariée, comme l'ensemble de l'équipe, bénéficiait d'un repos tous les dimanches ; que Madame X... n'a fait que mettre en oeuvre son pouvoir de direction, sans violer en aucune manière la règle du repos hebdomadaire ; Considérant que la société CAMAÏEU reproche aussi à Madame X... d'avoir empêché les salariées de bénéficier de temps de pause ; Que ce grief ne saurait être retenu, dès lors qu'il n'est évoqué que de façon allusive dans les attestations que produit l'employeur, et que ses prétentions sont contredites par les attestations que produit Madame X... ;

ALORS QUE l'employeur rappelait avoir été saisi par Mesdames Y... et Z... de plaintes précises concernant la journée du 17 mai 2004 au cours de laquelle elles ont du effectuer une heure non prévue au planning et non payée et le fait qu'elles étaient empêchées de prendre leur temps de pause par Madame X... ; qu'en retenant, pour écarter ces griefs, les témoignages de Mesdames A... et C... attestant seulement qu'elles-mêmes avaient récupéré l'heure litigieuse et pouvaient prendre leur temps de pause sans difficulté, ce qui ne permettait pas de connaître ce qu'il en avait été pour les autres salariés du magasin, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail (nouveaux articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9) et 1134 du Code civil ;
ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que lorsqu'une partie invoque un accord d'entreprise précis, il doit se procurer par tous moyens ce texte qui contient la règle de droit éventuellement applicable au litige, au besoin en invitant les parties à lui en faire parvenir un exemplaire ; qu'en affirmant que l'employeur ne pouvait utilement se prévaloir de l'accord sur l'aménagement et la réduction du temps de travail de l'entreprise prévoyant que les séquences de travail ne peuvent être inférieures à trois heures continues, faute d'avoir produit ledit accord, la Cour d'appel a violé les articles L. 132-1 (nouvel art. L. 2221-2), L. 135-2 (L. 2254-1) du code du travail et 12 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE, sur le non respect du règlement intérieur, le fait de laisser les salariées compléter la caisse constitue néanmoins une faute, dès lors qu'il s'agit, comme le fait valoir le société CAMAÏEU, d'une infraction à l'article 11 du règlement intérieur ; mais considérant que Madame X... travaillait au sein du magasin racheté par la société CAMAÏEU depuis onze ans sans avoir fait l'objet d'aucun reproche antérieur ; qu'elle a au contraire fait l'objet d'évaluation très positives, comme le démontre le rapport de l'entretien annuel de progrès et d'activité réalisé le 7 avril 2004 ; qu'il ressort du même document qu'elle donnait satisfaction dans le cadre plus spécifique de ses fonctions de responsable de magasin qu'elle exerçait depuis quatre ans et demi ; qu'ainsi la faute de Madame X..., qui s'explique par le souci qu'elle avait de garantir le bon fonctionnement de l'entreprise, n'est pas de nature à justifier son licenciement ;
ALORS QUE l'employeur faisait valoir dans ses écritures d'appel que le rapport de l'entretien annuel de progrès réalisé le 7 avril 2004 ne pouvait être retenu dès lors que ce n'est qu'à compter du mois de mai 2004 que les salariées de la boutique ont saisi leur hiérarchie pour se plaindre de Madame X... et notamment du fait qu'elles avaient du remettre de l'argent dans la caisse suite à une erreur ; qu'en se basant sur cet entretien et sur le soucis de Madame X... de garantir le bon fonctionnement de l'entreprise, pour écarter le reproche fondé sur la violation de l'article 11 du règlement intérieur, sans s'expliquer sur la chronologie de ces événements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail (nouveaux articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9) ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'attitude managériale de Mme X..., la société CAMAÏEU reproche à Madame X... d'avoir adopté au quotidien une attitude manageriale méprisante et démotivante, voire même menaçante ; Que pour étayer ses dires, elle verse aux débats plusieurs attestations et lettres de vendeuses du magasin, de retoucheuses, et d'anciennes salariées ; Mais considérant que parmi ces pièces figure une lettre d'une salariée de l'entreprise, datée du juillet 2003, faisant état de « brimades et d'humiliations » de « pressions » ; que la salariée, suivie par un médecin psychiatre, soutient dans ce courrier que Madame X... est à la source de la détérioration de son état de santé ; Que la société CAMAÏEU n'a entrepris aucune investigation, ni sanctionné Madame X... suite à cette lettre, alors même qu'il s'agit d'agissements qu'elle invoque à l'appui du licenciement pour faute grave de la salariée ; qu'elle a au contraire approuvé la manière dont Madame X... encadrait son équipe lors de l'évaluation du 7 avril 2004 ; Considérant qu'un agissement fautif ne peut à lui seul donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois après la date à laquelle l'employeur en a en connaissance ; Qu'en l'occurrence, la société CAMAIEU a entrepris le licenciement pour faute grave de Madame X... près d'un an après avoir eu connaissance des agissements qu'elle lui reproche, et ne soutient pas que sa décision procède d'une aggravation du comportement de la responsable ; que l'attitude manageriale de celle-ci n'est donc pas de nature à justifier son licenciement ;

ALORS QUE le moyen résultant de la prescription des faits fautifs n'est pas dans le débat si le salarié ne l'a pas invoqué et le juge du fond n'a pas à relever d'office un tel moyen ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions de la salariée, que celle-ci se soit prévalue de la prescription relativement au grief tiré de son attitude manageriale ; qu'en décidant néanmoins que ce reproche était prescrit, la Cour d'appel a violé l'article L. 122-44, alinéa 1er, du Code du travail (nouvel article 1332-4) ;
ALORS QU'en tout état de cause, si aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de nouveaux faits intervenus dans le délai de prescription dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir agi suite au courrier de juillet 2003 mettant en cause le comportement managerial de la salariée pour déclarer prescrite la procédure de licenciement mise en oeuvre à son encontre en juin 2004 suite à de nouveaux agissements fautifs dénoncés en mai 2004 et exercés à l'encontre d'autres salariées, la Cour d'appel a violé l'article L. 122-44, alinéa 1er, du Code du travail (nouvel article 1332-4).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-41393
Date de la décision : 16/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 24 janvier 2008, Cour d'appel de Rennes, 24 janvier 2008, 07/02192

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 24 janvier 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2010, pourvoi n°08-41393


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.41393
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