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09/03/2010 | FRANCE | N°09-13151

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 mars 2010, 09-13151


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 15 avril 1993, Mme X... a conclu une convention de courtage commercial, plaçant son activité de négoce de meubles sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux ; que le 20 janvier 1995, l'administration fiscale a lui notifié un redressement remettant en cause ce régime d'imposition au profit, compte tenu de la nature de l'activité exercée, de celui des bénéfices non commerciaux ; que les juridictions administratives, saisies par Mme X..., ont rejeté son

recours contestant le redressement ; que le 31 janvier 2006, elle a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 15 avril 1993, Mme X... a conclu une convention de courtage commercial, plaçant son activité de négoce de meubles sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux ; que le 20 janvier 1995, l'administration fiscale a lui notifié un redressement remettant en cause ce régime d'imposition au profit, compte tenu de la nature de l'activité exercée, de celui des bénéfices non commerciaux ; que les juridictions administratives, saisies par Mme X..., ont rejeté son recours contestant le redressement ; que le 31 janvier 2006, elle a assigné M. Y..., expert-comptable, chargé de l'établissement de ses déclarations fiscales, en réparation de son préjudice, lui reprochant un manquement à son obligation de conseil ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité engagée par Mme X... alors, selon le moyen, que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en jugeant que le préjudice de Mme X... résultant des redressements fiscaux dont elle avait fait l'objet ne s'était réalisé qu'à la date à laquelle la juridiction administrative avait définitivement écarté le recours par lequel Mme X... contestait ces redressements, sans rechercher si Mme X... n'avait pas eu connaissance du dommage dès la notification des redressements par l'administration fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-4 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le sort du recours contentieux introduit par Mme X... devant les juridictions administratives n'avait été connu que le 2 juillet 2003 et que le dommage n'avait été constitué qu'à compter de cette date, la cour d'appel a exactement jugé que Mme X... n'était pas forclose ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme X... les sommes de 18 245,86 euros et de 101 287 euros en réparation de son préjudice alors, selon le moyen, que la réparation d'un dommage qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en condamnant M. Y... à payer à Mme X... d'une part, les sommes correspondant à l'abattement auquel elle aurait pu prétendre si elle avait déclaré ses revenus sous le régime des bénéfices non commerciaux et, d'autre part, celles correspondant à l'exonération dont elle aurait pu bénéficier si elle avait pu relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux, bien qu'il fût impossible fiscalement de relever de ces deux régimes à la fois, la cour d'appel, qui a indemnisé Mme X... au-delà du préjudice réellement subi, a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant indemnisé l'imposition supplémentaire résultant de l'absence de l'abattement de 20 % sur les bénéfices déclarés au titre de l'adhésion à un centre de gestion agréé et celle correspondant à la suppression de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas réparé le préjudice de Mme X... au-delà de celui réellement subi, que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. Y... à payer à Mme X... la somme de 101 287 euros correspondant à la perte de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts, l'arrêt retient qu'il résulte du dossier que l'administration fiscale a estimé que Mme X... n'exerçait pas une activité de commissionnaire en nom personnel, les principales options commerciales pouvant lui être imposées par son prestataire la SARL Relaxo et qu'elle n'exerçait pas une activité commerciale, que le cabinet d'avocats consulté sur le projet avait précisé que le nouveau statut supposait que Mme X... soit inscrite au registre du commerce et des sociétés en qualité de courtier et non pas au registre spécial des agents commerciaux, qu'il est manifeste, au vu de ces éléments, que Mme X... n'aurait pas fait le choix de ce mode de gestion de son activité et qu'elle a donc subi une perte équivalente aux redressements opérés en principal et pénalités ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si mieux informée, Mme X... aurait pu modifier son activité de façon à relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux et à pouvoir ainsi bénéficier de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité exercée par Madame X... à l'encontre de Monsieur Y... ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-567 du 17 juin 2008, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que si, en matière de responsabilité contractuelle, le point de départ de la prescription est fixé au jour où l'obligation mise à la charge de l'expert-comptable a été exécutée ou aurait dû l'être, encore faut-il que le créancier ait eu connaissance du dommage ; que dès lors, le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où le créancier a été en mesure d'agir, soit celui de la réalisation du dommage ; que d'une part, il résulte du dossier que l'exercice 1993 a fait l'objet d'une vérification qui a été étendue aux exercices suivants jusqu'en 1998 ; que d'autre part, l'assignation a été introduite le 31 janvier 2006 ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale a procédé à la notification des redressements envisagés le 20 janvier 1995, et les a confirmés le 2 mars 1995 ; que par suite, suivant requête du 14 octobre 1997, Madame X... a contesté les redressements opérés devant le Tribunal administratif de LILLE qui a rejeté sa demande, par jugement du 4 mai 2000 ; que le dit jugement était confirmé par la Cour administrative d'appel le 2 juillet 2003 ; qu'il convient de considérer que c'est à cette dernière date que le préjudice s'est réalisé, que Madame X... pouvait donc agir dans le délai d dix ans à compter du 2 juillet 2003 ; que la fin de non recevoir sera en conséquence rejetée ;

ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en jugeant que le préjudice de Madame X... résultant des redressements fiscaux dont elle avait fait l'objet ne s'était réalisé qu'à la date à laquelle la juridiction administrative avait définitivement écarté le recours par lequel Madame X... contestait ces redressements, sans rechercher si Madame X... n'avait pas eu connaissance du dommage dès la notification des redressements par l'administration fiscale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.110-4 du Code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Y... à payer à Madame X... les sommes de 18.245,86 euros et de 101.287 euros en réparation de son préjudice, AUX MOTIFS QU'il résulte du dossier que l'administration fiscale a estimé que Madame X... n'exerçait pas une activité de commissionnaire en nom personnel, les principales options commerciales pouvant lui être imposées par son prestataire la SARL RELAXO et qu'elle n'exerçait pas une activité commerciale ; que le cabinet d'avocats consulté sur le projet avait précisé que le nouveau statut supposait que Madame X... soit inscrite au registre du commerce et des sociétés en qualité de courtier et non pas au registre spécial des agents commerciaux ; qu'il est manifeste, au vu de ces éléments, que Madame X... n'aurait pas fait le choix de ce mode de gestion de son activité ; que Madame X... a donc subi une perte équivalente aux redressements opérés en principal et pénalités ; que Madame X... sollicite la somme de 18.245,86 euros au titre des impositions supplémentaires en principal et pénalités de retard, résultant de la suppression des « abattements centres ou associations agréés » non repris compte tenu du redressement fiscal opéré, décomposé comme suit :

- 1993 Abattement : 4.355,47 euros
Pénalités : 917,59 euros
- 1994 : Abattement : 7.983,60 euros
- 1996 Pénalités : 2.341,16 euros
- 1997 Pénalités : 1.430,12 euros
- 1998 Pénalités : 1.217,92 euros
ainsi que la somme de 101.287 euros au titre des impositions supplémentaires résultant de la suppression de l'exonération « entreprises nouvelles », selon le détail suivant :

- 1993 : 18.396,33 euros
- 1994 : 32.604,12 euros
- 1995 : 25.449,53 euros
- 1996 : 9.841,35 euros
- 1997 : 5.457,83 euros
- 1998 : 9.538,13 euros
qu'il résulte des avis d'impositions versés aux débats que les sommes réclamées sont justifiées ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Madame X... les sommes de 18.245,86 euros et de 101.287 euros en réparation de son préjudice ;

ALORS QUE la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en condamnant Monsieur Y... à payer à Madame X... d'une part, les sommes correspondant à l'abattement auquel elle aurait pu prétendre si elle avait déclaré ses revenus sous le régime des bénéfices non commerciaux, et d'autre part, celles correspondant à l'exonération dont elle aurait pu bénéficier si elle avait pu relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux, bien qu'il fût impossible fiscalement de relever de ces deux régimes à la fois, la Cour d'appel, qui a indemnisé Madame X... au-delà du préjudice réellement subi, a violé l'article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Y... à payer à Madame X... la somme de 101.287 euros, correspondant à la perte de l'exonération « entreprises nouvelles » après application corrective du régime des bénéfices non commerciaux ;

AUX MOTIFS QU'il résulte du dossier que l'administration fiscale a estimé que Madame X... n'exerçait pas une activité de commissionnaire en nom personnel, les principales options commerciales pouvant lui être imposées par son prestataire la SARL RELAXO et qu'elle n'exerçait pas une activité commerciale ; que le cabinet d'avocats consulté sur le projet avait précisé que le nouveau statut supposait que Madame X... soit inscrite au registre du commerce et des sociétés en qualité de courtier et non pas au registre spécial des agents commerciaux ; qu'il est manifeste, au vu de ces éléments, que Madame X... n'aurait pas fait le choix de ce mode de gestion de son activité ; que Madame X... a donc subi une perte équivalente aux redressements opérés en principal et pénalités ; que Madame X... sollicite la somme de 18.245,86 euros au titre des impositions supplémentaires en principal et pénalités de retard, résultant de la suppression des « abattements centres ou associations agréés » non repris compte tenu du redressement fiscal opéré, décomposé comme suit :

- 1993 Abattement : 4.355,47 euros
- Pénalités : 917,59 euros
- 1994 : Abattement : 7.983,60 euros
- 1996 Pénalités : 2.341,16 euros
- 1997 Pénalités : 1.430,12 euros
- 1998 Pénalités : 1.217,92 euros
ainsi que la somme de 101.287 euros au titre des impositions supplémentaires résultant de la suppression de l'exonération « entreprises nouvelles », selon le détail suivant :
- 1993 : 18.396,33 euros
- 1994 : 32.604,12 euros
- 1995 : 25.449,53 euros
- 1996 : 9.841,35 euros
- 1997 : 5.457,83 euros
- 1998 : 9.538,13 euros
qu'il résulte des avis d'impositions versés aux débats que les sommes réclamées sont justifiées ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Madame X... les sommes de 18.245,86 euros et de 101.287 euros en réparation de son préjudice ;

1° ALORS QUE la responsabilité d'un expert-comptable est subordonnée à l'existence d'un lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage invoqué, de sorte que ne saurait être mis à la charge d'un expert-comptable le paiement d'un impôt auquel son client était légalement tenu, à moins que celui-ci ne démontre que, mieux informé, il aurait pu bénéficier d'un régime fiscal plus avantageux ; qu'en condamnant Monsieur Y... à payer à Madame X... la somme correspondant à l'exonération « entreprises nouvelles », que celle-ci avait dû rembourser après application corrective par l'administration fiscale du régime des bénéfices non commerciaux, dont relevait l'activité qu'elle exerçait, sans rechercher si, mieux informée, Madame X... aurait pu modifier son activité de façon à relever du régime des bénéfices industriels et commerciaux, et à pouvoir ainsi bénéficier de l'exonération « entreprises nouvelles », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2° ALORS QU'en retenant la responsabilité de l'expert-comptable, au motif inopérant que Madame X... aurait pu choisir un autre mode de gestion de son activité, bien qu'il résultât de ses propres constatations que les redressements fiscaux n'étaient pas la conséquence du mode de gestion choisi, mais de la nature même de l'activité exercée par Madame X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-13151
Date de la décision : 09/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 22 janvier 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 mar. 2010, pourvoi n°09-13151


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13151
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