Attendu, selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée en qualité d'hôtesse de bord en 1971 par la société Air Inter aux droits de laquelle vient la société Air France, occupait en dernier lieu les fonctions de chef de cabine régies par les dispositions applicables au personnel navigant commercial (PNC) de l'entreprise ; que la salariée qui était déléguée syndicale bénéficiait pour l'exercice de sa mission, conformément aux protocoles d'accord sur l'exercice du droit syndical, de journées de " déprogrammation " ; que lorsque la salariée était ainsi déprogrammée, la société ne lui versait pas les indemnités de repas et de " voiture courrier " prévues par les accords collectifs et l'article 7. 6 du règlement n° 3 applicables aux PNC et versées pour chaque vol sur lequel ils sont programmés, réserve terrain ou immobilisation sur ordre ; qu'à la suite d'un avis de la commission médicale de l'aviation civile, la salariée a été licenciée pour inaptitude définitive aux fonctions de PNC, après autorisation administrative de licenciement, par lettre du 26 avril 2001 ; qu'étant âgée de plus de 50 ans, elle a perçu, conformément à l'article 3. 4. 2 du règlement n° 1 (5e partie) des PNC, une indemnité de licenciement égale à l'indemnité de mise à la retraite prévue par le chapitre 4 de cette partie du règlement ; qu'estimant qu'elle aurait dû bénéficier en outre de l'indemnité spéciale de retraite versée, selon l'article 4. 4 de ce chapitre, aux salariés prenant leur retraite entre leur 50e et leur 56e anniversaire et bénéficiant de l'indemnité de mise à la retraite et que les indemnités de repas et de voiture courrier lui étaient dues pour les journées de déprogrammation, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de ces diverses indemnités, ainsi que de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 2143-7 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... en paiement d'un rappel d'indemnité de repas et de " voiture-courrier ", la cour d'appel retient par motifs propres et adoptés que par son intitulé " indemnisation des déplacements liés au courrier ", son libellé " la compagnie participe aux frais de déplacement des PNC dans les conditions ci après ", et les modalités d'attributions qui sont fixées, l'article 7. 6 du règlement navigant commercial n° 3 de la société Air France subordonne le paiement des indemnités de repas au déplacement effectif des PNC à l'occasion des courriers accomplis et que celles-ci ont pour objet de compenser des contraintes spécifiques effectivement subies ; qu'il en est de même pour l'indemnité de voiture-courrier attribuée en vertu de l'article III de l'accord du 18 juillet 1997, à l'occasion de chaque courrier, réserve terrain ou immobilisation sur ordre ; que dès lors les indemnités réclamées par la salariée constituent un remboursement total ou forfaitaire de frais réellement exposés et liés à des contraintes spécifiques effectivement subies et non un complément de salaire dont elle devrait bénéficier lors de ses heures de délégation ;
Attendu cependant que le représentant du personnel ne doit subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de sa mission ;
Qu'en statuant comme elle a fait alors que le représentant du personnel navigant se trouve dans une situation similaire à celle du personnel maintenu au sol qui perçoit les indemnités de repas et de " voiture-courrier ", de sorte que ces indemnités compensent une sujétion particulière de l'emploi de la salariée et constituent un complément de salaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles 4. 1, 4. 3. 1. 1, 4. 3. 1. 2 et 4. 4 du règlement n° 1 cinquième partie du personnel navigant commercial de la société Air France ;
Attendu que pour débouter l'intéressée de sa demande en paiement de l'indemnité spéciale de départ à la retraite, la cour d'appel retient que Mme X..., non atteinte par la limite d'âge fixée à 55 ans, n'a pas fait valoir ses droits à la retraite à la suite de l'avis d'inaptitude au vol, alors qu'elle avait plus de 50 ans, mais a été licenciée pour inaptitude physique et a perçu les indemnités prévues dans ce cas par l'article 3. 4. 2 du règlement ;
Attendu cependant que selon l'article 4. 1 susvisé, la limite d'âge est fixée à 55 ans et que les agents âgés de plus de 50 ans peuvent demander la liquidation de leur pension de retraite ; que selon les articles 4. 3. 1. et 4. 3. 1. 1, tous les agents partant en retraite âgés de plus de 50 ans, qui cessent définitivement leur activité dans la compagnie et qui ont acquis des droits à la jouissance d'une pension de la caisse de retraite du personnel navigant civil peuvent bénéficier de l'indemnité de mise à la retraite, à l'occasion de leur départ à la retraite et que l'article 4. 3. 1. 2 ouvre le droit à la même indemnité aux agents de plus de 50 ans contraints de cesser leur activité par suite d'une inaptitude définitive à leur emploi reconnue par le Conseil médical de l'aéronautique civile à condition de n'être pas reclassé au sol et d'avoir droit à la jouissance immédiate d'une pension de cette caisse de retraite ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes, d'une part, que le bénéfice de l'indemnité de mise à la retraite versée lors du départ à la retraite d'un agent ne dépend pas du mode de rupture du contrat, mais seulement des conditions prévues par l'article 4. 3. 1. 1 que remplissent les agents de plus de 50 ans visés par l'article 4. 3. 1. 2 qui, contraints de cesser leur activité en raison de leur inaptitude définitive à l'emploi, partent à la retraite avant l'âge limite quelle que soit la procédure de rupture du contrat de travail et, d'autre part, que tous ces agents peuvent conformément à l'article 4. 4 bénéficier de l'indemnité spéciale de départ jusqu'à leur 56e anniversaire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Air France à payer à Mme X...la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X...de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des indemnités repas et voiture-courrier et de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE de par son intitulé « indemnisation des déplacements liés au courrier », son libellé « la compagnie participe aux frais de déplacement du PNC dans les conditions ci-après … » et les modalités d'attribution qui y sont fixées, l'article 7. 6 du règlement subordonne le paiement des indemnités de repas au déplacement effectif des PNC à l'occasion des courriers accomplis ; qu'il en est de même pour l'indemnité voiture courrier attribuée, en vertu du III de l'accord du 18 juillet 1997, à l'occasion de chaque courrier, réserve terrain ou immobilisation sur ordre étant au demeurant précisé qu'en application du protocole d'accord relatif à l'exercice du droit syndical à la société Air France, période du 1er mars 2004 au 30 juin 2007, les personnels navigants disposant d'une journée de déprogrammation, quels que soient leurs mandats, font l'objet d'une indemnisation pour les trajets effectués avec leur véhicule personnel sur la base des conditions réglementaires prévues en matière d'indemnisation kilométrique domicile-lieu de travail ; que dès lors les indemnités réclamées par la salariée constituent un remboursement total ou forfaitaire de frais réellement exposés et liés à des contraintes spécifiques effectivement subies et non un complément de salaire dont elle devrait bénéficier lors de ses heures de délégation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte des termes mêmes de l'article 7. 6 du règlement navigant commercial numéro 3 de la société Air France que les indemnités de repas et de voiture-courrier correspondent à des remboursements de frais et ont pour objet de compenser des contraintes spécifiques effectivement subies par les PNC ; que dans ces conditions, le non paiement desdits avantages apparaît justifié et les demandes formulées de ce chef ne peuvent qu'être rejetées ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les délégués syndicaux ne doivent subir aucune perte de rémunération du fait de l'exercice de leur mission ; que constitue un complément de salaire qui doit être intégré dans le calcul des sommes dues au titre des heures de délégation les indemnités forfaitaires qui ne correspondent pas à un remboursement de frais réellement exposés par le salarié ; qu'en excluant du paiement des heures de délégation les indemnités de repas et de voiture-courrier perçues à l'occasion de chaque vol par le personnel navigant auquel appartenait l'exposante, tout en constatant que ces indemnités constituent un « remboursement forfaitaire », la Cour d'appel a violé l'article L 2143-7 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en laissant incertain le point de savoir si les indemnités réclamées correspondaient à un remboursement total de frais réellement exposés ou à un remboursement forfaitaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-17 du Code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE l'article 7. 6 du règlement du personnel navigant commercial prévoit que les frais de repas donnent lieu à un remboursement forfaitaire ; qu'une indemnité forfaitaire pour les frais de transport, dite voiture-courrier, est également prévue par l'accord collectif du 18 juillet 1997 ; qu'en affirmant dès lors que ces indemnités pouvaient être un remboursement de frais réellement exposés, l'arrêt attaqué a violé l'article 7. 6 du règlement du personnel navigant commercial, l'accord collectif du 18 juillet 1997 et l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE l'absence de déplacement effectif ne peut justifier objectivement le non paiement des indemnités de repas et de voiturecourrier au personnel navigant qui se rend à l'aéroport pour exercer son mandat syndical, dès lors que ce dernier se trouve exactement dans la même situation que le personnel navigant qui se rend à l'aéroport, dans la même plage horaire, pour partir en vol et qui perçoit lesdites indemnités sans avoir à justifier l'engagement de frais ; que dans les deux cas, les salariés se rendent au terrain avec leur véhicule personnel et sont contraints de manger à la cafétéria de l'aéroport ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé à nouveau le même texte.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande en paiement de l'indemnité spéciale de départ prévue par le règlement du personnel navigant de la société Air France ;
AUX MOTIFS QUE l'article 4. 4 du règlement du personnel navigant commercial prévoit qu'une indemnité spéciale de départ est versée aux PNC bénéficiaires de l'indemnité de mise à la retraite, tels que définis au paragraphe 3. 4. 1. 1 quittant la compagnie entre leur 50ème anniversaire et le 1er du mois de leur 56ème anniversaire ; que l'article 4. 3. 1. 1 intitulé « cas général » détermine les conditions à remplir pour bénéficier de l'indemnité versée à l'occasion du départ à la retraite ; que Madame X..., non atteinte par la limite d'âge de cessation définitive d'activité du PNC fixée à 55 ans, n'a pas fait valoir ses droits à la retraite à la suite de l'avis d'inaptitude au vol alors qu'elle avait plus de 50 ans mais a été licenciée pour inaptitude physique définitive et a perçu les indemnités prévues en ce cas par l'article 3. 4. 2 du règlement du personnel navigant commercial dont compte tenu de son âge, une indemnité légale de licenciement dont le montant ne pouvait être inférieur à celui de l'indemnité de mise à la retraite ; qu'enfin, Madame X... se prévaut de l'article 4. 3. 1. 2 intitulé « cas particulier » stipulant que l'indemnité de mise à la retraite est également accordée aux personnels navigants qui, avant d'avoir atteint la limite d'âge, sont contraints de cesser leur activité à la compagnie par suite d'une inaptitude définitive à l'emploi, reconnue par le conseil médical de l'aéronautique sous deux conditions, remplies en l'espèce, lequel n'est pas visé par les dispositions de l'article 4. 4 qui limite le versement de l'indemnité spéciale de départ aux bénéficiaires de l'indemnité de mise à la retraite relevant du « cas général » ;
ALORS QUE l'indemnité spéciale de départ prévue par l'article 4. 4 de la cinquième partie du règlement du personnel navigant commercial n° 1 de la société Air France est versée aux bénéficiaires tels que définis à l'article 4. 3. 1. 1 du règlement ; que l'article 4. 3. 1. 1 du règlement définit les conditions générales pour bénéficier de l'indemnité de mise à la retraite ; que dès lors, l'indemnité spéciale n'est pas réservée aux seuls salariés bénéficiant effectivement de l'indemnité de mise à la retraite mais est due aux salariés qui remplissent les conditions générales pour en bénéficier ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.