LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 287, 288 et 299 du code de procédure civile ;
Attendu que lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose, après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à comparer à cet acte ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort,
que plusieurs établissements de crédit ont contesté devant un juge de l'exécution la décision d'une commission de surendettement des particuliers qui avait déclaré recevable la demande de traitement de la situation de surendettement de M. et Mme X... ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de M. X..., le jugement retient que celui-ci a procédé à des déclarations mensongères à l'occasion de la souscription de crédits, cherchant ainsi à tromper ses cocontractants sur sa situation patrimoniale réelle, sans que l'imitation de signature, dont il excipe, ne résulte d'aucun autre élément que les allégations de son épouse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, M. X... ayant contesté avoir signé les actes de prêt, il lui appartenait de vérifier les actes contestés éventuellement en enjoignant à M. X... de produire tout document de comparaison lui paraissant nécessaire, le juge de l'exécution a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 octobre 2008, entre les parties, par le juge de l'exécution, tribunal de grande instance de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le juge de l'exécution, tribunal de grande instance de Nanterre ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. et Mme X... et de la société Banque française ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
IL EST FAIT GRIEF AU JUGEMENT ATTAQUE d'avoir, invalidant la décision de la Commission de surendettement en date du 22 avril 2008, déclaré les époux X... irrecevables en leur demande tendant à bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers,
AUX MOTIFS QUE :
« La bonne foi, qui est certes présumée, s'apprécie non seulement au moment de la déclaration de situation lors du dépôt de la demande de surendettement, mais également à la date des faits à l'origine du surendettement, par exemple à l'occasion de la souscription des prêts à l'origine de l'endettement allégué.
Si l'accumulation de nombreux crédits n'emporte aucune présomption de mauvaise foi, les débiteurs qui, à travers les déclarations mensongères faites à l'occasion de la souscription de crédits, ont cherché à tromper leur cocontractant sur leur situation patrimoniale réelle ne sont pas admis à solliciter le bénéfice de la loi.
En l'espèce, il s'avère que les deux prêts de la BANQUE FRANCAISE et le prêt FINANCO, signés respectivement le 07/03/2007, le 18/07/2007 et le 12/10/2007 par Madame X... et par Monsieur X..., sans que l'imitation de signature dont il excipe ne résulte d'aucun autre élément que les allégations de son épouse, ne mentionnent dans les déclarations des souscripteurs aucun autre crédit ou ne font état pour LA BANQUE FRANCAISE que d'une mensualité autre crédit » de 154 euros, et ce alors même qu'il est constant qu'aux dates de souscription de ces prêts, et depuis au moins l'année 1997, Monsieur et Madame X... avaient déjà souscrit ensemble ou séparément plus de 60 prêts, pour un encours global excédant 480.000 euros et moyennant un remboursement mensuel total de l'ordre de 11.000 euros.
« Ces déclarations nécessairement mensongères et qui ne peuvent s'expliquer, s'agissant de Madame X..., par l'état dépressif et par les troubles obsessionnels compulsifs pour lesquels elle est suivie médicalement depuis 1997 suivant les certificats médicaux produits, caractérisent la mauvaise foi des débiteurs telle que précédemment définie, et ce d'autant plus qu'en l'occurrence, les deux prêts d'un montant total de 8.500 euros contractés auprès de LA BANQUE FRANCAISE n'étaient pas destinés, contrairement à ce que déclarait Madame X..., à couvrir les emprunts précédemment souscrits, mais étaient affectés à l'achat de meubles à MOBALPA pour le premier et d'appareils ménagers au forum du bail pour le second.
Monsieur X... ne peut par ailleurs prétendre avoir ignoré la souscription d'une partie des prêts déclarés et, par là même, l'état d'endettement de son couple, dans la mesure :
- où il convient de présumer, au vu des tableaux d'amortissement édités à son seul nom par C2C et par la CG MER ainsi que des courriers de CETELEM du 23/01/2008 et de FACET du 24/01/2008 qui lui étaient personnellement adressés et qu'il a lui-même communiqués à la Commission de surendettement, que les prêts visés par ces documents avaient été souscrits par lui seul ;
- où il est constant qu'il a souscrit en janvier 2007 auprès de CITROËN FINANCEMENT l'offre de location avec option d'achat du véhicule du couple ;
- où il est constant, au vu des relevés de compte produits et de ses déclarations mêmes, que l'ensemble des sommes prêtées et des mensualités de remboursement des prêts contractés étaient, pour les premières, virées, pour les secondes prélevées sur le compte bancaire commun du couple ouvert au LCL ;
- où le montant total de l'encours, qui s'élève sur une dizaine d'années à la somme de 481.969,57 €uros, a nécessairement amélioré le train de vie du couple ou a, pour le moins, permis des dépenses que ses ressources n'autorisaient pas et dont Monsieur X... n'a pu dès lors manquer de s'apercevoir ;
- où, sauf à faire preuve d'une inconséquence certaine, Monsieur X... se devait d'être particulièrement vigilant quant à la situation financière de son couple, connaissant à l'évidence les troubles dont souffrait son épouse depuis plusieurs années.
« La mauvaise foi de Monsieur et Madame X... ainsi caractérisée interdit à ces derniers de bénéficier de la procédure de surendettement instituée par les articles L.330-1 et suivant du Code de la consommation.
Ils seront en conséquence déclarés irrecevables de ce chef. »
ALORS D'UNE PART QUE, en présence d'une contestation de sa signature par une partie, il appartient au juge de procéder à la vérification de l'écrit contesté, après avoir enjoint aux parties, s'il y a lieu, de produire tous documents de comparaison ; Qu'en la présente espèce, où le Juge de l'exécution a expressément constaté dans l'exposé des prétentions et moyens des exposants, que Monsieur X... déniait sa signature pour certains des prêts en invoquant le fait que son épouse avait imité cette signature, il ne pouvait écarter cette contestation au seul motif que l'imitation de signature dont il excipe ne résulte d'aucun autre élément que les allégations de son épouse ; Que, ce faisant, il a violé l'article 1324 du Code civil, ensemble les articles 287 et 288 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le Juge de l'exécution avait expressément relevé dans l'exposé des prétentions et moyens des parties que les exposants se défendaient d'avoir fait preuve de mauvaise foi dans la mesure où les prêts contractés par Madame X... étaient liés non seulement à ses troubles psychiatriques mais également à la nécessité pour elle d'assurer le remboursement des prêts antérieurs ; Qu'en déclarant Madame X... de mauvaise foi au seul motif qu'elle avait fait des déclarations mensongères lors de la souscription de trois crédits qui ne pouvaient s'expliquer par les troubles pour lesquels elle est suivie médicalement depuis 1997, deux de ces prêts n'étant en outre pas destinés à couvrir des emprunts précédemment souscrits, le Juge de l'exécution, qui n'a pas suffisamment caractérisé l'élément intentionnel de l'absence de bonne fois chez Madame X..., n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.330-1 du Code de la consommation ;
ALORS ENFIN QUE l'absence de bonne foi est appréciée par le juge au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue ; Qu'en la présente espèce, où le Juge de l'exécution avait constaté dans l'exposé des prétentions et moyens des parties que Monsieur X... avait pris, fin 2007 début 2008, les mesures nécessaires pour interdire toute nouvelle dépense à son épouse et qu'ils faisaient valoir qu'ils avaient déjà vendu leur véhicule, il ne pouvait statuer sans tenir compte de ces éléments ; Qu'en retenant la mauvaise foi des exposants au seul visa des déclarations mensongères faites lors de la souscription de trois prêts en 2007 et de l'ensemble des crédits contractés sur une durée de 10 ans, le Juge de l'exécution a violé l'article 455 du Code de procédure civile.