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09/02/2010 | FRANCE | N°09-81399

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 février 2010, 09-81399


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... Christian, assisté de son curateur, L'UDAF 82, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 30 octobre 2008, qui a dit n'y avoir lieu à suivre contre Laurent Y... du chef de violences aggravées ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale, 2, 3, 6, 13 et 1

4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamental...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... Christian, assisté de son curateur, L'UDAF 82, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 30 octobre 2008, qui a dit n'y avoir lieu à suivre contre Laurent Y... du chef de violences aggravées ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale, 2, 3, 6, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Laurent Y... ;

"aux motifs que le 30 octobre 2005, Christian X... déposait plainte avec constitution de partie civile contre le caporal chef Laurent Y... suite aux faits ayant eu lieu dans les locaux de la gare d'Austerlitz, le 3 novembre 2004 ; que le plaignant reprochait au militaire d'avoir tiré sur lui avec une arme de dotation, un « Famas » de calibre 5,56 mm, et de l'avoir blessé, lors d'une patrouille effectuée dans le cadre du plan « Vigipirate » ; que les faits avaient été l'objet d'une enquête diligentée par les enquêteurs de la brigade criminelle et classée sans suite par le procureur de la République de Paris estimant qu'il y avait eu légitime défense ; qu'initialement, le mercredi 3 novembre 2004, vers 18h50, les trois militaires composant la patrouille commandée par le caporal chef Laurent Y... étaient pris à partie par le nommé Christian X... ; que celui-ci, reconnu psychotique paranoïde, interné à l'époque à l'hôpital psychiatrique de Maison Blanche était en fugue depuis le 6 octobre 2004 ; que son état nécessitait un traitement médical régulier ; qu'il avait déjà par le passé commis deux agressions sur des personnes en uniforme, agent de la SNCF en janvier 2003 et militaire de patrouille à la gare Montparnasse le 1er juin 2004 ; que l'expertise psychiatrique le présentait comme un individu physiquement impressionnant – 1,81m pour 75kg – dangereux en cas de défaut d'encadrement ou de cessation de traitement médicamenteux, ce qui était le cas au moment des faits et indiquait que le fait d'agresser un militaire, en relation avec un processus persécutif de peur et la nécessité ressentie de détruire le danger qui survenait, en affrontant sa peur pour l'évincer, la détruire ou l'éliminer en y mettant toutes ses forces, toute sa hargne, toute sa haine, pouvait expliquer la surprise des militaires devant une telle agression ; qu'en conclusion le psychiatre déclarait tout à fait possible, compte tenu de sa pathologie, que le sujet ait pu développer au moment des faits une force décuplée rendant sa maîtrise par des tiers difficile, voire impossible ; qu'en ce qui concerne le déroulement des faits proprement dits, le soldat Aurélien Z... expliquait qu'il avait été pris à partie par Christian X..., qui l'avait empoigné brutalement par son uniforme et lui avait porté des coups ; que le soldat Moussa A... lui venait en aide et pendant l'échauffourée, l'agresseur tentait de s'emparer des armes d'Aurélien Z... et de Moussa A... ; que ce dernier subissait lui aussi des violences physiques pendant que son collègue faisait lâcher prise à l'agresseur en tirant sur son arme d'un coup sec ; que les deux militaires, gênés par leur armement, ne parvenaient pas à le maintenir malgré l'usage de la force et les coups portés à l'agresseur avec la crosse de leur arme au visage et au thorax ; que la rixe se poursuivait au sol sans que les deux militaires arrivent à le neutraliser ; que le troisième militaire chef du groupe, resté en protection à quelques mètres, voyait ses hommes agressés sans motif, tenter sans succès de repousser les assauts de l'individu qui voulait s'emparer des armes ; qu'il engageait alors son chargeur dans son Famas, en dégageait la sécurité et demandait à ses collègues de s'écarter ; que voyant que Christian X... se relevait, il lui criait à trois reprises « halte ou je fais feu », puis tirait en l'air pour impressionner l'agresseur ; qu'une rafale de trois cartouches atteignait le plafond ; que ces sommations restaient sans effet, Christian X... n'ayant perçu, selon l'expert psychiatre, ni la sommation ni le tir de sommation, son état mental l'empêchant d'apprécier la situation et même de la mémoriser, ce que confirmait l'état d'agressivité développée à l'égard des militaires ; que Laurent Y... pointait alors son arme en direction de la partie civile et lui intimait l'ordre à plusieurs reprises de se mettre à plat ventre ; que comme celui-ci se relevait et se dirigeait vers lui, une main dans la poche l'autre dressée, le poing serré, le chef de groupe se sentait menacé, pensait que son agresseur voulait s'emparer de son arme et tirait, disait-il, une rafale de trois projectiles, en tir « bas » sous les organes vitaux, dont deux atteignaient Christian X... au niveau de la fosse iliaque gauche ; que Laurent Y... déclarait avoir laissé son arme en mode tir par rafale après les sommations ; qu'il confirmait ne pas s'être servi de la radio pour appeler au secours, faute de temps pour le faire et pour ne pas perdre le contact avec ses hommes ; que rien ne laissait supposer que le forcené était armé ; qu'aucun des témoins présents n'avait signalé la présence d'une arme ou d'un élément susceptible d'évoquer la présence d'une arme quelle qu'elle soit ; que selon les témoins, Christian X... s'était battu très violemment sans s'exprimer et s'était avancé vers Laurent Y... soit pour lui prendre son arme, soit pour le frapper ; que Christian X... était incapable de fournir une description du déroulement des faits cohérente, affirmant n'avoir eu affaire qu'à un seul militaire ; que l'expertise médicale le concernant concluait à un délabrement important de la cavité pelvienne, à la création d'une vessie et d'un anus artificiels avec pose de poches et à une impuissance sexuelle définitive ; que le médecin évaluait l'incapacité en résultant à 45% constituant une infirmité permanente et considérait que l'état de la partie civile nécessitait une surveillance infirmière quotidienne ; que la COTOREP évaluait son invalidité à 80% ; que le mis en cause, qui n'avait, comme ses collègues, reçu aucune formation particulière au maintien de l'ordre, qui ne disposait d'aucun équipement spécifique autre que son fusil d'assaut de dotation et qui n'était accompagné d'aucun policier ou autre membre de service d'ordre, a strictement obéi aux consignes de sa hiérarchie militaire ; que les trois intervenants évoquent tous la détermination de leur agresseur et le fait que malgré les coups qui lui étaient portés et ses chutes au sol, il faisait preuve d'une force supérieure à la normale et ne semblait pas susceptible d'être arrêté ou maîtrisé ; que les deux adjoints du prévenu n'y sont d'ailleurs pas parvenus ; que face à une attaque manifestement injustifiée envers les militaires de son groupe et la rapidité avec laquelle la scène se déroulait ainsi que le confirment les témoins, le mis en examen a respecté les consignes en faisant les sommations d'usage et en tirant une rafale en l'air pour tenter d'intimider l'individu ; que l'état de folie manifeste de Christian X..., sa détermination, l'extrême violence de son comportement, l'impossibilité dans laquelle les militaires se sont trouvés de le maîtriser ont pu légitimement faire penser au mis en examen que le seul moyen d'assurer sa défense, celle de ses collègues et de l'ensemble des personnes présentes dans la gare à ce moment était de l'empêcher de s'emparer de son arme qui était chargée et armée et d'en faire un usage incontrôlable au péril de la vie d'autrui ; que l'unique moyen d'y parvenir, les moyens de contrôle physique ayant échoué, était de le neutraliser en faisant usage de son arme, ce que le mis en cause a fait en tirant en partie basse de l'agresseur ; que ce tir avait pour but et a eu pour résultat de neutraliser physiquement le forcené sans mettre sa vie en péril, quand bien même les tirs, à raison du manque de précision de l'arme de guerre utilisée, inappropriée à la mission, n'ont pas atteint la partie du corps visée ; qu'au vu des éléments de l'espèce qui constituent des circonstances exceptionnelles, les moyens de défense utilisés étaient proportionnés à la gravité de l'atteinte et ne dépassaient pas les limites rendues nécessaires par la défense légitime de soi-même ou d'autrui ;

"alors que, d'une part, en ne répondant pas aux articulations essentielles du mémoire qui faisait valoir que Laurent Y... ne pouvait invoquer les consignes données par sa hiérarchie, telles qu'elles étaient notamment formulées dans l'instruction du 3 novembre 2004 et ses annexes, selon lesquelles le tir, autorisé dans les situations limitativement décrites par l'instruction, ne pouvait être effectué qu'au coup par coup et le fusil Famas devait être armé en cette position au début de la patrouille, dans la mesure où Laurent Y..., précisément, n'avait pas respecté lesdites consignes et où en tout état de cause celles-ci ne pouvaient légalement créer une autorisation de recourir au tir pour la sauvegarde d'une arme, l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

"alors que, d'autre part, en retenant que Laurent Y... avait pu légitimement penser que le seul moyen d'assurer sa défense, celle de ses collègues et des usagers de la gare, face à l'état de « folie », à la détermination et l'extrême violence de Christian X... et de l'impossibilité pour les deux soldats de le maîtriser, était de l'empêcher de s'emparer de son arme qui était chargée et armée et d'en faire un usage incontrôlable, ce qui ne pouvait être réalisé que par des tirs, sans répondre aux articulations essentielles du mémoire de Christian X..., selon lequel Laurent Y..., officier de l'armée de terre, avait commis une série d'erreurs en s'abstenant, tout au long de la rixe, d'activer la liaison radio avec les forces de police et de demander du renfort, puis en approvisionnant son fusil et en l'armant en position rafale pendant que ses soldats tentaient de maîtriser Christian X... au sol à coups de crosse, enfin en leur intimant l'ordre de lâcher celui-ci et de s'écarter afin de dégager une ligne de tir et de le mettre en joue, l'arme de guerre approvisionnée maintenue en position rafale, de sorte que la situation immédiate de danger à laquelle Laurent Y... avait entendu parer par les tirs n'était que le fruit de ses décisions inadaptées et dangereuses, ces tirs n'étant dès lors, du début à la fin, aucunement justifiés par l'attaque et la dangerosité réelles de Christian X..., civil isolé, non armé et s'avançant au mieux une main dans la poche après avoir reçu des coups sans avoir lui-même réussi à blesser les soldats Z... et A..., auxquelles la tactique de riposte du caporal Laurent Y... était dès lors disproportionnée, l'arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour infirmer l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction et dire n'y avoir lieu à suivre contre Laurent Y... du chef de violences aggravées, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que le mis en examen avait agi en état de légitime défense et qu'il n'existait, en conséquence, pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;

Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;

Par ces motifs :

DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-81399
Date de la décision : 09/02/2010
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 30 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 fév. 2010, pourvoi n°09-81399


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Roger et Sevaux, SCP Tiffreau et Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.81399
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