LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été, jusqu'au 31 août 2005, le gérant de la Sarl Meubles Martel, mise en redressement judiciaire par jugement du 6 septembre 2005 ; que par jugement du 7 septembre 2006, le tribunal a ordonné une expertise judiciaire pour procéder à l'évaluation des droits sociaux de M. X..., en vue de leur cession forcée ; que par un jugement du 8 mars 2007, le tribunal a ordonné la cession forcée des droits sociaux de M. X... au prix de 78 000 euros selon l'évaluation de l'expert judiciaire ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 621-59 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article 41, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la qualité de dirigeant, de droit ou de fait, du détenteur des actions ou des parts sociales dont le tribunal peut ordonner la cession lorsque la survie de l'entreprise le requiert, s'apprécie à la date du jugement qui ordonne cette cession ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... n'avait plus la qualité de dirigeant à la date à laquelle le tribunal a ordonné la cession des parts sociales, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1843-4 du code civil ;
Attendu que pour statuer encore comme il fait, l'arrêt se fonde sur les conclusions de l'expert désigné par le tribunal ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux en vertu des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, appartient au seul président du tribunal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Martel Meubles et Mmes Y... et Z..., ès qualités, et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la cession forcée des parts détenues par Monsieur X... au profit de Madame A..., pour la somme de 78.000 €, conformément au rapport d'expertise de Monsieur B..., expert désigné par le Tribunal de commerce de SAINTES ;
AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, aux termes du jugement entrepris, « l'article L. 621-59 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 (sic) dispose « lorsque la survie de l'entreprise le requiert, le Tribunal, à la demande de l'administrateur, du procureur ou d'office, peut subordonner l'adoption du plan de cession forcée des actions ou parts sociales, le prix de cession étant fixé à dire d'expert » ; qu'il y a donc lieu d'ordonner la cession forcée des parts de Monsieur X... au profit de Madame A... au prix de 78.000 € » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué « il convient de constater, au regard des moyens développés par Monsieur X..., - tout d'abord sur le stock, que l'expert a choisi, en raison de l'incertitude pesant sur l'exactitude du stock figurant au bilan établi au 31 décembre 2005, de retenir, dans la recherche de la valeur de la SARL MEUBLES MARTEL selon l'approche patrimoniale, une valeur corrigée réalisée à partir de la marge brute moyenne dégagée au terme des exercices 2003 et 2004 ce qui compensait la provision pour dépréciation du stock comptabilisée au 31 décembre 2005, - ensuite sur l'évaluation du patrimoine immobilier, que l'expert s'est fondé sur deux estimations réalisées par des notaires qui prennent toutes les deux en compte, contrairement à ce que soutient Monsieur X..., l'existence d'un système de dépoussiérage et d'un terrain aménagé joignant les constructions, - par ailleurs, sur le bilan arrêté au 31 décembre 2005, que les critiques de Monsieur X... sont sans portée dès lors que l'expert judiciaire a établi, par plusieurs méthodes dont la pertinence n'est pas contestée par l'appelant, que la « valeur comptable » de l'entreprise était largement négative, - et, enfin, que la valeur globale de la SARL MEUBLES MARTEL a été fixée, non pas après l'application d'un abattement de 50%, mais en fonction de la moyenne arithmétique de sa valeur patrimoniale (soit 467.077 euros) et de sa valeur calculée à partir du rendement de l'entreprise (égale à zéro), - qu'il résulte de tout ceci que les moyens d'appel de Monsieur X... étant ainsi mal fondés, il doit en conséquence être débouté tant de sa demande tendant à faire fixer la valeur de ses parts sociales à la somme de 230.000 euros que de sa demande tendant à la désignation d'un nouvel expert que rien ne justifie ; que sur la demande de sursis à statuer il n'est produit aux débats qu'une plainte adressée au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Saintes sans précision sur les suites qui lui ont été données ; que cette demande sera en conséquence rejetée, rien ne permettant de constater que l'action publique a bien été engagée des chefs des faits que cette plainte dénonce ; que le jugement sera en conséquence purement et simplement confirmé et Monsieur X... condamné, en équité, à payer à la SARL MEUBLES MARTEL et à Maître Y..., en qualité, la somme de 2.000 euros à chacune en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ALORS en premier lieu QUE la cession forcée autorisée par l'article L. 621-59 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ne peut s'appliquer qu'aux parts du dirigeant social ; qu'en ordonnant la cession forcée des parts de Monsieur X..., associé minoritaire de la SARL MEUBLES MARTEL mais non gérant de celle-ci, pour la somme de 78.000 €, aux motifs adoptés des premiers juges que « l'article L. 621-59 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 (sic) » l'autorise et qu'il « y a donc lieu d'ordonner la cession forcée des parts sociales de Monsieur X... au profit de Madame A... au prix de 78.000 € » (jugement entrepris, p. 4), la Cour d'appel a violé le texte cité ;
ALORS en deuxième lieu QU'avant d'ordonner la cession forcée des parts de Monsieur X... au profit Madame A..., le Tribunal de commerce a désigné un expert afin d'évaluer la valeur desdites parts puis a retenu l'évaluation de 78.000 € contestée par Monsieur X... ; qu'en confirmant le jugement entrepris sur l'évaluation retenue, sans que, en l'état de la contestation existant entre les parties, la valeur des parts litigieuses ait été déterminée par un expert désigné soit par les parties soit, à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du Président du Tribunal statuant en la forme des référés, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du Code civil, ensemble l'article L. 621-59 ancien du Code de commerce ;
ALORS en troisième lieu QUE l'associé exclu de la société a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux ; qu'en jugeant que la valeur de 78.000 € avait été valablement retenue en divisant par deux la valeur de l'actif net de la SARL MEUBLES MARTEL, pour effectuer « la moyenne arithmétique de sa valeur patrimoniale (soit 467.077 euros) et de sa valeur calculée à partir du rendement de l'entreprise (égale à zéro) », la Cour d'appel, qui a divisé par deux la valeur réelle des parts sociales de Monsieur X..., a violé les articles L. 223-2 et L. 621-59 du Code de commerce.