LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 22 octobre 2008 ) rendu sur renvoi après cassation (2e chambre, 18 janvier 2007, n° Z 05-21.777), que la caisse régionale de crédit agricole de la Corse (la caisse) ayant engagé des poursuites de saisie immobilière à l'encontre de Mme X..., en sa qualité de garante hypothécaire des concours financiers consentis à son mari, celle-ci a assigné la caisse en nullité du cautionnement pour absence de cause, erreur et dol, ainsi qu'en réparation du préjudice résultant du défaut d'information et de conseil ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de toute ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en rejetant sa demande sans rechercher si elle était une caution avertie et si elle ne devait en conséquence pas être mise en garde par la caisse sur le fait que les prêts qu'elle avait accepté de garantir n'étaient destinés qu'à combler artificiellement d'anciens découverts qui ne cessaient de s'aggraver, aux motifs inopérants qu'elle aurait dû s'informer elle-même et qu'elle avait nécessairement été avertie par le notaire ayant participé à la rédaction des actes litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que Mme X... exposait, pour établir son erreur sur la destination des prêts garantis et sur la solvabilité du débiteur ayant vicié son consentement, avoir toujours été maintenue dans la croyance que chacun des deux prêts cautionnés correspondait à de nouveaux apports financiers supposant le versement effectif de fonds au profit de l'emprunteur, et non au comblement artificiel et purement comptable d'anciens découverts qui ne cessaient de s'aggraver ; qu'en jugeant que le cautionnement du 22 février 1993 portait sur un prêt de restructuration, formule qui selon elle ne permettait pas le moindre doute sur la nature du prêt compte tenu de son degré d'instruction, l'acte cité ne précisant pourtant rien d'autre que cette simple mention prêt de restructuration et n'indiquant à aucun moment qu'il ne consistait qu'en un comblement des prêts antérieurs, prêts antérieurs auxquels il n'était fait aucune référence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ;
3°/ qu'elle exposait, pour établir la réticence dolosive de la caisse, avoir toujours été maintenue dans la croyance que chacun des deux prêts cautionnés correspondait à de nouveaux apports financiers supposant le versement effectif de fonds au profit de l'emprunteur, et non au comblement artificiel et purement comptable d'anciens découverts qui ne cessaient de s'aggraver ; qu'en jugeant que le cautionnement du 22 février 1993 portait sur un prêt de restructuration, formule qui selon elle ne permettait pas le moindre doute sur la nature du prêt compte tenu de son degré d'instruction, l'acte cité ne précisant pourtant rien d'autre que cette simple mention prêt de restructuration et n'indiquant à aucun moment qu'il ne consistait qu'en un comblement des prêts antérieurs, prêts antérieurs auxquels il n'était fait aucune référence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
4°/ qu'en jugeant, pour nier tout vice du consentement de Mme X..., que l'acte de consolidation du 23 février 1995 avait été conclu en l'étude d'un notaire et que celui-ci avait nécessairement donné aux parties les conseils et mises en garde utiles , sans à aucun moment vérifier si tel avait bien été le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 et 1116 du code civil ;
5°/ qu'en jugeant que Mme X... ne pouvait soutenir qu'elle ignorait la situation de l'entreprise et les risques qu'elle encourait en se portant caution hypothécaire, parce qu'elle avait précédemment participé à la signature de cautionnements sur des sommes de plus en plus importantes, sans à aucun moment considérer le fait qu'elle n'avait justement jamais été informée que les prêts ainsi garantis n'avaient eu pour objet que de combler artificiellement les découverts passés et non pas de procurer des fonds nouveaux au débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 et 1116 du code civil ;
6°/ que la réticence dolosive rend excusable l'erreur provoquée ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande d'annulation des garanties litigieuses pour réticence dolosive et pour erreur au motif qu'il lui appartenait de s'informer auprès de son mari des motifs justifiant l'engagement de ses biens propres dans le cadre d'une caution hypothécaire, la cour d'appel a violé les articles 1110 et 1116 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire la dette d'autrui, n'est pas un cautionnement et que, s'agissant d'une hypothèque sur des biens, elle est limitée à ces biens et nécessairement adaptée aux capacités financières du constituant et aux risques de l'endettement né de l'octroi du crédit ; que la caisse n'étant dès lors pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard du constituant, que celui-ci soit ou non averti, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche demandée, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que Mme X... ne pouvait ignorer que le prêt consistait en une consolidation de l'encours de M. X... afin de sauvegarder l'activité de son entreprise et, par motifs propres, que la formule ayant trait au prêt de restructuration ne permettait pas le moindre doute sur la nature du prêt compte tenu du degré d'instruction de Mme X..., l'arrêt retient que cette dernière a donné son consentement en toute connaissance de cause ; qu'en l'état de ces constations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la vérification inopérante évoquée à la quatrième branche, dès lors que le notaire instrumentaire était un tiers au contrat, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel n'a pas rejeté la demande d'annulation des garanties pour réticence dolosive au motif qu'il appartenait à Mme X... de s'informer auprès de son mari des motifs justifiant l'engagement de ses biens propres dans le cadre d'une garantie hypothécaire mais parce qu'il ne pouvait être reproché à la caisse une réticence dolosive à l'égard de Mme X... ayant provoqué son engagement ;
D'où il suit que le moyen, manquant en fait en sa sixième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... épouse X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Madame Y... reproche essentiellement au CREDIT AGRICOLE un défaut d'information et de conseil lors des deux prêts de consolidation, le premier du 2 février 1993 qui portait sur 700.000 francs, le second du 23 février 1995 d'un montant de 2.120.000 francs ; qu'il convient de relever en ce qui concerne le prêt du 2 février 1993 que ce prêt faisait suite à trois prêts dont une ouverture de crédit pour laquelle Madame X... s'était portée caution solidaire à hauteur de 150.000 francs ; que compte tenu du programme de construction de villa, ce prêt de consolidation de 700.000 francs seulement n'était disproportionné ni aux capacités de remboursement des époux X... ni d'ailleurs au coût et aux bénéfices escomptés de l'opération ; qu'à cet égard, l'acte intervenu sous forme notariée, offrant aux parties y compris à la caution la garantie de conseils éclairés de la part du notaire qui n'a d'ailleurs pas été appelé en la cause, précisait bien qu'il s'agissait d'un prêt de « restructuration », formule qui en toute hypothèse ne permettait pas le moindre doute sur la nature du prêt compte tenu du degré d'instruction de Madame X... ; que cela est si vrai que lorsque la situation de Monsieur X... s'est aggravée du fait d'invendus, Madame X... s'est vue délivrer le 2 novembre 1994 une sommation interpellative reprenant le montant des sommes dues de manière suffisamment claire ainsi que le souligne le Tribunal ; qu'à la suite de cette sommation, des négociations sont intervenues entre la banque et les époux X... ; qu'il est significatif sur ce point d'une part que les deux époux aient donné leur accord préalable pour affecter leurs biens en garantie et qu'ils aient rempli le dossier contenant l'évaluation de leur patrimoine s'élevant hors crédits à 4.980.000 francs ; que dès lors en signant l'acte de consolidation de prêt du 23 février 1995 en l'étude de Maître Z... qui avait conclu les négociations et qui a nécessairement donné aux parties les conseils et mises en garde utiles, si tant est qu'elles aient été nécessaires après la négociation, les époux X... étaient tout à fait conscients de la portée de leurs engagements ; que sur ce point Monsieur X... a délivré à son épouse une attestation aux termes de laquelle il affirme avoir signé lui-même tous les documents y compris les déclarations fiscales laissant son épouse dans l'ignorance totale de sa situation exacte pour la tranquilliser ; que cependant force est de constater d'une part que la sommation interpellative n'a été remise à l'étude de l'huissier à Monsieur X... que parce qu'il était porteur d'un mandat de son épouse, que Madame Y... ne peut raisonnablement soutenir qu'elle ignorait la situation difficile de l'entreprise et des risques qu'elle encourait en se portant caution hypothécaire alors qu'en moins de trois ans elle avait participé à la signature d'actes, dont les deux derniers devant notaire, portant sur des sommes de plus en plus importantes ; qu'enfin il lui appartenait de s'informer auprès de son mari des motifs justifiant l'engagement de ses biens propres dans le cadre d'une caution hypothécaire ; que par ailleurs, il convient de souligner que l'acte de prêt notarié de consolidation du 23 février 1995, dont la cause licite est à la fois l'ouverture d'un crédit et le maintien des précédents, avait pour finalité de permettre la poursuite d'une opération de lotissement qui ne paraissait pas clairement vouée à l'échec, même si l'insuffisance de financement par des fonds propres à l'origine constituait une faiblesse récurrente ; que les attestations d'achèvement des maisons jointes au dossier de crédit permettaient raisonnablement d'espérer le redressement de cette opération ; qu'il n'est donc pas établi que la situation de Monsieur X... que son épouse aurait ignorée était irrémédiablement compromise à la date de souscription du prêt du 23 février 1995 et qu'il ne peut donc être reproché à la banque ni un soutien abusif, manifestement écarté lors de la procédure collective ni une réticence dolosive à l'égard de la caution ayant provoqué l'engagement de celle-ci ; qu'enfin, Madame X... ne peut logiquement affirmer que son engagement du 23 février 1995 aurait été disproportionné à son patrimoine et à ses revenus puisqu'il s'agissait d'une caution hypothécaire simple se substituant à une caution solidaire et laissant intacts ses revenus ; qu'il apparaît ainsi que l'action de Madame Y... en nullité de son engagement de caution ne peut prospérer ni sur le terrain de la cause (défaut ou erreur) ni sur celui de la réticence dolosive pas plus que sur l'erreur et qu'à défaut de faut démontrée, l'appelante ne peut prétendre à de quelconques dommages et intérêts » ;
ALORS en premier lieu QU'en déboutant Madame Y... de ses demandes à l'encontre de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE sans rechercher si elle était une caution avertie et si elle ne devait en conséquence pas être mise en garde par la banque sur le fait que les prêts qu'elle avait accepté de garantir n'étaient destinés qu'à combler artificiellement d'anciens découverts qui ne cessaient de s'aggraver, aux motifs inopérants que Madame Y... aurait dû s'informer elle-même et qu'elle avait nécessairement été avertie par le notaire ayant participé à la rédaction des actes litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS en deuxième lieu QUE Madame Y... exposait, pour établir son erreur sur la destination des prêts garantis et sur la solvabilité du débiteur ayant vicié son consentement, avoir toujours été maintenue dans la croyance que chacun des deux prêts cautionnés correspondait à de nouveaux apports financiers supposant le versement effectif de fonds au profit de l'emprunteur, et non au comblement artificiel et purement comptable d'anciens découverts qui ne cessaient de s'aggraver ; qu'en jugeant que le cautionnement du 22 février 1993 portait sur un prêt « de restructuration », formule qui selon elle ne « permettait pas le moindre doute sur la nature du prêt compte tenu du degré d'instruction de Madame X... » (arrêt, p. 5), l'acte cité ne précisant pourtant rien d'autre que cette simple mention « prêt de restructuration » et n'indiquant à aucun moment qu'il ne consistait qu'en un comblement des prêts antérieurs, prêts antérieurs auxquels il n'était fait aucune référence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;
ALORS en troisième lieu QUE Madame Y... exposait, pour établir la réticence dolosive de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE, avoir toujours été maintenue dans la croyance que chacun des deux prêts cautionnés correspondait à de nouveaux apports financiers supposant le versement effectif de fonds au profit de l'emprunteur, et non au comblement artificiel et purement comptable d'anciens découverts qui ne cessaient de s'aggraver ; qu'en jugeant que le cautionnement du 22 février 1993 portait sur un prêt « de restructuration », formule qui selon elle ne « permettait pas le moindre doute sur la nature du prêt compte tenu du degré d'instruction de Madame X... », l'acte cité ne précisant pourtant rien d'autre que cette simple mention « prêt de restructuration » et n'indiquant à aucun moment qu'il ne consistait qu'en un comblement des prêts antérieurs, prêts antérieurs auxquels il n'était fait aucune référence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
ALORS en quatrième lieu QU'en jugeant, pour nier tout vice du consentement de Madame Y..., que l'acte de « consolidation » du 23 février 1995 avait été conclu en l'étude d'un notaire et que celui-ci avait « nécessairement » donné aux parties les conseils et mises en garde utiles (arrêt, p.6§1), sans à aucun moment vérifier si tel avait bien été le cas, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 et 1116 du Code civil ;
ALORS en cinquième lieu QU'en jugeant que Madame Y... ne pouvait soutenir qu'elle ignorait la situation de l'entreprise et les risques qu'elle encourait en se portant caution hypothécaire, parce qu'elle avait précédemment participé à la signature de cautionnements sur des sommes de plus en plus importantes (arrêt, p. 6§3), sans à aucun moment considérer le fait que Madame Y... n'avait justement jamais été informée que les prêts ainsi garantis n'avaient eu pour objet que de combler artificiellement les découverts passés et non pas de procurer des fonds nouveaux au débiteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1110 et 1116 du Code civil ;
ALORS en sixième lieu QUE la réticence dolosive rend excusable l'erreur provoquée ; qu'en déboutant Madame Y... de sa demande d'annulation des garanties litigieuses pour réticence dolosive et pour erreur au motif qu'il lui « appartenait de s'informer auprès de son mari des motifs justifiant l'engagement de ses biens propres dans le cadre d'une caution hypothécaire » (arrêt, p. 6§3), la Cour d'appel a violé les articles 1110 et 1116 du Code civil.