LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 décembre 2008), rendu en matière de référé, que M. X..., salarié de la société Rhône-Isère BTP, licencié par courrier du 13 mars 2004, a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le 1er mai 2005, la société Rhône-Isère BTP a été dissoute et son patrimoine transmis à son associé unique, la société Moulin TP ; qu'un jugement du 19 janvier 2006, devenu irrévocable, ayant condamné la société Rhône-Isère BTP à payer une certaine somme à M. X..., celui-ci, invoquant la transmission universelle du patrimoine de la société Rhône-Isère BTP à la société Moulin TP, a demandé que cette dernière soit condamnée à titre provisionnel à lui payer cette même somme ;
Attendu que la société Moulin TP fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le moyen, qu'une créance de dommages-intérêts n'existe que du jour où elle est judiciairement constatée ; qu'ainsi, en retenant que "la dette existait au jour de la transmission puisque l'action en justice avait été engagée antérieurement", alors que la créance indemnitaire de M. X... n'existait que du jour du jugement du conseil de prud'hommes du 19 janvier 2006 condamnant la société Rhône-Isère BTP à lui verser une somme de 36 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et que ladite société n'avait pu, lors de sa radiation le 30 avril 2005, transmettre à son associé unique, la société Moulin TP, une dette qui n'existait pas alors dans son patrimoine, la cour d'appel a violé les articles 1844-5 du code civil et L. 236-3 du code de commerce ;
Mais attendu que le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage est causé ; qu'ayant relevé que le licenciement de M. X... était intervenu le 13 mars 2004 et que la société Rhône-Isère BTP avait été dissoute le 1er mai 2005, ce dont elle a exactement déduit que si la créance de M. X... n'avait été reconnue que le 19 janvier 2006, le fait générateur de cette créance était antérieur à la dissolution de la société Rhône-Isère BTP, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'obligation en résultant avait été incluse dans le passif transmis à la société Moulin TP ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Moulin TP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour la société Moulin TP
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le jugement du Conseil de Prud'hommes de LYON du 19 janvier 2006 commun et opposable à la SOCIETE MOULIN TP et d'avoir condamné celle-ci à payer à titre provisionnel à Monsieur X... une somme de 36.000 € en principal,
AUX MOTIFS QUE
« Il ressort des articles 1844-4, alinéa 2, du Code Civil et L 236-3 du Code de Commerce que, lors d'une transmission universelle de patrimoine, l'associé unique recueille l'intégralité du patrimoine de la société dissoute et se substitue à la société dissoute dans ses droits et obligations.
Ainsi, la SOCIETE MOULIN TP, société absorbante, ayant cause universel de la société absorbée qu'elle continue, peut se voir opposer l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 janvier 2006 devenu définitif.
Ce jugement reprend l'article L 122-14-4 du Code du Travail relatif à l'octroi d'une indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il s'agit donc d'une créance définie par la loi et dont l'existence remonte au jour de la demande.
Lorsque Lionel X... soutient ne pas avoir eu de titre exécutoire à la date de la publication de la dissolution, mais que sa créance existait puisqu'une procédure était en cours, il fait état d'un moyen de droit qui ne peut, conformément à l'article 1356 du Code Civil, valoir aveu judiciaire.
Dès lors que Lionel X... était au bénéfice d'une créance en germe dès la demande du 15 octobre 2004 devant la juridiction prud'homale et que, par l'effet de la transmission universelle de patrimoine, au jour de la dissolution, la créance de dommages-intérêts est entrée dans le passif du patrimoine cédé à la SOCIETE MOULIN TP, la créance même constatée après la publication au RCS et le jugement du 19 janvier 2006 sont opposables et communs à la SOCIETE MOULIN TP. De manière pertinente, le premier juge a d'ailleurs relevé que, si la créance en paiement avait été reconnue le 19 janvier 2006, le fait générateur de cette créance était antérieur à la dissolution de la société absorbée.
L 'obligation au passif social, et la jurisprudence est en ce sens, résultant de la transmission universelle de patrimoine, s'étend à toute obligation née du chef de la société absorbée, même si l'obligation n'a qu'un caractère virtuel au jour de sa dissolution, ne devenant certaine et exigible que postérieurement à cette date.
En l'espèce, la dette existait déjà au jour de la transmission puisque l'action en justice avait été engagée antérieurement, mais elle n'est devenue certaine et exigible qu'à compter du jugement du 19 janvier 2006 valant titre exécutoire »,
ALORS QUE
Une créance de dommages-intérêts n'existe que du jour où elle est judiciairement constatée ; qu'ainsi, en retenant que « la dette existait au jour de la transmission puisque l'action en justice avait été engagée antérieurement », alors que la créance indemnitaire de Monsieur X... n'existait que du jour du jugement du Conseil de Prud'hommes de LYON du 19 janvier 2006 condamnant la SOCIETE RHONE ISERE BTP à lui verser une somme de 36.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et que ladite société n'avait pu, lors de sa radiation le 30 avril 2005, transmettre à son associé unique, la SOCIETE MOULIN TP, une dette qui n'existait pas alors dans son patrimoine, la Cour d'Appel a violé les articles 1844-5 du Code Civil et L 236-3 du Code de Commerce.