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02/02/2010 | FRANCE | N°08-20150

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 février 2010, 08-20150


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a conclu avec la société Dubus (la société) une convention ayant pour objet l'ouverture d'un compte de dépôt, ainsi que la transmission d'ordres de bourse au sein de ce compte et opté pour le régime lui permettant de passer des ordres sur le service à règlement différé ainsi que des achats ou ventes à découvert ; que le compte ayant présenté une position débitrice, la société a vainement invité M. X... à reconstituer la couverture puis, après avoir liquidé ses positions, l'a assigné en paiement du solde débiteur ; que M. X.

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a conclu avec la société Dubus (la société) une convention ayant pour objet l'ouverture d'un compte de dépôt, ainsi que la transmission d'ordres de bourse au sein de ce compte et opté pour le régime lui permettant de passer des ordres sur le service à règlement différé ainsi que des achats ou ventes à découvert ; que le compte ayant présenté une position débitrice, la société a vainement invité M. X... à reconstituer la couverture puis, après avoir liquidé ses positions, l'a assigné en paiement du solde débiteur ; que M. X..., soutenant que la société avait commis diverses fautes lors de la conclusion et de l'exécution de la convention, a reconventionnellement demandé que cette société soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable, et 3-3-5 du règlement général du Conseil des marchés financiers, alors applicable ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... fondée sur la violation de l'obligation de la société de se renseigner sur la situation de son client, l'arrêt relève que ce dernier a indiqué avoir pris connaissance des annexes de la charte de la société et a répondu au questionnaire d'évaluation de ses aptitudes et de ses annexes, déclarant être un particulier, disposer d'une expérience suffisante en matière d'investissement, avoir une connaissance suffisante des produits financiers et des mécanismes boursiers, vouloir décider lui-même de ses investissements sans conseil et avoir pour objectif prioritaire de constituer un capital sur le long terme pour un investissement immobilier ; que l'arrêt en déduit que la société s'est enquise de l'expérience de M. X... en matière d'investissement et de ses objectifs, préalablement à l'ouverture de son compte, en lui fournissant tous les moyens lui permettant de répondre de manière éclairée, complète et sincère aux questions qui lui étaient posées sur l'étendue de ses connaissances en matière d'investissement boursier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte ni que la société avait, lors de l'ouverture du compte, procédé à l'évaluation de la compétence de M. X... s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, ni qu'elle lui avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... fondée sur la violation de l'obligation de la société de vérifier la situation financière de son client, l'arrêt relève que M. X... était un opérateur averti ayant décidé de gérer seul son portefeuille sans conseil, de sorte qu'il n'était établi aucun lien de causalité entre le manquement de la société à une telle obligation et le préjudice invoqué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le prestataire de services d'investissement, quelles que soient ses relations contractuelles avec son client, est tenu de s'enquérir de la situation financière de son client, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le troisième moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu qu'aux termes du second de ces textes, le prestataire de services d'investissement est tenu d'exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de ses clients et de l'intégrité du marché, ainsi que de se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de son activité, de manière à promouvoir au mieux les intérêts de son client et l'intégrité du marché ; qu'il résulte du premier qu'il est tenu de réparer les conséquences dommageables de l'inexécution de ces obligations ;
Attendu que pour rejeter la demande présentée par M. X... fondée sur la violation de l'obligation de couverture par la société, l'arrêt, retient que si cette dernière a commis un manquement aux règles de bonne conduite établies par l'Autorité des marchés financiers, en acceptant le report des positions du compte de son client jusqu'à une date indéterminée, sans prendre les mesures nécessaires à la couverture de la position de ce compte, M. X..., investisseur averti, est à l'origine de ces reports successifs qu'il a imposés à la société, de sorte qu'il ne peut justifier d'un lien de causalité entre le manquement constaté et le préjudice invoqué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Dubus aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la SA DUBUS la somme de 43. 995, 96 € arrêtée à la date du 10 octobre 2007 au titre du montant de l'insuffisance de couverture du compte n° 2234172500 à la date du 10 octobre 2007, sauf à parfaire en fonction de l'évolution des cours boursiers et d'avoir ce faisant rejeté la demande du susnommé tendant à voir condamner la société DUBUS à LUI payer une somme de 96. 466, 86 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L 553 – 4 du Code monétaire et financier, les prestataires de services d'investissement qui sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations, doivent « s'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés » ; qu'ils doivent « communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients » ; ces règles « doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services dtinvestissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu » ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE Monsieur Jean-Yves X... soutient que la SA DUBUS n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 533 — 4 du code monétaire et financier en ne vérifiant pas, lors de la conclusion du contrat, sa compétence technique et financière en matière d'investissement et que cette absence de vérification cependant qu'il était un néophyte en matière boursière est directement à l'origine de la déconfiture financière qu'il subit ; que cependant si en vertu de l'article L. 533 — 4 du code monétaire et financier, le prestataire de services d'investissement doit évaluer la compétence du client s'agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques que ces opérations peuvent comporter, en revanche, aucun formalisme particulier n'est exigé en ce qui concerne l'exécution de cette obligation ; qu'en l'espèce, il ressort de la convention d'ouverture de compte que pour obtenir la possibilité d'intervenir sur les marchés à terme, Monsieur Jean-Yves X... a dû répondre à un questionnaire d'évaluation de ses aptitudes ; que pour lui permettre de répondre de manière éclairée à ce questionnaire, l'annexe « évaluation des aptitudes » est complétée par deux annexes portant sur les « connaissances minimales » et les « techniques de marché » ; qu'il est en outre indiqué à la suite du questionnaire que Monsieur Jean-Yves X... peut consulter la rubrique « Evaluez vos aptitudes » sur dubus. fr et il lui est recommandé de lire les explications données sur les Risques et Techniques de marché, explications qui figurent dans l'annexe 2 « connaissances minimales » et l'annexe 3 « techniques de marché » ; que Monsieur Jean-Yves X... qui a indiqué avoir pris connaissance des annexes 1, 2 et 3 et a effectivement répondu au questionnaire d'évaluation de ses aptitudes, déclarant être un particulier, disposer d'une expérience suffisante en matière d'investissement, avoir une connaissance suffisante des actions, obligations, warrants et reports, vouloir décider lui-même de ses investissements sans conseil et avoir pour objectif prioritaire de constituer un capital sur le long terme pour un investissement immobilier ; qu'il a également porté sur le contrat les mentions manuscrites selon laquelle il « certifie avoir les connaissances suffisantes, boursières et techniques, pour passer des ordres en direct, avec ou sans fil, sur les marchés boursiers » ;
AUX MOTIFS QUE ce faisant la SA DUBUS s'est donc enquis de l'expérience de Monsieur Jean-Yves X... en matière d'investissement et de ses objectifs, préalablement à l'ouverture de son compte ainsi que l'y oblige l'article L. 533 — 4 du code monétaire et financier, en lui fournissant tous les moyens lui permettant de répondre de manière éclairée, complète et sincère aux questions qui lui étaient posées sur l'étendue de ses connaissances en matière d'investissement boursier, compte tenu de ses objectifs ; qu'au demeurant, il ne ressort pas des éléments du dossier que les renseignements fournis par Monsieur Jean-Yves X... sur ses connaissances en matière d'investissement n'étaient pas exactes alors qu'il apparaît à l'examen des avis d'opérés produits par la SA DUBUS qu'il a géré efficacement son compte portefeuille ; qu'en effet, il a commencé son investissement boursier en juin 2000 par des opérations au comptant et à terme sur quelques titres puis à partir de novembre 2000 et au cours de la période du 5 février au 21 février 2001, il a procédé uniquement à des opérations d'achat et de vente à terme de titres variés à raison de plusieurs opérations par jour en moyenne, en procédant à des achats et ventes en quantité importante (achat de 120 actions DANONE le 22 novembre 2000 au cours brut de 148 F revendues le lendemain au cours brut de 155, 80 F, achat le 12 février 2001 de 1200 actions ALCATEL au cours brut de 56, 20 F revendues le lendemain au cours brut de 57, 05 F...), en achetant parfois des quantités importantes dune même action plusieurs fois par jour (le 27 novembre 2000, achats de 1750, 5250 et encore 5250 actions SEMA GROUP...) et en réalisant parfois de nombreuses opérations d'achat et de vente en quantité importante d'une même action le même jour (le 9 février 2001 plus d'une dizaine d'achats et de ventes de quantités importantes d'actions SEMA GROUP...) ; qu'il ressort de l'historique du compte que les ordres passés par Monsieur Jean-Yves X... ont été judicieux puisque son compte présentait le 14 février 2001 un avoir réalisable de 30 215, 66 € que la dégradation de la couverture de son compte n'est intervenue que postérieurement au 21 février 2001, date des derniers ordres passés, le montant de l'avoir réalisable se trouvant en position débitrice le 3 mars 2001 puis revenant en position positive jusqu'au 17 mars 2001, date à partir de laquelle il s'est trouvé en position débitrice de façon constante en raison de la chute des cours boursiers ; que la diversification du portefeuille de Monsieur Jean-Yves X..., l'achat et la vente de quantités importantes de titres sur le marché à règlement différé, la réalisation de plusieurs opérations par jour en moyenne, dépassant parfois plus d'une dizaine d'ordres de vente et / ou d'achat au cours de la même journée, les opérations de trading effectuées par Monsieur Jean-Yves X..., la position positive de l'avoir réalisable de son compte pendant toute la période pendant laquelle il a passé des ordres jusqu'au 21 février 2001 révèlent qu'il est un opérateur averti, maîtrisant les règles de fonctionnement du marché à règlement différé et les mécanismes boursiers ainsi qu'il l'a déclaré lors de la souscription du contrat ; que par ailleurs que contrairement à ce que soutient Monsieur Jean-Yves X..., il a été clairement informé, lors de la souscription de la convention d'ouverture de compte, des risques inhérents aux opérations sur le marché à terme, en l'occurrence les opérations à règlement différé avec effet de levier et les opérations de vente a découvert, objets du contrat ; que l'annexe 3 de la convention intitulée « techniques de marché » décrit en effet d'une part le mécanisme de l'effet de levier du marché à règlement mensuel avec la technique de report de la liquidation des engagements, en rappelant la nécessité d'un dépôt de garantie (« couverture ») et d'autre part, le mécanisme de la vente à découvert en donnant un exemple chiffré et comparatif du risque inhérent à ce type d'opération, en attirant l'attention du souscripteur sur le montant illimité du risque de la vente a découvert, sur la nécessité de son maniement avec précaution et sur la couverture spéciale imposée par cette technique de marché ; qu'en outre, l'article 6 précise les obligations et règles relatives au versement et au maintien à niveau des couvertures des positions sur les différents marchés, avec les seuils minimaux exigés, règles dont Monsieur Jean-Yves X... a été informé puisque, par mention manuscrite apposée sur la convention d'ouverture de compte, il a déclaré « avoir pris connaissance des règles relatives à la couverture des positions que je suis susceptible de prendre sur les différents marchés » ; que de surcroît, une information complète sur les mécanismes du marché à règlement différé et les connaissances minimales nécessaires à l'investisseur ont été fournies à Monsieur Jean-Yves X... sur le site Internet de la SA DUBUS ; en sorte que Monsieur Jean-Yves X... ne peut donc reprocher à la SA DUBUS un défaut d'information préalable des risques encourus, ayant été informé de manière claire, précise et adaptée avec des termes accessibles et des exemples concrets des risques liés aux opérations à terme qu'il souhaitait réaliser, lors de la souscription du contrat ;
ALORS QUE D'UNE PART en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte ni que la société DUBUS ait, lors de l'ouverture du compte, procéder elle-même – le recours à un questionnaire particulièrement équivoque étant manifestement insuffisant à cet égard – à l'évaluation des compétences de Monsieur X... s'agissant de sa maîtrise effective des opérations spéculatives envisagées et les risques encourus dans ses opérations, ni qu'elle lui ait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation ; qu'en statuant de la sorte la Cour prive son arrêt de base légale au regard des articles 1147 du Code civil, ensemble des articles L 534 – 4 du Code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la cause et de l'article 3 – 3 – 5 du règlement général du Conseil des marchés financiers alors applicables ;
ALORS QUE D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE si l'obligation d'information et de conseil n'obéit pas à un formalisme particulier il n'en demeure pas moins que lors de la signature de la convention ayant pour objet l'ouverture d'un compte de dépôt, ainsi que la transmission d'ordres de bourse, étant observé que le client optait pour un régime lui permettant de passer des ordres sur le service à règlements différés ainsi que des achats ventes à découvert, la société DUBUS ne pouvait se contenter de renseignements fournis par le canal d'un questionnaire écrit se bornant à faire état de connaissances « suffisantes » du point de vue de son cocontractant qui eu égard à sa formation ne pouvait être considéré comme un professionnel ; qu'en ne procédant pas elle-même par un contact direct à l'évaluation des compétences du cocontractant s'agissant de la maîtrise effective des opérations susceptibles d'être conduites avec une connaissance avérée des risques encourus à l'occasion de ces opérations, cependant qu'il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt que la société DUBUS ait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation effective et objectivement fiable, la Cour prive de plus fort son arrêt de base légale au regard des articles cités au précédent élément de moyen ;
ET ALORS ENFIN QUE pour vérifier si un cocontractant a bien rempli son obligation d'information et de conseil lors de la formation et de la signature d'une convention ayant pour objet l'ouverture d'un compte de dépôt, ainsi que la transmission d'ordres de bourse pour un client ayant opté pour le régime lui permettant de passer des ordres sur le service à règlements différés, ainsi que les achats ou ventes à découvert, les juges du fond ne peuvent, pour affirmer que la banque n'avait en rien manqué à ses obligations d'information et conseil, raisonner à partir des conditions d'exécution du contrat ; qu'en déboutant Monsieur X... de ses demandes au motif central que le compte et les opérations avaient été menés régulièrement pendant une longue période pour en déduire que la société DUBUS ne pouvait se voir reprocher aucun manquement par rapport à son obligation d'information et de conseil lors de la formation du contrat, la Cour statue à partir d'une motivation radicalement inopérante et insuffisante et ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle au regard des articles 1147 du Code civil, L 534-4 du Code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la cause, de plus fort violés.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la SA DUBUS la somme de 43. 995, 96 € arrêtée à la date du 10 octobre 2007 au titre du montant de l'insuffisance de couverture du compte n° 2234172500 à la date du 10 octobre 2007, sauf à parfaire en fonction de l'évolution des cours boursiers et d'avoir ce faisant rejeté la demande du susnommé tendant à voir condamner la société DUBUS à lui payer une somme de 96. 466, 86 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean-Yves X... reproche également à la SA DUBUS de ne pas avoir vérifié sa situation financière et de l'avoir laissé agir imprudemment et de manière démesurée sur le marché des actions à terme cependant qu'il avait des revenus modestes ; que si la SA DUBUS s'est enquis de la profession de Monsieur Jean-Yves X..., celui-ci ayant déclaré être gérant de SCI sur la fiche d'identité que la SA DUBUS lui a fait remplir, en revanche il n'a été demandé à ce dernier aucun renseignement sur ses revenus et son patrimoine alors que le prestataire de services d'investissement a l'obligation de se renseigner sur la situation financière de ses clients ; que toutefois ce manquement de la SA DUBUS à son obligation de renseignement ne peut être en relation de cause à effet avec le préjudice allégué ; qu'en effet, il ressort des éléments du dossier que Monsieur Jean-Yves X... a effectué un apport bancaire initial de 35000 € (en trois virements intervenus les 5 juin, 5 juillet et 3 novembre 2000) ce qui démontre qu'il n'était pas sans ressources lorsqu'il a souscrit le contrat, contrairement à ce qu'il soutient sans en justifier ; qu'en outre, il disposait d'un patrimoine immobilier puisqu'il a proposé à la SA DUBUS en avril 2001 de réaliser un actif immobilier et qu'il résulte d'une part, d'un mandat de vente sans exclusivité en date du 18 avril 2001 qu'il était propriétaire d'un immeuble, composé de trois appartements, situé à Epinal et d'autre part, d'un compromis de vente dressé le 15 octobre 2002 par Maître Y..., notaire à Xertigny, qu'outre le fait qu'il était « chef d'entreprise », il était également propriétaire d'un bâtiment à usage industriel situé à Thunimont, immeuble dont la vente a été réalisée au prix principal de 130 000 € selon l'acte notarié du 31 mars 2004 ; que par ailleurs, il ressort des avis d'opérés et de l'historique du compte que les opérations initiées par Monsieur Jean-Yves X... qui étaient diversifiées, n'étaient ni exorbitantes ni disproportionnées à ses ressources puisqu'elles ont toujours été passées avec la couverture préalable requise, que la dégradation de la couverture n'est survenue que postérieurement au 21 février 2001, date des derniers ordres passés, en raison de la chute des cours boursiers et qu'à la date de l'apparition de l'insuffisance de la couverture, soit le 3 mars 2001 date à laquelle l'avoir réalisable présentait un solde négatif de 953, 77 €, Monsieur Jean-Yves X... disposait d'un patrimoine lui permettant de faire face à ses pertes ; qu'enfin, M. Jean-Yves X... étant un opérateur averti et ayant décidé de gérer seul son portefeuille sans conseil, la SA DUBUS n'avait aucune obligation de conseil à son égard pour le choix de ses opérations et ce d'autant qu'il ne s'agissait pas d'opérations exorbitantes, ni aucune obligation de le mettre en garde contre les risques liés à l'imprévisibilité du marché, Monsieur Jean-Yves X... ne pouvant ignorer les aléas de la bourse ; si bien que celui-ci ne démontre donc aucun lien de causalité entre le manquement de la SA DUBUS à son obligation de se renseigner sur sa situation financière et le préjudice qu'il invoque ;
ALORS QUE le prestataire de services d'investissements, quelles que soient ses relations contractuelles avec son client, est tenu de s'enquérir de la situation financière de celui-ci tant au regard de ses revenus que de son patrimoine ; qu'encourt la cassation pour violation de l'article 1147 du Code civil et de l'article L 533 – 4 du Code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à la cause, l'arrêt de la Cour qui après avoir relevé que la SA DUBUS avait omis de vérifier sa situation financière et n'avait sollicité aucun renseignement sur ses revenus et son patrimoine affirme l'absence de lien de causalité entre un manquement avéré et le préjudice invoqué en se contentant de faire état de la façon dont le compte a été approvisionné, de la surface financière du titulaire du compte et de la façon dont il a fonctionné cependant que le manquement à une obligation positive de renseignement lors de la formation du contrat avait nécessairement une incidence sur le préjudice souffert ; qu'en jugeant le contraire sur le fondement d'une motivation inopérante et insuffisante, la Cour viole les textes précités.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur Jean-Yves X... à payer à la SA DUBUS une somme de 43. 984, 96 € arrêtée à la date du 10 octobre 2007 au titre du montant de l'insuffisance de couverture du compte n° 2234172500 à la date du 10 octobre 2007, sauf à parfaire en fonction de l'évolution des cours boursiers et d'avoir rejeté la demande de Monsieur X... tendant à voir condamner la banque à lui payer à titre de dommages et intérêts une somme de 96. 466, 86 € ;
AUX MOTIFS QUE si la SA DUBUS n'a pas manqué à ses engagements contractuels dans la mesure où l'article 6 de la convention (qui dispose que « la société de bourse est en droit de procéder.... et se réserve le droit de « liquider d'office » les positions ») ne prévoit aucune obligation, mais seulement une faculté de liquider les positions, en revanche, elle a méconnu les règles de bonne conduite établies par l'autorité des marchés financiers pour garantir la protection des investisseurs et l'intégrité du marché, en acceptant le report des positions du compte de Monsieur Jean-Yves X... jusqu'à une date indéterminée sans prendre les mesures nécessaires pour que la position de son compte soit à nouveau couverte ; que toutefois, ce manquement de la SA DUBUS aux règles de bonne conduite ne peut être en relation de cause à effet avec le préjudice subi par Monsieur Jean-Yves X... alors qu'il ressort des éléments du dossier que ce dernier informé, lors de la souscription du contrat et de par sa qualité d'opérateur averti, mais également par les multiples courriers de relance et appels de marge, des risques liés à l'insuffisance de couverture et au report successif de ses positions, a imposé à la SA DUBUS de garder ses positions en lui demandant dans un premier temps d'attendre la mise en vente d'un actif immobilier qui devait permettre de combler l'insuffisance de couverture et en lui faxant le compromis de vente en lui demandant d'attendre la régularisation et la réalisation de la vente du bien immobilier puis en lui proposant des plans de versements programmés et en effectuant des versements d'espèces, manifestant constamment sa volonté de couvrir et de ne pas couper ses positions ; que Monsieur Jean-Yves X..., investisseur averti, étant à l'origine des reports successifs de ses positions qu'il a délibérément et sciemment imposés à la SA DUBUS ne justifie pas dans ces conditions de l'existence d'une relation de cause à effet entre le manquement à la règle de bonne conduite reproché à cette dernière et le préjudice qu'il invoque qui résulte de ses propres choix ;
ALORS QU'en sa qualité de professionnel la SA DUBUS ne pouvait méconnaître les règles de bonne conduite établies par l'autorité des marchés financiers pour garantir la protection des investisseurs et l'intégrité du marché, que la Cour retient qu'en acceptant le report des positions du compte jusqu'à une date indéterminée sans prendre les mesures nécessaires pour que la position dudit compte soit à nouveau couverte, la société DUBUS a manqué à ses obligations ; que cependant pour écarter le lien de causalité entre ce manquement et le préjudice souffert la Cour relève que le client a imposé à la société DUBUS de garder ses positions et que ledit client, investisseur averti ayant été à l'origine des reports successifs de ses positions qu'il a sciemment et délibérément imposé à la SA DUBUS ne justifie pas de l'existence d'une relation de cause à effet ; que ce faisant la Cour retient une motivation qui n'est pas de nature à justifier la solution retenue à partir du moment où le respect des règles de bonne conduite s'impose pour garantir non seulement la protection des investisseurs, mais également l'intégrité du marché, qu'ainsi la société DUBUS ne pouvait se dispenser de respecter ces règles en se croyant lié par les demandes et prises de position de son client ; qu'en statuant comme l'a fait la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, violés.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-20150
Date de la décision : 02/02/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 fév. 2010, pourvoi n°08-20150


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.20150
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