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28/01/2010 | FRANCE | N°08-41959

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 janvier 2010, 08-41959


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 février 2008), que M. X... a été engagé en 1968 comme OP1 par les établissement JJ Carnaud et Forges de Basse Indre, devenus la société Crown emballage France ; que sa situation professionnelle a progressé jusqu'en 1977, année à partir de laquelle il a occupé les fonctions de mécanicien régleur niveau 3 échelon 2 coefficient 255 jusqu'en 2005, date de son départ à la retraite ; que le salarié a été désigné délégué syndical en 1972 e

t a occupé diverses autres mandats représentatifs jusqu'en 2000 ; qu'alléguant q...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 26 février 2008), que M. X... a été engagé en 1968 comme OP1 par les établissement JJ Carnaud et Forges de Basse Indre, devenus la société Crown emballage France ; que sa situation professionnelle a progressé jusqu'en 1977, année à partir de laquelle il a occupé les fonctions de mécanicien régleur niveau 3 échelon 2 coefficient 255 jusqu'en 2005, date de son départ à la retraite ; que le salarié a été désigné délégué syndical en 1972 et a occupé diverses autres mandats représentatifs jusqu'en 2000 ; qu'alléguant que le brusque retrait de ses responsabilités de conducteur de ligne en 1979 et l'absence de toute progression professionnelle ultérieure à compter de cette date caractérisait une discrimination syndicale, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral en résultant ;
Attendu que la société Crown emballage fait grief à l'arrêt confirmatif de l'avoir condamnée au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen :
1° / que le droit au procès équitable inclut le principe d'égalité des armes qui interdit de faire peser sur une partie au procès une charge probatoire disproportionnée au regard de celle pesant sur son adversaire, compte tenu de la durée excessive de conservation des pièces qu'elle impliquerait ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas produire l'intégralité des documents relatifs à la situation des salariés de l'entreprise sur une période de 30 ans, pour le condamner au paiement de dommages-intérêts à titre de discrimination, tandis qu'elle n'exigeait de la part du salarié que de simples éléments de nature à étayer son allégation, la cour d'appel a méconnu les exigences du droit au procès équitable et violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2° / que la discrimination syndicale ne saurait s'évincer de la comparaison effectuée entre deux salariés qui ne sont pas placés dans une situation identique ; que ne sont pas placés dans une situation identique les salariés qui ne bénéficient pas du même coefficient de la convention collective applicable à l'entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant que M. X... n'alléguait une discrimination syndicale au regard de MM. Y... et Z... qu'au titre de la période postérieure à 1979 (cf. jugement entrepris p. 8, in fine) ; qu'elle faisait valoir qu'au cours de la période antérieure à cette date, le salarié n'avait reçu que le coefficient 225, tandis que les deux autres salariés bénéficiaient déjà du coefficient 240 dès le mois de mars 1977, s'agissant de M. Z..., et le mois de janvier 1978, s'agissant de M. Y... ; qu'elle en déduisait qu'une comparaison ne pouvait être effectuée entre ces salariés qui n'étaient plus placés dans une même situation dès avant la période au cours de laquelle M. X... prétendait avoir été discriminé (conclusions p. 16) ; qu'en affirmant que ces salariés " étaient tous trois dans une situation similaire " (jugement entrepris p. 10) pour retenir l'existence d'une prétendue discrimination de M. X... au regard de ces deux autres salariés, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que l'accession de MM. Y... et Z... à un coefficient supérieur à celui de M. X..., antérieurement à la période au cours de laquelle le salarié prétendait avoir été discriminé, les avait placés dans une situation différente de celle du demandeur, la cour d'appel a violé l'article L. 2141-5 du code du travail, ensemble le principe " à travail égal, salaire égal " ;
3° / qu'en tout état de cause que l'employeur peut justifier la disparité de traitement entre deux salariés placés dans une même situation par des motifs objectifs de distinction, tenant notamment à des différences de notation professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'employeur avait produit des fiches individuelles d'appréciation de MM. Y... et X... " pour la période de 1981 à 1986 qui révèlent que le premier était systématiquement mieux noté que le deuxième " (arrêt attaqué p. 7) ; qu'en excluant le critère des qualités professionnelles " comme explication certaine d'une meilleure progression ", faute pour l'employeur de produire la fiche individuelle d'appréciation de M. Z..., lorsqu'elle avait exclusivement calculé le préjudice allégué de M. X... au regard de M. Y..., dont la fiche d'appréciation était précisément produite aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-5 du code du travail ;
4° / que pour justifier la différence de traitement entre M. X... et MM. Y... et Z..., la société Crown emballages faisait encore valoir que le premier n'avait suivi que onze formations au cours de la période de 1978 à 2004, tandis que les seconds avaient suivi respectivement trente-deux et seize formations au cours de la seule période de 1983 à 2004 ; qu'au moyen des pièces internes relatives à la formation et de demandes de congé formation (productions n° 5 et 16), elle offrait de prouver que l'initiative de suivre une formation revenait à chaque salarié ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, " qu'il ressort des pièces relatives aux procédures internes de formation que cellesci nécessitaient l'accord du supérieur direct du salarié qui en sollicitait une " pour en déduire " qu'il n'est nullement certain que la moindre formation interne, en tout cas par rapport à M. Y..., soit exclusivement du fait de M. X... " (motifs du jugement entrepris p. 10) et en reprochant, par motifs propres, à l'employeur de n'avoir dispensé au salarié " que de petites formations d'adaptation à des postes sans qualification " (arrêt attaqué p. 6), sans nullement constater que l'employeur aurait refusé d'attribuer au salarié des formations que celui-ci aurait sollicitées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-5 du code du travail ;
5° / qu'enfin que le préjudice résultant de l'absence d'évolution professionnelle d'un salarié discriminé par son employeur est intégralement réparé par l'allocation de dommages-intérêts correspondant à la perte injustifiée de revenus ; que le juge ne saurait donc condamner l'employeur à des dommages-intérêts supplémentaires au titre du préjudice moral sans précisément caractériser un préjudice distinct de l'absence de progression de la carrière professionnelle ; qu'en condamnant la société Crown emballages à payer au salarié une somme de 10 000 euros en réparation d'un prétendu préjudice moral, sans relever d'autre chef de préjudice que " l'absence de progression professionnelle individuelle " qu'elle avait déjà réparé par l'allocation de dommages-intérêts équivalents à la perte de rémunération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2141-5 du code du travail et de l'article 1382 du code civil ; "
Mais attendu qu'eu égard à la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne concernée, l'aménagement légal des règles de preuve prévues par l'article L. 1134-1 du code du travail, ne viole pas le principe de l'égalité des armes ;
Et attendu ensuite que pour apprécier la réalité de la discrimination alléguée par le salarié, la cour d'appel a pu procéder à des comparaisons avec d'autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification et à une date voisine peu important que certains salariés aient bénéficié d'une promotion avant le début de la période de discrimination invoquée ;
Et attendu enfin que l'arrêt, après avoir constaté que le salarié, délégué syndical, avait été brusquement privé de responsabilités en 1979 et de toute évolution professionnelle pendant 26 ans, a retenu que l'employeur n'apportait pas la preuve des raisons objectives étrangères à toute discrimination justifiant cette situation ; qu'il a par ailleurs apprécié souverainement l'entier préjudice tant matériel que moral causé par la discrimination ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crown emballage France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Crown emballage France à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Crown emballage France.
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société CROWN EMBALLAGES à payer à Monsieur Jacques X... la somme de 133. 024, 28 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'une prétendue discrimination
AUX MOTIFS QUE les attestations produites par Jacques X... émanent d'anciens collègues de travail ou supérieurs hiérarchiques de ce salarié, et la société CROWN EMBALLAGES FRANCE s'étant abstenue de s'expliquer sur son allégation selon laquelle elles seraient manifestement de complaisance ou douteuses, cette prétention est inopérante ; qu'il ressort notamment de ces attestations que la fonction de conducteur d'une ligne complète de fabrication exercée par Jacques X... jusqu'en 1979 / 1980 le rendait responsable des salariés travaillant sur cette ligne (plus d'une dizaine) et des machines et lui conférait un rôle d'organisation, d'encadrement, voire de direction, et la description effectuée par la CROWN EMBALLAGES FRANCE du fonctionnement d'une ligne de production et du poste de régleur, que les deux schémas et la photo versées aux débats (pièces n° 25, 25 bis et 25 ter) ne peuvent suffire à accréditer, n'est pas de nature à établir l'absence de responsabilité hiérarchique de Jacques X... pendant la période considérée ; Qu'il est également avéré par ces attestations que Jacques X... a été le seul des 6 conducteurs de ligne de l'époque à avoir un engagement syndical et à se voir retirer cette fonction par la nouvelle direction, qu'il n'a ensuite bénéficié que de petites formations d'adaptation à des postes sans qualification, et que les protestations et démarches des salariés de son atelier et des délégations syndicales auprès des directions successives pour obtenir son rétablissement avec rattrapage de sa rémunération ont été vaines ; Que parmi les salariés dont la société CROWN EMBALLAGES FRANCE prétend qu'ils faisaient partie du service de Jacques X..., MM. A... et B..., qui ont atteint le coefficient 215, ont été embauchés respectivement en 1970 en qualité d'OM et en 1972 en qualité d'OS, et l'employeur n'a pas communiqué de fiches de renseignements concernant MM. C..., D..., E... et F..., ce qui ne permet pas de connaître leurs niveaux d'embauche. M. G... et M. H..., qui ont obtenu respectivement les coefficients 225 et 215, et dont l'employeur fait valoir qu'ils avaient une formation supérieure à Jacques X..., ont été embauchés le premier en 1971 comme OS et le deuxième en 1972 comme OS2. Parmi les salariés que la société CROWN EMBALLAGES FRANCE désigne comme embauchés antérieurement à Jacques X... et bénéficiant d'un coefficient inférieur, MM. I... (215), YY... (190) et ZZ... (190) l'ont été le premier en 1967 comme OS1, le deuxième en 1969 comme OS et le troisième en 1973 comme OS, et l'employeur n'a pas communiqué de fiches de renseignements concernant MM. J..., AA..., BB..., CC..., DD..., EE..., FF..., MARTINE K..., GG..., HH..., K..., II..., et Mme L..., ce qui ne permet pas de connaître leurs niveaux d'embauche ; que M. M..., embauché le 23 janvier 1967 en qualité d'OP1, n'a atteint que le coefficient 190 mais il n'apparaît pas qu'il ait exercé la fonction de conducteur de ligne. M. N..., embauché le 26 juin 1967, a atteint le coefficient 255 mais il avait été engagé en qualité d'OS2 et avec un niveau CAP de mécanicien auto, et il n'a exercé des mandats de représentation professionnelle que de 1980 à 1982, et la formation syndicale qu'il a suivie en 1986 n'a duré que 2 jours ; Que les comparaisons proposées par la société CROWN EMBALLAGES FRANCE ne sont donc pas pertinentes, les situations initiales des salariés précités n'ayant pas été similaires à celle de Jacques X... ou demeurant indéterminées ; Que si la société CROWN EMBALLAGES FRANCE a communiqué les fiches individuelles d'appréciation de M. Y... et de Jacques X... pour la période de 1981 à 1986 qui révèlent que le premier était systématiquement mieux noté que le deuxième, elle s'est abstenue de produire la fiche individuelle d'appréciation de M. Z..., ce qui ne permet pas de retenir le critère des qualités professionnelles comme explication certaine d'une meilleure progression ; Que dans ces conditions, reprenant les motifs du conseil de prud'hommes en y ajoutant les siens, la cour considère à son tour que le brusque retrait par l'employeur de-la fonction de conducteur de ligne de Jacques X... et l'absence d'évolution professionnelle postérieure de ce salarié caractérisent une atteinte au principe d'égalité de traitement avec ses collègues. MM. Y... et Z..., et que la société CROWN EMBALLAGES FRANCE n'établit pas que la disparité de situation constatée soit justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale ; Qu'en application de l'article L 412-2 du code du travail, la juridiction de première instance a fait une exacte appréciation de la perte de rémunération subie par Jacques X... entre 1979 et juin 2005 en la fixant à la somme de 68. 973, 88 € qui correspond à la différence entre ses gains et ceux de M. Y..., et, sur la base de la différence entre la pension de retraite de M. Y... (1. 747, 42 € par mois en 2006) et celle que Jacques X... justifie percevoir (1. 522, 21 € par mois en 2006, la perte de revenus de ce dernier peut être estimée à 54. 050, 40 € sur 20 années (1. 747, 42-1. 522, 21 = 225, 21 € x 12 mois x 20 années), conformément à sa demande ; Qu'en raison des conditions de travail résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime pendant 26 ans, et notamment de l'absence de progression professionnelle individuelle, Jacques X... a subi un préjudice moral à l'indemnisation duquel il est en droit de prétendre et qui sera évalué à 10. 000 € par la cour.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE qu'aux termes de l'article L412-2 du Code du travail, ‘ Il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement. Il est interdit à tout employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer au lieu et place de celui-ci. Le chef d'entreprise ou ses représentants ne doivent employer aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque. Toute mesure prise par l'employeur contrairement aux dispositions des alinéas précédents est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts. Ces dispositions sont d'ordre public. " ; Que ! e régime juridique des discriminations anti-syndicales sont communes aux autres discriminations et sont régis par les dispositions des articles L122-45 du même Code, aux termes desquelles : " Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 140-2, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève. Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une-mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux alinéas précédents ou pour les avoir relatés En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Toute disposition ou tout acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit. " ; qu'en ce qui concerne le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en raison de la prescription quinquennale, il convient de rappeler que la prescription de l'article L143-14 du Code du travail s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes au salaire dues au titre du contrat de travail ; que les sommes qui n'ont pas la nature d'un élément de rémunération se prescrivent pas trente ans ; qu'il en est ainsi de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination syndicale ; Que par ailleurs, l'examen de la réalité du préjudice, d'une part, de son lien de causalité avec la discrimination invoquée d'autre part, suppose au préalable que l'existence d'une discrimination est établie ; qu'ainsi, l'absence de préjudice ou de son lien de causalité avec cette discrimination, ne peut s'apprécier qu'au stade du bien fondé de la demande en dommages et intérêts et non • à celui de la recevabilité de celle-ci ; qu'il convient de rejeter ! e moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande ; qu'il appartient ainsi à M. X... de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; Qu'ainsi, M. X... n'est pas tenu d'apporter la preuve de la discrimination syndicale mais il lui suffit de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette discrimination ; qu'il appartient alors à la société CROWN d'établir que la disparité de la situation est justifiée par des éléments objectifs indépendants du mandat ; qu'en l'espèce, il ressort des bulletins de salaires de M. X... que celui-ci engagé le 21 mai 1968 comme OP1 a régulièrement évolué professionnellement d'abord comme monteur jusqu'en 1969 puis comme mécanicien à compter de 1970, classé OP2 en décembre 1971, OP3 en décembre 1972 avec un coefficient de 170 en décembre 1973, de 190 en décembre 1974 et de 225 en décembre 1976 ; il deviendra mécanicien régleur en décembre 1977, coefficient 225 puis gardera cette fonction et ce coefficient jusqu'au 31 / 12 / 04 ; que les bulletins de salaire de 2005 (jusqu'au 31 juillet) ne sont pas produits mais la société CROWN ne conteste pas que cette situation a perduré jusqu'au départ à la retraite de M. X... ; Que M. X... exercera un mandat syndical à compter de 1972 en qualité de délégué syndical au sein du comité d'établissement et sans discontinuité jusqu'en 2004 ; qu'il sera également délégué du personnel suppléant à compter de 1970 (réélu jusqu'en 2000) ; que M. X... invoque une absence de progression de sa carrière depuis 1979 et établit à ce titre une comparaison entre les situations de deux autres salariés de l'entreprise placés dans une situation similaire ; que Messieurs Y... et O..., engagés respectivement en février 1967 et en octobre 1966, ont commencé en qualité de OP1 ; que M. Z... était régleur OP2 à compter de 1968, OP3 à compter de décembre 1972 au coefficient 170, au coefficient 190 à compter de décembre 1974, au coefficient 225 en décembre 1976, de 240 en décembre 1977, qu'en décembre 1978, il deviendra TA1 mécanicien régleur, coefficient 240, puis en décembre 1984, TA2 au coefficient 255, en décembre 1988, TA2 mécanicien chef de ligne ; Que M. Y... était OP2 6 en 1970, OP3 en décembre 1972, au coefficient 170 en décembre 1973, 190 en décembre 1974, 225 en décembre 1976, puis TAI mécanicien régleur en décembre 1978 au coefficient 240, puis TA2 en décembre 1985 au coefficient 255. Que ces salariés qui ont une ancienneté comparable même si elle n'est pas identique, M. Y... ayant été embauché plus d'un an avant et M. O... plus de 18 mois avant, qu'ils ont eu cependant au départ un parcours similaire de carrière professionnel, que ce parcours a d'ailleurs été semblable pour Messieurs O... et Y... jusqu'à la fin de leur carrière alors que M. X... est resté dans une fonction de mécanicien régleur au coefficient 225 à compter de décembre 1977 et n'en changera plus ; que de leur côté, M. Y... et O... atteindront ce niveau en décembre 1976 (ce qui est cohérent puisqu'ils ont un peu plus d'ancienneté) mais évolueront tous deux un an plus tard pour Z... et deux ans plus tard pour M. Y... (ce qui est encore cohérent puisque M. Z... a été embauché 6 mois avant M. Y...) ; Que par ailleurs, contrairement à ce qui soutient la société CROWN, M. X... n'est pas titulaire d'un seul certificat d'études mais a obtenu son examen de fin d'apprentissage artisanal en qualité d'ajusteur le 8 / 7 / 65, que la formation professionnel avec M. Y... et Z... qui sont titulaires d'un CAP d'ajusteur, est parfaitement comparable ; Qu'enfin, il ressort des attestations produites aux débats que M. X... a assumé la fonction de conducteur (régleur) de ligne de production pour la fabrication de bidons de 2 litres notamment en 1978, { il y avait 3 lignes à l'époque et 6 conducteurs pour ces lignes qui fonctionnaient sans arrêt) ; que les attestations de M. Y..., lui-même conducteur d'une de ces lignes, de M. P... qui était le supérieur hiérarchique de M. X..., de Mme Q..., de M. R..., de M. JJ..., de M. S..., tous salariés de la société CROWN au moment de l'embauche de M. X..., témoignent de ce fait et également du fait que M. X... a cessé cette fonction à la suite d'une décision brutale de la direction de l'époque alors que M. X... exerçait parfaitement celle-ci (cf. attestation de M. P... le chef d'atelier et son supérieur hiérarchique direct) ; Qu'ainsi, il ressort des éléments apportés par M. X... une différence de traitement entre lui et Messieurs Y... et O..., à savoir le fait de ne plus être conducteur de ligne et d'être resté à la même fonction et au même coefficient depuis 1979, alors qu'ils étaient tous trois dans une situation similaire ; qu'il appartient ainsi à la société CROWN de justifier par des éléments objectifs cette différence de traitement et d'établir qu'elle repose sur des éléments extérieurs au mandat syndical ; que sur ce point, la société CROWN se contente de remettre en cause la comparaison effectuée entre M. X... et Messieurs Y... et O... sur le plan des diplômes et de l'ancienneté, dont il a été indiqué plus haut que ces contestations n'étaient pas probantes ; qu'elle invoque aussi une nette différence des formations internes effectuées par M. X... (11) et Messieurs Y... et O... (32 et 16) ; que sur ce point, il ressort des pièces relatives aux procédures internes de formation que celles-ci nécessitaient l'accord du supérieur direct du salarié qui en sollicitait une ; qu'il n'est donc nullement certain que la moindre formation interne, en tout cas par rapport à M. Y..., soit exclusivement du fait de M. X... ; Que sur le mandat syndical de M. Y..., il ressort de l'attestation de celui-ci ainsi que la fiche faite par la défenderesse sur ce salarié (pièce n- 2o), que M. Y... a suivi une formation syndicale pendant 3 jours en 1984 pour l'exercice d'un seul mandat de délégué suppléant en 1984 ; que cet élément ne peut à lui seul remettre en cause, au motif que M. Y... bien que délégué syndical ait pu évoluer sans difficulté, l'absence d'évolution de M. X... qui a été délégué syndicale titulaire au sein du comité d'établissement pendant 20 ans sans discontinuité ; que la société CROWN compare la situation de M. X... avec un certain nombre d'autres salariés pour conclure que ce dernier a connu une évolution de carrière tout à fait normal voir plus favorable ; que cependant, en ce qui concerne le comparatif fait avec les salariés travaillant dans le même atelier que M. X..., il ressort des attestations produites que M. X... entre 1978 et 1980 a été conducteur de ligne et a ce titre avait sous ses ordres une dizaine de salariés travaillant sur cette ligne et donc dans son atelier (l'atelier comportant 3 lignes de production) ; qu'ainsi, selon l'attestation de M. S..., salarié de la société CROWN à compter du mois de mai 1978, les salariés travaillant sous les ordres de M. X... étaient, outre l'auteur de l'attestation, Messieurs U..., V..., A..., W..., XX..., KK..., ZZ... ; que M. Y... précise dans son attestation du 13. 01. 06 que la situation d'un conducteur de ligne sur le plan des tâches et des responsabilités ne pouvait pas se comparer avec celle des personnes travaillant sur la ligne comme celle d'un régleur sous presse individuel ainsi que l'était M. G... ; qu'ainsi, au vu de ses éléments, la comparaison faite par l'employeur de la situation de M. X... avec celle de Messieurs D..., E..., S..., A..., W..., XX... et G... n'est pas probante puisque ces salariés ont été sous les ordres de M. X..., que leur situation professionnelle n'est donc pas comparable ; qu'au demeurant, certains ont été embauchés presque 10 ans après M. X..., en 1977 pour Messieurs W..., XX..., S... et F... ; Que par ailleurs, le fait que M. W... et M.
XX...
aient un coefficient de 225 alors qu'ils ont des diplômes supérieurs, tous deux un CAP Ajusteur et des formations internes plus nombreuses, outre les remarques faites précédemment sur la pertinence de ses deux arguments, ce fait n'est pas non plus probant puisque M. X... avait déjà un coefficient 225 en 1977 donc lors de l'embauche de Messieurs W... et
XX...
, lesquels, selon les fiches faites par la société CROWN ont bénéficié d'un coefficient 225 en octobre 1988 pour M. W... (pièce-n° 6) et en novembre 1997 pour M.
XX...
(pièce no7), soit des années après M. X..., que leur situation professionnelle n'est donc aucunement comparable ; Qu'enfin, la comparaison des taux horaires n'est pas plus probante puisque la société CROWN compara la situation de M. X... avec des salariés embauchés bien après lui (par exemple M. S...) ; Qu'ainsi, les situations comparées par la société CROWN ne sont pas pertinentes faute de concerner des salariés placés dans une situation similaire par leur situation professionnelle notamment les fonctions exercées ou leur ancienneté ; Qu'il convient en conséquence de considérer, en l'absence d'autres élément, que la société CROWN n'explique par aucun élément objectif la différence de traitement existante entre M. X... d'une part et Messieurs Y... et O..., tant en ce qui concerne le fait de ne plus avoir exercer la fonction de conducteur de ligne et le fait de ne pas avoir évolué sur le plan professionnel ; que M. X... étant le seul titulaire d'un mandat syndical, le conseil ne peut qu'en déduire que le traitement qui a été réservé à M. X... a un caractère discriminatoire ; en ce qui concerne l'indemnisation de son préjudice, celui-ci est constitué tant par la disparité des salaires compte tenu de l'absence d'évolution professionnelle de M. X... par rapport aux évolutions professionnelles de Messieurs Y... et O... ; que sur ce point toutefois, i1 convient de comparer l'évolution de la situation professionnel de M. X... et de M. Y..., ce dernier ayant une ancienneté plus proche de celle de M. X... ; Qu'il ressort de la comparaison des bulletins de salaire de M. Y... et de M. X... une différence entre (le cumul brut annuel pour chaque année entre 1979 et juin 2005) d'une somme de 68 973. 88 €. ; Qu'à côté de ce poste de préjudice, il y a lieu de prendre en compte les conséquences de cette disparité pour la pension de retraite que perçoit M. X... ; que sur ce point, ce préjudice est évalué à 300 € par mois sur 20 ans sans que ce calcul ne se fonde sur des pièces justificatives précises, il convient d'évaluer de manière forfaitaire et d'allouer une somme de 10 000 € ainsi qu'une somme de 1026. 12 € au titre du préjudice moral découlant nécessairement de cette situation discriminatoire en raison de l'exercice de mandats syndicaux, étant précisé que M. X... n'étaye ce préjudice d'aucun autre élément particulier ; Qu'il convient d'allouer à M. X... en réparation de l'ensemble des préjudices subis, une somme totale de 80 000 € à titre de dommages et intérêts.
1°) ALORS QUE le droit au procès équitable inclut le principe d'égalité des armes qui interdit de faire peser sur une partie au procès une charge probatoire disproportionnée au regard de celle pesant sur son adversaire, compte tenu de la durée excessive de conservation des pièces qu'elle impliquerait ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas produire l'intégralité des documents relatifs à la situation des salariés de l'entreprise sur une période de 30 ans, pour le condamner au paiement de dommages et intérêts à titre de discrimination, tandis qu'elle n'exigeait de la part du salarié que de simples éléments de nature à étayer son allégation, la Cour d'appel a méconnu les exigences du droit au procès équitable et violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°) ALORS QUE la discrimination syndicale ne saurait s'évincer de la comparaison effectuée entre deux salariés qui ne sont pas placés dans une situation identique ; que ne sont pas placés dans une situation identique les salariés qui ne bénéficient pas du même coefficient de la convention collective applicable à l'entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant que Monsieur X... n'alléguait une discrimination syndicale au regard de Messieurs Y... et Z... qu'au titre de la période postérieure à 1979 (cf. jugement entrepris p. 8, in fine) ; que la société CROWN EMBALLAGES faisait valoir qu'au cours de la période antérieure à cette date, le salarié n'avait reçu que le coefficient 225, tandis que les deux autres salariés bénéficiaient déjà du coefficient 240 dès le mois de mars 1977, s'agissant de Monsieur Z..., et le mois de janvier 1978, s'agissant de Monsieur Y... ; qu'elle en déduisait qu'une comparaison ne pouvait être effectuée entre ces salariés qui n'étaient plus placés dans une même situation dès avant la période au cours de laquelle Monsieur X... prétendait avoir été discriminé (conclusions p. 16) ; qu'en affirmant que ces salariés « étaient tous trois dans une situation similaire » (jugement entrepris p. 10) pour retenir l'existence d'une prétendue discrimination de Monsieur X... au regard de ces deux autres salariés, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que l'accession de Messieurs Y... et Z... à un coefficient supérieur à celui de Monsieur X..., antérieurement à la période au cours de laquelle le salarié prétendait avoir été discriminé, les avait placés dans une situation différente de celle du demandeur, la Cour d'appel a violé L 2141-5 du Code du travail, ensemble le principe « à travail égal, salaire égal » ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE l'employeur peut justifier la disparité de traitement entre deux salariés placés dans une même situation par des motifs objectifs de distinction, tenant notamment à des différences de notation professionnelle ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que l'employeur avait produit des fiches individuelles d'appréciation de Messieurs Y... et X... « pour la période de 1981 à 1986 qui révèlent que le premier était systématiquement mieux noté que le deuxième » (arrêt attaqué p. 7) ; qu'en excluant le critère des qualités professionnelles « comme explication certaine d'une meilleure progression », faute pour l'employeur de produire la fiche individuelle d'appréciation de Monsieur Z..., lorsqu'elle avait exclusivement calculé le préjudice allégué de Monsieur X... au regard de Monsieur Y..., dont la fiche d'appréciation était précisément produite aux débats, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 2141-5 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE pour justifier la différence de traitement entre Monsieur X... et Messieurs Y... et Z..., la société CROWN EMBALLAGES faisait encore valoir que le premier n'avait suivi que 11 formations au cours de la période de 1978 à 2004, tandis que les seconds avaient suivi respectivement 32 et 16 formations au cours de la seule période de 1983 à 2004 ; qu'au moyen des pièces internes relatives à la formation et de demandes de congé formation (productions n° 15 et 16), elle offrait de prouver que l'initiative de suivre une formation revenait à chaque salarié ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, « qu'il ressort des pièces relatives aux procédures internes de formation que celles-ci nécessitaient l'accord du supérieur direct du salarié qui en sollicitait une » pour en déduire « qu'il n'est nullement certain que la moindre formation interne, en tout cas par rapport à M. Y..., soit exclusivement du fait de M. X... » (motifs du jugement entrepris p. 10) et en reprochant, par motifs propres, à l'employeur de n'avoir dispensé au salarié « que de petites formations d'adaptation à des postes sans qualification » (arrêt attaqué p. 6), sans nullement constater que l'employeur aurait refusé d'attribuer au salarié des formations que celui-ci aurait sollicitées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 2141-5 du Code du travail ;
5°) ALORS enfin QUE le préjudice résultant de l'absence d'évolution professionnelle d'un salarié discriminé par son employeur est intégralement réparé par l'allocation de dommages et intérêts correspondant à la perte injustifiée de revenus ; que le juge ne saurait donc condamner l'employeur à des dommages et intérêts supplémentaires au titre du préjudice moral sans précisément caractériser un préjudice distinct de l'absence de progression de la carrière professionnelle ; qu'en condamnant la société CROWN EMBALLAGES à payer au salarié une somme de 10. 000 euros en réparation d'un prétendu préjudice moral, sans relever d'autre chef de préjudice que « l'absence de progression professionnelle individuelle » qu'elle avait déjà réparé par l'allocation de dommages et intérêts équivalents à la perte de rémunération, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 2141-5 du Code du travail et de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-41959
Date de la décision : 28/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 26 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jan. 2010, pourvoi n°08-41959


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.41959
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