LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Jacques,
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DROITS
INDIRECTS, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 31 mars 2009, qui, pour infraction à la réglementation sur l'organisation et l'assainissement du marché du vin, a condamné le premier à des amendes et pénalités fiscales, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Jacques X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi de l'administration des douanes et droits indirects :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du règlement (CE) n° 1493/99 du 17 mai 1999, du règlement (CE) n° 1623/00 du 25 juillet 2000, de l'arrêté interministériel du 11 octobre 2004 au titre de la campagne 2004-2005, des articles 1791 et 1794, 6°, du code général des impôts, de l'article 112-1 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé, s'agissant de la campagne 2004-2005, que la pénalité fiscale devait être égale à une fois la valeur des droits fraudés ;
"aux motifs que l'article 1794 du code général des impôts dispose que, pour les infractions énumérées ci-après, la pénalité à une à trois fois les montants des droits est remplacée par une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois celui de la valeur des objets ou marchandises sur lesquels a porté la fraude ; que l'article 232 de la loi 2005-157 du 23 février 2005 a institué un article 1794, 6°, du code général des impôts qui ajoute les infractions aux dispositions communautaires ou nationales relatives aux distillations de cépages à double fin à celles déjà énumérées dans l'article 1794 du code général des impôts ; que, s'agissant de la campagne 2004-2005, il faut relever que le texte est intervenu en cours de campagne et non préalablement au début de celle-ci ; qu'il résulte de l'article 112-1 du code pénal que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis ; que les campagnes de distillation s'échelonnent entre le dernier trimestre de l'année précédente et le 31 mars de l'année en cours ; qu'ainsi, si l'infraction ne peut être constatée qu'après le 15 juillet 2005, date limite pour livrer les vins en excédent, il demeure que l'infraction est réputée avoir été commise au cours de la campagne 2004-2005, soit au moins pour partie avant la promulgation de la loi du 23 février 2005 qui doit donc être déclarée inapplicable à la campagne précitée, s'agissant d'une loi plus sévère ; qu'ainsi, la pénalité encourue doit être fixée à une fois le montant des droits fraudés ;
"1) alors que, lorsqu'un professionnel dispose d'un délai allant jusqu'à une certaine date pour accomplir un acte, la sanction applicable est celle en vigueur à la date à laquelle intervient la date butoir ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que les vins pouvaient être livrés à la distillerie jusqu'au 15 juillet 2005, s'agissant de la campagne 2004-2005 ; que la non-livraison des vins à la distillerie était donc passible des règles applicables à cette date ; que, par suite, la sanction devait être assise, non pas sur le montant des droits fraudés, mais sur la valeur des marchandises objet de la fraude ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
"2) alors que, en tout cas, dès lors que la période de livraison se situait, pour partie, à une date postérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la loi nouvelle était incontestablement applicable ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont en tout état de cause violé les textes susvisés ;
"3) alors que, lorsqu'une sanction à caractère pécuniaire est prévue, le juge répressif doit en fixer le montant en mettant en oeuvre les critères légaux lui permettant de déterminer le montant de la sanction sans pouvoir renvoyer, sans chiffrage, à la formule légale permettant de déterminer le montant de la sanction ; qu'en énonçant que Jacques X... encourait une pénalité fiscale égale à une fois la valeur des droits fraudés au titre de la campagne 2004-2005, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 112-1 du code pénal, ensemble les articles 1791 et 1794 du code général des impôts ;
Attendu que, d'une part, doivent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle l'infraction a été commise ;
Attendu que, d'autre part, les infractions aux dispositions communautaires ou nationales relatives aux distillations des vins issus de cépages classés à la fois comme variétés à raisin de cuve et comme variétés destinées à l'élaboration d'eaux-de-vie à appellation d'origine, commises après le 24 février 2005, sont passibles d'une pénalité dont le montant est compris entre une et trois fois celui de la valeur des produits ou marchandises sur lesquels a porté la fraude ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jacques X..., gérant du GAEC X..., viticulteur produisant des eaux-de-vie dans la zone d'appellation Cognac, est poursuivi pour avoir, au titre de la campagne 2004-2005, omis de livrer à la distillation obligatoire les quantités de vins issus de cépages à double fin excédant celle normalement vinifiée ;
Attendu que, pour le condamner à une pénalité proportionnelle égale au tiers du montant des droits fraudés, l'arrêt énonce que l'article 232 de la loi du 23 février 2005, qui a complété l'article 1794 du code général des impôts d'un sixième paragraphe concernant les infractions aux dispositions communautaires ou nationales relatives aux distillations de cépages à double fin, est intervenu au cours de la campagne de distillation, entre le dernier trimestre de l'année précédente et le 31 mars de l'année en cours, et non pas avant le début de celle-ci ; que les juges ajoutent que, si l'infraction ne peut être constatée qu'après le 15 juillet 2005, date limite pour livrer les quantités excédentaires, l'infraction est réputée avoir été commise, au moins pour partie, avant la promulgation de la loi précitée ; qu'ils en déduisent que cette loi, plus sévère, doit être déclarée inapplicable ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'infraction poursuivie n'a pu être commise que le 16 juillet 2005, date avant laquelle la formalité requise pouvait encore être effectuée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus énoncès ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de X... :
Le REJETTE ;
Il - Sur le pourvoi de l'administration des douanes et droits indirects :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 31 mars 2009, en ses seules dispositions ayant prononcé sur la pénalité proportionnelle prévue par les articles 1791 et 1794 du code général des impôts, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;