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19/01/2010 | FRANCE | N°08-21527

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 janvier 2010, 08-21527


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Adel participations (la société Adel) a acquis de la société Analyses traitements parisiens (la société ATP), pour moitié le 26 juillet 2006 et pour l'autre moitié le 15 octobre 2007, moyennant le prix de cinq millions d'euros, la totalité des actions, soit un million, représentant le capital de la société DÃ

©troyat associés (la société Détroyat) ; que pour garantir le paiement de la partie du pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que la société Adel participations (la société Adel) a acquis de la société Analyses traitements parisiens (la société ATP), pour moitié le 26 juillet 2006 et pour l'autre moitié le 15 octobre 2007, moyennant le prix de cinq millions d'euros, la totalité des actions, soit un million, représentant le capital de la société Détroyat associés (la société Détroyat) ; que pour garantir le paiement de la partie du prix encore due le 15 octobre 2007, soit deux millions d'euros, stipulée payable par fractions échelonnées entre 2009 et 2013, la société Adel a constitué en gage au profit de la société ATP un compte d'instruments financiers où figuraient 400 000 actions émises par la société Détroyat ; que le 15 novembre 2007, l'assemblée des actionnaires de la société Détroyat a décidé de réduire le capital social par diminution du nominal des actions, le capital étant ramené de 1 524 490 euros à 400 000 euros, et de distribuer aux actionnaires la somme de 1 124 490 euros, ainsi que celle de 112 449 euros prélevée sur la réserve légale ; que sur la demande de la société ATP, le président du tribunal de commerce a ordonné la mise sous séquestre de la somme de 1 236 939 euros entre les mains d'un huissier de justice, celui-ci ayant pour mission de conserver les fonds jusqu'à complet paiement du prix de vente restant dû à la société ATP ou accord des parties sur les modalités de leur libération ;

Attendu que pour confirmer cette décision, l'arrêt, après avoir précisé que le séquestre était à la charge de la société Adel, retient que le premier juge a justement constaté que "le nantissement contractuel garantissait pour l'année 2008, 2 000 000 d'euros, portant sur 400 000 actions" et que jointe à la distribution d'une partie de la réserve légale, la réduction de capital aura, ou aurait pour conséquence inéluctable de réduire la valeur du nantissement, pour en déduire logiquement que la réduction de capital "votée par Détroyat" constituait un trouble manifestement illicite ; que l'arrêt ajoute qu'un tel trouble, qui peut résulter d'une opération légale et régulière, est établi en l'espèce, dans la mesure où cette opération régulière a été faite de mauvaise foi au détriment des cédants nantis ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Adel qui soutenait que la décision de ramener le capital social de la société Détroyat à un niveau plus adapté à celui de son activité de conseil et d'expertise était conforme à l' intérêt de cette dernière, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société ATP aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Adel participations la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour la société Adel participations

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué, rendu en référé, D'AVOIR dit que la réduction de capital et la distribution d'une partie de la réserve légale décidées par la société Détroyat Associés constituaient un dommage imminent et un trouble manifestement illicite, ordonné la mise sous séquestre de la somme de 1.236.939 € entre les mains d'un huissier de justice chargé de conserver les fonds jusqu'à complet paiement du prix de vente des actions de cette société restant dû à la société ATP – cédante des actions et titulaire d'un nantissement sur une partie de celles-ci en garantie de sa créance - ou accord des parties sur les modalités de libération des fonds séquestrés et D'AVOIR, ajoutant à l'ordonnance du juge des référés, précisé que l'huissier devrait remettre les fonds à la société Adel Participations, cessionnaire des actions et constituante du nantissement, si celle-ci justifiait que la société Détroyat Associés avait, par assemblée générale, annulé sa décision de réduire son capital ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE dans le protocole d'accord du 28 août 2007, la solde du prix de vente était garanti par un nantissement portant sur les actions de la société Détroyat Associés ; que ce nantissement avait été établi sur la base d'un prix unitaire de 5 € par action et qu'il garantissait, pour l'année 2008, une somme égale à 40% de 5.000.000 € soit 2.000.000 €, ce nantissement devant être libéré au fur et à mesure des règlements du prix effectués par la société Adel Participations selon l'échéancier contractuel ; que l'attestation dite de constitution du gage énonçait que cette sûreté portait sur 400.000 actions, ce qui confirmait que la valorisation du nantissement sur la base du prix unitaire de 5 € était bien égale à 2.000.000 € ; qu'il s'en déduisait nécessairement que, jointe à la distribution d'une partie de la réserve légale, la réduction de capital votée par les nouveaux actionnaires de la société Détroyat Associés aurait pour conséquence inéluctable de réduire la valeur du nantissement à proportion de la perte de valeur des actions qui le constituaient ; que la défenderesse le reconnaissait implicitement en écrivant que "la réduction du capital social de Détroyat n'a en rien affecté la situation financière actuelle de Détroyat étant donné que l'opération n'a pas, à ce jour, été opérée" ; qu'en conséquence, les décisions litigieuses, votées par les actionnaires de la société Détroyat Associés constituaient un trouble manifestement illicite ; qu'en effet, s'il était exact que les nouveaux actionnaires étaient libres de procéder à une réduction du capital de leur société, il était manifeste qu'ils l'avaient fait au détriment des cédants, qui détenaient un nantissement sur une partie des titres et au mépris des dispositions de l'article 1134 du code civil (ordonnance, p. 4) ; qu'il résultait tant de la demande introductive d'instance que de l'ordonnance entreprise que la condamnation à mettre sous séquestre 1.236.936 € avait été prononcée à l'encontre de la seule société Adel Participations ; qu'il n'était pas démontré en quoi l'article L.225-205 du code de commerce, qui précisait que les opérations de réduction du capital ne pouvaient commencer avant qu'il ait été statué en première instance sur cette opposition, empêcherait l'exécution d'une ordonnance de référé (qui bénéficiait de l'exécution provisoire de droit) ordonnant à une partie de payer une certaine somme (devant être mise sous séquestre) ; que le premier juge avait justement constaté que le nantissement contractuel garantissait, pour l'année 2008, 2.000.000 €, portant sur 400.000 actions, et qu'il s'en déduisait nécessairement que jointe à la distribution d'une partie de la réserve légale, la réduction de capital aurait pour conséquence inéluctable de réduire la valeur du nantissement pour en déduire logiquement que la réduction de capital votée par la société Détroyat Associés constituait un trouble manifestement illicite ; qu'un tel trouble, qui pouvait résulter d'une opération légale et régulière, était établi dans le cas d'espèce, dans la mesure où cette opération régulière avait été faite de mauvaise foi au détriment des cédants nantis ; que la mesure de séquestre, qui était certes d'un montant fixe, était destinée à faire cesser le trouble (arrêt, pp. 4 et 5) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le créancier nanti sur compte d'instruments financiers est notamment titulaire d'un droit de préférence et d'un droit de requérir l'attribution judiciaire du gage en pleine propriété, de sorte que si une diminution du prix de vente potentiel des instruments financiers est de nature à porter atteinte aux prérogatives du créancier et à constituer pour lui un dommage, il n'en va pas nécessairement de même de la diminution des capitaux propres de la société émettrice des instruments donnés en gage, une telle diminution pouvant rester sans influence sur le prix des titres ; qu'en retenant néanmoins qu'une telle diminution du capital de la société émettrice des titres donnés en nantissement constituait un dommage imminent pour le créancier nanti, sans caractériser une baisse consécutive du prix des titres ni donc une dépréciation de l'assiette du nantissement, baisse expressément contestée par la société Adel Participations dans ses conclusions réfutant l'existence d'un dommage imminent (pp. 25 et s.), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.431-4 du code monétaire et financier et 873 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'une opération juridique intrinsèquement licite ne peut être cause d'un trouble manifestement illicite que si elle est effectuée frauduleusement, dans le seul but d'obtenir un résultat lésionnaire pour des intérêts tiers et étranger à son objet normal ; qu'en retenant que la réduction du capital de la société émettrice de titres nantis, intrinsèquement légale et régulière, était cause d'un trouble manifestement illicite en ce qu'elle avait été faite de mauvaise foi au détriment des créanciers nantis, sans toutefois préciser de quel élément elle déduisait la prétendue mauvaise foi des dirigeants de cette société, en particulier sans constater que l'opération aurait été exclusivement motivée par la volonté de léser les intérêts des créanciers nantis, ce que contestait la société Adel Participations, qui faisait valoir (conclusions, pp. 24 et 25) que la réduction de capital , licite et régulièrement décidée, l'avait de surcroît été dans le respect de l'intérêt social de la société Détroyat Associés, dont le niveau d'activité ne justifiait pas la conservation d'un capital social de 1.524.490 €, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SURCROIT, QUE la société Adel Participations faisait valoir (conclusions, pp. 11 à 13) que la référence au prix de cession des actions, dans la lettre d'offre ayant annoncé notamment la conclusion du nantissement, avait pour unique objet de déterminer le nombre d'actions à nantir pour que la sûreté couvre le solde du prix global de cession et non d'engager la constituante du nantissement sur la valorisation de la société dont les actions étaient cédées et nanties, que la déclaration de nantissement ne se référait nullement à un montant par action et se bornait à indiquer le nombre d'action nanties, et que la société ATP avait au demeurant formulé l'aveu, dans ses propres écritures, de ce qu'il n'avait pas été dans l'intention des parties de consentir une garantie proportionnelle à la valorisation de la société ou au montant de son capital ; qu'en se bornant à retenir, sans autre explication, que la réduction du capital de la société Détroyat Associés aurait été décidée au détriment des créanciers nantis sur les titres de cette société, sans répondre à l'articulation précise et opérante par laquelle il était ainsi démontré que le nantissement était, dans l'intention des parties, déconnecté du montant des capitaux propres de cette société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE l'existence d'une opposition formée à l'encontre d'une opération de réduction du capital d'une société anonyme fait obstacle à la réalisation effective de ladite opération, donc au décaissement par ladite société anonyme des sommes dues à cet égard à ses associés à titre de remboursement partiel du capital, et elle fait donc de plus fort obstacle à la séquestration des sommes concernées ; qu'en retenant que l'opposition à la réduction de capital ne ferait pas obstacle à la séquestration des sommes dues aux associés de la société dont le capital devait être réduit, la cour d'appel a violé l'article L.225-205 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-21527
Date de la décision : 19/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jan. 2010, pourvoi n°08-21527


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.21527
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