LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Claude, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 16 octobre 2008, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte contre personne non dénommée du chef de violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 décembre 2009 où étaient présents : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, Mmes Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAZEAU, l'avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3, 6 § 1, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-13 7° du code pénal, 6-1, 575, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de refus d'informer ;
" aux motifs qu'en l'espèce, les faits dénoncés correspondaient à des fouilles réalisées les 21 et 23 juillet 2004 dans le cadre d'une enquête mise en oeuvre en raison d'une suspicion d'évasion concernant un détenu présentant des antécédents en la matière ; que cette suspicion et le risque ainsi objectivé constituaient des faits justifiant pleinement l'ouverture de cette enquête ; que les fouilles entreprises, tant pour le 21 que le 23 juillet 2004, ont été réalisées sur réquisition d'officier de police judiciaire dans ce cadre procédural ; que, contrairement à ce qui est affirmé dans le mémoire, le dossier de la procédure comporte la preuve évidente de l'existence d'une procédure pénale et particulièrement le soit-transmis du parquet saisissant un service enquêteur ; qu'il est ainsi établi que les faits dénoncés se sont déroulés dans un cadre légal parfaitement régulier ; qu'en cet état, l'application de l'article 222-13 7° du code pénal visé dans la plainte ne peut qu'être écartée ; que les faits dénoncés, à les supposer établis, auraient été commis à l'occasion d'une poursuite pénale et impliqueraient les dispositions du code de procédure pénale applicables à la conduite des enquêtes ; qu'en faisant verser au dossier les procès-verbaux d'enquête, le magistrat instructeur a très clairement vérifié le cadre légal d'intervention des fonctionnaires ; que la régularité de la procédure diligentée ne peut dépendre de l'audition ou non de la personne visée ; que cet argument perd, en toute hypothèse, sa pertinence en ce qui concerne la plaignante, Claude
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, qui a été entendue ; que le classement pénitentiaire dont faisait l'objet le fils détenu n'est pas en lui-même exclusif d'un risque de remise indirecte d'un objet quelconque à l'intéressé ; que la violation du droit au recours effectif invoquée ici supposerait que la personne n'ait pu user d'une quelconque voie de droit ; qu'au contraire, en l'espèce, après l'enquête préliminaire, la plainte avec constitution de partie civile a pu être librement déposée ; que la plaignante a pu tout aussi librement interjeter appel de la décision de refus d'informer et faire valoir ses arguments ; que s'il est soutenu que les violences exercées ont porté atteinte à la dignité de Claude
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au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'impossibilité de remise directe d'un objet ici invoquée n'apparaît pas pertinente, une remise indirecte pouvant s'avérer tout aussi nuisible aux intérêts de l'ordre et de la justice en favorisant une tentative d'évasion ; que les fouilles ont été réalisées selon des modalités adaptées au risque de remise indirecte qui ne pouvait être écarté compte pris des contacts que la mère du détenu pouvait avoir avec d'autres visiteurs à l'occasion de ses visites et ont donc respecté une réelle proportionnalité entre les mesures et le but recherché ; que s'il est soutenu que les violences exercées ont porté atteinte au respect de la vie privée et familiale de Claude
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au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'argument tiré de l'absence de règles pénitentiaires organisant les fouilles s'avère peu pertinent ici dès lors que les fouilles ont été réalisées non pas dans le cadre d'une initiative pénitentiaire mais bien sur le fondement d'une réquisition judiciaire dans le cadre d'une procédure policière régulièrement mise en oeuvre et alors qu'il convenait de prévenir toute remise directe ou indirecte d'objet à un détenu ; que, en ce que le refus d'informer se fonde sur un non-respect des règles de procédure applicables par méconnaissance de l'article 6-1 du code de procédure pénale, qu'il résulte de ce texte que lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie ; qu'en l'espèce, qu'il est soutenu que les faits dénoncés auraient violé des dispositions de procédure pénale comme ayant été commis hors de tout cadre légal régulier ; qu'aucune juridiction répressive n'a eu à en connaître et n'a donc eu à constater le caractère illégal ou non ; qu'en l'état, la chambre de l'instruction ne peut que constater que les fouilles incriminées ont été réalisées dans le cadre d'une enquête régulièrement décidée par le parquet à la suite de suspicion d'évasion pour un détenu déjà condamné pour de tels faits ; qu'elles ont été accomplies par du personnel pénitentiaire n'agissant pas sur initiative de cette administration, mais sur réquisition de l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête ; que les fouilles entreprises ont été adaptées au risque objectivé de remise indirecte d'un objet susceptible de favoriser une évasion et donc de porter atteinte gravement à l'ordre public ; qu'elles ne sont donc susceptibles d'aucune qualification pénale ; que, dans ces conditions, que les faits dénoncés ne peuvent comporter une poursuite sur plainte avec constitution de partie civile ; qu'en conséquence, l'ordonnance de non-informer sera confirmée ;
" 1°) alors que l'exception préjudicielle prévue à l'article 6-1 ne peut être invoquée que lorsque les faits dénoncés impliquent la violation d'une disposition de procédure pénale, ce qui n'est pas le cas de violences volontaires commises par personne dépositaire de l'autorité publique ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction ne pouvait confirmer l'ordonnance de refus d'informer aux motifs qu'aucune juridiction répressive n'avait eu à connaître du caractère illégal de la procédure à l'occasion de laquelle les actes de violence commis par le personnel de l'administration pénitentiaire et dénoncés par Claude
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avaient été accomplis ;
" 2°) alors que le recours effectif est celui qui est de nature à apporter un remède au grief allégué ; que l'application injustifiée de l'article 6-1 du code de procédure pénale, en ce qu'elle a abouti à priver la demanderesse de la possibilité de faire juger les faits reprochés par le juge pénal, a porté une atteinte injustifiée à son droit à un recours effectif ; qu'en jugeant le contraire aux motifs que Claude
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a pu déposer librement une plainte avec constitution de partie civile et interjeter appel de la décision, lorsque le refus d'informer paralyse les poursuites et méconnaît les droits de la partie civile, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du principe susvisé ;
" 3°) alors que la fouille à corps imposée par un surveillant de l'administration pénitentiaire à une personne rendant visite à un détenu, obligée de se mettre nue, sans avoir connaissance du moindre élément de procédure justifiant une telle mesure, constitue un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 4°) alors que la fouille à corps de la mère d'un détenu, contrainte de se dénuder, constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée tel qu'il est garanti par les dispositions conventionnelles, et n'est donc pas nécessaire dans une société démocratique, quant bien même une telle fouille poursuivrait le but légitime d'éviter la remise d'un objet susceptible de favoriser une évasion, dès lors qu'aucun élément objectif particulier ne permet de soupçonner la personne fouillée de vouloir remettre un tel objet au détenu " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Claude
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a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de violences commises par personne dépositaire de l'autorité publique, en exposant que, les 21 et 23 juillet 2004, elle avait été victime de fouilles illégales et dégradantes de la part du personnel de l'administration pénitentiaire, lorsqu'elle avait rendu visite à son fils détenu à la maison d'arrêt de Luynes ;
Que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer aux motifs que ces fouilles corporelles ont été effectuées sur réquisition du service régional de la police judiciaire de Marseille dans une procédure établie à la suite d'une suspicion de tentative d'évasion de Christophe Z..., fils de la partie civile, et que l'illégalité de ces actes n'a été ni dénoncée ni déclarée par une juridiction répressive en application de l'article 6-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise l'arrêt retient que les fouilles incriminées ont été réalisées pour les besoins d'une enquête régulièrement décidée par le parquet à la suite d'une suspicion d'évasion ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction qui, après avoir, à juste titre, écarté l'application de l'article 6-1 du code de procédure pénale, n'a pas recherché si, en l'absence de crime ou de délit flagrant, les actes litigieux, assimilables à une perquisition, ont été réalisés conformément aux dispositions de l'article 76 du code de procédure pénale, n'a pas légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 16 octobre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;