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16/12/2009 | FRANCE | N°08-44532

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2009, 08-44532


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juillet 2008), que M. X..., engagé par la société Air Inter le 1er juillet 1988 était cadre, responsable des marchés à la direction régionale Côte d'Azur lorsque la société a fusionné avec Air France le 1er avril 1997 ; que le poste effectivement occupé par M. X... n'étant plus classé cadre, l'employeur a proposé divers reclassements internes et externes dans le sud de la France, tous refusés, puis a muté le salarié en région parisienne à compter du 4 octob

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juillet 2008), que M. X..., engagé par la société Air Inter le 1er juillet 1988 était cadre, responsable des marchés à la direction régionale Côte d'Azur lorsque la société a fusionné avec Air France le 1er avril 1997 ; que le poste effectivement occupé par M. X... n'étant plus classé cadre, l'employeur a proposé divers reclassements internes et externes dans le sud de la France, tous refusés, puis a muté le salarié en région parisienne à compter du 4 octobre 1999 où M. X... a été nommé responsable de la logistique commerciale aux affaires postales, poste occupé jusqu'en octobre 2004, début d'un congé de formation suivi d'un congé sabbatique puis d'un congé pour création d'entreprise ; que M. X..., invoquant une discrimination et un harcèlement, a saisi la juridiction prud'homale le 27 octobre 2003 ;

Sur les deux moyens réunis :

Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... la somme de 125 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et au titre de frais de transport alors, selon le moyen :

1°/ que l'employeur n'est tenu de démontrer que son comportement et ses décisions à l'égard du salarié reposent sur des éléments objectifs exempts de harcèlement moral, qu'à la condition que le salarié ait, préalablement, établi l'existence de faits répétés laissant présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'à cet égard, le juge doit constater de manière précise lesquels, parmi les faits allégués par le salarié qui prétend avoir subi un harcèlement, sont établis et laissent présumer l'existence du harcèlement ; qu'en l'espèce, en se contentant de renvoyer aux faits tels qu'allégués par M. X..., et en se bornant pour le reste à affirmer par un motif de pure forme, sans aucune précision ni analyse, qu'ils étaient «corroborés par les correspondances versées aux débats», la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'employeur n'est tenu de démontrer que son comportement et ses décisions à l'égard du salarié reposent sur des éléments objectifs exempts de harcèlement moral, qu'à la condition que le salarié ait, préalablement, établi l'existence de faits répétés laissant présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'en faisant supporter à la société Air France la charge de prouver l'absence de harcèlement résultant de faits dont la réalité n'a pas été préalablement caractérisée, la cour d'appel a violé les articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L.. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que pour rejeter la demande de reconstitution de carrière de M. X..., la cour d'appel a relevé qu'aux termes du statut du personnel au sol d'Air France, ce dernier n'avait pas un droit à un avancement automatique au niveau C3 et qu'il n'apportait aucun élément précis sur une rupture d'égalité par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique ; qu'en affirmant néanmoins que l'absence de promotion de M. X... au niveau C3 était de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 122-49, devenu l'article L. 1152-1 du code du travail ;

4°/ qu'il résulte tant des écritures de M. X..., que du rappel de ses moyens et prétentions par la cour d'appel, que le salarié n'a jamais prétendu avoir été contraint de prendre un congé sabbatique et un congé de création d'entreprise en raison de la situation de harcèlement qu'il prétendait être la sienne, ni que ces congés auraient entraîné sa mise à l'écart de l'entreprise ; qu'il soutenait, différemment, que sa mutation à Paris, les missions temporaires qui lui avaient été attribuées dans un premier temps, l'absence de promotion et le non-versement de certaines primes avaient entraîné sa mise à l'écart ; qu'en reprochant néanmoins à la société Air France la «mise à l'écart, de fait, de l'entreprise en raison du recours du salarié, en conséquence de la situation qui lui était faite, aux congés sabbatiques puis en vue de la création d'entreprise», la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

5°/ que la société Air France faisait valoir que la qualification de chef de région-adjoint, qui avait été évoquée par la société Air Inter, avant le transfert du contrat de travail de M. X..., ne correspondait à aucune réalité et que le poste de responsable du développement du marché express régional qu'occupait le salarié était, dans toutes les délégations de province, classé dans le groupe B dans la grille des emplois ; qu'en affirmant que la société Air France n'expliquait pas le déclassement du poste de M. X..., sans aucunement prendre en considération les explications expresses et circonstanciées de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L.. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

6°/ que la société Air France exposait qu'elle avait proposé à M. X... plusieurs emplois correspondant à son classement au niveau cadre C2 qui lui avait été reconnu par la société Air Inter, avant le transfert de son contrat, et que M. X... avait systématiquement refusé toute proposition, de sorte qu'elle avait été contrainte de prononcer sa mutation d'office sur un emploi relevant de son classement personnel de cadre ; qu'il était par ailleurs constant que M. X... ne contestait ni que les emplois proposés correspondaient à son classement personnel, ni qu'il les avait tous refusés ; qu'en affirmant néanmoins que la société Air France ne justifiait pas la mutation d'office décidée en 1999 par un motif objectif, sans s'expliquer sur le refus systématiquement opposé par le salarié à toute proposition de mutation et la nécessité de l'affecter sur un emploi correspondant à son classement personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

7°/ que constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif ; qu'en reprochant, de manière inopérante, à la société Air France d'avoir prononcé la mutation de M. X... "sans procédure disciplinaire ni énonciation de motifs professionnels", sans avoir caractérisé en quoi la décision de la société Air France de muter M. X... aurait été prise en raison de faits considérés comme fautifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-40, devenu l'article L. 1331-1 du code du travail ;

8°/ que la bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié d'établir que la décision de l'employeur de modifier ses conditions de travail est abusive, soit parce qu'elle a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, soit parce qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions étrangères à la bonne foi contractuelle ; qu'en conséquence, il n'appartient pas à l'employeur de justifier que la décision de muter un salarié, dans le cadre de son pouvoir de direction, n'est pas abusive ; qu'en énonçant que la mutation d'office de M. X... était constitutive d'un abus, du seul fait qu'elle était intervenue «sans motif énoncé», la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

9°/ que la société Air France faisait valoir que le règlement commun du personnel (RPC) prévoit qu'en cas de mutation, le salarié peut bénéficier de mesures d'accompagnements, dont la prise en charge de deux billets d'avion par mois pour rejoindre sa famille, s'il souscrit au principe de mobilité ; qu'elle exposait que M. X... n'avait jamais adhéré au principe de mobilité, de sorte qu'il ne pouvait prétendre à l'attribution de billets pour rejoindre sa famille, deux fois par mois ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société Air France, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté qu'à la suite de sa fusion avec la société Air inter, qui employait M. X... comme chef de projet adjoint à Nice, emploi relevant de la catégorie C2, la société Air France, après avoir reconnu à l'intéressé la qualité de chef de région fret, relevant de la même classification d'emploi, avait ensuite refusé de maintenir cette classification, au motif qu'elle était "sans fondement" et que le poste occupé correspondait à un emploi de catégorie inférieure, en orientant alors son salarié vers une cellule de mobilité, en lui proposant d'autres emplois ou missions, en le mutant d'office en région parisienne, en l'incitant à rechercher par lui-même un autre poste et en chargeant un tiers de lui procurer un reclassement externe, avant de lui reconnaître en octobre 2000 les fonctions de responsable logistique relevant de la catégorie C1, avec "développement personnel C2" ; qu'ayant retenu, sans sortir des limites du litige et abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à la procédure disciplinaire, que ces atermoiements avaient eu pour résultat de mettre l'intéressé à l'écart de l'entreprise, sans que soit prise en compte sa situation personnelle et familiale, et qu'ils avaient entraîné une dégradation des conditions de travail portant atteinte aux droits et à la dignité du salarié et altérant sa santé, elle a ainsi caractérisé un harcèlement moral, dont elle a réparé les conséquences en accordant une indemnisation, y compris au titre du remboursement de frais de transport générés par les agissements de l'employeur ; que les moyens n/*e sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Air France à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils la société pour Air France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Air France à payer à Monsieur X... la somme de 125.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, ainsi qu'à lui rembourser les billets R2 réglés par lui du fait de sa mutation d'office en région parisienne,

AUX MOTIFS QUE pour établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du Code du travail, M. X... fait valoir qu'il n'a pas été promu C3 alors qu'il aurait dû l'être selon les critères de compétence appliqués aux salariés d'Air France, que par son courrier du 8 avril 1998, postérieur au déclassement, envoyé par M. Y..., membre du département "Direction des ventes et marketing" d'Air France Cargo, lui indiquait alors que son positionnement correspondait à un niveau C2 dans la classification d'Air France, que le 6 octobre 1999 le directeur général d'Air France Cargo lui confirmait son appartenance à l'encadrement du CD R Fret et "son positionnement hiérarchique en C2/C3 compte tenu de son parcours et l'évolution des règles de promotion intervenue entre temps", qu'il occupait bien un poste C2 dans la classification d'Air France, qu'il devait donc être promu au niveau C3, ayant toujours obtenu de bons résultats, que son défaut de promotion procède d'un abus de pouvoir, aucun grief ne lui ayant jamais été opposé, que sa situation précaire n'est pas justifiée, que son cas était unique en son genre comme seul cadre toujours classé C2 depuis 1998, que pourtant la méthode Hay d'évaluation à laquelle la société Air France fait toujours référence prévoit le passage à la classification C3 au bout d'un an, que la société Air France s'est abstenue de lui proposer au moins un poste équivalent dans une autre région que la région d'attache, que la seule proposition de l'employeur a consisté à le pousser à la démission puisque l'assistance de la société SODESI à un éventuel reclassement externe impliquait sa démission au préalable, qu'il ne peut être considéré avoir refusé toute proposition d'un poste C3 voir C2 dans une autre région puisqu'aucun poste de ce type ne lui a jamais été proposé, qu'il a fait l'objet d'une mutation d'office dès lors qu'il a refusé de démissionner, qu'il était ainsi fait pression sur lui alors qu'il justifiait de 17 ans d'ancienneté pour qu'il démissionne, qu'il n'a eu ensuite que des missions temporaires ne correspondant ni à sa qualification ni à ses compétences, qu'il a été privé des primes et indemnités auxquelles il avait droit, que son image et sa réputation ont été entachées par cette mise à l'écart injustifiée, sans plus aucune perspective de carrière, que l'éloignement de sa famille lui a été également très préjudiciable, que les conséquences inévitables sur sa santé de cette situation persistante l'ont obligé à consulter un psychiatre et se faire suivre du fait de la dépression nerveuse qu'il a subie en conséquence; Que ces faits répétés tout au long de la carrière de M. X..., corroborés par les correspondances versées aux débats, font présumer l'existence d'un harcèlement moral à son détriment ; Que pour les contredire la société Air France oppose que M. X... en sa qualité de personnel au sol s'est vu attribué des indemnités et avantages prévus par le règlement commun du personnel (RPC) et le règlement du personnel au sol (RPS), qu'il a ainsi perçu une indemnité de changement de résidence de 13.000 francs, une indemnité de déménagement de 13.000 francs, a bénéficié de l'attribution selon le régime de faveur de deux billets SI par mois pendant six mois, de l'indemnité provisoire de logement pendant trois mois dans l'attente de la récupération de son logement parisien, qu'il a suivi des stages de formation (Excel et management de proximité), qu'il a été muté d'office en région parisienne du fait de l'absence de démarches de sa part pour adhérer au principe de mobilité ; Qu'elle conteste toute discrimination dont aurait fait l'objet M. X... dès lorsque celui-ci ne cite aucun cas de salariés d'Air France qui auraient exercé des fonctions identiques aux siennes, bénéficié de la même ancienneté, de la même formation et de la même qualification et qui auraient obtenu une promotion à un poste C3, que l'absence de promotion de M. X... procède de faits objectifs tenant simplement de l'application du règlement du personnel au sol, selon lequel d'abord, "l'avancement reconnaît la qualité du travail qui résulte notamment de la compétence et de l'expérience acquise", a lieu au choix et consiste en l'attribution de points à l'intérieur d'un même niveau de classements" et selon lequel ensuite "la promotion est un acte de carrière qui reconnaît, soit le potentiel et les aptitudes à occuper une fonction ou un poste plus élevé, soit le développement du professionnalisme", que surtout "la promotion de niveau dans les groupes cadres et la promotion de groupe dans tous les cas sont subordonnés à une vacance de poste déterminée dans le cadre des prévisions annuelles", que le passage des catégories C2à C3 n'a donc aucun caractère d'automaticité, qu'aucun poste de niveau C3 n'a pu être attribué, qu'elle a toujours confié à M. X... des tâches nécessitant une charge de travail normale, n'a jamais isolé M. X... des autres salariés, lui a fait bénéficié d'un avancement chaque année, n'a jamais considéré qu'il ne pourrait bénéficier d'une promotion si un poste devenait disponible, lui a proposé à plusieurs reprises des poste de sa qualification qu'il a refusés, qu'elle a ainsi fait de nombreuses démarches (recherche d'un poste d'auditeur en décembre 1998 ; transmission de candidatures en mars 1999 au service commercial France; proposition d'un poste de cadre groupe 1 au service contrôle budgétaire en avril 1999 ; placement au service mobilité en juin 1999 pour l'assister dans sa recherche d'emploi; proposition de missions de chargé d'études, contrôle de vente, de mise en place d'un référentiel d'agences de voyages; formation Excel, intervention de la société SODESI) ; que suite à son refus de toutes propositions, il a été muté d'office en octobre 1999 et placé en mission au CDR Fret auprès du service marketing pendant six mois, étant entendu qu'il était libre de mettre un terme à cette mission avant l'expiration de ce délai s'il trouvait un poste qu'il jugeait plus adéquat, qu'en avril 2000 deux nouvelles missions lui ont été proposées, une mission de six mois pour la refonte des instructions "Z" ainsi qu'une mission de trois mois chez Régional Airlines, qu'à compter d'octobre 2000, il a accédé au poste de responsable logistique commerciale aux affaires postales correspondant au niveau Cl avec développement personnel C2 consistant en l'analyse des statistiques commerciales du transport de la Poste, en une activité d'interlocuteur avec les escales fret et dans le traitement des litiges, que ces attributions impliquaient une amélioration incontestable des fonctions occupées par M. X... qui avait occupé à Nice un poste classé B4, que M. X... dont les qualités professionnelles étaient jugées satisfaisantes a conformément au statut du personnel au sol chaque année bénéficié de points de coefficient supplémentaires d' avril 1998 à avril 2003 son coefficient passant de 378,1790 à 420,5830 sur cette période, que la compagnie a toujours reconnu pour M. X... avec bienveillance le bénéfice de congés, que les ennuis de santé de M. X... sont sans lien avec la situation de l'entreprise; Que par cette argumentation, la société Air France n'explique pas le déclassement du poste de M. X..., assimilé à celui d'attaché commercial, en 1999 alors qu'il était auparavant chef de région-adjoint, niveau C2, les motifs de la suppression de ce dernier poste, l'incitation à plusieurs reprises réitérée du salarié sans raison à trouver lui-même un autre poste, l'incitation à un reclassement externe, le maintien de l'intéressé dans l'incertitude, la mutation d'office ensuite en région parisienne malgré sa situation familiale, sans procédure disciplinaire ni énonciation de motifs professionnels, sauf celui formel de l'obligation de mobilité, l'attribution de missions successives de quelques mois, l'absence de stabilité de l'emploi à lui ainsi imposée pendant de nombreux mois, l'absence de prise en charge durable de ses trajets pour rejoindre son domicile familial nonobstant l'activité de transport aérien de l'entreprise et les conséquences financières personnelles et familiales ainsi induites par une telle attitude, l'absence de promotion encore au niveau C3 malgré la reconnaissance de ses qualités professionnelles et les interventions réitérées des organisations syndicales soulignant le caractère unique de son cas, la mise à l'écart, de fait, de l'entreprise en raison du recours par le salarié, en conséquence de la situation qui lui était faite, aux congés sabbatiques puis en vue de la création d'entreprise; Que les agissements répétés ci-dessus ont eu pour effet, comme le démontrent les correspondances versées, une dégradation des conditions de travail de M. X..., ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité du fait du déclassement imposé en réalité, de l'absence de fonctions stables, ont altéré sa santé, même si par ailleurs M. X... a pu rencontrer d'autres difficultés, et ont de manière patente compromis son avenir professionnel ;

1) ALORS QUE l'employeur n'est tenu de démontrer que son comportement et ses décisions à l'égard du salarié reposent sur des éléments objectifs exempts de harcèlement moral, qu'à la condition que le salarié ait, préalablement, établi l'existence de faits répétés laissant présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'à cet égard, le juge doit constater de manière précise lesquels, parmi les faits allégués par le salarié qui prétend avoir subi un harcèlement, sont établis et laissent présumer l'existence du harcèlement ; qu'en l'espèce, en se contentant de renvoyer aux faits tels qu'allégués par M. X..., et en se bornant pour le reste à affirmer par un motif de pure forme, sans aucune précision ni analyse, qu'ils étaient «corroborés par les correspondances versées aux débats», la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'employeur n'est tenu de démontrer que son comportement et ses décisions à l'égard du salarié reposent sur des éléments objectifs exempts de harcèlement moral, qu'à la condition que le salarié ait, préalablement, établi l'existence de faits répétés laissant présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'en faisant supporter à la société Air France la charge de prouver l'absence de harcèlement résultant de faits dont la réalité n'a pas été préalablement caractérisée, la cour d'appel a violé les articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

3) ALORS QUE pour rejeter la demande de reconstitution de carrière de Monsieur X..., la cour d'appel a relevé qu'aux termes du statut du personnel au sol d'Air France, ce dernier n'avait pas un droit à un avancement automatique au niveau C3 et qu'il n'apportait aucun élément précis sur une rupture d'égalité par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique ; qu'en affirmant néanmoins que l'absence de promotion de Monsieur X... au niveau C3 était de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 122-49, devenu l'article L. 1152-1 du Code du travail ;

4) ALORS QU'il résulte tant des écritures de Monsieur X..., que du rappel de ses moyens et prétentions par la cour d'appel, que le salarié n'a jamais prétendu avoir été contraint de prendre un congé sabbatique et un congé de création d'entreprise en raison de la situation de harcèlement qu'il prétendait être la sienne, ni que ces congés auraient entraîné sa mise à l'écart de l'entreprise ; qu'il soutenait, différemment, que sa mutation à Paris, les missions temporaires qui lui avaient été attribuées dans un premier temps, l'absence de promotion et le non-versement de certaines primes avaient entraîné sa mise à l'écart (conclusions, p. 8, al. 1 à 6) ; qu'en reprochant néanmoins à la société Air France la « mise à l'écart, de fait, de l'entreprise en raison du recours du salarié, en conséquence de la situation qui lui était faite, aux congés sabbatiques puis en vue de la création d'entreprise », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Air France à payer à Monsieur X... la somme de 125.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, ainsi qu'à lui rembourser les billets R2 réglés par lui du fait de sa mutation d'office en région parisienne,

AUX MOTIFS QUE pour établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du Code du travail, M. X... fait valoir qu'il n'a pas été promu C3 alors qu'il aurait dû l'être selon les critères de compétence appliqués aux salariés d'Air France, que par son courrier du 8 avril 1998, postérieur au déclassement, envoyé par M. Y..., membre du département "Direction des ventes et marketing" d'Air France Cargo, lui indiquait alors que son positionnement correspondait à un niveau C2 dans la classification d'Air France, que le 6 octobre 1999 le directeur général d'Air France Cargo lui confirmait son appartenance à l'encadrement du CD R Fret et "son positionnement hiérarchique en C2/C3 compte tenu de son parcours et l'évolution des règles de promotion intervenue entre temps", qu'il occupait bien un poste C2 dans la classification d'Air France, qu'il devait donc être promu au niveau C3, ayant toujours obtenu de bons résultats, que son défaut de promotion procède d'un abus de pouvoir, aucun grief ne lui ayant jamais été opposé, que sa situation précaire n'est pas justifiée, que son cas était unique en son genre comme seul cadre toujours classé C2 depuis 1998, que pourtant la méthode Hay d'évaluation à laquelle la société Air France fait toujours référence prévoit le passage à la classification C3 au bout d'un an, que la société Air France s'est abstenue de lui proposer au moins un poste équivalent dans une autre région que la région d'attache, que la seule proposition de l'employeur a consisté à le pousser à la démission puisque l'assistance de la société SODESI à un éventuel reclassement externe impliquait sa démission au préalable, qu'il ne peut être considéré avoir refusé toute proposition d'un poste C3 voir C2 dans une autre région puisqu'aucun poste de ce type ne lui a jamais été proposé, qu'il a fait l'objet d'une mutation d'office dès lors qu'il a refusé de démissionner, qu'il était ainsi fait pression sur lui alors qu'il justifiait de 17 ans d'ancienneté pour qu'il démissionne, qu'il n'a eu ensuite que des missions temporaires ne correspondant ni à sa qualification ni à ses compétences, qu'il a été privé des primes et indemnités auxquelles il avait droit, que son image et sa réputation ont été entachées par cette mise à l'écart injustifiée, sans plus aucune perspective de carrière, que l'éloignement de sa famille lui a été également très préjudiciable, que les conséquences inévitables sur sa santé de cette situation persistante l'ont obligé à consulter un psychiatre et se faire suivre du fait de la dépression nerveuse qu'il a subie en conséquence; Que ces faits répétés tout au long de la carrière de M. X..., corroborés par les correspondances versées aux débats, font présumer l'existence d'un harcèlement moral à son détriment ; Que pour les contredire la société Air France oppose que M. X... en sa qualité de personnel au sol s'est vu attribué des indemnités et avantages prévus par le règlement commun du personnel (RPC) et le règlement du personnel au sol (RPS), qu'il a ainsi perçu une indemnité de changement de résidence de 13.000 francs, une indemnité de déménagement de 13.000 francs, a bénéficié de l'attribution selon le régime de faveur de deux billets SI par mois pendant six mois, de l'indemnité provisoire de logement pendant trois mois dans l'attente de la récupération de son logement parisien, qu'il a suivi des stages de formation (Excel et management de proximité), qu'il a été muté d'office en région parisienne du fait de l'absence de démarches de sa part pour adhérer au principe de mobilité ; Qu'elle conteste toute discrimination dont aurait fait l'objet M. X... dès lorsque celui-ci ne cite aucun cas de salariés d'Air France qui auraient exercé des fonctions identiques aux siennes, bénéficié de la même ancienneté, de la même formation et de la même qualification et qui auraient obtenu une promotion à un poste C3, que l'absence de promotion de M. X... procède de faits objectifs tenant simplement de l'application du règlement du personnel au sol, selon lequel d'abord, "l'avancement reconnaît la qualité du travail qui résulte notamment de la compétence et de l'expérience acquise", a lieu au choix et consiste en l'attribution de points à l'intérieur d'un même niveau de classements" et selon lequel ensuite "la promotion est un acte de carrière qui reconnaît, soit le potentiel et les aptitudes à occuper une fonction ou un poste plus élevé, soit le développement du professionnalisme", que surtout "la promotion de niveau dans les groupes cadres et la promotion de groupe dans tous les cas sont subordonnés à une vacance de poste déterminée dans le cadre des prévisions annuelles", que le passage des catégories C2à C3 n'a donc aucun caractère d'automaticité, qu'aucun poste de niveau C3 n'a pu être attribué, qu'elle a toujours confié à M. X... des tâches nécessitant une charge de travail normale, n'a jamais isolé M. X... des autres salariés, lui a fait bénéficié d'un avancement chaque année, n'a jamais considéré qu'il ne pourrait bénéficier d'une promotion si un poste devenait disponible, lui a proposé à plusieurs reprises des poste de sa qualification qu'il a refusés, qu'elle a ainsi fait de nombreuses démarches (recherche d'un poste d'auditeur en décembre 1998 ; transmission de candidatures en mars 1999 au service commercial France; proposition d'un poste de cadre groupe 1 au service contrôle budgétaire en avril 1999 ; placement au service mobilité en juin 1999 pour l'assister dans sa recherche d'emploi; proposition de missions de chargé d'études, contrôle de vente, de mise en place d'un référentiel d'agences de voyages; formation Excel, intervention de la société SODESI) ; que suite à son refus de toutes propositions, il a été muté d'office en octobre 1999 et placé en mission au CDR Fret auprès du service marketing pendant six mois, étant entendu qu'il était libre de mettre un terme à cette mission avant l'expiration de ce délai s'il trouvait un poste qu'il jugeait plus adéquat, qu'en avril 2000 deux nouvelles missions lui ont été proposées, une mission de six mois pour la refonte des instructions "Z" ainsi qu'une mission de trois mois chez Régional Airlines, qu'à compter d'octobre 2000, il a accédé au poste de responsable logistique commerciale aux affaires postales correspondant au niveau Cl avec développement personnel C2 consistant en l'analyse des statistiques commerciales du transport de la Poste, en une activité d'interlocuteur avec les escales fret et dans le traitement des litiges, que ces attributions impliquaient une amélioration incontestable des fonctions occupées par M. X... qui avait occupé à Nice un poste classé B4, que M. X... dont les qualités professionnelles étaient jugées satisfaisantes a conformément au statut du personnel au sol chaque année bénéficié de points de coefficient supplémentaires d' avril 1998 à avril 2003 son coefficient passant de 378,1790 à 420,5830 sur cette période, que la compagnie a toujours reconnu pour M. X... avec bienveillance le bénéfice de congés, que les ennuis de santé de M. X... sont sans lien avec la situation de l'entreprise; Que par cette argumentation, la société Air France n'explique pas le déclassement du poste de M. X..., assimilé à celui d'attaché commercial, en 1999 alors qu'il était auparavant chef de région-adjoint, niveau C2, les motifs de la suppression de ce dernier poste, l'incitation à plusieurs reprises réitérée du salarié sans raison à trouver lui-même un autre poste, l'incitation à un reclassement externe, le maintien de l'intéressé dans l'incertitude, la mutation d'office ensuite en région parisienne malgré sa situation familiale, sans procédure disciplinaire ni énonciation de motifs professionnels, sauf celui formel de l'obligation de mobilité, l'attribution de missions successives de quelques mois, l'absence de stabilité de l'emploi à lui ainsi imposée pendant de nombreux mois, l'absence de prise en charge durable de ses trajets pour rejoindre son domicile familial nonobstant l'activité de transport aérien de l'entreprise et les conséquences financières personnelles et familiales ainsi induites par une telle attitude, l'absence de promotion encore au niveau C3 malgré la reconnaissance de ses qualités professionnelles et les interventions réitérées des organisations syndicales soulignant le caractère unique de son cas, la mise à l'écart, de fait, de l'entreprise en raison du recours par le salarié, en conséquence de la situation qui lui était faite, aux congés sabbatiques puis en vue de la création d'entreprise; Que les agissements répétés ci-dessus ont eu pour effet, comme le démontrent les correspondances versées, une dégradation des conditions de travail de M. X..., ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité du fait du déclassement imposé en réalité, de l'absence de fonctions stables, ont altéré sa santé, même si par ailleurs M. X... a pu rencontrer d'autres difficultés, et ont de manière patente compromis son avenir professionnel ;

1) ALORS QUE la société Air France faisait valoir que la qualification de chef de région-adjoint, qui avait été évoquée par la société Air Inter, avant le transfert du contrat de travail de Monsieur X..., ne correspondait à aucune réalité et que le poste de responsable du développement du marché express régional qu'occupait le salarié était, dans toutes les délégations de province, classé dans le groupe B dans la grille des emplois ; qu'en affirmant que la société Air France n'expliquait pas le déclassement du poste de M. X..., sans aucunement prendre en considération les explications expresses et circonstanciées de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

2) ALORS QUE la société Air France exposait qu'elle avait proposé à Monsieur X... plusieurs emplois correspondant à son classement au niveau Cadre C2 qui lui avait été reconnu par la société Air Inter, avant le transfert de son contrat, et que Monsieur X... avait systématiquement refusé toute proposition, de sorte qu'elle avait été contrainte de prononcer sa mutation d'office sur un emploi relevant de son classement personnel de cadre ; qu'il était par ailleurs constant que Monsieur X... ne contestait ni que les emplois proposés correspondaient à son classement personnel, ni qu'il les avait tous refusés ; qu'en affirmant néanmoins que la société Air France ne justifiait pas la mutation d'office décidée en 1999 par un motif objectif, sans s'expliquer sur le refus systématiquement opposé par le salarié à toute proposition de mutation et la nécessité de l'affecter sur un emploi correspondant à son classement personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

3) ALORS QUE constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif ; qu'en reprochant, de manière inopérante, à la société Air France d'avoir prononcé la mutation de Monsieur X... «sans procédure disciplinaire ni énonciation de motifs professionnels», sans avoir caractérisé en quoi la décision de la société Air France de muter Monsieur X... aurait été prise en raison de faits considérés comme fautifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-40, devenu l'article L. 1331-1 du Code du travail ;

4) ALORS QUE la bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié d'établir que la décision de l'employeur de modifier ses conditions de travail est abusive, soit parce qu'elle a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, soit parce qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions étrangères à la bonne foi contractuelle ; qu'en conséquence, il n'appartient pas à l'employeur de justifier que la décision de muter un salarié, dans le cadre de son pouvoir de direction, n'est pas abusive ; qu'en énonçant que la mutation d'office de Monsieur X... était constitutive d'un abus, du seul fait qu'elle était intervenue « sans motif énoncé », la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 122-49 et L. 122-52, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

5) ALORS QUE la société Air France faisait valoir que le règlement commun du personnel (RPC) prévoit qu'en cas de mutation, le salarié peut bénéficier de mesures d'accompagnements, dont la prise en charge de deux billets d'avion par mois pour rejoindre sa famille, s'il souscrit au principe de mobilité ; qu'elle exposait que Monsieur X... n'avait jamais adhéré au principe de mobilité, de sorte qu'il ne pouvait prétendre à l'attribution de billets pour rejoindre sa famille, deux fois par mois ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de la société Air France, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44532
Date de la décision : 16/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2009, pourvoi n°08-44532


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Luc-Thaler, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44532
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