LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° S 08-41677, T 08-41678, U 08-41196 et V 08-41197,
Donne acte à MM. Roger et Lucien X... du désistement de leurs pourvois, en ce qu'ils sont dirigés contre l'AGS,
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, qu'à compter du 1er janvier 1979, M. et Mme Christophe X... ont donné en location gérance à la société Entrepôt Boulanger, constituée et dirigée par leur fils Fernand, un fonds de commerce de vente de vins, bières et spiritueux, exploité à Metz ; qu'à la suite du décès des bailleurs, le fonds est devenu la propriété indivise de M. Fernand X... et de ses frères, Lucien et Y... ; qu'après avoir ouvert le 13 novembre 2002 une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Entrepôt Boulanger, le tribunal de grande instance de Metz a placé cette société en liquidation judiciaire le 29 octobre 2003 ; que par lettres des 31 octobre et 3 novembre 2003, le liquidateur judiciaire a exprimé la volonté de mettre fin au contrat de location gérance ; que MM. Z... et Sceni, employés par la société Entrepôt Boulanger comme chauffeurs-livreurs, dont les salaires n'étaient plus payés depuis le mois de novembre 2003, ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de ces salaires, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture ; que MM. Lucien et Roger X... ont fait appeler à la procédure la société La cave du retraité, constituée en novembre 2003 par M. Fernand X... et par une ancienne salariée de la société Entrepôt Boulanger dont la cour d'appel de Metz a jugé, le 24 octobre 2006, dans un litige distinct, qu'elle avait poursuivi à son compte l'activité de la société en liquidation judiciaire, en la condamnant à garantir MM. Lucien et Roger X... des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre par la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour mettre hors de cause la société La Cave du retraité et reconnaître les salariés créanciers de salaires, de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture à l'encontre de la société Entrepôt Boulanger, sans garantie de l'AGS, la cour d'appel, après avoir relevé que la société La Cave du retraité avait été constituée dès le 4 novembre 2003, avec pour activité la vente de boissons et qu'elle avait exercé une activité de même nature que la société Entrepôt Boulanger, à une adresse voisine, avec des moyens publicitaires de nature à induire la confusion dans l'esprit de la clientèle de cette société, a retenu qu'aucun élément d'actif corporel ou incorporel n'avait été transféré à la nouvelle société, à l'exception d'un camion ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société La Cave du retraité avait repris la clientèle de la société Entrepôt Boulanger constituant un élément d'exploitation significatif, pour poursuivre la même activité, ce qui était de nature à établir l'existence d'un transfert d'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils ont prononcé la résiliation des contrats de travail au 31 décembre 2003, les arrêts rendusle 23 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy pour qu'il soit jugé sur les points restant en litige ;
Condamne la société La Cave du retraité aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La Cave du retraité à payer à MM. Y... et Lucien X... la somme globale de 2 500 euros ; condamne également M. Fernand X... à payer la somme de 2 500 euros à Mme A..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit aux pourvois n°s U 08-41.196 et V 08-41.197 par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de MM. Roger et Lucien X....
Les arrêts attaqués encourent la censure ;
EN CE QU'ILS ont décidé de fixer la créance de M. Z... et celle de M. B... sur Maître A..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ENTREPOT BOULANGER à diverses sommes, au titre des rappels de salaires et des indemnités de rupture, tout en mettant hors de cause tant la SARL LA CAVE DU RETRAITE que le CGEA de NANCY ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Lucien X... et Monsieur Roger X... considèrent que les contrats de travail et notamment celui de MM. Z... et B..., ont été transférés à la S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE, société créée début novembre 2003, dont Monsieur Fernand X... est actionnaire et qui est gérée par une ancienne salariée de la société ENTREPÔT BOULANGER, alors gérée par Monsieur Fernand X... ; Que le détournement de clientèle par l'installation de cette société ayant le même objet social, située non loin des précédents locaux, a été stigmatisée et retenue de manière non équivoque par les juges du Tribunal de Grande Instance de Metz puis surtout par ceux de la Cour d'Appel de METZ, lesquels ont non seulement fait droit à la demande indemnitaire sollicitée à l'encontre de Monsieur Fernand X..., de sa gérante Madame C... et de la société LA CAVE DU RETRAITE, mais encore ont considéré que la nouvelle société « continuait l'ancienne activité de la société ENTREPÔT BOULANGER, en liquidation judiciaire » ; Qu'en conséquence, ils affirment que les dispositions de l'article L. 122-12 alinéa du Code du Travail doivent recevoir application en ce qui concerne la S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE, les contrats de travail étant en pareille hypothèse transférés de plein droit; Que par conséquent, ils considèrent que les co-indivisaires X... ne doivent pas être recherchés comme son employeur ; que Monsieur Fernand X... conteste avoir repris l'activité de la S.A.R.L ENTREPÔT X..., en liquidation judiciaire, dès lors que le fonds de commerce n'a jamais été restitué par le mandataire liquidateur et qu'en l'absence de transfert d'une entité économique autonome, les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail ne doivent pas recevoir application ; Qu'au demeurant, il considère que les demandes formulées à son encontre et à l'encontre de la S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE ainsi que de Madame C..., sont étrangères à l'exécution du contrat de travail de Monsieur Yvon Z... et celui de M. B... et doivent à ce titre être écartées ; qu'aux termes de l'article L.122-12 alinéa 2 du Code du Travail « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; Qu'il est constant que ces dispositions reçoivent application de plein droit en cas de mise en location-gérance d'un fonds de commerce ou de retour de l'activité au bailleur, dès lors que l'activité n'a pas disparu et que le fonds demeure exploitable (Cass. Soc. f3 octobre 2004) ; Que cependant, ces dispositions sont inapplicables en l'espèce, dès lors que l'acte de résiliation du contrat de location gérance formalisé le 31 octobre 2003 par Maître M.G. A..., ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L ENTREPÔT X..., est inopposable aux co-indivisaires BOULANGER, propriétaires du fonds de commerce ; Que partant, D... Yvon DAVID et Aldo B... ne sont pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 susvisé à l'encontre des consorts X... ; qu'en ce qui concerne la demande de Messieurs Lucien et Roger X..., visant à l'application des dispositions de l'article susvisé, à la charge de la S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE il échet de rappeler les éléments suivants ; que s'il est exact que la S.A.R.L ENTREPÔT X... a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 29 octobre 2003, celle-ci est intervenue du fait de . son gérant Fernand X..., qui souhaitait prendre sa retraite, nonobstant la situation bénéficiaire de l'activité de celle-ci ; Qu'il est également constant, que dès le 4 novembre 2003, une société S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE a été constituée, sise ... ayant pour activité la distribution de boissons et la location de matériel; Que Madame Martine C..., ancienne salariée de la S.A.R.L ENTREPÔT X... a été désignée gérante de cette société dont Monsieur Fernand X... est actionnaire ; Que par arrêt du 24 octobre 2006, sur lequel se fondent les deux appelants Lucien et Roger X..., la Cour d'Appel de METZ dans une instance en responsabilité opposant ces derniers à leur frère Fernand, a constaté qu'en exerçant une activité de même nature que celle précédemment exercée par la S.A.R.L ENTREPÔT X..., en liquidation judiciaire, à une adresse voisine et avec des moyens publicitaires de nature à induire une confusion dans l'esprit de la clientèle de la société susvisée, Monsieur Fernand X... a commis une faute ouvrant droit à indemnisation des consorts Lucien et Roger X..., résultant du fait qu'ainsi, Monsieur Fernand X... a évité d'exercer son droit de préemption et de payer le prix du fonds de commerce au préjudice des deux autres propriétaires indivis ; Que leur préjudice a été indemnisé à hauteur de la somme de 10000,00 euros au bénéfice de chacun des co-indivisaires ; Que consécutivement, la garantie pour les éventuelles condamnations prononcées à leur encontre dans les litiges prud'homaux en cours, par Monsieur Fernand X... a été prononcée ; qu'en conséquence, il en résulte que, non seulement aucune application conventionnelle des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail n'est intervenu en l'espèce, mais encore, que l'existence d'un transfert d'une entité économique organisée (Cass. Soc. 7 juillet 1998 et 11 mai 1999), soit celle comportant une activité, des personnes ainsi que des éléments corporels ou incorporels n'est pas établie ; Qu'en effet, l'entité telle qu'énoncée, se doit de conserver son identité dont l'activité est poursuivie ou reprise sous une direction nouvelle ; Qu'en outre, la reprise d'une activité sans les moyens n'emporte pas transfert d'identité (Cass. Soc. 12 décembre 1990) ; qu'en effet en l'espèce, aucun des éléments corporel ou incorporel de la S.A.R.L ENTREPÔT X... n'a été transféré à la S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE, si ce n'est un camion, cédé par Maître M.G. A... ; Que par conséquent, il convient de considérer que le contrat de travail de Monsieur Aldo Z... n'a pas été transféré au sein de la S.A.R.L LA CAVE DU RETRAITE par l'effet de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail ;
ALORS QUE lorsqu'une personne se comporte, notamment à l'égard de la clientèle, comme si elle était propriétaire d'un fonds de commerce anciennement exploité par une société en liquidation judiciaire, en se présentant comme le repreneur du fonds, continuant à l'exploiter avec une partie des moyens et du personnel, les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail trouvent à s'appliquer ; de sorte qu'en décidant que le contrat de travail de Monsieur Z... n'avait pas été transféré à la SARL LA CAVE DU RETRAITE par l'effet de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail, tout en constatant la continuité d'activité et d'exploitation entre les deux sociétés, la continuité d'activité de Monsieur X... comme dirigeant, la permanence de l'intervention de celui-ci et de Martine C..., ancienne salariée de la SARL ENTREPOT X..., l'utilisation des signes distinctifs de cette dernière société par la SARL LA CAVE DU RETRAITE, la reprise du camion appartenant à la SARL ENTREPOT X... et sur lequel figurait son enseigne et le démarchage systématique entrepris pour reprendre la clientèle de la SARL ENTREPOT X..., la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail.
Moyen produit au pourvoi n° S 08-41.677 par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat de MM. Roger et Lucien X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause la SARL LA CAVE DU RETRAITE et d'avoir fixé la créance du salarié à la liquidation judiciaire de la SARL ENTREPOT X....
AUX MOTIFS QUE s'il est exact que la SARL ENTREPOT X... a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 29 octobre 2003, celle-ci est intervenue du fait de son gérant Fernand X..., qui souhaitait prendre sa retraite, nonobstant la situation bénéficiaire de l'activité de celle-ci ; qu'il est également constant que dès le 4 novembre 2003 une société SARL LA CAVE DU RETRAITE. a été constituée, sise à HESTROFF 38. rue Principale ayant pour activité la distribution de boissons et la location de matériel : que Madame Martine C..., ancienne salariée de la SARL ENTREPOT X... a été désignée gérante de cette société dont Monsieur Fernand X... est actionnaire ; que par arrêt du 24 octobre 2006 sur !equel se fondent les deux appelants Lucien et Roger X..., la cour d'appel de METZ dans une instance en responsabilité opposant ces derniers à leur frère Fernand, a constaté qu'en exerçant une activité de même nature que celle précédemment exercée par la SARL ENTREPOT X..., en liquidation judiciaire, à une adresse voisine et avec des moyens publicitaires de nature à induire une confusion dans l'esprit de la clientèle de la société susvisée Monsieur Fernand X... a commis une faute ouvrant droit à indemnisation des consorts Lucien et Roger E...
F... résultant du fait qu'ainsi Monsieur Fernand X... a évité d'exercer son droit de préemption et de payer le prix du fonds de commerce au préjudice des deux autres propriétaires indivis que leur préjudice a été indemnisé à hauteur de la somme de 10 000,00 euros au bénéfice de chacun des co-indivisaires ; que consécutivement la garantie pour les éventuelles condamnations prononcées à leur encontre dans les litiges prud'homaux en cours, par Monsieur Fernand X... a été prononcée ; qu'en conséquence, il en résulte que non seulement aucune application conventionnelle des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail n'est intervenue en l'espèce, mais encore, que l'existence d'un transfert d'une entité économique organisée (Cass. Soc. 17 juillet 1998 et 11 mai 1999) soit celle comportant une activité, des personnes ainsi que des éléments corporels ou incorporels n'est pas établie ; qu'en effet l'entité telle qu'énoncée se doit de conserver son identité dont l'activité est poursuivie ou reprise sous une direction nouvelle ; qu'en outre, la reprise d'une activité sans les moyens n'emporte pas transfert d'identité (Cass. Soc. 12 décembre 1990) ; qu'en effet. en l'espèce, aucun des éléments corporel ou incorporel de la SARL ENTREPOT X... n'a été transféré à la SARL LA CAVE DU RETRAITE, si ce n`est un camion, cédé par Maître M. G. A... : que les
appelants ne démontrent pas le transfert des autres éléments de la société, étant entendu qu'ils ont engagé une action en responsabilité contre leur frère Fernand X..., pour avoir mis en oeuvre une activité concurrente sans respecter les obligations du contrat de location gérance et sans s'acquitter du prix, éléments factuels allant précisément à l'encontre du transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et caractérisé » (Cass. Soc. 20mars 2001) ; que par conséquent. il convient de considérer que le contrat de travail n'a pas été transféré au sein de la SARL LA CAVE DU RETRAITE par l'effet de l'article E. 122-12-alinéa 2 du code du travail ;
ALORS QUE le transfert d'une entité économique autonome constituée par un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif propre qui entraine pour le nouvel exploitant la poursuite de plein droit des contrats de travail, se réalise lors de la reprise frauduleuse des éléments essentiels d'un fonds exploité par une société déclarée en liquidation judiciaire ; qu'ainsi la cour d'appel, qui, tout en constatant qu'au lendemain de la liquidation judiciaire de la SARL ENTREPROT X... Monsieur Fernand X... et Madame C..., anciens gérant et salarié de cette société, avaient constitué la société LA CAVE DE RETRAITE qui avait poursuivi la même activité dans des locaux voisins avec le même camion et en démarchant la même clientèle avec des moyens publicitaires de nature à induire une confusion, a refusé d'admettre que l'entité que constituait l'exploitation de ce fonds de vente de boissons avait été transférée à la société LA CAVE DU RETRAITE, a violé l'article L. 122-12 du code du travail (L. 1224-1 nouveau).