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09/12/2009 | FRANCE | N°08-44358

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 décembre 2009, 08-44358


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 juin 2008), que M. X... a été engagé en qualité de technicien, le 16 janvier 2006, par la société Paintfill et Carding France qui exerce une activité de réparation rapide et mobile de peinture sur les carrosseries automobiles selon un procédé qu'elle dit avoir élaboré ; que son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence lui interdisant, notamment, pendant une durée de vingt-quatre mois à compter de sa cessation d'acti

vité, d'exercer cette même activité et de rechercher, solliciter ou tenter de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 juin 2008), que M. X... a été engagé en qualité de technicien, le 16 janvier 2006, par la société Paintfill et Carding France qui exerce une activité de réparation rapide et mobile de peinture sur les carrosseries automobiles selon un procédé qu'elle dit avoir élaboré ; que son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence lui interdisant, notamment, pendant une durée de vingt-quatre mois à compter de sa cessation d'activité, d'exercer cette même activité et de rechercher, solliciter ou tenter de détacher de l'employeur toute personne physique ou morale, ou toute entreprise qui, pendant la durée du contrat, aura été cliente ou employée de l'employeur sur tous les sites où la société exerce son activité ; que le salarié a démissionné le 9 février 2007 pour devenir cogérant d'une société qui exerçait la même activité que la société Paintfill et Carding France ; que cette dernière a saisi le juge des référés pour faire constater l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonner à M. X... de cesser sa nouvelle activité ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que n'est pas manifestement illicite la violation d'une clause de non-concurrence dont la licéité n'apparaît pas à l'évidence requise devant les juges des référés ; qu'il en est ainsi de la clause qui, compte tenu des connaissances techniques et du parcours professionnel du salarié, lui interdit, en fait, d'exercer une activité professionnelle ; qu'en l'espèce, il avait fait valoir, dans ses écritures, qu'en douze années d'activité professionnelle il n'avait jamais exercé qu'une activité de peinture, à l'exclusion de toute activité de carrosserie ou débosselage, de sorte que l'interdiction litigieuse, qui concernait un procédé en usage dans l'ensemble des entreprises, le privait, en fait, de la possibilité d'exercer son activité professionnelle ; qu'en se déterminant, sans examiner ce moyen, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la clause de non-concurrence n'est licite que pour autant que la contrepartie financière octroyée est proportionnelle à la limitation de l'activité du salarié qu'elle édicte, apprécié dans son ensemble; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en sus de pratiquer l'activité de peinture exercée par Paintfill et Carding la clause de non-concurrence litigieuse lui interdisait de "...rechercher, solliciter ou tenter de détacher de l'employeur toute personne physique ou morale ou toute entreprise qui, pendant la durée du présent contrat, aura été cliente de l'employeur sur les sites où la société exerce son activité" ; qu'elle édictait ainsi une interdiction de concurrence pure et simple, générale et absolue, concernant l'ensemble de la clientèle de l'employeur, illimitée dans son étendue et dans les activités exercées ; qu'en se déterminant, pour considérer que la contrepartie financière de 10 % du salaire n'était pas dérisoire aux termes de motifs prenant uniquement en considération l'interdiction d'exercer une activité de peinture identique à celle de l'employeur, qui ne tiennent pas compte de l'interdiction générale et absolue de démarcher, à quelque titre que ce soit, la clientèle de son ancien employeur également imposée par la clause litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3°/ que l'exercice par un ancien salarié d'une activité concurrentielle ne constitue pas en lui-même un agissement déloyal ; que par ailleurs, il était acquis aux débats que la société Paintfill et Carding avait accepté de le libérer dans l'exécution de son préavis bien que, dans sa lettre de démission, il lui eût annoncé son intention de ne pas tenir compte de la clause de non-concurrence ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que "le trouble causé par Jerry X... consiste en un comportement déloyal qui a conduit ce dernier à s'exonérer de l'exécution de son préavis, dans sa hâte d'exercer une activité directement concurrente, et à s'installer immédiatement après sa démission à une soixantaine de kilomètres seulement de son ancien employeur, dont il a repris exactement les tarifs", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la clause litigieuse limitait l'interdiction faite au salarié à la seule mise en oeuvre de la technique spécifique utilisée par la société Paintfill et Carding France lui laissant, sous cette réserve, toute latitude pour exercer un emploi de carrossier et constaté qu'eu égard à cette circonstance, sa contrepartie financière n'était pas dérisoire ; qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt, qui, répondant aux conclusions prétendument délaissées selon la première branche, n'a pas violé le texte visé par la deuxième, est légalement justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR "… dit qu'il y a lieu à référé en application de l'article 1455-6 du Code du travail pour faire cesser le trouble illicite causé par l'activité de Jerry X..., en conséquence, ordonn(é) à Jerry X... de cesser toute activité de réparations rapides et mobiles de peinture sur véhicules automobiles, objet de l'obligation de non concurrence contractuelle, notamment en qualité de gérant de la SARL X'TREM COLOR (…) (sous) astreinte de 500 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent arrêt (…) et jusqu'au terme de l'interdiction (…)" et "ordonn(é) la restitution à la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE (des) chèques remis mensuellement en avril 2007 et mai 2008 à titre de contrepartie du respect de l'obligation de non concurrence (…)" ;

AUX MOTIFS QUE "l'article 15 du contrat de travail contenait la clause de non concurrence suivante :
"En cas de résiliation du contrat pour quelque motif que ce soit, l'employé s'engage à ne pas :
a) exercer l'activité de réparation rapide et mobile de peinture sur la carrosserie de véhicules automobiles par un tout nouveau procédé élaboré par la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE (Activité Auto Peint'
Retouche),
b) former directement ou indirectement des tiers aux techniques développées ci-dessus,
c) rechercher, solliciter ou tenter de détacher de l'employeur toute personne physique ou morale ou toute entreprise qui, pendant la durée du présent contrat, aura été cliente ou employée de l'employeur sur tous les sites où la société exerce son activité.
Cette interdiction de concurrence est applicable pendant une durée de 24 mois à compter du jour de la cessation de l'activité de l'employé au sein de la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE et elle s'applique aux départements sur lesquels le technicien aura exercé son activité lorsqu'il était au service de la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE ainsi que les départements limitrophes des départements cités ci-dessus (cf. liste des clients non exhaustive jointe en annexe).
En revanche, l'employé sera libre d'exercer son activité en tant que carrossier traditionnel, c'est-à-dire pour tout employeur qui souhaiterait l'embaucher.
De ce fait, en contrepartie de cette obligation de non concurrence, l'employé percevra à compter de la date de la rupture effective du contrat de travail et pendant la durée d'application de la clause une indemnité mensuelle brute d'un montant égal à 10 % du salaire mensuel brut moyen des douze derniers mois (…)".
L'entreprise se réserve le droit de libérer l'employé de son ordonnance de non conciliation sans que celui-ci puisse prétendre au paiement d'une quelconque indemnité, notification sera alors faite (…) dans les 30 jours de la notification de la rupture, quel que soit l'auteur de cette rupture" ;

QUE "par lettre du 9 février 2007, Jerry X... et son collègue Christophe Z... ont démissionné en informant leur employeur de ce qu'ils ne pourraient effectuer leur préavis et que la clause de non concurrence figurant dans leur contrat de travail était nulle ; qu'il sont devenus co-gérants d'une SARL X'TREM COLOR dont le siège a été fixé à Saint Cyr Le Chatoux (Rhône) et qui exerce depuis le 15 février 2007 la même activité que la S.A.S. PAINTFILL et CARDIFF FRANCE ; la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE a saisi la formation des référés du Conseil de prud'hommes de Lyon le 8 juin 2007 ;

QU'aux termes de l'article R.1455-6 du Code du travail, la formation des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le fait, pour un salarié, de méconnaître les obligations résultant d'une clause de non concurrence le liant à son précédent employeur occasionne un trouble manifestement illicite que la formation des référés est compétente pour faire cesser ;

QU'en l'espèce, Jerry X... ne peut pas opposer la nullité de la clause de non concurrence insérée dans son contrat de travail aux motifs que son champ d'application serait excessif dès lors que les actes reprochés sont conduits dans le périmètre de validité de l'engagement contracté ; que selon l'article 15 du contrat de travail, l'interdiction d'exercer l'activité de réparation rapide et mobile de peinture sur la carrosserie de véhicules automobiles selon le procédé de la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE s'applique aux départements sur lesquels le salarié exerçait son activité ainsi qu'aux départements limitrophes ; que l'article 7 du contrat de travail a fixé le lieu de travail de Jerry X... sur un secteur comprenant les départements de l'Ain, du Rhône et de la Saône et Loire ; qu'il n'importe que le contrat de travail ait envisagé une adaptation de ce secteur en fonction de la charge de travail qu'il représente, puisque cette faculté n'a pas été utilisée ; que la contrepartie pécuniaire prévue n'est pas dérisoire, l'interdiction ne visant que l'utilisation d'une technique particulière de réparation et le salarié conservant toute latitude pour retrouver un emploi de carrossier après son bref passage dans la Société PAINTFILL et CARDING FRANCE ;

QUE le trouble causé par Jerry X... consiste en un comportement déloyal qui a conduit ce dernier à s'exonérer de l'exécution de son préavis, dans sa hâte d'exercer une activité directement concurrente, et à s'installer immédiatement après sa démission à une soixantaine de kilomètres seulement de son ancien employeur, dont il a repris exactement les tarifs ; qu'il convient de mettre fin à ce trouble en ordonnant à Jerry X... de cesser toute activité de réparations rapides et mobiles de peinture sur véhicules automobiles, objet de l'obligation de non concurrence contractuelle, notamment en qualité de gérant de la SARL X'TREM COLOR, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du présent arrêt et jusqu'au terme de l'interdiction (…)" (arrêt p.5 dernier alinéa, p.6) ;

1°) ALORS QUE n'est pas manifestement illicite la violation d'une clause de non concurrence dont la licéité n'apparaît pas avec l'évidence requise devant le Juge des référés ; qu'il en est ainsi de la clause qui, compte tenu des connaissances techniques et du parcours professionnel du salarié, lui interdit, en fait, d'exercer son activité professionnelle ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait fait valoir, dans ses écritures, qu'en 12 années d'activité professionnelle il n'avait jamais exercé qu'une activité de peinture, à l'exclusion de toute activité de carrosserie ou débosselage, de sorte que l'interdiction litigieuse, qui concernait un procédé en usage dans l'ensemble des entreprises, le privait, en fait, de la possibilité d'exercer son activité professionnelle ; qu'en se déterminant sans examiner ce moyen la Cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS en outre QUE la clause de non concurrence n'est licite que pour autant que la contrepartie financière octroyée est proportionnelle à la limitation de l'activité du salarié qu'elle édicte, appréciée dans son ensemble ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en sus de pratiquer l'activité de peinture exercée chez PAINFILL et CARDING, la clause de non concurrence litigieuse interdisait à Monsieur X... de "…rechercher, solliciter ou tenter de détacher de l'employeur toute personne physique ou morale ou toute entreprise qui, pendant la durée du présent contrat, aura été cliente ou employée de l'employeur sur tous les sites où la société exerce son activité" ; qu'elle édictait ainsi une interdiction de concurrence pure et simple, générale et absolue, concernant l'ensemble de la clientèle de l'employeur, illimitée dans son étendue et dans les activités exercées ; qu'en se déterminant, pour considérer que la contrepartie financière de 10 % du salaire mensuel n'était pas dérisoire, aux termes de motifs prenant uniquement en considération l'interdiction d'exercer une activité de peinture identique à celle de l'employeur, qui ne tiennent pas compte de l'interdiction générale et absolue de démarcher, à quelque titre que ce soit, la clientèle de son ancien employeur également imposée au salarié par la clause litigieuse la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article R.1455-6 du Code du travail ;

3°) ALORS en toute hypothèse QUE l'exercice, par un ancien salarié, d'une activité concurrentielle ne constitue pas en lui-même un agissement déloyal ;
que par ailleurs, il était acquis aux débats que la Société PAINFILL et CARDING avait accepté de libérer Monsieur X... de l'exécution de son préavis bien que ce dernier, dans sa lettre de démission, lui eût annoncé son intention de ne pas tenir compte de la clause de non concurrence ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que " le trouble causé par Jerry X... consiste en un comportement déloyal qui a conduit ce dernier à s'exonérer de l'exécution de son préavis, dans sa hâte d'exercer une activité directement concurrente, et à s'installer immédiatement après sa démission à une soixantaine de kilomètres seulement de son ancien employeur, dont il a repris exactement les tarifs", la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44358
Date de la décision : 09/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 30 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 déc. 2009, pourvoi n°08-44358


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44358
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