LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 mai 2007), qu'engagé le 23 mars 1992 par la société Distrimex, M. X..., qui a, le 15 février 2002, fait l'objet d'une mise à pied de trois jours, a été en arrêt de travail pour maladie du 8 mars au 30 juin 2002 ; que le 16 juillet 2002, à l'issue d'un second examen par le médecin du travail, le salarié a été déclaré inapte à son poste actuel, puis licencié le 27 août suivant pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le licenciement pour inaptitude physique à l'emploi prononcé en l'état de l'absence de toute possibilité de reclassement est justifié; qu'en l'espèce, le salarié ne contestait pas l'impossibilité de son reclassement au sein de la société Distrimex elle même, se bornant à reprocher à l'employeur l'absence de proposition de reclassement au sein des sociétés Delta-Blau et Soleia, filiales de la société Distrimex et de l'établissement Eurodis situé en Allemagne ; que, pour démontrer l'absence de toute possibilité de reclassement du salarié au sein de ces sociétés, l'employeur soutenait que, d'une part, la société Soleia ne constituait qu'un lien juridique pour l'achat des fraises du Maroc entre les mois de décembre et de mars de chaque année et était donc dépourvue de tout salarié, que, d'autre part, la société Eurodis était sans activité depuis 2002 ; qu'elle ajoutait que tout poste au sein de la société Delta Blau, société de droit espagnol siégeant à Séville et dont l'activité est toute entière tournée vers le marché espagnol, requerrait la maîtrise de la langue espagnole, ce dont ne justifiait pas, précisément, M. X... ; qu'en reprochant à la société Distrimex l'absence de preuve d'impossibilité de reclassement, sans dire en quoi les circonstances susvisées n'établissaient pas la preuve d'une telle impossibilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321 1 et L. 122 14 3 du code du travail ;
2°/ que la preuve de l'impossibilité du reclassement est libre; qu'en déduisant l'absence de preuve de l'impossibilité de reclassement du salarié de la non production du registre du personnel de la société Distrimex et des autres sociétés du groupe auquel elle est supposée appartenir, la cour d'appel a violé les articles L. 122 14 3 et L. 321 1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que l'employeur avait l'obligation, en application de l'article L. 122 24 4 devenu L. 1226 2 du code du travail, de proposer au salarié déclaré inapte, à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail, un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de poste de travail, la cour d'appel, qui a justement retenu que la recherche de reclassement devait être également effectuée au sein du groupe auquel l'entreprise appartient, a, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, constaté que tel n'avait pas été le cas ;
Et attendu qu'appréciant ainsi l'ensemble des éléments de preuve produits devant elle sans méconnaître le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Distrimex aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Distrimex et condamne celle ci à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Distrimex
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société DISTRIMEX à payer au salarié la somme de 47.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre d'AVOIR alloué au salarié la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article L. 122-24-4 du code du travail, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement au sein de l'entreprise mais aussi du groupe auquel elle appartient; que la S.A. DISTRIMEX ne produit aucun élément objectif, notamment des échanges de courriers avec le médecin du travail et le salarie, susceptible de démontrer qu'elle aurait, postérieurement au second examen médical du 16 juillet 2002, pris en considération les propositions émises par le médecin du travail visant à l'inaptitude de John X... au même poste dans un environnement différent ;
QUE notamment elle ne démontre pas avoir tenté de le reclasser au sein de la société DELTA BLAU, à Séville, qui appartient au même groupe qu'elle et dont il est établi qu'elle avait une activité d'exportation en direction des Iles Britanniques ;
QU'elle ne fournit pas davantage le registre de son personnel, ni celui des autres sociétés du groupe, ce qui ne met pas la cour en mesure de vérifier si des embauches ont eu lieu, et, dans l'affirmative, s'il s'agissait de postes que John X... aurait pu occuper, au besoin en assurant son adaptation à l'évolution de son emploi ;
QU'elle ne justifie ni avoir procédé à une recherche effective des postes disponibles afin que soit faite au salarié une proposition personnalisée de reclassement, ni que son reclassement était impossible »,
1) ALORS QUE le licenciement pour inaptitude physique à l'emploi prononcé en l'état de l'absence de toute possibilité de reclassement est justifié ; qu'en l'espèce, le salarié ne contestait pas l'impossibilité de son reclassement au sein de la société DISTRIMEX elle-même, se bornant à reprocher à l'employeur l'absence de proposition de reclassement au sein des sociétés DELTA-BLAU et SOLEIA, filiales de la société DISTRIMEX et de l'établissement EURODIS situé en Allemagne (cf. conclusions d'appel du salarié, p. 8 et 9) ; que, pour démontrer l'absence de toute possibilité de reclassement du salarié au sein de ces sociétés, l'employeur soutenait (cf. conclusions d'appel de l'employeur, p. 12) que, d'une part, la société SOLEIA ne constituait qu'un lien juridique pour l'achat des fraises du Maroc entre les mois de décembre et de mars de chaque année et était donc dépourvue de tout salarié, que, d'autre part, la société EURODIS était sans activité depuis 2002 ; qu'elle ajoutait que tout poste au sein de la société DELTA BLAU, société de droit espagnol siégeant à Séville et dont l'activité est toute entière tournée vers le marché espagnol, requérrait la maîtrise de la langue espagnole, ce dont ne justifiait pas, précisément, M. X... (cf. conclusions d'appel de l'employeur, p. 12) ; qu'en reprochant à la société DISTRIMEX l'absence de preuve d'impossibilité de reclassement, sans dire en quoi les circonstances susvisées n'établissaient pas la preuve d'une telle impossibilité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
2) ALORS QUE la preuve de l'impossibilité du reclassement est libre ; qu'en déduisant l'absence de preuve de l'impossibilité de reclassement du salarié de la non production du registre du personnel de la société DISTRIMEX et des autres sociétés du groupe auquel elle est supposée appartenir, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DISTRIMEX à payer au salarié la somme de 3.955 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre d'AVOIR alloué au salarié la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
AUX MOTIFS QUE « Monsieur Y... atteste que John X... avait « la libre initiative dans la fixation des prix d'achat et de vente des produits qu'il devait négocier », ce qui correspond précisément à la définition du cadre commercial au sens de l'article 39 relatif à la nomenclature des emplois de la convention collective nationale des entreprises d'expédition et d'exportation de fruits et légumes »,
ALORS QUE l'article 8 de l'annexe II à la Convention collective nationale des entreprises d'expédition et d'exportation des fruits et légumes fixe à trois mois la durée de préavis pour les cadres ; que l'article 1er de cette même annexe définit, en son article ler, le personnel d'encadrement comme celui qui a « un rôle de commandement et d'animation ou de technicité particulière qui lui demande, bien évidemment, des qualités personnelles telles que sens de l'initiative et disponibilité » ; qu'en se bornant, pour retenir l'appartenance du salarié à la catégorie des « cadres », à constater qu'ayant la libre initiative dans la fixation des prix d'achat et de vente des produits qu'il devait négocier, M. X... satisfaisait à la définition du cadre commercial au sens de l'article 39 de la convention collective précitée, sans s'assurer que ce dernier remplissait les critères définissant, plus généralement, le personnel d'encadrement au sens de l'annexe II à ladite Convention collective, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er et 8 de cette annexe.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DISTRIMEX à payer au salarié la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, outre d'AVOIR alloué au salarié la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
AUX MOTIFS QUE « le conseiller extérieur du salarié atteste que, lors de l'entretien préalable au licenciement, le président de la SA. DISTRIMEX s'en est pris à John X... « avec une extrême violence du ton et des mots qui ne permettait pas de répondre et encore mois d'avoir une discussion » : « rien à branler que tu sois d'accord ou pas d'accord » ; « t'es bien content de venir en France piquer les Français » ; « Si ton beau-père n'avait pas payé tes dettes et ne t'avait pas logé, tu serais à la rue » ; qu'il les a également menacés : « si vous me cherchez, vous allez me trouver » ; « je me suis déjà occupé de plus fort que vous » ; qu'enfin, il les a « jetés dehors devant l'ensemble du personnel... (et qu'il les) a ensuite suivis sur le quai, se faisant menaçant physiquement, bousculant légèrement Monsieur X... dans l'espoir d'une réaction de celui-ci » ; que ce comportement inadmissible a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi »,
ALORS QUE le juge ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans examiner, serait-ce sommairement, tous les éléments de preuve qui lui sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société DISTRIMEX soutenait que les péripéties qui avaient accompagné le déroulement de l'entretien préalable avaient pour origine exclusive les conditions inacceptables dans lesquelles M. X... et son conseiller s'étaient présentés dans ses locaux (cf. conclusions d'appel de l'employeur, p. 7, in limine) ; qu'elle produisait, au soutien de cette affirmation, une attestation de Mme Z... épouse A..., salariée rattachée au bureau commercial de la société DISTRIMEX, laquelle rapportait l'attitude particulièrement discourtoise de M. X... et de son conseiller lors de leur arrivée dans les locaux et du ton agressif et injurieux de leurs propos pendant ledit entretien ; qu'en allouant au salarié une indemnité en réparation du préjudice par lui prétendument subi à raison du comportement adopté par l'employeur lors de tenue de l'entretien préalable, sans viser ni analyser, serait-ce sommairement, l'attestation précitée, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la mise à pied prononcée le 15 février 2002 et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société DISTRIMEX à payer au salarié la somme de 405, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de salaire de mise à pied, outre d'AVOIR alloué au salarié la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
AUX MOTIFS QUE « la mise à pied prononcée le 15 février 2002 pour un temps déterminé de trois jours, présente un caractère disciplinaire ; qu'elle n'a été précédée ni d'une convocation à un entretien préalable, conformément à l'article L. 122-41 du code du travail, ni d'un entretien préalable ; qu'elle est donc irrégulière en la forme ; qu'en outre, la société DISTRIMEX ne fournit aucun document précis de nature à en démontrer le bien fondé »,
1) ALORS QUE la mise à pied prononcée dans l'attente de la convocation à un entretien préalable présente un caractère conservatoire, peu important, à cet égard, que la lettre de mise à pied précise que l'entretien préalable aura lieu 3 jours plus tard ; qu'en l'espèce, l'employeur informait le salarié, dans la lettre du 15 février 2002, qu'il le mettait à pied pour trois jours « après quoi nous vous convoquerons pour un entretien avec la personne de votre choix » ; qu'en affirmant, pour attribuer à cette mise à pied un caractère disciplinaire et dire qu'elle aurait dû être précédée d'une convocation à un entretien préalable et d'un tel entretien, qu'elle avait été prononcée pour un temps déterminé, quand le terme prévu par la lettre litigieuse n'affectait que la date de tenue de l'entretien et non la mise à pied elle-même, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-41 et L. 122-43 du Code du travail ;
2) ALORS QUE la société DISTRIMEX produisait aux débats un relevé des transactions opérées par M. X... entre le 11 janvier 2002 et le 15 février 2002 avec les bordereaux afférents à ces transactions à propos desquels les premiers juges avaient relevé qu'ils «faisaient apparaître que le prix négocié sur le contrat avait été revu à la baisse au moment de la facturation et à tout le moins de la livraison » (cf. jugement entrepris, p. 6, §. 7) ; qu'en affirmant que ces documents n'étaient pas précis et de nature à démontrer le bien fondé des faits reprochés au salarié, sans préciser en quoi ces documents étaient imprécis et ne renseignaient pas suffisamment sur la réalité des faits reprochés au salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-41 et L. 122-43 du Code du travail.