La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2009 | FRANCE | N°09-81496

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 décembre 2009, 09-81496


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Rachel, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre Jérôme Y..., du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil et des articles 2, 3, 513 et 593 du code de procédure

pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fixé à ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Rachel, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre Jérôme Y..., du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil et des articles 2, 3, 513 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fixé à la somme de 370 061,69 euros dont 82 861,69 euros au titre des préjudices patrimoniaux actuels et futurs et 287 000 euros au titre des préjudices extra-patrimoniaux actuels et futurs le montant des intérêts civils ;

"aux motifs que s'agissant des frais divers Rachel X... sollicite pour la première fois en cause d'appel l'indemnisation des préjudices suivants :
- dégâts matériels sur son véhicule,
- effets personnels dégradés,
- assistance d'une tierce personne avant consolidation (pour garde des enfants durant hospitalisation aide-ménagère)
- frais de déplacements, de photographies et de poste, et sollicite la condamnation du prévenu et de la compagnie d'assurances à lui payer à ce titre la somme de 242 700, 43 euros ; devant le premier juge, Rachel X... avait sollicité sous ce chef de préjudice la somme de 20 298,55 euros faisant valoir qu'il s'agissait de frais de déplacement pour consultations et soins, de garde d'enfant ou d'aide ménagère, de la rémunération du médecin-conseil ; qu'au vu des justificatifs alors produits, le premier juge avait retenu les frais d'huissier et d'expertise, s'élevant à 2 208,58 euros, la compagnie d'assurances l'Equité ayant pour sa part souscrit à cette indemnisation ; qu'il est à rappeler que Rachel X... s'était vue allouer le 20 novembre 1985, la somme de 5 600 euros, en réparation de son préjudice matériel, lequel doit être considéré comme à présent soldé ; qu'en l'état des débats d'appel, il n'est pas contestable que durant son hospitalisation, Rachel X... a dû avancer les frais de garde de ses enfants mineurs, tandis que la longueur de procédure de liquidation des dommages-intérêts l'a exposée à des frais non négligeables de déplacements restés à sa charge ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et il sera alloué au vu des justificatifs produits devant la cour, une somme forfaitaire de 20 000 euros, s'inscrivant dans le quantum des demandes formulées en première instance, toutes causes spécifiques de ce préjudice confondues ; que, concernant le préjudice patrimonial permanent (après consolidation), s'agissant des dépenses de santé futures, dans son rapport d'expertise le docteur Z... avait retenu au titre des frais futurs à envisager, imputables à l'accident, en tant que séquelles :
- le port d'un corset
- le port d'une talonnette de 1,5 centimètres
- un suivi psychiatrique pendant plusieurs années
- des soins de kinésithérapie d'entretien à prévoir à raison de 50 séances par an ; devant le premier juge, Rachel X... avait sollicité concernant ce chef de préjudice une somme forfaitaire de 50 000 euros ; que le tribunal correctionnel de Saint-Quentin avait évalué ces dépenses, sans préjudice d'une éventuelle prise en charge par l'organisme social, et compte tenu de son âge (53 ans) à la somme de 20 000 euros ; que devant la cour, Rachel X... a fait valoir depuis l'accident, divers frais étaient restés à sa charge et sollicitait au titre des dépenses de santé futures la somme de 111 230,17 euros ; que s'agissant des demandes nouvelles formées en cause d'appel, celles-ci ne pourront qu'être écartées, la compagnie d'assurances l'Equité en ayant contesté à bon droit la recevabilité ; qu'en revanche, la cour estime, à l'examen des diverses pièces versées par la victime, et venant justifier la réalité des soins futurs, tant au plan physique (kinésithérapie, équipement spécial) que psychiatrique que la somme de 20 000 euros allouée par le juge doit être, pour assurer une réparation plus exacte du préjudice subi, porté à la somme de 25 000 euros ; que, s'agissant de l'assistance par une tierce personne : que cette demande est formulée par Rachel X... en cause d'appel, pour la première fois ; qu'elle apparaît en l'état irrecevable et sera donc rejetée ; que, s'agissant de la perte de gains professionnels futurs : que la réalité de ce préjudice, désigné par Rachel X... sous la rubrique «incidence professionnelle définitive», n'est pas contestable, ni remise en cause par les parties adverses ; que si Rachel X... l'avait devant le premier juge évalué à la somme de 200 000 euros par référence à un revenu annuel alors évalué à 36 000 euros, Jérôme Y... proposait pour sa part la somme de 20 000 euros, considérant que la victime n'avait subi qu'une perte de chance, du fait d'une interruption temporaire de carrière ; que mentionnant que l'incidence professionnelle devait être calculée à partir de la consolidation fixée par l'expert au 30 avril 1995, le premier juge, après avoir rappelé que Rachel X..., bien que reconnue apte à reprendre une activité professionnelle, ne l'avait pas fait, pour des raisons qui lui étaient propres, a évalué à 50 % la perte de ses gains professionnels, compte tenu du choix de vie professionnelle ainsi opéré par Rachel X..., et, après distinction entre les arrérages échus depuis la date de consolidation à celle du jugement, et ceux à échoir, devant eux être capitalisés, fixé le montant de ce préjudice à la somme de 457 428 euros ; qu'en cause d'appel, Rachel X... demande, à ce titre une indemnisation de 1 110 170, 79 euros correspondant, selon elle, à la perte totale de gains par elle subie ; que la compagnie d'assurances l'Equité conteste une telle demande, au demeurant supérieure à ce que demandé devant le premier juge, pour les motifs suivants :
- Rachel X... perçoit depuis 1988 une rente accident du travail qui n'est pas déduite par ses soins dans l'évaluation de son préjudice,
- en tout état de cause, la perte totale de chance de retrouver un emploi n'est pas établie, et ce d'autant que Rachel X... bénéficie d'un taux d'incapacité par la sécurité sociale de 32%, ce qui supprime l'impossibilité alléguée d'avoir une activité professionnelle ;
- divers facteurs de la vie privée et de l'incidence de l'entourage de Rachel X... ont contribué à l'évolution de sa situation familiale et professionnelle, et ce indépendamment de l'accident proprement dit et des séquelles s'y rattachant directement - ainsi que soutenu par la compagnie d'assurances l'Equité, la situation professionnelle de Rachel X... ne pouvait être, au vu des pièces par elle fournies, correctement analysée par le premier juge, tandis qu'en cause d'appel, l'absence de justificatifs tant des pertes alléguées que du montant des rentes et arrérages échus enfin du capital de la rente à échoir, conduit à débouter Rachel X... de ses demandes au titre de ce chef de préjudice ; (…) que, s'agissant du préjudice esthétique temporaire : il s'agit d'un chef d'indemnisation, demandée pour la première fois en cause d'appel, et dès lors irrecevable, ainsi que l'a fait observer dans ses conclusions la compagnie d'assurances l'Equité ;

"alors, d'une part, que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit ; que les juges du fond ne sauraient donc accorder une indemnisation «forfaitaire» qui par hypothèse contrevient au principe de réparation intégrale ; qu'en allouant à Rachel X..., au titre des frais divers, la somme « forfaitaire » de 20 000 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que le préjudice causé par une infraction doit être déterminé au jour de la décision ; que les dispositions de l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale, prohibant en cause d'appel les demandes nouvelles, ne sauraient interdire à une partie civile d'élever le montant de sa demande pour un chef de dommage déjà soumis au débat en première instance ; qu'en jugeant irrecevables comme nouvelles les demandes de Rachel X... à hauteur de 111 230,17 euros en ce qui concerne les dépenses de santé futures quand Rachel X... ne faisait que solliciter une indemnisation plus élevée d'un chef de préjudice dont elle s'était prévalue en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés :

"alors, en outre, qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ; qu'en rejetant les demandes de Rachel X... au titre du préjudice résultant pour elle de la perte de gains professionnels futurs après avoir constaté la réalité de ce préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que le préjudice causé par une infraction doit être déterminé au jour de la décision ; que les dispositions de l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale, prohibant en cause d'appel les demandes nouvelles, ne sauraient interdire à une partie civile d'élever le montant de sa demande pour un chef de dommage déjà soumis au débat en première instance ; qu'en jugeant que la demande de Rachel X... au titre de la réparation de son préjudice esthétique temporaire était nouvelle et à ce titre irrecevable quand Rachel X..., qui avait évoqué en première instance son préjudice esthétique sans distinction chronologique et qui n'avait pas été remplie de ses demandes à ce titre, pouvait présenter en cause d'appel une demande au titre de son préjudice esthétique temporaire distincte de sa demande de réparation de son préjudice esthétique permanent, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches ;

Attendu qu'appelée à statuer sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont Rachel X... a été victime le 23 mai 1985 et dont Jérôme Y..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré entièrement responsable, la cour d'appel était saisie de conclusions de la partie civile tendant à la condamnation du tiers responsable à lui payer 242 700 euros en remboursement de frais divers antérieurs à la date de la consolidation, fixée au 30 avril 1995, 111 230, 17 euros au titre des dépenses de santé futures et 17 850 euros en réparation du préjudice esthétique temporaire ;

Attendu que, pour limiter à 20 000 euros l'indemnisation des frais divers et à 25 000 euros celle des dépenses de santé futures, et constater l'irrecevabilité d'autres demandes présentées à ces titres ou au titre d'un préjudice esthétique temporaire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des indemnités propres à réparer les préjudices soumis à l'examen du premier juge et les préjudices soufferts depuis la décision de première instance, postérieure à la consolidation, à l'exclusion des demandes nouvelles, la cour d'appel a justifié sa décision et fait l'exacte application de l'article 515 du code de procédure pénale ;

Mais, sur le moyen pris en sa troisième branche ;

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Attendu qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ;

Attendu que, pour réformer le jugement qui avait accordé la somme de 457 428 euros à la partie civile en réparation de ses pertes de gains professionnels futurs et lui refuser toute indemnisation à ce titre, l'arrêt, après avoir énoncé que la réalité de ce préjudice n'est pas contestable et est admise dans son principe par le tiers responsable et son assureur, retient que Rachel X..., qui perçoit depuis 1988 de la sécurité sociale une rente accident du travail, ne l'a pas prise en compte dans le calcul de sa demande ; que la cour d'appel ajoute que, la sécurité sociale ayant fixé à 32 % le taux d'incapacité sur le fondement duquel cette rente est calculée, la partie civile n'établit pas l'impossibilité alléguée d'exercer une activité professionnelle ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que Jérôme Y... et son assureur proposaient une indemnisation de 20 000 euros en réparation de ce poste de préjudice, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens en date du 10 décembre 2008, mais en ses seules dispositions relatives aux pertes de revenus futurs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-81496
Date de la décision : 01/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 10 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 déc. 2009, pourvoi n°09-81496


Composition du Tribunal
Président : M. Blondet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.81496
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award