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01/12/2009 | FRANCE | N°06-21052

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 décembre 2009, 06-21052


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte aux consorts X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en tant que celui-ci est dirigé contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 septembre 2006), et les productions, que par acte du 6 avril 1984, la société Axa Global Risk, aux droits de laquelle se trouve la société Axa assurances vie mutuelle (la société Axa), et la société Compagnie générale de caution, aux droits de laquelle se trouve la société Compagnie générale de garantie (la socié

té CGG), se sont rendues cautions des engagements pris par M. et Mme X... envers ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte aux consorts X... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en tant que celui-ci est dirigé contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 septembre 2006), et les productions, que par acte du 6 avril 1984, la société Axa Global Risk, aux droits de laquelle se trouve la société Axa assurances vie mutuelle (la société Axa), et la société Compagnie générale de caution, aux droits de laquelle se trouve la société Compagnie générale de garantie (la société CGG), se sont rendues cautions des engagements pris par M. et Mme X... envers divers bailleurs de fonds au profit desquels ils avaient constitué des rentes ; que M. et Mme X..., mariés sous le régime de la communauté légale, ont consenti au profit de ces sociétés une affectation hypothécaire sur un immeuble à usage d'habitation ; que par acte du 7 juin 1995, ils ont fait donation à leurs deux enfants, Lilian X... et Karine X..., épouse Z..., de la nue-propriété de cet immeuble ; que M. X... a été mis en redressement puis liquidation judiciaires par jugements des 9 juillet et 26 novembre 1999 ; que le 20 juin 2001, la société CGG a assigné M. et Mme X... et leurs enfants (les consorts X...) pour que lui soit déclarée inopposable, sur le fondement de la fraude paulienne, la donation consentie le 7 juin 1995 ; que la société Axa est intervenue volontairement en cause d'appel aux mêmes fins ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré la donation inopposable à la société CGG, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action paulienne n'est recevable, hors de toute exigence d'insolvabilité, à propos d'initiatives prises par le débiteur relativement à un droit préférentiel dont il avait investi le créancier sur un bien particulier que s'il a réduit la valeur du second ou rendu impossible l'exercice du premier ; que la cour d'appel qui tout en constatant que l'inscription hypothécaire permettait au créancier de saisir le bien en quelque main qu'il se trouve, a néanmoins jugé inopposable la donation faite par les époux X... à leurs enfants, aux motifs qu'il "résultait du démembrement opéré par les débiteurs des complications procédurales et des frais qui sont à eux seuls générateurs d'un préjudice" ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit de suite fait obstacle à la diminution de la garantie inhérente à l'hypothèque, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil ;

2°/ que l'action paulienne suppose la mauvaise foi des débiteurs, c'est-à-dire la connaissance par ceux-ci du préjudice causé au créancier à la date de l'acte litigieux ; qu'ainsi, en l'état de l'existence au profit du créancier hypothécaire d'un droit de suite de nature à exclure toute diminution de la valeur du bien hypothéqué et de l'efficacité du droit préférentiel, la conscience des époux X..., simples particuliers qui selon les constatations mêmes de l'arrêt avaient averti de leurs intentions le mandataire du créancier hypothécaire, n'est pas légalement caractérisée, si bien que l'arrêt attaqué est privé de toute base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en cédant la nue-propriété du bien grevé par l'hypothèque, les débiteurs savaient qu'ils diminuaient la valeur de la garantie qu'ils avaient consentie à leur créancier et qu'il résultait du démembrement opéré par l'acte litigieux une perte de valeur du bien causant un préjudice au créancier, des complications procédurales et des frais à eux seuls constitutifs d'un préjudice, la cour d'appel, qui a, par ailleurs, constaté que l'accord du créancier n'avait pas été sollicité, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'intervention de la société Axa, alors, selon le moyen, que l'intervention volontaire en cause d'appel ne permet pas à une partie de soumettre à la cour d'appel une demande qui ne procède pas directement de la demande originaire et qui institue un litige nouveau ; qu'ainsi, dès lors que la demande présentée pour la première fois en appel par la société Axa était fondée sur une prétendue créance et un droit préférentiel propres, totalement étrangers au débat soumis aux premiers juges, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 554 et 564 du code de procédure civile ;

Mais attendu que peuvent intervenir en cause d'appel les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité dès lors qu'elles y ont intérêt et que l'intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; qu'en retenant que la demande de la société Axa procédait bien de celle de la société qui avait engagé l'action dans la mesure où elle reposait sur la fraude paulienne constituée par la donation du 7 juin 1995 et tendait à la même fin, à savoir l'inopposabilité de cet acte, la cour d'appel a caractérisé l'existence d'un lien suffisant entre l'intervention et la demande originaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen, après avertissement délivré aux parties :

Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le bénéfice de l'inopposabilité prononcée par le jugement devait s'étendre à la société Axa, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation prononcée sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt à l'égard de la société Axa ;

2°/ que la cour d'appel qui a fait droit à la demande de la société Axa, sans constater que cette société, que sa qualité de créancier hypothécaire ne dispensait pas de déclarer sa créance au besoin en sollicitant un relevé de forclusion, ait effectivement déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de M. X..., et puisse ainsi se prévaloir d'un principe certain de créance au soutien de son action, a faussement appliqué les dispositions de l'article L. 621-43 du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises) ;

Mais attendu que, lorsqu'en fraude des droits de son créancier, un débiteur, époux commun en biens, a passé avec son conjoint un acte portant sur un bien commun faisant partie du gage du créancier, l'acte est inopposable à celui-ci en son entier ; qu'il en résulte que le grief tiré de l'absence de déclaration de créance à la procédure collective de M. X... est inopérant ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la société CGG et à la société Axa assurances vie mutuelle, chacune, la somme globale de 1 000 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour les consorts X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré en application de l'article 1167 du Code Civil inopposable à la COMPAGNIE GENERALE DE GARANTIE la donation en nuepropriété faite par les époux X... au profit de leurs enfants Karine et Lilian ;

AUX MOTIFS QUE les appelants ne peuvent pas soutenir, étant donné le démembrement opéré par l'acte litigieux et la perte en valeur en résultant manifestement, que cet acte n'aurait pas causé de préjudice à la COMPAGNIE GENERALE DE GARANTIE, aux droits de la COMPAGNIE GENERALE DE CAUTION ; que même si le droit de suite qui résulte d'une inscription hypothécaire permet au créancier de saisir le bien en quelque main qu'il se trouve, il résultait du démembrement opéré par les débiteurs des complications procédurales et des frais qui sont à eux seuls générateurs d'un préjudice ; que les époux X... qui ont aliéné la nue-propriété d'un bien sur lequel ils avaient consenti une hypothèque à la COMPAGNIE GENERALE DE GARANTIE, caution des engagements qu'ils ne respectaient plus à l'égard des crédirentiers, savaient parfaitement que la donation litigieuse diminuait la valeur du gage et était un obstacle au libre exercice des recours subrogatoires du bénéficiaire de l'inscription ;

ALORS QUE l'action paulienne n'est recevable, hors de toute exigence d'insolvabilité, à propos d'initiatives prises par le débiteur relativement à un droit préférentiel dont il avait investi le créancier sur un bien particulier que s'il a réduit la valeur du second ou rendu impossible l'exercice du premier ; que la Cour d'Appel qui tout en constatant que l'inscription hypothécaire permettait au créancier de saisir le bien en quelque main qu'il se trouve, a néanmoins jugé inopposable la donation faite par les époux X... à leurs enfants, aux motifs qu'il « résultait du démembrement opéré par les débiteurs des complications procédurales et des frais qui sont à eux seuls générateurs d'un préjudice » ; qu'en statuant ainsi, alors que le droit de suite fait obstacle à la diminution de la garantie inhérente à l'hypothèque, la Cour d'Appel a violé l'article 1167 du Code Civil ;

ET ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'action paulienne suppose la mauvaise foi des débiteurs, c'est-à-dire la connaissance par ceux-ci du préjudice causé au créancier à la date de l'acte litigieux ; qu'ainsi, en l'état de l'existence au profit du créancier hypothécaire d'un droit de suite de nature à exclure toute diminution de la valeur du bien hypothéqué et de l'efficacité du droit préférentiel, la conscience des époux X..., simples particuliers qui selon les constatations mêmes de l'arrêt avaient averti de leurs intentions le mandataire du créancier hypothécaire, n'est pas légalement caractérisée, si bien que l'arrêt attaqué est privé de toute base légale au regard de l'article 1167 du Code Civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit recevable l'intervention de la Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE, anciennement dénommée Compagnie AXA GLOBAL RISK ;

AUX MOTIFS QUE la question est de savoir si la demande est une demande nouvelle ne se rattachant pas à celle formée par la COMPAGNIE GENERALE DE GARANTIE en première instance, de nature à priver les appelants du double degré de juridiction ; qu'en réalité, la demande de la Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE procède bien de celle de la société qui a engagé l'action dans la mesure où elle repose sur la fraude paulienne constituée par la donation du 7 juin 1995 et tend à la même fin qui est l'inopposabilité de l'acte ;

ALORS QUE l'intervention volontaire en cause d'appel ne permet pas à une partie de soumettre à la Cour d'Appel une demande qui ne procède pas directement de la demande originaire et qui institue un litige nouveau ; qu'ainsi, dès lors que la demande présentée pour la première fois en appel par la Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE était fondée sur une prétendue créance et un droit préférentiel propres, totalement étrangers au débat soumis aux premiers juges, la Cour d'Appel a violé les dispositions des articles 554 et 564 du Nouveau Code de Procédure Civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le bénéfice d'inopposabilité prononcée par le jugement devrait s'étendre à la Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE ;

AUX MOTIFS QUE les appelants ne peuvent lui opposer le fait que sa créance serait éteinte à défaut de déclaration à la liquidation judiciaire de Monsieur X... ; qu'en effet, la forclusion n'a pas couru contre elle dans la mesure où elle était titulaire d'une hypothèque ayant donné lieu à publication et où le liquidateur reconnaît ne pas l'avoir avisée personnellement de l'ouverture collective comme l'y obligeaient les dispositions de l'article L. 621-43 du Code de Commerce, faute pour le débiteur de l'avoir fait figurer sur la liste des créanciers ;

ALORS QUE, D'UNE PART, la cassation prononcée sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt à l'égard de la Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE ;

ET ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la Cour d'Appel qui a fait droit à la demande de la Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE, sans constater que cette société, que sa qualité de créancier hypothécaire ne dispensait pas de déclarer sa créance au besoin en sollicitant un relevé de forclusion, ait effectivement déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de Monsieur X..., et puisse ainsi se prévaloir d'un principe certain de créance au soutien de son action, a faussement appliqué les dispositions de l'article L. 621-43 du Code de Commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06-21052
Date de la décision : 01/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 28 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 déc. 2009, pourvoi n°06-21052


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Defrenois et Levis, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:06.21052
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