LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Z 07-20.244 et X 08-18.452 qui sont connexes ;
Attendu que la Société d'économie mixte de construction et de rénovation urbaine de la ville de Colombes (la SEMCO) a fait démolir un pavillon lui appartenant pour faire réaliser des logements à des fins d'intérêt général ; que M. X..., propriétaire de la maison contiguë, s'est plaint de ce que le conduit de sa cheminée, adossé au pignon de la maison détruite, avait été endommagé et que des ouvriers avaient pénétré dans sa propriété, sans son autorisation et en son absence, pour le consolider grossièrement ; que M. X... a assigné la SEMCO en réparation devant un juge de l'ordre judiciaire dont la SEMCO a soulevé l'incompétence ; que par le jugement attaqué un juge de proximité a constaté l'existence d'une voie de fait fondant la compétence du juge judiciaire et a condamné la SEMCO à payer à M. X... la somme de 500 euros en réparation du préjudice consécutif de cette voie de fait ; que, sur appel portant sur la compétence, l'arrêt attaqué a confirmé le jugement de ce chef ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° X 08-18.452, ci-après annexé, pris en sa seconde branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que pour retenir l'existence d'une voie de fait fondant la compétence du juge judiciaire, l'arrêt retient que le fait que le permis de démolir ait été affiché ne dispensait pas la SEMCO d'enjoindre préventivement à M. X... de déplacer son ouvrage et qu'elle ne pouvait, sans autorisation et en l'absence de l'intéressé, pénétrer sur la propriété de celui-ci pour consolider l'ouvrage fragilisé par les travaux qu'elle venait de réaliser ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir l'atteinte grave portée à la propriété privée de M. X..., seule de nature à caractériser une voie de fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
Et sur le premier moyen du pourvoi n° Z 07-20.244 :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt du 19 juin 2008 de la cour d'appel de Versailles sur la compétence du juge judiciaire entraîne l'annulation par voie de conséquence du jugement du 31 août 2007 par lequel le juge de proximité de Colombes s'est prononcé sur le fond du litige ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2008 par la cour d'appel de Versailles et le jugement rendu le 31 août 2007 par le juridiction de proximité de Colombes, entre les parties ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêt et jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêt et jugement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat de la société SEMCO, demanderesse au pourvoi n° Z 07-20.244
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE AU JUGEMENT ATTAQUE D'AVOIR condamné la SEMCO à payer à M. X... la somme de 500 euros en réparation du préjudice consécutif à une voie de fait,
AUX MOTIFS QU'en procédant à la démolition de l'immeuble situé au ... à COLOMBES, la SEMCO avait consolidé le conduit d'évacuation de gaz de la cheminée appartenant à M. X... au maintien de deux câbles ; que, compte tenu de la configuration des lieux et des points d'attache des deux câbles, l'un sur la gouttière de l'annexe, l'autre sur une tuile faîtière de l'habitation principale située sur le terrain de M. X..., les ouvriers de la SEMCO avaient nécessairement pénétré dans la propriété de celui-ci ; que la SEMCO ne le contestait d'ailleurs pas ; que cette pénétration s'était faite en l'absence de M. X... et sans son autorisation ; que cette atteinte au droit de propriété était constitutive d'une voie de fait susceptible à elle seule de fonder la compétence du juge judiciaire ; que la SEMCO apportait la preuve qu'elle avait obtenu un permis de démolir le pavillon situé ... à COLOMBES le 17 janvier 2006 ; que ce permis n'avait pas été contesté et qu'il avait fait l'objet d'un affichage régulier dès le 2 janvier 2006, ainsi qu'il résultait du constat d'huissier dressé par Me Y... à cette date ; qu'il appartenait à M. X..., qui n'ignorait pas que son conduit d'évacuation de gaz de cheminée était adossé au mur du pavillon devant être démoli, de prendre contact avec la SEMCO pour connaître la date d'ouverture du chantier et faire réaliser des travaux de dépose du conduit en tenant compte du programme de démolition du pavillon voisin ; qu'en conséquence il ne pouvait être reproché de faute à la SEMCO génératrice d'un surcoût de travaux au préjudice de M. X..., qui a fait preuve de négligence ; qu'en revanche, la voie de fait ayant consisté à pénétrer en son absence et sans son autorisation sur le terrain de M. X... était génératrice pour celui-ci d'un préjudice justifiant l'allocation d'une somme de 500 euros,
ALORS QUE l'annulation, sur appel, du jugement attaqué du 31 août 2007 en ce que le juge de proximité a constaté l'existence d'une voie de fait fondant la compétence du juge judiciaire pour connaître de l'action de M. X... contre la SEMCO entrainera par voie de conséquence celle de ce jugement en ce qu'il a statué sur le fond ; qu'en prononçant une condamnation sur le fond, le juge de proximité a violé la loi des 16-24 août 1790 et la loi du 28 pluviôse an VIII.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST REPROCHE AU JUGEMENT ATTAQUE D'AVOIR condamné la SEMCO à payer à M. X... la somme de 500 euros en réparation du préjudice consécutif à une voie de fait,
AUX MOTIFS QU'en procédant à la démolition de l'immeuble situé au ... à COLOMBES, la SEMCO avait consolidé le conduit d'évacuation de gaz de la cheminée appartenant à M. X... au maintien de deux câbles ; que, compte tenu de la configuration des lieux et des points d'attache des deux câbles, l'un sur la gouttière de l'annexe, l'autre sur une tuile faîtière de l'habitation principale située sur le terrain de M. X..., les ouvriers de la SEMCO avaient nécessairement pénétré dans la propriété de celui-ci ; que la SEMCO ne le contestait d'ailleurs pas ; que cette pénétration s'était faite en l'absence de M. X... et sans son autorisation ; que cette atteinte au droit de propriété était constitutive d'une voie de fait susceptible à elle seule de fonder la compétence du juge judiciaire ; que la SEMCO apportait la preuve qu'elle avait obtenu un permis de démolir le pavillon situé ... à COLOMBES le 17 janvier 2006 ; que ce permis n'avait pas été contesté et qu'il avait fait l'objet d'un affichage régulier dès le 2 janvier 2006, ainsi qu'il résultait du constat d'huissier dressé par Me Y... à cette date ; qu'il appartenait à M. X..., qui n'ignorait pas que son conduit d'évacuation de gaz de cheminée était adossé au mur du pavillon devant être démoli, de prendre contact avec la SEMCO pour connaître la date d'ouverture du chantier et faire réaliser des travaux de dépose du conduit en tenant compte du programme de démolition du pavillon voisin ; qu'en conséquence il ne pouvait être reproché de faute à la SEMCO génératrice d'un surcoût de travaux au préjudice de M. X..., qui a fait preuve de négligence ; qu'en revanche, la voie de fait ayant consisté à pénétrer en son absence et sans son autorisation sur le terrain de M. X... était génératrice pour celui-ci d'un préjudice justifiant l'allocation d'une somme de 500 euros,
ALORS QU'en se bornant à retenir que la voie de fait avait causé un préjudice à M. X... sans préciser la nature de celui-ci, le juge de proximité a privé son jugement de base légale au regard de l'article 1382 du code civil,
ALORS QUE, en tout état de cause, l'espèce M. X... avait demandé réparation du préjudice né du fait qu'il « a été alerté, en urgence et alors qu'il venait de partir en vacances, de l'intrusion d'ouvrier dans sa propriété et de la nécessité de sécuriser rapidement le conduit » et qu'il « a dû rechercher une personne disponible pendant l'été pour se présenter sur place et effectuer les premières démarches » ; que le préjudice dont il demandait réparation ne résultait donc pas, comme le juge de proximité l'a retenu, de l'intrusion en son absence et sans son autorisation sur son terrain ;
qu'en jugeant le contraire, le juge de proximité a dénaturé les demandes de M. X... et violé l'article 4 du code de procédure civile,
ALORS QUE, en outre, le juge de proximité ne pouvait sans se contredire tout à la fois retenir que M. X..., qui n'ignorait pas que son conduit d'évacuation de gaz de cheminée était adossé au mur du pavillon devant être démoli, avait fait preuve de négligence en s'abstenant de prendre contact avec la SEMCO pour connaître la date d'ouverture du chantier et faire réaliser des travaux de dépose du conduit en tenant compte du programme de démolition du pavillon voisin, et affirmer qu'il avait subi un préjudice résultant de la pénétration d'ouvrier sur son terrain et sans son autorisation, dès lors que cette intrusion n'avait été rendue nécessaire qu'en raison de cette négligence ; qu'il a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la société SEMCO, demanderesse au pourvoi n° T 08-18.452
IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SEMCO au profit de la juridiction administrative et confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait constaté l'existence d'une voie de fait fondant la compétence du juge judicaire,
AUX MOTIFS ADOPTES QU'en procédant à la démolition de l'immeuble situé au ... à COLOMBES, la SEMCO avait consolidé le conduit d'évacuation de gaz de la cheminée appartenant à M. X... au maintien de deux câbles ; que, compte tenu de la configuration des lieux et des points d'attache des deux câbles, l'un sur la gouttière de l'annexe, l'autre sur une tuile faitière de l'habitation principale, situés sur le terrain de M. X..., les ouvriers de la SEMCO avaient nécessairement pénétré dans la propriété de celui-ci ; que la SEMCO ne le contestait d'ailleurs pas ; que cette pénétration s'était faite en l'absence de M. X... et sans son autorisation ; que cette atteinte au droit de propriété était constitutive d'une voie de fait susceptible à elle seule de fonder la compétence du juge judiciaire ; et AUX MOTIFS PROPRES QUE la SEMCO, société d'économie mixte régie par les dispositions de l'article L. 1521-1 du code général des collectivités territoriales, avait agi dans le cadre de la concession d'aménagement dont elle était titulaire portant sur la construction de logements à des fins d'intérêt général, consentie par la commune de COLOMBES ; qu'elle avait obtenu un permis de démolir régulier le 17 janvier 2006 ; que cette décision ne l'avait pas autorisée à procéder à cette démolition sans s'assureur qu'elle avait pu le faire sans porter atteinte aux propriétés voisines, cela d'autant plus qu'il lui avait été facile de constater que le conduit de cheminée de l'immeuble de M. X..., fût-il irrégulièrement adossé au mur qu'elle devait démolir, était largement surélevé au-dessus de ce dernier ; que le fait que ce permis eût été affiché ne l'avait pas dispensée d'enjoindre préventivement à M. X... de déplacer son ouvrage ; que, de même, elle n'avait pu sans autorisation et en l'absence de M. X... pénétrer sur sa propriété pour consolider l'ouvrage fragilisé par les travaux qu'elle venait de réaliser ; qu'en agissant de la sorte, la SEMCO avait porté une atteinte grave au droit de propriété de M. X... constitutive d'une voie de fait fondant la compétence du juge judiciaire,
ALORS D'UNE PART QUE la réparation des dommages causés à un riverain en conséquence de l'exécution de travaux publics, qui sont des dommages de travaux publics, relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative ; qu'à cet égard la construction de logements à des fins d'intérêt général en exécution d'une concession consentie par une commune constitue un travail public ; que, par suite, le fait que les préposés de l'entreprise réalisant ces travaux aient pénétré dans une propriété privée pour y consolider un ouvrage fragilisé par les travaux de démolition en vue de la construction de ces logements ne constitue pas une voie de fait mais la conséquence de l'exécution de ces travaux publics ; qu'en l'espèce le préjudice causé par le fait que des ouvriers de la SEMCO, qui intervenaient dans le cadre de la concession d'aménagement, conclue avec la commune de COLOMBE et portant sur la construction de logements à des fins d'intérêt général, avaient pénétré sur la propriété de M. X..., constitue un dommage de travaux publics relevant de la compétence du juge administratif et ne résulte pas d'une voie de fait ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, et la loi du 28 pluviôse an VIII,
ALORS D'AUTRE PART QUE la voie de fait est caractérisée dès qu'une atteinte particulièrement grave est portée à la propriété d'autrui ; qu'en l'espèce, pour caractériser l'existence d'une voie de fait commise par la SEMCO au préjudice de M. X..., la cour d'appel s'est bornée à retenir le fait d'une part de n'avoir pas fait injonction à celui-ci de déplacer sa cheminé et d'autre part d'avoir pénétré sur la propriété de celui-ci sans autorisation ; qu'elle n'a cependant pas relevé le caractère grave de l'atteinte qui aurait ainsi été portée à la propriété de l'intéressé ; qu'elle a donc privé son arrêt de base légale au regard des mêmes.