LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2007), que du 22 septembre au 2 octobre 2004, l'ensemble des magasins Auchan a organisé une campagne consistant à vendre au prix de 1 euro neuf cent produits parmi lesquels des CD et des DVD ; que le Syndicat des détaillants spécialistes du disque ( le syndicat), qui réunit des disquaires indépendants et plusieurs gros revendeurs estimant que cette opération désorganisait le marché, déconsidérait les CD et DVD et était constitutive de concurrence déloyale, a assigné la société Auchan pour obtenir une provision et la désignation d'un expert qui pourrait évaluer la désorganisation du marché du disque introduite par la campagne promotionnelle d'Auchan ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action exercée à l'encontre de la société Auchan France, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une opération de vente, réalisée en infraction aux règles et aux usages, constitue un acte de concurrence déloyale qui préjudicie à ceux qui, exerçant la même activité, respectent les dispositions réglementaires, de sorte qu'elle porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ; qu'en déclarant irrecevable l'action exercée par le SDSD, tout en constatant qu'il reprochait à la société Auchan une vente à perte de disques audios, soit un manquement aux règles et aux usages constituant un acte de concurrence déloyale portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représentait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violé l'article L. 470-7 du code de commerce ;
2°/ que la recevabilité d'une action n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en énonçant, pour déclarer l'action du SDSD irrecevable, que le syndicat ne démontrait pas la violation de la loi (précisément, une vente à perte), la cour d'appel a violé l'article L. 470-7 du code de commerce, ensemble l'article 30 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'un syndicat professionnel n'est habilité à agir que pour obtenir la réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession et que le syndicat ne dénonçait pas une infraction à la réglementation mais une campagne promotionnelle de la société Auchan qui aurait été constitutive de concurrence déloyale ; qu'en l'état de ces appréciations et constatations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que le syndicat invoquait le préjudice subi par ses membres et ne caractérisait pas une atteinte propre à l'intérêt collectif de la profession et qui n'encourt pas le grief de la seconde branche, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Syndicat des détaillants spécialisés du disque aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, le condamne à payer à la société Auchan France la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour le Syndicat des détaillants spécialistes du disque (SDSD).
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'action exercée par le Syndicat des détaillants spécialistes du disque à l'encontre de la société AUCHAN France ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 470-7 du Code de commerce prévoit que : "les organisations professionnelles peuvent introduire l'action devant la juridiction civile ou commerciale pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou du secteur qu'elles représentent ou à la loyauté de concurrence" ; qu'un syndicat professionnel n'est habilité à agir que pour obtenir "la réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession" ; que le préjudice porté à l'intérêt collectif ne s'identifie pas à la somme des préjudices subis individuellement par les membres de la profession, ni au préjudice individuel subi par les adhérents du syndicat ; qu'au sein d'une maigre jurisprudence commerciale, il faut relever d'abord que si la lettre du texte sus-évoqué semble distinguer l'atteinte à l'intérêt collectif et la déloyauté de la concurrence, il n'apparaît pas qu'un syndicat puisse, au nom de la défense d'une concurrence saine, s'affranchir de l'exigence première, celle de défendre la collectivité ; qu'il apparaît, au contraire, que si un syndicat a pu être déclaré recevable à agir en cas de violation d'une prescription réglementaire ou des usages professionnels (com., 8 juillet 1997, pourvoi n° 94-20.701), la Cour de cassation a refusé de faire droit à un autre qui invoqué la loyauté de la concurrence pour mettre fin à une ouverture (autorisée) du dimanche (com., 21 juillet 1986, pourvoi n° 84-15.397) ; qu'en l'espèce, les appelants n'ont pas réussi à démontrer la violation de la loi (précisément, une vente à perte) par AUCHAN ; qu'en somme, en invoquant le préjudice subi par ses membres, le SDSD fait en réalité valoir des intérêts individuels propres à chaque enseigne spécialisée, mais ne caractérise pas une atteinte propre à l'intérêt collectif de la profession des détaillants du disque » (arrêt, p. 2, §§ 5-7, p. 3, §§ 1-3) ;
ALORS, D'UNE PART, QU'une opération de vente, réalisée en infraction aux règles et aux usages, constitue un acte de concurrence déloyale qui préjudicie à ceux qui, exerçant la même activité, respectent les dispositions réglementaires, de sorte qu'elle porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ; qu'en déclarant irrecevable l'action exercée par le SDSD, tout en constatant qu'il reprochait à la société AUCHAN une vente à perte de disques audios, soit un manquement aux règles et aux usages constituant un acte de concurrence déloyale portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représentait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 470-7 du Code de commerce ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la recevabilité d'une action n'est pas subordonnée à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'en énonçant, pour déclarer l'action du SDSD irrecevable, que le syndicat ne démontrait pas la violation de la loi (précisément, une vente à perte), la cour d'appel a violé l'article L. 470-7 du Code de commerce, ensemble l'article 30 du Code de procédure civile.