LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° S 0 842.091 et n° T 08 42.092 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu l'article L. 3121 22 du code du travail ensemble l'article 3 de la convention d'entreprise ;
Attendu, selon le second de ces textes, que le salarié en mission acquiert des jours calendaires de récupération en fonction du nombre de jours travaillés et des conditions d'exercice de sa mission ; qu'il en résulte que ces jours de récupération, indépendants du nombre d'heures travaillées, ayant des finalités différentes des dispositions légales relatives à la majoration de la rémunération des heures supplémentaires et à l'octroi de repos compensateurs, cet avantage conventionnel et les droits tirés de la loi doivent se cumuler ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. X... et Y... ont été engagés par la Compagnie générale de géophysique (CGG), respectivement à compter du 1er juillet 1980 et du 14 janvier 1991, en qualité de "prospecteurs techniciens" ; que les conditions de leur activité, organisées en missions principalement à l'étranger, font l'objet de dispositions particulières dans la "convention d'entreprise" applicable au sein de la CGG ; que licenciés pour motif économique, ils ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives au licenciement dont ils contestaient le bien-fondé ainsi qu'au titre de rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité pour repos compensateurs non pris et de congés payés afférents ;
Attendu que pour rejeter leurs demandes au titre des heures supplémentaires, la cour d'appel énonce que les salariés, non cadres, sans horaire déterminé, n'ont jamais perçu un paiement pour des heures supplémentaires mais ont bénéficié de jours de récupération, que pour réclamer le paiement d'heures supplémentaires, ils produisent un calcul en prétendant, de manière globale et indifférenciée, avoir travaillé pendant cinq ans douze heures par jour, pendant les vingt, vingt et une, vingt trois ou vingt neuf semaines travaillées suivant les années, mais ne font en aucune façon référence au nombre de jours de récupération dont ils ont bénéficié dans les conditions de la convention d'entreprise, de sorte que leur demande relative aux heures supplémentaires, alors qu'ils relevaient d'un dispositif précis de récupération, n'est pas étayée ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont débouté MM. X... et Y... de leurs demandes relatives aux heures supplémentaires, les arrêts rendus le 11 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Compagnie générale de géophysique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Compagnie générale de géophysique à payer à MM. X... et Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen commun produit au pourvoi n° S 08 42.091 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes relatives à des heures supplémentaires comprenant des demandes en paiement d' heures supplémentaires et de congés payés afférents, des dommages-intérêts pour perte de son droit aux repos compensateurs et pour travail dissimulé, de réévaluation des sommes versées au titre de la rupture de son contrat sur la base du salaire qu'il aurait dû percevoir ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L.212-5 du Code du travail, l'employeur a la « possibilité de remplacer tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations y afférentes par un repos équivalent par accord d'entreprise » ; que la convention d'entreprise intervenue au sein de la société C.G.G. encadre très précisément « les conditions particulières applicables aux prospecteurs » et notamment il est prévu au chapitre de l'organisation du travail en mission :«2-1 la période de travail est normalement fixée à 8 semaines sans pouvoir dépasser 12 semaines consécutives.2-2 Le calendrier de rotation sera établi de sorte que le prospecteur puisse bénéficier en moyenne d'un jour de repos (incluant récupération et congés)pour deux jours d'affectation (hors Europe)…2-3 Le temps de travail en mission comprend les déplacements (base/terrain) et les réunions de service.Compte tenu de la spécificité des opérations, de leur extra-territorialité et des usages de la profession, les parties signataires reconnaissent l'intérêt de préserver la souplesse qui doit accompagner l'organisation du travail en mission.Cependant lorsque les conditions de travail ne peuvent plus être considérées comme normales, notamment en raison du temps de travail effectif moyen supérieur à 12 heures par jour pendant un mois donné (hors périodes particulières de démarrage des missions), il appartient à l'encadrement de la mission de mettre en oeuvre les moyens appropriés permettant de revenir à une situation acceptable par tous.3-1 Le rythme d'acquisition des récupérations est adapté en fonction des conditions de travail des différents types de mission :- 0,3 jour calendaire pour un jour de travail en mission ne travaillant pas le week-end à condition que la durée totale de la mission soit au moins égale à 21 jours consécutifs,- 0,4 jour calendaire pour un jour de travail en mission travaillant 7 jours sur 7,- 0,56 jour calendaire pour un jour de travail en haute mer…3-3 Rémunération des récupérations Pendant la durée de ses récupérations, le prospecteur perçoit ses appointements fixes et la prime d'affectation correspondant aux périodes ayant ouvert les droits à récupération » ;qu'au titre de la rémunération, l'article 24 stipule : « La direction fixe pour chaque prospecteur ou sédentaire, au moment de son embauche, des appointements mensuels de base forfaitaires ou correspondant à un horaire déterminé, en fonction de son classement. En raison de leurs conditions particulières de travail, les prospecteurs reçoivent des appointements mensuels de base forfaitaires… » ; qu'ainsi, l'activité des prospecteurs donne lieu à une comptabilisation précise des jours travaillés et l'attribution d'un nombre de jours de repos et de récupération ; que les bulletins de salaire qui mentionnent « horaire : forfait » se réfèrent tous à la convention d'entreprise ; que chaque jour de travail donne lieu à récupération quel que soit le nombre d'heures travaillées, la journée normale (pouvant) atteindre jusqu'à 12 heures ; que Monsieur X..., non cadre, sans horaire déterminé, n'a jamais perçu un paiement pour des heures supplémentaires mais a bénéficié des jours de récupération ; que pour réclamer le paiement d' heures supplémentaires, Monsieur X... produit un calcul en prétendant, de manière globale et indifférenciée, avoir travaillé pendant 5 ans 12 heures par jour, pendant les 20,21,23 ou 29 semaines travaillées suivant les années ; qu'il ne fait en aucune façon référence au nombre de jours de récupération dont il a bénéficié dans les conditions de la convention collective de sorte que sa demande tendant à faire constater, par expertise s'il y a lieu, qu'il n'a pas été rempli de ses droits en matière d' heures supplémentaires alors qu'il relevait d'un dispositif précis de récupération, n'est pas étayée ;
ALORS D'UNE PART QU'en l'état d'heures supplémentaires non contestées, et non rémunérées par l'employeur, il appartient à l'employeur qui prétend ne rien devoir, d'établir que le salarié a été rempli de ses droits à cet égard ; qu'en l'espèce la Cour d'appel qui constate que Monsieur X... n'a jamais perçu un paiement pour les heures supplémentaires qu'il a effectuées, ne pouvait le débouter de sa demande en paiement de ces heures au motif inopérant qu' « il ne fait en aucune référence au nombre de jours de récupération dont il a bénéficié » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil et de l'article L.3121-22 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les heures supplémentaires doivent être rémunérées selon les dispositions légales relatives à la majoration de ces heures et au repos compensateur ; que l'employeur ne peut remplacer tout ou partie des heures supplémentaires et majorations afférentes par des jours de repos équivalent que si un accord d'entreprise prévoit que ces jours s'acquièrent en fonction du nombre d'heures effectuées ; qu'en l'espèce, Monsieur X... a fait valoir que les jours de récupération prévus par la convention d'entreprise visaient à compenser des jours de travail selon les conditions d'exercice de l'activité (conclusions p.21) et non des heures supplémentaires non comptabilisées ; qu'en se bornant à relever l'existence de jours de repos et de récupération prévues par la convention d'entreprise sans rechercher les conditions d'octroi de ces jours et leur finalité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3121-22 du Code du travail ;
ALORS DE SURCROÎT QUE la fixation d'une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d' heures supplémentaires incluses dans cette rémunération, est illicite ; qu'à supposer que la Cour d'appel ait entendu se prévaloir de l'existence d'une convention de forfait du fait de la mention « horaire-forfait » figurant sur les bulletins de salaire de Monsieur X... pour le débouter de sa demande en paiement d' heures supplémentaires, faute d'avoir constaté l'accord exprès de Monsieur X..., et le nombre d'heures supplémentaires incluses dans la rémunération forfaitaire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.3121-22 du Code du travail.
Moyen commun produit au pourvoi n° T 08 42.092 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Y... de ses demandes relatives à des heures supplémentaires comprenant des demandes en paiement d' heures supplémentaires et de congés payés afférents, des dommages-intérêts pour perte de son droit aux repos compensateurs et pour travail dissimulé, de réévaluation des sommes versées au titre de la rupture de son contrat sur la base du salaire qu'il aurait dû percevoir ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L.212-5 du Code du travail, l'employeur a la « possibilité de remplacer tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations y afférentes par un repos équivalent par accord d'entreprise » ; que la convention d'entreprise intervenue au sein de la société C.G.G. encadre très précisément « les conditions particulières applicables aux prospecteurs » et notamment il est prévu au chapitre de l'organisation du travail en mission :«2-1 la période de travail est normalement fixée à 8 semaines sans pouvoir dépasser 12 semaines consécutives.2-2 Le calendrier de rotation sera établi de sorte que le prospecteur puisse bénéficier en moyenne d'un jour de repos (incluant récupération et congés)pour deux jours d'affectation (hors Europe)…2-3 Le temps de travail en mission comprend les déplacements (base/terrain) et les réunions de service.Compte tenu de la spécificité des opérations, de leur extra-territorialité et des usages de la profession, les parties signataires reconnaissent l'intérêt de préserver la souplesse qui doit accompagner l'organisation du travail en mission.Cependant lorsque les conditions de travail ne peuvent plus être considérées comme normales, notamment en raison du temps de travail effectif moyen supérieur à 12 heures par jour pendant un mois donné (hors périodes particulières de démarrage des missions), il appartient à l'encadrement de la mission de mettre en oeuvre les moyens appropriés permettant de revenir à une situation acceptable par tous.3-1 Le rythme d'acquisition des récupérations est adapté en fonction des conditions de travail des différents types de mission :- 0,3 jour calendaire pour un jour de travail en mission ne travaillant pas le week-end à condition que la durée totale de la mission soit au moins égale à 21 jours consécutifs,- 0,4 jour calendaire pour un jour de travail en mission travaillant 7 jours sur 7,- 0,56 jour calendaire pour un jour de travail en haute mer…3-3 Rémunération des récupérations Pendant la durée de ses récupérations, le prospecteur perçoit ses appointements fixes et la prime d'affectation correspondant aux périodes ayant ouvert les droits à récupération » ;
qu'au titre de la rémunération, l'article 24 stipule : « La direction fixe pour chaque prospecteur ou sédentaire, au moment de son embauche, des appointements mensuels de base forfaitaires ou correspondant à un horaire déterminé, en fonction de son classement. En raison de leurs conditions particulières de travail, les prospecteurs reçoivent des appointements mensuels de base forfaitaires… » ; qu'ainsi, l'activité des prospecteurs donne lieu à une comptabilisation précise des jours travaillés et l'attribution d'un nombre de jours de repos et de récupération ; que les bulletins de salaire qui mentionnent « horaire : forfait » se réfèrent tous à la convention d'entreprise ; que chaque jour de travail donne lieu à récupération quel que soit le nombre d'heures travaillées, la journée normale (pouvant) atteindre jusqu'à 12 heures ; que Monsieur Y..., non cadre, sans horaire déterminé, n'a jamais perçu un paiement pour des heures supplémentaires mais a bénéficié des jours de récupération ; que pour réclamer le paiement d' heures supplémentaires, Monsieur Y... produit un calcul en prétendant, de manière globale et indifférenciée, avoir travaillé pendant 5 ans 12 heures par jour, pendant les 20,21,23 ou 29 semaines travaillées suivant les années ; qu'il ne fait en aucune façon référence au nombre de jours de récupération dont il a bénéficié dans les conditions de la convention collective de sorte que sa demande tendant à faire constater, par expertise s'il y a lieu, qu'il n'a pas été rempli de ses droits en matière d' heures supplémentaires alors qu'il relevait d'un dispositif précis de récupération, n'est pas étayée ;
ALORS D'UNE PART QUE en l'état d' heures supplémentaires non contestées, et non rémunérées par l'employeur, il appartient à l'employeur qui prétend ne rien devoir, d'établir que le salarié a été rempli de ses droits à cet égard ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui constate que Monsieur Y... n'a jamais perçu un paiement pour les heures supplémentaires qu'il a effectuées, ne pouvait le débouter de sa demande en paiement de ces heures au motif inopérant qu' « il ne fait en aucune référence au nombre de jours de récupération dont il a bénéficié » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil et de l'article L.3121-22 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les heures supplémentaires doivent être rémunérées selon les dispositions légales relatives à la majoration de ces heures et au repos compensateur ; que l'employeur ne peut remplacer tout ou partie des heures supplémentaires et majorations afférentes par des jours de repos équivalent que si un accord d'entreprise prévoit que ces jours s'acquièrent en fonction du nombre d'heures effectuées ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... a fait valoir que les jours de récupération prévus par la convention d'entreprise visaient à compenser des jours de travail selon les conditions d'exercice de l'activité (conclusions p.20) et non des heures supplémentaires non comptabilisées ; qu'en se bornant à relever l'existence de jours de repos et de récupération prévues par la convention d'entreprise sans rechercher les conditions d'octroi de ces jours et leur finalité, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3121-22 du Code du travail ;
ALORS DE SURCROÎT QUE la fixation d'une rémunération forfaitaire sans que soit déterminé le nombre d' heures supplémentaires incluses dans cette rémunération, est illicite ; qu'à supposer que la Cour d'appel ait entendu se prévaloir de l'existence d'une convention de forfait du fait de la mention « horaire-forfait » figurant sur les bulletins de salaire de Monsieur Y... pour le débouter de sa demande en paiement d' heures supplémentaires, faute d'avoir constaté l'accord exprès de Monsieur Y..., et le nombre d' heures supplémentaires incluses dans la rémunération forfaitaire, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L.3121-22 du Code du travail.