LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 08-40.837, E 08-40.838, F 08-40.839 et R 08-40.871 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et trois autres salariés, conducteurs routiers, de la société Transports Lambert ont saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande de rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires qu'ils estimaient devoir être calculées par semaine et non par mois, et afin de faire juger que la prise d'acte de la rupture de leur contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen des pourvois n° D 08-40.837, E 08-40.838 et F 08-40.839 :
Attendu que la société fait grief aux arrêts d'avoir accueilli la demande des salariés, alors, selon le moyen :
1°/ que la détermination du régime le plus favorable doit résulter d'une appréciation globale, en tenant compte des intérêts de l'ensemble des salariés ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le décompte hebdomadaire était plus favorable aux salariés que le décompte mensuel, en se fondant exclusivement sur le rapport d'expertise relatif à la situation personnelle de M. X..., sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée et comme le faisaient valoir les salariés de l'entreprise eux-mêmes, si l'organisation du travail mise en place en application du "contrat de progrès" n'était pas plus avantageuse pour l'ensemble des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2251-1 du code du travail (ancien article L. 132-4 du code du travail) ;
2°/ que la détermination du régime le plus favorable doit résulter d'une comparaison de l'ensemble des avantages ayant la même cause ; qu'en l'espèce, le décompte mensuel des heures supplémentaires instauré par le "contrat de progrès" engendrait certes d'éventuelles pertes de salaires, mais également une organisation du travail avantageuse pour les salariés, leur permettant de bénéficier d'une semaine continue de repos par mois et de la mise à disposition d'un véhicule pendant plusieurs semaines chaque mois ; qu'en jugeant que le "le calcul fait par l'employeur en application de cet accord atypique est défavorable aux salariés au regard du calcul hebdomadaire", sans rechercher si, comme les salariés de l'entreprise le faisaient eux-mêmes valoir, l'organisation du travail adoptée grâce au décompte mensuel ne représentait pas un avantage pour les salariés compensant les pertes de salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2251-1 du code du travail (ancien article L. 132-4 du code du travail) ;
Mais attendu qu'en comparant les avantages ayant le même objet, à savoir la détermination du nombre d'heures supplémentaires à prendre en compte pour chacun des salariés concernés, la cour d'appel a exactement décidé, par motifs propres et adoptés, que le décompte hebdomadaire des heures supplémentaires était plus avantageux que le décompte retenu par l'employeur au titre d'un accord atypique valant engagement unilatéral de l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen de ces pourvois, identique à celui du pourvoi R 08-40.871 :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour fixer la créance due aux salariés au titre des heures supplémentaires impayées, l'arrêt retient que les salariés sont bien fondés à s'extraire de "l'accord de progrès" et à solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées et non réglées ; que le calcul doit être effectué par période de trois ou quatre semaines en additionnant les heures supplémentaires calculées sur une base hebdomadaire et en déduisant les heures de la semaine de récupération qui la suivent, hors période de congés payés ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société qui faisait valoir que le calcul du nombre d'heures supplémentaires réalisé par les salariés ne tenait pas compte du maintien pendant cette période d'une durée du travail de 39 heures équivalente à la durée légale de 35 heures, par application du paragraphe 3 de l'article 5 du décret du 26 janvier 1983, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé les créances des salariés dues à titre d'heures supplémentaires, les arrêts rendus les 18 décembre 2007 et 8 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne les salariés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens identiques produits aux pourvois n° D 08-40.837, E 08-40.838, F 08-40.839, par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Transport Lambert.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir retenu un décompte des heures supplémentaires sur une base hebdomadaire, et d'avoir en conséquence condamné la société TRANSPORT LAMBERT à verser à Monsieur X... des indemnités au titre des heures supplémentaires impayées, et jugé que la rupture du contrat de travail du salarié reposait sur des manquements importants et répétés de l'employeur ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « la société TRANSPORT S LAMBERT invoque, pour échapper au paiement des heures supplémentaires, un accord collectif de modulation du temps de travail, permettant ainsi de déroger aux dispositions édictées par l'article L.212-8 du Code du travail, ce contrat de progrès conclu le 18 novembre 1995 entre l'employeur et le délégué du personnel Monsieur Y... n'est pas un accord collectif du travail, mais est un accord atypique, un accord maison comportant un engagement de l'employeur en faveur des salariés devant pour être valide apporter un avantage par rapport à la loi, et devant être écarté dans le cas contraire, aucune autorisation de l'inspection du travail n'ayant été donnée. Or, le rapport d'expertise met clairement en évidence que le calcul fait par l'employeur en application de cet accord atypique est défavorable aux salariés au regard d'un calcul hebdomadaire. Dès lors le salarié est bien fondé à s'extraire de cet accord et à solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées et non réglées. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « l'employeur ne conteste pas précisément avoir calculé et rémunéré le temps de travail de ses chauffeurs routiers sur la base d'un décompte mensuel avec régularisation des heures supplémentaires sur un trimestre civil échu. S'agissant des dispositions légales d'application générale – articles L. 212.5 et L. 212.5.1 du Code du travail -, le calcul des heures supplémentaires s'effectue, sauf dispositions dérogatoires, dans le cadre de la semaine civile. Les dérogations légalement possibles concernent l'organisation du temps de travail par cycle (article L. 212.7.1), l'acquisition sous forme de jours RTT (article L. 212.9), la modulation (article L. 212.8), les horaires individualisés ou variables (article L. 212.4.1) ou certaines activités saisonnières (article L. 212.5.2). La société TRANSPORTS LAMBERT excipe d'un accord collectif de modulation du temps de travail – régime dérogatoire de l'article L. 212.8 du Code du travail -, soit plus précisément l'accord social ‘grands routiers' ou ‘longue distance' du 23 novembre 1994 dont l'article IV – 2 sur les heures supplémentaires retient un décompte avec une base mensuelle. Cet accord collectif du 23 novembre 1994, même dérogatoire, se devait de maintenir un mode de calcul sur la semaine, dans la mesure où en vertu des articles L 212.2 et L 212.5 du Code du travail alors applicables, qu'il s'agisse d'une annualisation du temps de travail par modulation ou d'accord de cycle, c'est la durée moyenne de travail sur une semaine qui doit rester en dernière analyse le point de référence, étant encore observé qu'il aurait été nécessaire que ces dispositions conventionnelles fassent l'objet d'un arrêté d'extension pour être valides puisque seule une convention collective étendue peut comporter des dérogations à certaines questions sur l'aménagement du temps de travail et les horaires ; toutes précisions ayant d'ailleurs conduit la chambre criminelle dans un arrêt du 24 novembre 1998 ‘LE BRETON' à qualifier d'‘illicite' ledit accord social. Il va de soi, dans ces conditions, qu'est déjà privé de base juridique sérieuse le ‘contrat de progrès' conclu le 18 novembre 1995 entre l'employeur et un délégué du personnel – Monsieur Y... -, dans le but déclaré ‘d'entériner les modalités d'application de l'accord social du 23 novembre 1994'. Ce même ‘contrat de progrès' est à rattacher à la catégorie des accords atypiques, il ne s'agit pas en effet d'un véritable accord collectif de travail en l'absence d'interlocuteur syndical habilité à négocier dans l'entreprise, mais sa validité n'est pas pour autant discutable sur la base de l'article 1134 du Code civil, et il doit juridiquement recevoir la qualification d'engagement unilatéral de l'employeur qui ne vaut que dans la mesure où il apporte une garantie ou un avantage supplémentaire aux salariés, en ce qu'il ne peut pas par principe déroger à la loi ou à la convention collective que dans un sens favorable à ceux-ci – application du principe de faveur aux accords atypiques comme bien évidemment aux accords collectifs de travail. Comme cela ressort clairement du rapport d'expertise, le décompte des heures supplémentaires dans un cadre hebdomadaire – sur la semaine civile – est plus favorable qu'un mode de calcul sur une base mensuelle. Si on s'attache par ailleurs au régime dérogatoire spécifique concernant le personnel roulant marchandises – à défaut d'accord collectif de modulation valablement opposable et motif pris de raisons techniques d'exploitation - , les dispositions réglementaires applicables – Décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 modifié en dernier lieu par le Décret n° 2002-622 du 25 avril 2002 ayant échappé à la censure du Conseil d'Etat, à l'article 4 § 3 en son 2ème alinéa – posent le principe que par dérogation s'il s'avère techniquement impossible d'organiser le travail sur la semaine, ‘ la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur une durée supérieure…, et pouvant être égale à … au plus un mois, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut des délégués du personnel s'ils existent, et autorisation de l'inspecteur du travail...' C'est dans l'esprit de ces dispositions ainsi rappelées que la société défenderesse sollicitait finalement de l'inspection du travail – courrier du 10 janvier 2001 – une dérogation au calcul de la durée du travail à la semaine – périodicité souhaitée sur le mois -, ce qui lui fut refusé par une décision administrative du 6 juin 2001. Il est constant qu'en l'espèce l'employeur n'a jamais pu obtenir cette autorisation ou dérogation de l'inspection du travail des transports. Au surplus l'accord collectif du 23 avril 2002 sur le temps de travail dans les transports routiers, étendu par un arrêté du 21 octobre 2002 publié au journal officiel du 14 novembre 2002, n'est pas applicable à la période présentement en litige allant de septembre 2000 à février 2001 » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la détermination du régime le plus favorable doit résulter d'une appréciation globale, en tenant compte des intérêts de l'ensemble des salariés ; Qu'en jugeant, en l'espèce, que le décompte hebdomadaire était plus favorable aux salariés que le décompte mensuel, en se fondant exclusivement sur le rapport d'expertise relatif à la situation personnelle de Monsieur X..., sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée et comme le faisaient valoir les salariés de l'entreprise eux-mêmes, si l'organisation du travail mise en place en application du « contrat de progrès » n'était pas plus avantageuse pour l'ensemble des salariés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2251-1 du Code du travail (ancien article L. 132-4 du Code du travail) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la détermination du régime le plus favorable doit résulter d'une comparaison de l'ensemble des avantages ayant la même cause ; Qu'en l'espèce, le décompte mensuel des heures supplémentaires instauré par le « contrat de progrès » engendrait certes d'éventuelles pertes de salaires, mais également une organisation du travail avantageuse pour les salariés, leur permettant de bénéficier d'une semaine continue de repos par mois et de la mise à disposition d'un véhicule pendant plusieurs semaines chaque mois ; Qu'en jugeant que le « le calcul fait par l'employeur en application de cet accord atypique est défavorable aux salariés au regard du calcul hebdomadaire », sans rechercher si, comme les salariés de l'entreprise le faisaient eux-mêmes valoir, l'organisation du travail adoptée grâce au décompte mensuel ne représentait pas un avantage pour les salariés compensant les pertes de salaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2251-1 du Code du travail (ancien article L. 132-4 du Code du travail).
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIREIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance due à Monsieur X... au titre des heures supplémentaires impayées à la somme de 3.513,27 ;
AUX MOTIFS QUE : « le salarié est bien fondé à s'extraire de cet accord et à solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées et non réglées. Le calcul doit être effectué par période de trois ou quatre semaines en additionnant les heures supplémentaires calculées sur une base hebdomadaire, et en déduisant les heures de la semaine de récupération qui la suivent, hors période de congés payés. Le montant cumulé des heures supplémentaires effectuées et non réglées s'établit à la somme de 3.513 Euros, congés payés compris » ;
ALORS QUE, les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente ; Que pour la période allant du 1er février 2000 au 25 avril 2002, la durée équivalente à la durée légale de 35 heures de travail hebdomadaire était de 39 heures par semaine dans les entreprises de transports routiers de marchandises ; Qu'il en résulte que, durant cette période, des heures supplémentaires ne pouvaient être décomptées qu'au delà de ce seuil ; Qu'en prenant en compte les heures de travail réalisées entre les 36ème et 39ème heures, pour fixer la créance due à Monsieur X... au titre des heures supplémentaires non payées, la Cour d'appel a violé le § 3 de l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, et l'article L. 3121-22 du Code du travail (ancien article L. 212-5, alinéa 1).Moyen produit au pourvoi n° R 08 40.871, par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Transport Lambert.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance due à Monsieur Z... au titre des heures supplémentaires impayées à la somme de 2.028,89 ;
AUX MOTIFS QUE : « Dans son précédent arrêt, la cour a indiqué que Monsieur Antoine Z... était fondé à s'abstraire, en ce qui concerne le calcul des heures supplémentaires, du cadre du contrat de progrès « maison » et qu'il devait formuler sa réclamation sur la base hebdomadaire prévue par la loi, en tenant compte cependant des périodes de récupération dont il avait bénéficié de façon régulière. Monsieur Antoine Z... a effectué un nouveau décompte de sa créance, conformément aux préconisations de l'arrêt. Sur l'ensemble de la période le salarié réclame une somme de 2.028,89 Euros, au titre des heures supplémentaires éludées. L'employeur s'oppose à cette demande. Il fait valoir que Monsieur Z..., dans son décompte, n'a pas tenu compte de l'ensemble des temps de récupération et des heures supplémentaires payées. Il s'oppose également au calcul effectué sur une période pour laquelle aucun disque, ni synthèse n'est disponible. Cependant, les décomptes établis par le salarié tiennent compte de l'ensemble des temps de travail payés ou récupérés, exactement déduits. Par ailleurs, pour la période pour laquelle il n'existe pas de pièce de référence, alors même que l'employeur est codébiteur de la preuve, en matière de temps de travail, la méthode par extrapolation, peut être retenue, dès lors qu'il n'est pas contesté que ni les conditions d'emploi, ni les types de trajet n'ont été modifiés d'une période sur l'autre. En ce qui concerne le taux applicable, l'employeur fait valoir que les heures de 36 à 39 heures inclus ne donnent lieu qu'à une bonification de 10 %. Il résulte cependant des décomptes produits que les heures dont le paiement est réclamé ne sont pas des heures de ce rang, mais des heures du rang ultérieur à 40 heures. Par ailleurs, l'accord national relatif à la rémunération des temps de service effectués entre 36 h et 43 h sont rémunérés en appliquant une majoration de 25 %. Il convient donc de retenir une créance totale pour heures supplémentaires non payées et non récupérées de 2.029 . » ;
ALORS QUE, les heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente ; Que pour la période allant du 1er février 2000 au 25 avril 2002, la durée équivalente à la durée légale de 35 heures de travail hebdomadaire était de 39 heures par semaine dans les entreprises de transports routiers de marchandises ; Qu'il en résulte que, durant cette période, des heures supplémentaires ne pouvaient être décomptées qu'au delà de ce seuil ; Qu'en prenant en compte les heures de travail réalisées entre les 36ème et 39ème heures, pour fixer la créance due à Monsieur Z... au titre des heures supplémentaires non payées, la Cour d'appel a violé le § 3 de l'article 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, et l'article L. 3121-22 du Code du travail (ancien article L. 212-5, alinéa 1).