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10/11/2009 | FRANCE | N°08-19607

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 novembre 2009, 08-19607


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'Etablissement français du sang de son désistement de pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 juillet 2008) que Mme X..., blessée le 6 août 1983 comme passagère d'une motocyclette pilotée par M. Y... lors d'un accident de la circulation, a subi des transfusions sanguines ; qu'ayant appris en novembre 1995 qu'elle était atteinte par le virus de l'hépatite C, elle a, au vu d'une expertise or

donnée en référé, assigné en réparation l'Etablissement français du ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'Etablissement français du sang de son désistement de pourvoi en tant qu'il est dirigé contre la Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 juillet 2008) que Mme X..., blessée le 6 août 1983 comme passagère d'une motocyclette pilotée par M. Y... lors d'un accident de la circulation, a subi des transfusions sanguines ; qu'ayant appris en novembre 1995 qu'elle était atteinte par le virus de l'hépatite C, elle a, au vu d'une expertise ordonnée en référé, assigné en réparation l'Etablissement français du sang Aquitaine Limousin (EFS) et la Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes ; que l'EFS a assigné en garantie M. Y... et son assureur, la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'EFS fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme X... la somme de 139 425 euros en réparation de son préjudice ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1147 du code civil et du principe de réparation intégrale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel qui, retenant qu'à la suite de l'apparition et du développement de la maladie, Mme X... avait subi, d'une part, un préjudice qualifié incapacité temporaire partielle et assimilé, en l'absence de consolidation, à un déficit fonctionnel permanent, et représentant la gêne quotidienne causée par les lésions corporelles sur les capacités physiologiques de la victime, affectées par des épisodes d'asthénie importante, une virémie C active et l'anxiété qui découle de l'ensemble de ces lésions, d'autre part, un préjudice spécifique de contamination constitué par la pénibilité des traitements et leurs effets indésirables, notamment sur le plan sexuel, par l'angoisse résultant de l'échec de ces traitements, du risque évolutif de la maladie, de l'incertitude sur l'avenir et sur ses capacités à gérer pleinement sa vie quotidienne, et par une dépression, a ainsi indemnisé deux préjudices distincts ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'EFS fait grief à l'arrêt de dire que la charge définitive des condamnations prononcées au profit de Mme X... et de la caisse seront supportées à concurrence de 75 % par l'EFS et de 25 % par M. Y... et la GMF ;
Mais attendu que, soumis à une obligation de sécurité de résultat de fournir des produits sanguins exempts de tous vices, l'EFS ne peut s'exonérer de sa responsabilité du chef de la faute délictuelle commise à l'égard de la victime d'une contamination virale par produits sanguins viciés que par la preuve d'un cas de force majeure ; que l'action récursoire qu'il peut exercer en tant que coobligé fautif contre le conducteur du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation ayant rendu nécessaires les transfusions sanguines, causes de la contamination, ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les articles 1147, 1382 et 1251 du code civil, la contribution à la dette de réparation ayant lieu en proportion des fautes respectives ;
Et attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. Y..., par arrêt du 15 mars 1989, a été déclaré responsable des dommages subis par Mme X... en raison d'une vitesse excessive et d'un défaut de maîtrise de la motocyclette qu'il pilotait, mais que les transfusions sanguines ont eu, par rapport au fait accidentel, un rôle prépondérant dans le préjudice subi du fait de la contamination ;
Qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a souverainement apprécié la part respective de chacun des coobligés ainsi reconnus fautifs dans la contribution à la dette de réparation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Etablissement français du sang aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Etablissement français du sang ; le condamne à payer à la GMF et M. Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Vu l'article 37 de loi du 10 juillet 1991, condamne l'Etablissement français du sang à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'Etablissement français du sang ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'E. F. S. à payer à Mme X... la somme de 139. 425 euros en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C,
AUX MOTIFS QUE le déficit fonctionnel permanent est défini par la Commission européenne comme " la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte sur la vie de tous les jours " ; qu'en l'absence de consolidation possible, compte tenu de l'évolutivité de la maladie, les experts ont fixé, en page 35 du rapport, une I. T. P. de 15 % depuis le 17 janvier 1984, date où la cytolyse a été très importante pour la première fois ; que les experts ont retenu comme éléments d'appréciation les épisodes d'asthénie importante, la virémie C active et l'anxiété ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que les experts n'ayant pas fixé de date limite à cette I. T. P., celle-ci était assimilable à une I. P. P. et alloué une somme de 19. 425 euros à ce titre ;
ET QUE les préjudices extra-patrimoniaux évolutifs se définissent comme le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d'apparition, à plus ou moins brève échéance, d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ; qu'ils englobent le préjudice spécifique de contamination, lequel se définit comme comprenant l'ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques, subis par la victime et résultant notamment de la réduction de l'espérance de vie, des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d'agrément, ainsi que de toutes les affections opportunistes consécutives à la déclaration de la maladie ; … qu'il est établi très largement que Mme X..., qui est au courant des risques encourus de l'évolution de l'hépatite C contractée par contamination, mesure, chaque année, la majoration de ce risque ; qu'outre le fait que l'échec des traitements renforce l'angoisse de Mme X... quant à son avenir, il faut souligner que les traitements, à base d'Interféron associé à la Ribavirine, sont particulièrement lourds à supporter physiquement et qu'ils ont entraîné chez elle des effets indésirables, syndrome grippal avec fièvre et vomissements, très grosse fatigue, diarrhées ; que ces traitements entraînent aussi dans la majorité des cas une dépression, ce qui s'est produit chez Mme X... ; qu'outre les effets physiques de ces traitements lourds, les angoisses générées par l'échec des traitements, Mme X... vit dans une anxiété quotidienne, ne peut faire de projets familiaux compte tenu de l'incertitude de son avenir, n'arrive pas à nouer des relations durables, est contrainte d'avoir des relations sexuelles systématiquement protégées et, ainsi que l'ont aussi noté les experts dans leur rapport, il y a chez elle une envie de maternité frustrée ; qu'ils ont conclu en indiquant : " Martine X... est très éprouvée par sa maladie et les conséquences qu'elle a engendrées sur le plan personnel, familial et social ; elle est très angoissée en raison du risque évolutif de la maladie, de son sentiment d'incapacité à gérer pleinement sa vie quotidienne ; sa vie familiale, sociale et professionnelle a été très perturbée par la découverte de l'hépatite C " ; qu'il convient d'allouer à Mme X..., au titre de ce préjudice, la somme de 120. 000 euros ;
1° / ALORS QUE le préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C recouvre l'ensemble des préjudices de caractère personnel, tant physiques que psychiques, consécutifs à l'infection virale ; qu'il inclut par conséquent le déficit fonctionnel, qui correspond aux incidences, sur la sphère personnelle de la victime, de la réduction de son potentiel physique et psychique ; qu'en indemnisant, outre le préjudice spécifique de contamination de Mme X... par le virus de l'hépatite C, son déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même dommage, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale ;
2° / ALORS QU'en toute hypothèse, la cour d'appel a indemnisé, au titre du déficit fonctionnel permanent de Mme X..., les douleurs physiques et l'anxiété ressenties, ainsi que les conséquences de la contamination par le virus de l'hépatite C sur la vie quotidienne, et, au titre de son préjudice spécifique de contamination, l'angoisse face au risque d'évolution de la maladie, les souffrances physiques engendrées par les traitements et les perturbations subies dans la vie affective, familiale, sociale et professionnelle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a réparé deux fois les souffrances physiques et morales endurées par Mme X... à raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C et du traitement de la pathologie hépatique, ainsi que les troubles qu'elle a ressentis dans ses conditions d'existence, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de réparation intégrale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la charge définitive des condamnations prononcées au profit de Mme X... et de la C. P. A. M. des Landes serait supportée à concurrence de 75 % par l'E. F. S. et de 25 % par M. Y... et la G. M. F.,
AUX MOTIFS QUE, soumis à une obligation de résultat, le fournisseur de produits sanguins ne peut s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de la victime que par la preuve d'un cas de force majeure ; que l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans un accident de la circulation ne peut s'exercer que dans les conditions prévues aux articles 1147, 1382 et 1251 du code civil, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives ; que, certes, M. Y... a été reconnu entièrement responsable de l'accident dont Mme X... a été victime le 6 août 1983, mais que les transfusions ont eu, par rapport au fait accidentel, un rôle causal prépondérant dans le préjudice subi du fait de la contamination ; qu'en conséquence, il convient de condamner M. Y... solidairement avec son assureur, la G. M. F., à garantir l'E. F. S. à hauteur de 25 % ;
1° / ALORS QUE, dans les rapports entre le fournisseur des produits sanguins à l'origine d'une contamination par le virus de l'hépatite C et celui qui, par sa faute, a rendu la transfusion sanguine nécessaire, la contribution à la dette de réparation a lieu à proportion des fautes respectives ; qu'en l'absence de faute, elle a lieu par parts égales ; que le fournisseur de sang qui manque à son obligation contractuelle de sécurité de résultat de fournir des produits exempts de vices, s'il engage sa responsabilité à l'égard de la victime, ne commet pas pour autant une faute ; qu'en tant que coobligé non fautif, il doit bénéficier d'un recours intégral contre celui qui, par sa faute, a rendu la transfusion sanguine nécessaire ; qu'en opérant un partage de responsabilité entre l'E. F. S. et M. Y..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le conducteur impliqué n'avait pas commis une faute à l'origine de l'accident de la circulation ayant rendu les transfusions sanguines nécessaires, l'obligeant à supporter seul la charge définitive de la dette de réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1251 du code civil ;
2° / ALORS QU'en toute hypothèse, la contribution à la dette de réparation doit avoir lieu en proportion de la gravité des fautes respectives des coobligés ; que la cour d'appel, qui a retenu, pour condamner l'E. F. S. à prendre en charge 75 % des condamnations prononcées au bénéfice de Mme X... et de la C. P. A. M. des Landes, que l'accident de la circulation avait joué dans la contamination de Mme X... par le virus de l'hépatite C un rôle moins important que les transfusions de produits sanguins, sans constater l'existence ni comparer la gravité des fautes éventuellement commises par M. Y... et par l'E. F. S., a violé les articles 1382 et 1251 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-19607
Date de la décision : 10/11/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 nov. 2009, pourvoi n°08-19607


Composition du Tribunal
Président : M. Gillet (président)
Avocat(s) : Me Blanc, Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.19607
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