LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 4 janvier 2005 :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que Mme X... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 4 janvier 2005 mais que son mémoire en contient aucun moyen à l'encontre de cette décision ;
D'où il suit qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi ;
Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 25 mars 2008 :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une collision s'est produite, le 26 juin 1994, entre le véhicule conduit par M. Y..., assuré par la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires (MAPA) et celui conduit par Mme X..., mais appartenant à son oncle ; que Mme X... a subi une contusion du rachis cervical ; que par ordonnance du 29 novembre 1995 le juge des référés a alloué à Mme X... une provision et a ordonné une mesure d'expertise médicale ; que, devenue paraplégique, Mme X... a assigné les 8 et 12 février 2002 M. Y... et la MAPA pour faire juger que son état était consécutif à l'accident du 26 juin 1994, obtenir leur condamnation solidaire à lui verser une provision et, avant dire droit sur l'indemnisation, ordonner une expertise médicale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu le principe de la réparation intégrale des préjudices ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme le montant de la réparation due à Mme X..., l'arrêt retient que la paraplégie s'inscrivant dans le cadre d'une conversion neurologique liée à l'histoire individuelle et familiale de celle-ci, il n'y a pas de lien de causalité entre cette affection favorisée par une prédisposition et l'accident du 26 juin 1994 impliquant le véhicule de M. Y... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
PRONONCE la déchéance partielle du pourvoi en tant que dirigé contre l'arrêt du 4 janvier 2005 ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires ; condamne la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 25 mars 2008 d'AVOIR, au vu des rapports d'expertise des docteurs Z... et A..., limité à la somme de 15 875 euros le montant de la condamnation in solidum de Monsieur Y... et de la MAPA, en deniers ou quittance, envers Mademoiselle X..., en réparation de son entier préjudice consécutif à l'accident dont elle avait été victime le 26 juin 1994 et d'AVOIR en conséquence condamné Mademoiselle X... à rembourser à Monsieur Y... et à la MAPA le trop perçu ;
AUX MOTIFS QUE « l'arrêt avant dire droit en date du 4 janvier 2005 a désigne le Dr A..., psychiatre, avant de statuer sur la réparation du préjudice subi par Mlle X..., victime d'un accident de la circulation le 26 janvier 1994 dont M. Y... est responsable, accident ayant occasionné une entorse cervicale sans perte de connaissance. Mlle X... se trouve actuellement atteinte d'une paraplégie qu'elle estime en relation de causalité directe avec cet accident. L'expert A... a été notamment investi d'une mission de recherche des lésions causées par l'accident et de leurs conséquences. L'expert conclut à un état névrotique sans rapport avec l'accident. Il indique que la paraplégie présentée par Mlle X... est sans lien causal avec l'accident mais constitue une pathologie entrant dans le cadre d'un syndrome de conversion hystérique (…) Les conclusions de l'expertise effectuée le 27 mars 2007 par le docteur A... sont les suivantes : À la suite de l'accident du 26 juin 1994 Mademoiselle X... a présenté les lésions suivantes : - entorse cervicale sans perte de connaissance. L'évolution s'est d'abord faite sur le mode d'un syndrome cervical subjectif puis sont apparus une anorexie et un tableau de paraplégique sensitivo-motrice. Ces phénomènes relèvent, à notre avis et d'après les conclusions des sapiteurs désignés d'un état névrotique sans rapport avec l'accident. ITT : 26 juin 1994 au 2 août 1994. ITP à 50 % : 3 août 1994 au 25 octobre 1994. Date de consolidation : 25 octobre 1994. Préjudice esthétique : nul. Pretium doloris : 3,5/7. IPP : 4 %. Ces conclusions sont concordantes avec celles de l'expertise effectuée le 5 juillet 1996 par le Dr Z... lequel s'était adjoint les avis sapiteurs du Dr B..., psychiatre et du Dr C..., gastro-entérologue. L'expert A..., comme l'expert B..., ont formellement écarté le diagnostic de pathologie psychotraumatique (syndrome de stress post-traumatique, névrose traumatique). Le Dr A... mentionne que la prise en charge psychiatrique, décrite dans le rapport B... a été abandonnée depuis l'année 2000. L'un et l'autre des experts relie la paraplégie à une pathologie entrant dans le cadre d'un symptôme de conversion hystérique chez une personne prédisposée. L'expert A... qui a examiné et entendu Mlle X... au cours de deux accédits rappelle dans son rapport : - l'influence de l'émotion engendrée par l'accident, laquelle est beaucoup moins en relation avec le traumatisme lui-même qu'avec la transgression de l'interdit familial d'accompagner une cousine à Marseille avec la voiture d'un oncle et la culpabilité d'être responsable de la détérioration du véhicule et de cet oncle atteint d'une affection neurologique (scérose en plaques) dont l'issue a été fatale ; - la définition des critères diagnostiques des phénomènes conversifs, soulignant que la paraplégie est apparue après une longue période de latence de huit mois au cours de laquelle se sont organisés des mécanismes de bénéfices primaires, de déculpabilisation par la punition de transgression de la faute et des mécanismes de bénéfices secondaires soudant autour de Mlle X... le clan familial, justifiant une mauvaise insertion professionnelle et la recherche d'indemnisation ; - le fait que le déficit moteur qui a marqué l'évolution de l'affection neurologique de l'oncle a été chez Mlle X... un facteur de suggestion et un modèle d'imitation. Au plan juridique, il appartient à l'appelante de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre l'accident dont elle a victime et l'apparition de sa paraplégie huit mois plus tard. À cet égard, il découle des constatations et de l'analyse des experts que la paraplégie de Mlle X... ressort de la mise en scène d'un conflit psychique inconscient lié au dommage causé au véhicule neuf de son oncle ensuite décédé d'une maladie neurologique, véhicule emprunté malgré un interdit familial. La paraplégie s'inscrivant ainsi dans le cadre d'une conversion neurologique liée à l'histoire individuelle et familiale de Mlle X..., il n'y a pas de lien de causalité entre cette affection favorisée par une prédisposition et l'accident du 26 juin 1994 impliquant le véhicule de M. Y.... Au regard des conclusions expertales, il convient de fixer les différents préjudices de Mlle X..., sans profession lors de l'accident, âgée de 32 ans à la date de consolidation comme suit : - ITT : 875 ; - ITP : 2 000 ; - IPP : 6 000 ; - pretium doloris : 7 000 . Total : 15 875 » ;
1. ALORS QUE le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit ou écarté en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la paraplégie dont souffre Mademoiselle X... résulterait d'un conflit psychique inconscient, chez une personne prédisposée, découlant du dommage causé au véhicule neuf de son oncle par l'accident de la circulation du 26 juin 1994 dont Monsieur Y... a été reconnu responsable ; qu'en écartant néanmoins tout lien de causalité entre cette affection et ledit accident, au prétexte que cette conversion neurologique, favorisée par une prédisposition, aurait été liée à l'histoire individuelle et familiale de Mademoiselle X..., la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du Code civil ;
2. ALORS QU'est revêtu de l'autorité de la chose jugée ce qui est implicitement compris dans le dispositif, c'est-à-dire les questions que le juge a dû nécessairement résoudre pour aboutir à sa décision telle qu'elle figure dans celui-ci ; qu'en l'espèce, dans son arrêt avant dire droit du 4 janvier 2005, la Cour d'appel n'avait ordonné une nouvelle expertise médicale et n'avait accordé une provision de 50 500 euros à Mademoiselle X... que parce qu'elle avait jugé que la paraplégie dont souffrait celle-ci était en relation avec l'accident de la circulation du 26 juin 1994, de sorte qu'il convenait de réformer le jugement en ce qu'il avait débouté Mademoiselle X... de ses demandes d'expertise et de provision ; qu'en affirmant néanmoins, dans son arrêt au fond du 25 mars 2008, l'absence de relation entre cette paraplégie et l'accident, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée, en violation de l'article 1351 du Code civil.