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04/11/2009 | FRANCE | N°08-44071

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 novembre 2009, 08-44071


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 juin 2008) que M. X... a été engagé par la société Transports Petit en novembre 1991 en qualité de chauffeur routier longue distance ; qu'il a été licencié pour faute grave le 14 octobre 1994 ; que, considérant cette rupture abusive et estimant n'avoir pas été rempli de ses droits en matière de rémunération, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrê

t d'avoir dit que devaient être inscrites au passif de la liquidation judiciair...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 11 juin 2008) que M. X... a été engagé par la société Transports Petit en novembre 1991 en qualité de chauffeur routier longue distance ; qu'il a été licencié pour faute grave le 14 octobre 1994 ; que, considérant cette rupture abusive et estimant n'avoir pas été rempli de ses droits en matière de rémunération, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que devaient être inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société Transports Petit des sommes à titre d'heures supplémentaires, de congés payés sur heures supplémentaires, de repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1°/ que, selon le décret du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier dans sa rédaction alors applicable, le temps de travail effectif d'un chauffeur routier correspond au temps de conduite et au temps à disposition, lequel correspond aux périodes de présence, d'attente ou de disponibilité, passées au lieu de travail ou sur le véhicule, et pendant lesquelles le personnel ne dispose pas librement de son temps, à l'exclusion des périodes de repos, d'interruptions, et des temps consacrés aux repas, à l'habillage et au casse croûte ; qu'en l'espèce l'employeur contestait les rappels de salaires évalués par l'expert sur la base des temps de conduite, de travaux divers et de mise à disposition, en faisant valoir qu'ils avaient été calculés en tenant compte d'heures de mises à disposition injustifiées puisqu'elles correspondaient à des temps de repos, ou à des coupures et non à des périodes d'attente passées dans le véhicule ou à proximité et pendant lesquelles l'intéressé aurait été tenu de rester à la disposition de l'entreprise sans pouvoir disposer librement de son temps ; qu'en reprenant à son compte les conclusions du rapport d'expertise, sans rechercher si le décompte effectué par l'expert correspondait à du temps de travail effectif au sens du texte précité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
2°/ que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'employeur ne pouvait contester la réalité des heures de mise à disposition dans la mesure où malgré la surveillance étroite exercée sur les activités de son chauffeur, établie par les quatre avertissements prononcés contre lui, aucun reproche ne lui avait été adressé sur ce point ; qu'en statuant par un tel motif, tandis que la prétention du salarié au paiement d'heures abusivement qualifiées d'heures de mise à disposition, qui résultait de ses demandes devant le conseil de prud'hommes, ne constitue pas une faute commise dans l'exécution du contrat de travail et ne pouvait donc sanctionnée par l'employeur dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
3°/ qu'il résultait du rapport d'expertise, dont la cour d'appel a repris à son compte les conclusions, qu'à de très nombreuses reprises le chronotachygraphe n'avait pas fonctionné et que l'expert avait déterminé le temps de travail effectif pour les périodes concernées à partir des seules indications fournies par le salarié ; qu'en retenant néanmoins que l'employeur était en mesure de constater et de sanctionner le recours excessif du salarié à des heures de mise à disposition, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation du même texte ;
4°/ qu'en tout état de cause, selon l'article 5 du décret du 26 janvier 1983 dans sa rédaction alors applicable, le temps à disposition n'est compté comme travail effectif que pour une fraction égale à deux tiers jusqu'au 3 août 1992, à 85 % du 4 août 1992 jusqu'au 28 février 1993 et à 92 % du 1er mars 1993 au 31 décembre 1996 ; que le rapport d'expertise, qui précise que les rappels de salaires de décembre 1991 à septembre 1994 ont été calculés sur la base des temps de conduite, de travaux divers et de mise à disposition, ne fait aucunement apparaître que les heures de mises à disposition auraient été décomptées sur la base de ces pourcentages ; que dès lors, en entérinant le rapport d'expertise sans vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, que les temps à disposition avaient été pris en compte conformément à la réglementation alors applicable, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard du texte en cause ;
Mais attendu que la cour d‘appel, qui a constaté qu'il ne résultait ni des pièces produites par l'employeur ni de l'expertise que le chauffeur se soit livré à des manipulations irrégulières et ait réclamé indûment le paiement de ses temps de conduite et de mise à disposition et des sommes afférentes et qui n'avait pas à procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, n'encourt aucun des griefs du moyen ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Petit aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Transports Petit.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que devaient être inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS PETIT les sommes de 14 932,10 (97.954,41 francs), 1 493,21 (9.795,44 francs), 5 305,21 (34.802,11 francs) et 9 588,51 à titre, respectivement, d'heures supplémentaires, de congés payés sur heures supplémentaires, de repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS que le conseil de prud'hommes a ordonné une expertise des disques, qui a été menée contradictoirement ; que l'expert a conclu que la société TRANSPORTS PETIT restait redevable d'une somme de 97.954,41 francs au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés, et de 34.802,11 francs à titre d'indemnité de repos compensateur ; que la société TRANSPORTS PETIT conteste la valeur probante des disques examinés par l'expert aux motifs que le chauffeur a procédé à des manipulations irrégulières et a abusé des temps de conduite et de mise à disposition ; que les irrégularités invoquées - ouverture de l'horloge de disques, mise en panne volontaire de l'appareil sans demande de réparation, conservation des disques au domicile - ne ressortent sérieusement d'aucune pièce produite par l'employeur et n'ont pas été mises en évidence par l'expert ; que ce dernier a seulement relevé que le tachygraphe n'avait pas toujours fonctionné normalement et que certains disques n'étaient pas correctement imprimés ; que rien ne permet cependant d'attribuer ces dysfonctionnements à une action volontaire du chauffeur ; qu'en l'absence d'éléments contraires fournis par la société TRANSPORTS PETIT, l'expert s'est logiquement basé sur les relevés manuscrits portés par Bernard X... au dos des disques incomplets ; que s'agissant du recours excessif à des heures de mise à disposition, la société TRANSPORTS PETIT procède par affirmation, étant observé qu'à aucun moment, alors qu'elle exerçait pourtant une surveillance étroite des activités de son chauffeur, comme en témoigne les quatre sanctions disciplinaires prononcées contre lui, elle n'a formulé de reproches sur ce point ; que de même, elle n'a jamais relevé les prétendus déplacements inutiles qu'elle invoque aujourd'hui ; que la fiabilité des disques est donc vainement contestée par l'employeur ; que sur cette base, l'expert a procédé au décompte du temps de travail ;
ALORS QUE, D'UNE PART, selon le décret du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier dans sa rédaction alors applicable, le temps de travail effectif d'un chauffeur routier correspond au temps de conduite et au temps à disposition, lequel correspond aux périodes de présence, d'attente ou de disponibilité, passées au lieu de travail ou sur le véhicule, et pendant lesquelles le personnel ne dispose pas librement de son temps, à l'exclusion des périodes de repos, d'interruptions, et des temps consacrés aux repas, à l'habillage et au casse-croûte ; qu'en l'espèce l'employeur contestait les rappels de salaires évalués par l'expert sur la base des temps de conduite, de travaux divers et de mise à disposition, en faisant valoir qu'ils avaient été calculés en tenant compte d'heures de mises à disposition injustifiées puisqu'elles correspondaient à des temps de repos, ou à des coupures et non à des périodes d'attente passées dans le véhicule ou à proximité et pendant lesquelles l'intéressé aurait été tenu de rester à la disposition de l'entreprise sans pouvoir disposer librement de son temps ; qu'en reprenant à son compte les conclusions du rapport d'expertise, sans rechercher si le décompte effectué par l'expert correspondait à du temps de travail effectif au sens du texte précité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'employeur ne pouvait contester la réalité des heures de mise à disposition dans la mesure où malgré la surveillance étroite exercée sur les activités de son chauffeur, établie par les quatre avertissements prononcés contre lui, aucun reproche ne lui avait été adressé sur ce point ; qu'en statuant par un tel motif, tandis que la prétention du salarié au paiement d'heures abusivement qualifiées d'heures de mise à disposition, qui résultait de ses demandes devant le conseil de prud'hommes, ne constitue pas une faute commise dans l'exécution du contrat de travail et ne pouvait donc sanctionnée par l'employeur dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, il résultait du rapport d'expertise, dont la cour d'appel a repris à son compte les conclusions, qu'à de très nombreuses reprises le chronotachygraphe n'avait pas fonctionné et que l'expert avait déterminé le temps de travail effectif pour les périodes concernées à partir des seules indications fournies par le salarié ; qu'en retenant néanmoins que l'employeur était en mesure de constater et de sanctionner le recours excessif du salarié à des heures de mise à disposition, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation du même texte ;
ALORS QUE, ENFIN, en tout état de cause, selon l'article 5 du décret du 26 janvier 1983 dans sa rédaction alors applicable, le temps à disposition n'est compté comme travail effectif que pour une fraction égale à deux tiers jusqu'au 3 août 1992, à 85 % du 4 août 1992 jusqu'au 28 février 1993 et à 92 % du 1er mars 1993 au 31 décembre 1996 ; que le rapport d'expertise, qui précise que les rappels de salaires de décembre 1991 à septembre 1994 ont été calculés sur la base des temps de conduite, de travaux divers et de mise à disposition, ne fait aucunement apparaître que les heures de mises à disposition auraient été décomptées sur la base de ces pourcentages ; que dès lors, en entérinant le rapport d'expertise sans vérifier, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, que les temps à disposition avaient été pris en compte conformément à la règlementation alors applicable, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard du texte en cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que devait inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société TRANSPORTS PETIT la somme de 9 588,51 à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS que la dissimulation d'emploi prévue par l'article L-324-10 du Code du travail est caractérisée lorsque l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en l'espèce, la société TRANSPORTS PETIT avait nécessairement connaissance des horaires de son chauffeur par les enregistrements effectués par le chrono tachygraphe ; qu'il ressort du rapport de l'expert qu'elle a systématiquement rémunéré le conducteur sur une base très inférieure à la durée réelle de travail, celui ci subissant suivant les mois une perte de salaire de 15 à 40 % ; que ces éléments démontrent l'existence d'une dissimulation volontaire d'une partie du temps de travail du salarié, ouvrant droit au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 324-11-1 du Code du travail ;
ALORS QUE la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle en ne mentionnant pas les heures supplémentaires sur les bulletins de paie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait délibérément mentionné un nombre d'heures inférieur à celui effectué dans la mesure où il avait nécessairement connaissance des horaires de son chauffeur par les enregistrements effectués par le chronotachygraphe ; qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur contestait la qualification de temps à disposition des heures réclamées par le salarié et que l'enregistrement des différents temps par l'appareil de contrôle, dépendant de la manipulation effectuée par le salarié, ne suffisait pas à établir que ces heures devaient être considérées comme du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les articles L 8221-5 et L 8223-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44071
Date de la décision : 04/11/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 11 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 nov. 2009, pourvoi n°08-44071


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44071
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