LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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GROUPAMA, partie intervenante,
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LA SOCIÉTÉ STATION CALTEX, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2009, qui, dans la procédure suivie contre Kassim X... du chef de destruction volontaire par incendie, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 500, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel de l'EURL SC ;
"aux motifs que l'exercice du droit d'appel en matière correctionnelle est réglé par la section première du chapitre II du titre II du livre II du code de procédure pénale ; que l'article 500 du code de procédure pénale dispose qu'en cas d'appel d'une partie, les autres parties ont un délai supplémentaire de cinq jours pour faire appel ; que l'article 550 du code de procédure civile n'est pas applicable en la matière, seules les règles de procédure pénale étant applicable ; que, dès lors que l'EURL SC, l'Equité et Kassim X... se sont contentés de formuler appel incident dans leurs écritures pour la première fois sans le former au greffe de la juridiction ayant rendu la décision, cet appel est irrecevable tant au regard des délais que de la forme ;
"alors que le juge ne peut relever d'office un moyen de droit sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les principes précités, soulever d'office l'irrecevabilité de l'appel incident de la société EURL SC, sans inviter préalablement les parties à formuler leurs observations" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 500, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté l'EURL SC de sa demande tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a limité le montant de son préjudice direct à la somme de 482 523 euros sans tenir compte de la valeur de la franchise de 27 324 euros ;
"aux motifs que l'exercice du droit d'appel en matière correctionnelle est réglé par la section première du chapitre II du titre II du livre II du code de procédure pénale ; que l'article 500 du code de procédure pénale dispose qu'en cas d'appel d'une partie, les autres parties ont un délai supplémentaire de cinq jours pour faire appel ; que l'article 550 du code de procédure civile n'est pas applicable en la matière, seules les règles de procédure pénale étant applicable ; que, dès lors que l'EURL SC, l'Equité et Kassim X... se sont contentés de formuler appel incident dans leurs écritures pour la première fois sans le former au greffe de la juridiction ayant rendu la décision, cet appel est irrecevable tant au regard des délais que de la forme ;
"alors que l'appel du jugement correctionnel par l'une des parties civiles saisit le juge d'appel de l'entier litige sur les intérêts civils ; que le juge est tenu de se prononcer sur les demandes dont il est régulièrement saisi par les parties intimées, peu important qu'elles aient irrégulièrement interjeté appel incident ; qu'en l'espèce, la société EURL SC a interjeté appel incident du jugement sur les intérêts civils, sur appel principal de la compagnie Groupama et de la société Chevron Réunion Limited ; qu'elle demandait l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité le montant de son préjudice direct à la somme de 482 523 euros sans tenir compte de la valeur de la franchise de 27 324 euros ;
que la cour d'appel ne pouvait refuser d'examiner ce chef de demande, au seul motif inopérant que l'appel incident de la société EURL SC aurait été irrecevable, tandis qu'elle était tenue d'examiner cette demande, la société EURL SC ayant la qualité d'intimée" ;
Les moyens étantn réunis ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que la société Chevron Réunion limited et son assureur, la compagnie Groupama, ont régulièrement interjeté appel du jugement du 5 septembre 2007 par lequel le tribunal pour enfants a prononcé sur la réparation des conséquences dommageables du délit de destruction volontaire par incendie dont Kassim X... avait été déclaré coupable ; que Ia société Station Caltex et la compagnie l'Equité, assureur du père de de Kassim X..., civilement responsable, qui n'avaient pas relevé appel du jugement dans les formes du code de procédure pénale, ont prétendu former, chacune, appel incident par voie de conclusions ;
Attendu qu'en les déclarant d'office irrecevables en leurs appels, par les motifs repris au moyen, et dès lors que les formes et délais d'appel sont d'ordre public, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 500 et 509 du code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, 1134 du code civil, L. 113-1 du code des assurances, dénaturation, défaut et contradiction de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que la mise en cause de l'Equité ne pouvait excéder le plafond de garantie prévu au contrat d'assurance souscrit par Zakaria X... et dit que le plafond de la garantie due par l'Equité s'élève à 494 468,39 euros ;
"aux motifs que Groupama fait valoir que la limitation de garantie invoquée par l'Equité ne figure pas aux conditions générales du contrat ; que, cependant, les conditions générales du contrat en page deux font expressément mention des conditions particulières et des limites maximales des indemnités par sinistre et franchises ; qu'il ne peut être soutenu que les conditions particulières invoquées par l'Equité ne serait pas celles visées au contrat alors que la lecture du contrat signé par Zakaria X... mentionne : « tableaux des garanties : référence n°EQ/MR/0278 » ; qu'il s'agit du même tableau de limitation de garantie que l'Equité invoque ; que la SA Chevron Réunion Limited tente de démontrer que l'incendie, la pollution accidentelle et le vol par un enfant seraient compris dans la catégorie dommages matériels et dommages immatériels consécutifs qui sont fixés à 20 000 unités FFB et qu'ainsi le compte ne serait pas bon en fixant l'incendie à seulement 5 000 unités FFB ; que, cependant, il s'agit bien de deux catégories différentes et il n'y a aucune erreur d'addition ; qu'il apparaît que le premier juge a justement considéré que la clause de limitation de l'indemnité en cas d'incendie telle qu'elle figure aux conditions particulières est limpide et exclusive de toute interprétation ; qu'il ne s'agit pas d'une exclusion et qu'ainsi l'article L. 113-1 du code des assurances est inapplicable ; que c'est à bon droit qu'il a limité l'indemnisation à 5 000 unités FFB ;
"1°) alors que, dans ses écritures d'appel, la société Groupama ne prétendait pas que les conditions particulières produites par la compagnie L'Equité n'étaient pas celles visées au contrat d'assurance mais que le « tableau des limites maximales des indemnités par sinistre et des franchises référence EQ/MR/0278 A » ne pouvait correspondre au tableau mentionné en page 2 des conditions générales ; que, dès lors, sauf à dénaturer les conclusions de la compagnie Groupama, la cour d'appel ne pouvait énoncer que celle-ci prétendait que les conditions particulières étaient inapplicables tandis qu'elle demandait à l'inverse l'application de ces conditions particulières qui ne prévoyaient aucun plafond de garantie ;
"2°) alors que la compagnie Groupama faisait valoir dans ses écritures que le « tableau des limites maximales des indemnités par sinistre et des franchises référence EQ/MR/0278 A » ne pouvait correspondre au tableau mentionné en page 2 des conditions générales ; qu'elle exposait, notamment, que les conditions générales portaient un numéro EQ/MR/0277 A, c'est-à-dire un numéro différent de celui du tableau produit ; que ce tableau ne mentionnait pas qu'il constituait une annexe des conditions générales EQ/MR/0277 A ; qu'il portait un numéro EQ/MR/0278 A différent de celui mentionné dans les conditions particulières, qui faisaient référence à un tableau n°EQ/MR/0278 sans mention d'une lettre ; que la cour d'appel ne pouvait, sauf à priver de base légale sa décision, considérer qu'il convenait d'appliquer les plafonds de garantie prévus par ce tableau, sans rechercher si le document produit par la compagnie L'Equité correspondait bien au tableau visé par les conditions générales et particulières" ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 1134 du code civil et des articles L. 113-5 et L. 121-2 du code des assurances, défaut de motifs, défaut de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fixé la valeur de l'unité FFB à 648,70 et dit que le plafond de la garantie due par l'Equité s'élève à 494 468,39 euros ;
"aux motifs que l'Equité fait valoir que l'indice à retenir conformément aux conditions générales du contrat est celui publié au moins un mois avant le premier jour de l'échéance ; que page 21 du contrat, il est indiqué aux conditions générales que l'indice retenu est celui publié au moins un mois avant le premier jour de l'échéance ; que l'échéance est fixée au 15 mai ; qu'ainsi, l'indice publié à cette date était bien celui du premier trimestre, celui du 2e trimestre étant inconnu ; qu'ainsi il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la valeur de l'unité FFB à 676,90 et de fixer celle-ci à 648,70 ; que le plafond de garantie s'élève ainsi à 5 000 X 648,70 : 6,55957 = 494 468,39 euros ;
"1°) alors que les conditions particulières du contrat d'assurance multirisques habitation souscrit par Zakaria X... précisaient que l'échéance anniversaire du contrat était fixée au 15 mai ; que cette date correspond à la date de renouvellement du contrat d'assurance et non à la date d'échéance de la prime ; qu'en décidant néanmoins que l'échéance avait été fixée par le contrat d'assurance au 15 mai, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conditions particulières du contrat ;
"2°) alors que les conditions générales du contrat d'assurance définissent l'indice d'échéance comme « la dernière valeur de l'indice publié au moins un mois avant le premier jour de l'échéance de la prime ; c'est celle indiquée sur votre dernière quittance de prime ou sur votre dernier avis d'échéance » ; que si les conditions particulières du contrat prévoyaient que l'échéance anniversaire du contrat, à effet au 25 mai 2004, était fixée au 15 mai, elles ne précisaient pas en revanche la date d'échéance de la prime ; que la compagnie Groupama faisait valoir que l'indice FFB à prendre en compte pour le calcul du plafond de garantie était celui du deuxième trimestre 2004 ; que la cour d'appel ne pouvait, sauf à priver sa décision de base légale, retenir l'indice FFB du premier trimestre 2004, sans rechercher quelle était la date d'échéance de la prime, qui ne se confondait pas avec la date d'échéance du contrat ;
"3°) alors en tout état de cause que la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré recevable les appels de la compagnie Groupama et de la société Chevron Réunion Limited ; qu'elle a en revanche déclaré irrecevable, notamment, l'appel incident du prévenu et de son assureur, la compagnie l'Equité ; qu'ainsi, seules la compagnie Groupama et la société Chevron Réunion Limited, dont les intérêts n'étaient pas opposés, avaient la qualité d'appelant ; que les juges du fond ne pouvaient, sauf à méconnaître les textes précités, aggraver le sort de la compagnie Groupama en décidant de fixer la valeur de l'unité FFB à 648,70 francs au lieu de 676,90 francs pour lui allouer ensuite une indemnité moindre que celle obtenue devant le premier juge, c'est-à-dire en abaissant le montant du plafond de garantie de la somme de 513 157,34 euros à celle de 494 468,39 euros" ;
Vu l'article 515 du code de procédure pénale ;
Attendu que la cour d'appel ne peut, sur le seul appel de l'assureur, aggraver le sort de l'appelant ;
Attendu qu'après avoir constaté l'irrecevabilité de l'appel de la compagnie l'Equité, assureur de Zakaria X..., civilement responsable, la cour d'appel, régulièrement saisie des seuls appels de la société Chevron Réunion limited et de la compagnie Groupama, réduit, par les motifs repris au moyen, le plafond de la garantie due par l'Equité à 494 468,39 euros ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que ni le civilement responsable ni son assureur n'avaient interjeté appel du jugement qui avait fixé ce plafond à la somme de 513 157,34 euros, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 13 février 2009, en ses seules dispositions Iimitant à 494 468,39 euros le plafond de la garantie due par la compagnie I'Equité, définitivement fixé à 513 157,34 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale présentée par Groupama ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la société Station Caltex de ce texte ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;