La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2009 | FRANCE | N°08-10430

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 octobre 2009, 08-10430


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Renée X... a confié le règlement de la succession de son mari, Pierre Jean Y..., décédé le 12 avril 1991, à la société Fidal, société d'avocats et de conseils juridiques, qui assurait, dep

uis de nombreuses années, le suivi juridique et social de la société anonyme Agropar que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Renée X... a confié le règlement de la succession de son mari, Pierre Jean Y..., décédé le 12 avril 1991, à la société Fidal, société d'avocats et de conseils juridiques, qui assurait, depuis de nombreuses années, le suivi juridique et social de la société anonyme Agropar que celui ci dirigeait ; que, le 2 octobre 1991, le conseil d'administration de cette dernière a nommé Mme X... directeur général ; que, faute d'exercice effectif de cette fonction, Mme X... a fait l'objet de redressements fiscaux sur ses déclarations d'impôts de solidarité sur la fortune, pour les années 1996 à 2000, à raison de la perte du statut de biens professionnels des actions de la société Agropar qu'elle détenait ; qu'une transaction avec l'administration fiscale est intervenue en exécution de laquelle Mme X... a versé, le 1er octobre 2003, la somme mise à sa charge ; que le 23 avril 2004, Mme X... a assigné la société Fidal en recherchant sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil pour avoir, dans le cadre du règlement de la succession de son époux, conseillé sa nomination comme directeur général et omis de préconiser la transformation de la société Agropar en société anonyme à conseil de surveillance et directoire avec son élection comme présidente du conseil de surveillance, seule fonction qu'elle était apte à exercer ;

Attendu que pour écarter le grief de Mme X... sur l'absence d'information donnée par la société Fidal sur l'obligation d'exercer effectivement les fonctions de directeur général de la société dont elle détenait des actions, pour maintenir leur statut de biens professionnels exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'arrêt retient que Mme X... n'établit pas la connaissance, par la société Fidal, de son incapacité à occuper lesdites fonctions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'avocat, conseiller juridique et fiscal, est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son client, laquelle comporte le devoir de s'informer de l'ensemble des conditions de l'opération pour laquelle son concours est demandé, et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Fidal aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fidal à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement disant que la société FIDAL avait manqué à ses obligation, contractuelles à l'égard de Mme René Y... et d'avoir, en conséquence déboutée cette dernière de ses demandes à l'encontre de cette société.

AUX MOTIFS QUE Mme Renée Y..., qui sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société FIDAL, fait valoir au soutien de cette demande que cette société, à qui elle avait confié le soin de satisfaire à toutes ses obligations fiscales et déclaratives, a commis une faute en ne préconisant pas, immédiatement après le décès de son époux, la transformation de la société anonyme AGROPAR en société anonyme à conseil de surveillance et directoire, sous réserve de son élection comme président du conseil de surveillance ; qu'elle explique que la société FIDAL ne pouvait en effet ignorer que n'ayant jamais travaillé, il lui était impossible d'exercer des fonctions de dirigeante d'entreprise, alors qu'en revanche elle est tout à fait apte à exercer les fonctions de présidente du conseil de surveillance, ce conseil n'ayant pas pour fonction de s'immiscer dans la gestion de la société, mais seulement de la surveiller ; qu'elle fait observer que depuis 2001 elle est présidente du conseil de surveillance de la société AGROPAR et ne règle plus l'impôt de solidarité sur la fortune sur les actifs de cette société qu'elle possède « sans que l'administration fiscale y trouve à redire » ; que la société FIDAL fait toutefois exactement observer qu'en 1991 la qualification de biens professionnels des titres détenus par Mme Y... dans le capital de la société AGROPAR n'avait pour elle aucun impact sur le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune, et que sa nomination comme directeur général est intervenu au décès de son époux, non pour lui permettre de bénéficier d'avantage fiscaux mais pour assurer une continuité dans le management du groupe ; qu'elle produit en effet aux débats, d'une part, le procès-verbal des déclarations faites par M. Charles Y..., le 7 août 2002, au commandant de police Z... en fonction au SRPJ de Rennes, auquel il a expliqué : « après le décès de mon frère, et toujours dans le souci de conforter le contrôle familial du groupe Doux, souhaité et voulu par les opérateurs financiers, ont été nommés Directeurs Généraux, Mme Renée X..., veuve de mon frère, M Jean-Charles Y..., mon fils et M Pierre-Yvon Y..., mon neveux. Cette décision avait pour objectif de conforter la représentativité paritaire des deux branches de la famille. » ; que d'autre part, le procès-verbal des déclarations faites le 22 août 2002 au même officier de police par Mme Renée Y... qui a précisé à ce fonctionnaire : « j'ai été amenée à prendre la responsabilité de Directeur Général de la S. A. Il faut remonter à mars 1991, lorsque mon mari mourant a émis le voeu que j'assume sa suite au sein de l'entreprise qu'il avait créé avec sa famille. Il souhaitait que cette entreprise ne souffre pas, après son départ, de problèmes liés à sa succession. Je dois préciser que seul Pierrick travaillait à ses côtés et que mes deux autres fils, avaient choisis d'autres voies professionnelles. J'ai donc accepté cette responsabilité en octobre 1991, soit cinq mois après le décès de mon mari. A cette époque, il est évident que je ne pensais pas à ma déclaration ISF. De toute façon, fiscalement et techniquement, c'était un dossier trop complexe pour moi. J'avais demandé à un cabinet fiscal de me conseiller sur ce sujet particulier : c'est ce qu'il a fait. », que la société FIDAL explique en outre, sans être contredite, qu'en 1991 il existait un mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune et que c'est la loi 95-1346 du 30 décembre 1995, loi de finances pour 1996 qui, en insérant une nouvelle disposition à l'article 885 V bis du code général des impôts, a déplafonné la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune et que ce n'est dès lors qu'en 1996 que l'ineffectivité de ses fonctions de directeur général par Mme Renée X... a eu un impact sur le montant de son impôt de solidarité sur la fortune ; que la société FIDAL fait encore observer que le redressement fiscal litigieux a sa cause, non dans la nomination de Mme Renée X... comme directrice générale, mais son absence d'activité réelle ; que la société FIDAL fait également observer que la désignation de Mme Renée Y... comme présidente du conseil de surveillance n'a été possible qu'après une modification de la forme sociale de la société anonyme à conseil d'administration AGROPAR et que cet accord a nécessité l'accord des autres actionnaires ; qu'elle explique qu'au lendemain du décès de Pierre-Jean Y... et dans les années qui ont suivi, cette modification n'était pas envisageable, les dirigeants du groupe Y... souhaitant respecter le principe de la continuité auquel les administrateurs étaient attachés et que ce n'est que dix ans après l'entrée en fonction de Mme Renée Y... que les administrateurs de la société AGROPAR ont transformé cette société en société anonyme à directoire ; que cette explication est corroborée par les déclarations de M. Charles Y... qui président directeur général de la société depuis 1975 a expliqué le 7 août 2002 au commandant de Police Z... que la société holding AGROPAR avait été créé après l'acquisition en 1990 de la branche du groupe GUYMARC'H père DODU dont les effectifs à l'époque de 2000 personnes était plus important que le groupe Y... lui-même, « pour marquer la cohésion du groupe familiale vis-à-vis des organismes financiers largement sollicités à cette occasion » ; que les membres du groupe familial étaient représentés à parité dans la société et qu'après le décès de son frère, toujours « dans le souci de conforter le contrôle familial du groupe Y... souhaité et soutenu par les opérateurs financiers » sa belle soeur, Mme Y..., son fils et son neveu avaient été désignés comme directeurs généraux dans le but de « conforter la représentativité paritaire des deux branches de la famille Y... » ; que Mme Renée Y..., qui a été désignée présidente du conseil de surveillance le 29 décembre 2000 à compter du 1 er décembre 2001, ne justifie de l'existence d'un accord éventuel des associés pour modifier en 1991, après le décès de son mari, la société anonyme par action AGROPAR en société anonyme à directoire ; que dans ces conditions Mme Renée X... qui n'établit pas la connaissance de la société FIDAL de son incapacité à occuper effectivement des fonctions de directrice générale de la société AGROPAR, n'est point fondée à lui reprocher de ne s'être pas inquiétée de son activité réelle au sein de cette société, alors qu'elle percevait à ce titre une rémunération annuelle de 250. 000 F ; qu'elle a déclaré à l'officier de police Z... « que sa responsabilité a consisté à participer à de nombreuses réunions stratégiques qui engageait notre groupe pour le futur et, à participer aux délibérations et aux conseils d'administration... Je suis surprise et choquée que l'on puisse me reprocher d'avoir fait de fausses déclarations ISF et d'avoir eu un travail fictif » et que M. Charles Y..., son beau frère, a affirmé au même fonctionnaire de police que l'emploi de sa belle-soeur ne pouvait être qualifié de fictif « compte tenu de son action et de ses interventions stratégiques au sein d'AGROPAR » ; qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris et de débouter Mme Renée Y... de ses demandes ;

1° / ALORS QUE celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en l'espèce, la société FIDAL, conseil en droit fiscal et en droit des sociétés du Groupe Y... s'est vu spécifiquement confier par Madame Veuve Y..., après le décès de son mari-Monsieur Pierre-Jean Y..., Directeur Général de la société, survenu le 12 avril 1991 une mission complète de règlement de sa succession ; que la nomination de Madame Renée Y... en qualité de Directeur Général aux lieu et place de son mari décédé entrait dans le cadre de cette succession, ce dont la société FIDAL avait eu connaissance ; qu'il en résultait que dans le cadre de son obligation de conseil il appartenait à cette société, qui n'ignorait pas que l'intéressée n'avait jamais travaillé, de lui apporter toutes informations et conseils, notamment sur la nécessité liée à cette fonction d'avoir une activité effective ; que la société FIDAL n'ayant pas établi avoir donné une telle information, la Cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement en affirmant que Madame Renée Y... n'établissait pas la connaissance de la société FIDAL de son incapacité à occuper effectivement les fonctions de directrice générale de la société ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2° / ALORS QUE Madame Veuve René Y... ayant établi avoir confié à la société FIDAL le règlement de la succession de son mari, dans le cadre de laquelle devait intervenir sa nomination en qualité de Directeur Général, la Cour d'appel ne pouvait infirmer le jugement et considérer que la société FIDAL n'avait pas manqué à son obligation de conseil en retenant qu'en 1991 la qualification de biens professionnels des titres détenus par Madame Y... dans le capital de la société AGROPAR n'avait pour elle aucun impact sur le montant de l'impôt de solidarité ; qu'il existait à cette date un mécanisme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune ; que la désignation ultérieure de Madame Y... comme présidente du Conseil de surveillance n'avait été possible qu'après une modification de la forme sociale de la société anonyme dont Madame Y... ne justifiait pas d'un accord éventuel des associés en 1991 pour une telle modification, ces éléments n'étant pas de nature à faire disparaître l'obligation d'information qui pesait sur la société FIDAL au moment de la nomination de Madame Y... ; qu'ainsi la Cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants n'a pas légalement justifié sa décision et a entaché l'arrêt d'une violation de l'article 1147 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-10430
Date de la décision : 13/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 oct. 2009, pourvoi n°08-10430


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.10430
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award