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06/10/2009 | FRANCE | N°09-80574

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 2009, 09-80574


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Albert,
- LA COMPAGNIE GMF, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure

pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à Océane Y... une indemnité de 764 520 eur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Albert,
- LA COMPAGNIE GMF, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à Océane Y... une indemnité de 764 520 euros pour «frais de tierce personne temporaire» ;

"aux motifs qu'Océane Y... avait besoin d'une aide de substitution pour les actes essentiels de la vie courante de 6 heures par jour, d'une aide de stimulation d'agrément de 2 heures par jour et d'une surveillance passive par un tiers pour le reste du nycthémère ;

"alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte, ni profit pour aucune des parties ; qu'en ayant accordé à Océane Y..., outre l'assistance de tierces personnes de 22 heures par jour, une aide de stimulation «d'agrément», la cour d'appel a excédé la réparation intégrale du préjudice" ;

Sur le sixième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à Océane Y... une indemnité de 486 720 euros pour préjudice professionnel ou économique ;

"aux motifs que l'expert avait conclu à un préjudice professionnel total ; qu'en raison de l'importance des troubles neuropsychiatriques de la victime, aucun apprentissage n'était envisageable ; que la victime se trouvait dans l'incapacité d'exercer une activité rémunératrice quelconque et qu'il convenait d'évaluer le capital constitutif de la rente sur la base d'un salaire moyen net de 1 500 euros par mois ;

"alors que le préjudice professionnel subi par la victime d'une infraction ne s'analyse que comme une perte de chance, laquelle doit être appréciée en fonction des aptitudes de la victime à exercer une activité rémunératrice au moment de l'infraction ; que la cour d'appel n'a pas tenu compte de ce que, ainsi que le soutenait la GMF et Albert X..., il n'était «pas constaté qu'Océane Y... avait déjà un retard scolaire» au moment de l'infraction, réduisant d'autant ses perspectives professionnelles" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que la juridiction du second degré était appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Albert X..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, d'une part, le coût de l'assistance d'une tierce personne jusqu'à la date de consolidation de la victime et, d'autre part, son préjudice professionnel ou économique, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer un dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à Océane Y... un capital de 19 478 euros pour chaussures orthopédiques ;

"aux motifs qu'il convenait d'allouer à la victime : chaussures orthopédiques à raison de deux paires par an (part non prise en charge par la sécurité sociale) sur la base d'un renouvellement tous les ans : 694,65 euros + 694,65 euros x 27,040 = 19.478 euros ;

"alors qu'en ayant retenu la somme de 694,65 euros comme part non prise en charge par la sécurité sociale, quand il résultait du détail des frais futurs de la caisse d'assurance maladie de Metz produit devant elle, que cette somme était, au contraire, celle prise en charge par la caisse, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision" ;

Attendu que la partie civile faisait valoir que la sécurité sociale ne prenait en charge que l'achat d'une paire de chaussures orthopédiques par an, alors que deux paires étaient nécessaires ;

Attendu, qu'en cet état, la cour d'appel, qui a alloué à la victime une indemnité résiduelle de 19 478 euros calculée sur la base du coût de remplacement d'une paire de chaussures orthopédiques par an, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a réservé les droits d'Océane Y... en ce qui concerne l'acquisition et l'aménagement ou l'aménagement d'un logement futur adapté au handicap et à ses besoins ;

"aux motifs qu'il convenait d'accorder à mademoiselle Y... la réserve de ses droits afin de procéder à la location ou à l'acquisition d'un logement adapté à son handicap ou jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de chiffrer avec précision le coût engendré par cet aménagement, étant précisé que dans ce cas de handicap, la pleine propriété constitue une garantie certaine et définitive de bénéficier d'un logement adapté ;

"1°/ alors que la cour d'appel, qui avait constaté l'existence en leur principe de dommages, devait les évaluer et non pas surseoir à statuer ;

"2°/ alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, mais sans profit pour la victime ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait réserver le droit de mademoiselle Y... de réclamer le paiement du prix d'acquisition d'un logement en toute propriété" ;

Attendu que la partie civile demandait que ses droits concernant l'acquisition et l'aménagement ou l'aménagement d'un logement futur adapté à ses handicaps et à ses besoins soient réservés ;

Attendu que le prévenu et son assureur ne sauraient se faire un grief du donné acte de cette réserve par la cour d'appel, qui ne constitue pas une décision de sursis à statuer indéterminée ;

D'où il suit que le moyen, qui en sa seconde branche critique des motifs surabondants, ne saurait être admis ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à Océane Y... une somme de 32 940,40 euros pour fauteuils roulants ;

"aux motifs qu'il convenait d'allouer à la victime : fauteuil roulant électrique (part non prise en charge par la sécurité sociale) sur la base d'un renouvellement tous les cinq ans. Première acquisition suivant facture du 4 juillet 1998: 1083,99 euros. Capitalisation : 6 091,05 euros, 5 x 27,040 euros + 32 940,40 euros ;

"alors que l'achat initial d'un fauteuil roulant au prix de 1 083,99 euros, le renouvellement tous les cinq ans et le prix d'euro de rente de 27 040 euros, retenus par l'arrêt, aboutissaient à un capital de 5 862,21 euros ; qu'en ayant alloué à Océane Y... un capital de 32 940,40 euros, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance ou d'une contradiction de motifs" ;

Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a alloué à Océane Y... des indemnités de 345 600 et 4 617 388,80 euros pour assistance d'une tierce personne depuis la date de consolidation et pour le futur, cette dernière somme devant être versée sous forme de rente viagère mensuelle ;

"aux motifs que l'état de santé d'Océane Y... nécessitait une aide de substitution pour les actes essentiels de la vie courante à raison de 6 heures par jour, une aide de stimulation quotidienne d'agrément à raison de 2 heures par jour et une surveillance passive par un tiers pour le reste du nycthémère ; que cette assistance devait être assurée par trois tierces personnes ; que l'assistance d'une tierce personne pour le futur serait chiffrée en prenant en considération l'âge de la victime de 25 ans au 27 février 2003 et le taux de l'euro de franc de rente de 26 721 euros, à 4 617 388 euros, capital consécutif de la rente viagère ;

1°/ alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en ayant accordé à Océane Y..., outre l'assistance de tierces personnes 22 heures par jour, une aide de stimulation « d'agrément » de 2 heures, la cour d'appel a excédé la réparation intégrale du préjudice ;

"2°/ alors que la cour d'appel n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions d'Albert X... et de la GMF qui demandaient la suspension du versement de la rente en cas d'hospitalisation de la victime au-delà d'une durée de trente jours" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu, d'une part, que, pour fixer à 32 940,40 euros l'indemnité résiduelle allouée à la victime pour l'usage d'un fauteuil roulant électrique, l'arrêt, après avoir relevé que, lors de l'acquisition d'un premier fauteuil, il était resté à sa charge 1 083,99 euros, énonce que l'indemnité ci-dessus correspond au remplacement d'un matériel d'une valeur de 6 091, 05 euros tous les cinq ans ;

Attendu, d'autre part, que, saisie de conclusions du prévenu et de son assureur, qui demandaient que la rente indemnisant l'assistance d'une tierce personne soit suspendue en cas d'hospitalisation de plus de trente jours, la cour d'appel a omis de répondre à ce chef péremptoire des conclusions ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants ou contradictoires, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ces chefs ;

Et sur le septième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Albert X... et la GMF à payer à Océane Y... la somme de 6 274 764,37 euros ;

"alors que la cour d'appel a omis de se prononcer sur la demande de déduction de cette somme des provisions déjà versées d'un montant de 126.224,51 euros" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, saisie de conclusions du prévenu et de son assureur, qui demandaient qu'il soit tenu compte des provisions versées et s'élevant à 126 224,51 euros ainsi que d'une somme de 890 120,62 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement, la cour d'appel s'est bornée à statuer sur la seconde demande et a omis de répondre à la première, qui n'était pas contestée par la partie civile ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 14 novembre 2008, mais en ses seules dispositions relatives à l'usage d'un fauteuil roulant électrique, à la suspension de la rente au titre de l'assistance d'une tierce personne en cas d'hospitalisation et au décompte des provisions versées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Le Corroller conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-80574
Date de la décision : 06/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 14 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 2009, pourvoi n°09-80574


Composition du Tribunal
Président : M. Blondet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.80574
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