LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société St Microélectronique (la société Stm) ayant acheté une machine au Japon en a confié le déplacement jusqu'à Crolles (Isère) à la société Exel, commissionnaire de transport, qui a sous traité l'exécution du transport aérien jusqu'à Lyon à la société Lufthansa puis du transport routier jusqu'au lieu de livraison à la société Emballage conditionnement transit (la société Ectra) ; que cette machine était assurée contre les risques de dommages en cours de transport auprès de la société Trenwick International Limited, devenue la société Bestpark International Limited (la société Bestpark) et de la société Groupama transport ; que le 12 avril 2001, la machine a été endommagée au cours des opérations de manutention effectuées par la société Ectra ; que les assureurs Bestpark et Groupama transport, ayant indemnisé la société Stm, ont assigné en responsabilité et en paiement la société Ectra et son assureur, la société Groupama transport, cette dernière étant appelée en garantie par son assurée, la société Ectra ;
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu les articles 1108 et 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Ectra à payer à la société Bestpark et à son co assureur, la société Groupama transport, la somme de 102 096,66 USD ou sa contre valeur en euros, l'arrêt retient que
la société Ectra invoque l'application de la clause limitative de responsabilité figurant sur le devis GAT 4462 établi pour l'opération litigieuse, que toutefois il résulte de l'article 12.1 du contrat n° 98/18, signé antérieurement par la société Stm et la société Ectra, que la responsabilité de cette dernière est sans limitation, qu'en application de l'article 16.1 du même contrat n° 98/18, "aucune disposition du présent contrat ne sera réputée avoir été écartée, complétée ou modifiée par l'une des parties sans un avenant signé par les représentants autorisés des deux parties portant décision d'écarter l'application d'une clause, de la compléter ou de la modifier", que la clause prévue à l'article 12.1 ne peut donc être écartée ou modifiée que dans les conditions précisées à l'article 16.1, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque le devis GAT 4462 ne fait aucunement référence au contrat n° 98/18 et qu'il s'ensuit qu'aucune limitation de responsabilité n'est opposable à la société Stm, ni à ses assureurs subrogés dans ses droits ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les parties, qui étaient convenues des modalités de modification de leur convention, n'avaient pas entendu y renoncer ultérieurement d'un commun accord, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que le chef de l'arrêt attaqué par le second moyen se rattache par un lien de dépendance nécessaire au chef qui condamne la société Ectra à payer à la société Bestpark et à son co assureur, la société Groupama transport, la somme de 102 096,66 USD ou sa contre valeur en euros ; que par suite la cassation de l'arrêt de ce chef entraîne l'annulation de l'arrêt du chef du rejet de l'appel en garantie formé contre la société Groupama transport ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré les sociétés Trenwick International Limited et Groupama transport recevables en leurs demandes et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 12 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Bestpark International Limited et la société Groupama transport en qualité d'assureur de la société St Microélectronique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Emballage conditionnement de transit - ECTRA.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Emballage Conditionnement Transit (ECTRA) à payer aux sociétés Bestpark International Limited (anciennement Trenwick International Ltd) et à son co assureur, la société Groupama Transport, la somme de 102.096,66 USD ou sa contre valeur en euros ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la limitation de responsabilité ; qu'aucune des parties n'invoque la clause limitative de responsabilité prévue aux conditions générales de la société Ectra, laquelle a été appliquée à tort par le tribunal dès lors que le contrat n° 98/18 dispose en son article 16.3 que « Les parties conviennent que les conditions générales du client et les conditions générales du prestataire ne s'appliquent pas au présent contrat ; que la société Ectra invoque l'application de la clause limitative de responsabilité figurant sur le devis GAT 4462 et libellée comme suit : « En l'absence de valeurs, nos limites de garanties s'étendent à 150 F de Kg avec un maximum de 4.500 francs par objet ou unité confié ; que toutefois, il résulte de l'article 12.1 du contrat n° 98/18 que « Le prestataire est responsable des dommages corporels et/ou matériels et/ou immatériels causés au client, ses préposés ou des tiers, par le prestataire ou le personnel qu'il a affecté à la réalisation des travaux. Il garantira le client en conséquence » ; qu'il résulte de cette clause que la responsabilité de la société Ectra est totale et sans limitation ; que, en application de l'article 16.1 du même contrat n° 98/18, « aucune disposition du présent contrat ne sera réputée avoir été écartée, complétée ou modifiée par l'une des parties sans un avenant signé par les représentants autorisés des deux parties portant décision d'écarter l'application d'une clause, de la compléter ou de la modifier ; que la clause prévue à l'article 12.1 ne peut donc être écartée ou modifiée que dans les conditions précisées à l'article 16.1, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce puisque le devis GAT 4462 ne fait aucune référence au contrat 98/18 ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de disposition en ce sens, aucune limitation de responsabilité n'est opposable à la société Stm ni à ses assureurs subrogés dans ses droits»
ALORS QUE tout contrat consensuel peut être modifié par la seule volonté des parties nonobstant les stipulations qui soumettent sa modification au respect de certaines exigences formelles ; qu'au cas d'espèce, il était constant et non contesté que le devis comportant une clause limitative de responsabilité avait été accepté sans réserve par la société Stm dans son bon de commande du 10 avril 2001 ; qu'en décidant que la limitation de responsabilité prévue par le devis n° GAT 4462 n'était pas opposable à la société Stm au motif que le contrat n° 98/18 prévoyait que la responsabilité de la société Ectra était totale et sans limitation et que cette clause ne pouvait être écartée ou modifiée que dans des conditions que ne remplissait pas ce devis, cependant qu'il résultait de l'acceptation du devis adressé par la société Ectra à la société Stm que ces sociétés s'étaient accordées pour modifier les termes du contrat n° 98/18 en prévoyant que la responsabilité de la société Ectra serait limitée dans les conditions prévues par le devis, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Emballage Conditionnement Transit (ECTRA) de son appel en garantie à l'encontre de son assureur, la société Groupama Transport ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la garantie de la société Groupama Transport en qualité d'assureur de la société Ectra ; que la société Ectra fait valoir que sa responsabilité est garantie pour tout incident de manutention postérieur aux opérations de transport et de déchargement par une police d'assurance n° 31171 souscrite auprès de la société Groupama Transport ; que la société Groupama Transport réplique qu'il est stipulé à l'article L 1-1-3 des conditions spéciales « Responsabilité civile » que la « responsabilité de l'assuré est couverte lorsqu'elle est encourue en vertu de : a – Dispositions impératives de toute convention internationale sur le transport ; b- Toute loi nationale sur le transport ; c- Conditions générales de la FFOCT ; d- l'un des connaissements types fournis par les assureurs ; e- Le connaissement FIATA ; f- tout autre contrat approuvé par écrit par les assureurs » ; qu'elle fait valoir qu'en l'espèce, l'action est fondée sur le contrat n° 98/18 qui, conclu environ un mois avant que la police ne soit souscrite, ne lui a jamais été communiqué et qu'elle n'a donc pas approuvé bien qu'il aggrave la responsabilité de son assurée, de telle sorte que la condition de la garantie n'est pas acquise ; que pour contester ce refus de garantie, la société Ectra, qui fait valoir que le contrat 98/18 ne s'applique pas au cas d'espèce, soutient subsidiairement qu'il ne met pas à sa charge des obligations plus étendues ou plus rigoureuses que celles relevant de la loi dès lors que le manutentionnaire est titulaire d'une obligation de résultat, d'autant qu'il ne prévoit pas de modalités d'indemnisation des pertes et avaries ; qu'elle prétend encore que la clause limitative de responsabilité figurant sur le devis GAT 4462 ne peut être contestée par son assureur dès lors qu'elle est plus restrictive que celle qui figure dans ses conditions générales et qu'ainsi elle ne contrevient pas aux intérêts de la société Groupama Transport ; que la société Ectra souligne enfin que rien ne prouve que ses conditions générales auraient été applicables en l'absence de preuve formelle de leur acceptation par la société Stm ; que, toutefois, elle n'établit pas que son assureur la société Groupama Transport ait eu connaissance de l'existence du contrat n° 98/18 qui, comme il a été plus haut démontré, est applicable en l'espèce et prévoit une indemnisation du préjudice matériel sans limitation de responsabilité ; que, en l'absence de ce contrat, les conditions générales de la société Ectra, qui contiennent une clause limitative de responsabilité, se seraient appliquées dès lors que, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise de M. X..., les sociétés Stm et Ectra étaient en relations contractuelles depuis 1993, la société Ectra ayant procédé à la manutention de 1800 équipements sur le site de la société Stm ; qu'il en résulte que les conditions de la garantie ne sont pas acquises et la société Ectra sera déboutée de sa demande de garantie par la société Groupama Transport ainsi que de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de cette dernière ; que pour les mêmes motifs, les appelants seront déboutés de leurs demandes faites à l'encontre de la société Groupama Transport en qualité d'assureur de la société Ectra »
ALORS QUE, D'UNE PART, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a considéré que la clause limitative de responsabilité du devis GAT 4462 ne s'appliquait pas entraînera par voie de conséquence la censure de la décision en ce qu'elle a dénié le droit à la société Ectra d'être garantie par son assureur, la société Groupama Transport, dès lors que du fait de l'application de la limitation de responsabilité, le contrat n° 98/18 ne peut plus être considéré comme aggravant le risque pris en charge par l'assureur ; en application de l'article 625 du code de procédure civile.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la société Ectra faisait valoir dans ses conclusions d'appel (conclusions signifiées le 19 mars 2008, prod. 3, page 7, § 6) que la société Groupama Transport avait nécessairement eu connaissance de l'existence du contrat n° 98/18 à l'occasion des audits qu'elle n'avait pas manqué d'effectuer depuis 1998, date à partir de laquelle elle avait assuré la société Ectra ; qu'en décidant que la société Ectra n'établissait pas que son assureur aurait eu connaissance de l'existence du contrat n° 98/18 sans se prononcer sur le moyen tiré de ce que l'assureur avait nécessairement eu connaissance du contrat litigieux compte-tenu de l'ancienneté des relations existant avec la société Ectra, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, les conditions générales de l'une des parties à un contrat ne sont opposables à ses cocontractants que lorsque le contrat s'y réfère de façon directe ou indirecte ; qu'en se fondant, pour retenir que les conditions générales de la société Ectra se seraient appliquées si le contrat 98/18 n'avait pas été applicable et en déduire que ce contrat cadre aggravait les risques couverts par l'assureur, sur le fait que les sociétés Ectra et Stm étaient en relations contractuelles depuis 1993, sans relever que le contrat en exécution duquel la manutention litigieuse avait été effectuée se référait directement ou indirectement aux conditions générales de la société Ectra, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108, 1134 et 1341 du Code civil ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, et en tout état de cause, l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance mais, dans le cas où elle est constatée après un sinistre, la réduction de l'indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement ou exactement déclarés ; qu'en décidant qu'il résultait de la non communication du contrat n° 98/18 que les conditions de la garantie n'étaient pas acquises, cependant que cette absence de communication ne pouvait être sanctionnée que par une réduction de l'indemnité d'assurance proportionnelle au taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si le contrat avait été transmis à l'assureur, la cour d'appel a violé l'article L. 113-9 du Code des assurances.