LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L 621-12 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Nauder industries était locataire-gérante du fonds de commerce constitué de la branche industrielle de son actionnaire, la société anonyme Nauder, laquelle appartenait au groupe Valois ; que ces deux sociétés ayant été mises en redressement judiciaire, respectivement les 15 et 29 septembre 1999, leurs plans de redressement par voie de continuation ont été arrêtés le 21 septembre 2000 ; que celui de la société Nauder industries prévoyait le rachat par la société des Etablissements Arbel, autre société du groupe Valois, de 99,96 % des actions de la société Nauder industries détenues par la société Nauder ; que la société Nauder industries ayant été mise en liquidation judiciaire, le 7 novembre 2005, M. X..., nommé liquidateur, a demandé au juge-commissaire de désigner un expert ayant mission, notamment, de rechercher, les causes exactes de la défaillance de la société Nauder industries ainsi que la responsabilité de tous dirigeants de droit ou de fait, de toutes personnes morales et en particulier, les décisions prises par le groupe Valois, dans la restructuration de celle-ci dans le cadre du plan de continuation ; que le juge-commissaire a, le 12 juin 2006, accueilli cette demande ; que la société des Etablissements Arbel ayant formé un recours contre cette décision, la société Selcodis, actionnaire de la société Nauder et la société Chenard et Walcker, société du groupe Valois qui détenait le capital de la société Selcodis, sont intervenues volontairement dans cette instance ; qu'un jugement du 4 octobre 2006 a confirmé la décision du juge-commissaire ;
Attendu que, pour dire recevable l'appel-nullité de ces sociétés, l'arrêt retient que la mission donnée à l'expert, qui met en cause des sociétés, tiers à la procédure collective, et qui est susceptible de permettre une mise en oeuvre ultérieure de leur responsabilité, va au-delà des investigations que le juge-commissaire peut ordonner sur requête et sans qu'il y ait lieu à un débat contradictoire devant lui, que le juge-commissaire, qui a ainsi dépassé la limite de ses attributions, a commis un excès de pouvoir, lequel a été également commis par le tribunal ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge-commissaire trouve dans l'article L. 621-12 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, tous pouvoirs pour désigner une personne qualifiée afin de mener des investigations, dans le champ des relations ayant existé entre une personne morale faisant l'objet d'une procédure collective et d'autres personnes morales, en vue de rechercher les causes de la défaillance de l'entreprise ainsi que des faits susceptibles d'établir la qualité de dirigeant et de révéler des fautes de gestion, la cour d'appel a violé ce texte ;
Et, vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable l'appel-nullité de la société des Etablissements Arbel, de la société Chenard et Walcker et de la société Selcodis ;
Condamne la société des Etablissements Arbel, la société Chenard et Walcker et la société Selcodis aux dépens et met en outre à leur charge ceux afférents à l'instance d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel-nullité des sociétés ETABLISSEMENTS ARBEL, CHENARD ET WALCKER et SELCODIS et annulé l'ordonnance du juge commissaire du 12 juin 2006 ;
AUX MOTIFS QUE Maître X..., dans sa requête, exposait que la SAS NAUDER INDUSTRIES était locataire gérante du fonds de commerce constitué de la branche industrielle de la SA NAUDER et que les deux sociétés avaient été mises en redressement judiciaire par jugements rendus respectivement les 15 septembre et 29 septembre 1999 par le Tribunal de grande instance d'HAZEBROUCK, lequel avait arrêté leurs plans de redressement par voie de continuation le 21 septembre 2000 ; que Maître X..., ès-qualités, précisait encore que la SA NAUDER avait pour actionnaire la société SUPERVOX GROUP (aujourd'hui SELCODIS), elle-même détenue par la société civile GROUPE VALOIS (aujourd'hui CHENARD ET WALCKER) et que le tribunal de grande instance avait autorisé le groupe ARBEL, autre société du groupe VALOIS, à se porter acquéreur de 99,96 % du capital social de la société NAUDER INDUSTRIE, détenue par la SA NAUDER, elle-même détenue par le groupe SUPERVOX, filiale du groupe VALOIS ; que le cabinet OCA a notamment pour mission de «vérifier quelles ont été les relations, à l'issue du plan de continuation, entre SUPERVOX et ARBEL en ce qui concerne la SAS NAUDER INDUSTRIE, toutes deux actionnaires de la Financière VALOIS», de «vérifier l'ensemble des flux financiers qui auraient pu intervenir entre la SAS NAUDER INDUSTRIE, le groupe SUPERVOX, le groupe ARBEL et la FINANCIERE VALOIS» et de «rechercher la responsabilité de tous dirigeants de droit ou de fait ou de toutes personnes morales du groupe VALOIS qui auraient pu, seules ou solidairement, entraîner abusivement, dans son intérêt personnel ou dans leurs intérêts personnels, l'exploitation déficitaire de la SAS NAUDER INDUSTRIE, laquelle ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements» ; que cette mission, qui met en cause des sociétés tiers à la procédure collective et qui est susceptible de permettre une mise en oeuvre ultérieure de leur responsabilité, va au-delà des investigations que le juge-commissaire peut décider d'ordonner dans le cadre d'une procédure collective par ordonnance sur requête et sans qu'il y ait lieu à un débat contradictoire devant lui ; que le juge-commissaire, qui a ainsi dépassé la limite de ses attributions, a commis un excès de pouvoir (arrêt attaqué p. 3) ;
ALORS, d'une part, QUE la loi n'apporte aucune limite aux pouvoirs du juge-commissaire, chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence et que le rapport des constatations du technicien qu'il commet ne constitue pas une expertise au sens des articles 263 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile ; qu'en considérant que le juge-commissaire avait excédé ses pouvoirs pour la raison que la mission qu'il avait confiée au technicien commis mettait en cause des sociétés tiers à la procédure collective et était de nature à permettre la mise en oeuvre ultérieure de leur responsabilité, la cour d'appel a violé les articles L.621-12 (ancien) et L.623-4 (ancien) du Code de commerce ;
ALORS, d'autre part, QU'il entre dans les attributions du juge-commissaire, chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence, de désigner un expert avec une mission concernant toute société ou toute personne ayant un lien avec la procédure collective ; qu'en affirmant que les sociétés ETABLISSEMENTS ARBEL, CHENARD ET WALCKER et SELCODIS étaient des tiers à la procédure collective de la société NAUDER INDUSTRIES, de sorte que le juge-commissaire avait commis un excès de pouvoir en chargeant l'expert qu'il désignait d'une mission pouvant les mettre en cause, sans rechercher si, comme le soutenait Maître X..., ès qualités, dans sa requête présentée au juge-commissaire, leur participation directe ou indirecte au capital de la société débitrice et leur implication dans le plan de continuation de celle-ci n'excluaient pas leur qualité de tiers, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.621-12 (ancien) et L.623-4 (ancien) du Code de commerce.