LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 16, 708 et 709 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe, que la SARL X... et M. X... ont contesté l'état de frais vérifié de la SCP Sider, avoué qui avait représenté différents notaires dans une instance d'appel ;
Attendu que l'ordonnance mentionne que l'avoué a transmis des conclusions sur contestation d'honoraires dont elle expose le contenu, puis fixe à une certaine somme la rémunération de cet avoué ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de la décision ni des productions que les observations de l'avoué avaient été portées à la connaissance des contestants, le premier président a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 24 janvier 2008, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la SCP Sider aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP Sider à payer à la société X... et à M. X... la somme globale de 2 500 euros;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société X... et M. X...
Le moyen de cassation fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir taxé le montant des émoluments et déboursés dus par la SARL Armand X... et Monsieur Armand X... à la SCP SIDER à la somme de 40.203,58 TTC,
aux motifs que les requérants contestent devoir s'acquitter de la somme portée dans l'état de frais, motifs pris que les comptes tels que visés dans cet état de frais apparaissent « totalement fous », que le montant de base reposerait sur une somme de 30.432.360 qui ne représente en rien le montant d'une condamnation demandée par la société bancaire BATIMUR, que la seule condamnation prononcée contre la société se monte à 1.500.000 , avisés le 7 juillet 2006 qu'une décision devait intervenir sur leur recours, ils n'ont transmis aucune argumentation ou pièce complémentaire, qu'aux termes de « conclusions sur contestations d'honoraires » transmises le 26 juillet 2006, l'avoué dont l'état est contesté souligne que l'arrêt dont s'agit a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 6 juillet 1993 ayant prononcé la résiliation des crédits-baux immobiliers conclus le 21 mars 1991 entre les 32 SCI et la société BATIMUR, que ces SCI, chacune à hauteur de leurs engagements contractuels, ont été condamnées à payer à cette société la somme de 204.082.671 francs conjointement avec Monsieur Y... et Madame Z..., que l'arrêt a, infirmant en ce sens le jugement déféré, condamné la société X... à payer 1.524.490,30 à la société BATIMUR, les dépens étant partagés pour moitié entre les deux requérants d'une part, les 32 SCI, Madame Z... et Monsieur Y... d'autre part, que l'avoué rappelle qu'il a établi son état de frais sur la base de l'intérêt du litige évalué à 20.000 unités de base par le président de la chambre ayant rendu l'arrêt, qu'en outre les notaires dont Me A... qu'il représentait devant la cour ont été appelés en garantie par la société X... et les 32 SCI, qu'au regard des pièces de procédures communiquées, notamment du jugement du 6 juillet 1993 et de l'arrêt du 26 novembre 2002, des conclusions déposées par l'avoué dans l'intérêt de Me A..., étant souligné qu'en application de l'article 12 1° du tarif des avoués, les demandes donnent lieu à un émolument supérieur à 2.000 unités de base, il sera dit que le droit proportionnel dû à l'avoué doit être calculé sur la base de 20.000 unités de base (1,68 par UB), correspondant à un droit proportionnel de 33.600 H.T., eu égard à la difficulté et à la complexité de l'affaire tant en fait et qu'en droit (page 3),
Alors que, d'une part, le juge doit, en toutes circonstances, respecter le principe de la contradiction et s'assurer de la transmission des conclusions d'une partie aux autres parties au litige ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les moyens développés dans les conclusions de l'avoué pour motiver sa décision, sans s'être assuré que ces écritures avaient bien été portées à la connaissance des contestants afin que ces derniers puissent en discuter contradictoirement, le magistrat délégué par le premier président a violé les articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 16 et 709 du Code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, l'émolument doit être calculé sur l'intérêt du litige apprécié pour chacune des parties en cause ; qu'en l'espèce, la SCP SIDER a fixé son émolument en prenant comme assiette du droit une somme de 30.432.360 ; que cependant, cette somme correspond à une condamnation demandée et prononcée à l'encontre des SCI, Madame Z... et Monsieur Y..., et non contre les exposants, qui ont appelé en garantie le notaire pour les seules condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre ; qu'en se fondant sur cette somme pour déterminer l'intérêt du litige à l'égard des exposants et du notaire appelé en garantie, dont la SCP SIDER était l'avoué, le magistrat a violé l'article 24 du décret du 30 juillet 1980 ;
Alors qu'en troisième lieu, le premier président ne peut statuer par un motif d'ordre général évoquant l'importance ou la difficulté de l'affaire sans en justifier précisément par les circonstances de l'espèce ; qu'au cas présent, pour décider que le droit proportionnel devait être calculé sur la base de 20.000 unités de base, le magistrat s'est borné à évoquer la difficulté et la complexité de l'affaire tant en fait qu'en droit ; qu'en ne justifiant pas davantage sa décision sur ce point, il a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, une partie condamnée au paiement de la moitié des dépens ne peut être condamnée à les régler en totalité ; qu'en l'espèce, dans son arrêt du 26 novembre 2002, la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE avait partagé par moitié les dépens de la procédure entre les exposants d'une part, les 32 SCI, Madame Z... et Monsieur Y... d'autre part ; qu'en mettant l'intégralité de l'état de frais de l'avoué à la charge des exposants, le magistrat délégué par le premier président a méconnu les termes de l'arrêt de 2002, et a violé les articles 1134 et 1351 du Code civil, 480 et 709 du Code de procédure civile.