LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 30 avril 2008), que Stéphane X..., engagé le 23 mai 1996 en qualité de cadre par la société Aerogaine, a été licencié, le 28 novembre 2005, en raison des perturbations entraînées par son absence pour maladie et de la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour demander le paiement d'une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que Stéphane X... étant décédé le 22 janvier 2007, son épouse a repris l'instance en son nom et au nom de ses enfants mineurs ;
Attendu que la société Aerogaine fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à payer aux ayants droit de Stéphane X... des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1° / qu'est justifié le licenciement du salarié motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé lorsque ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'absence prolongée de M. X..., du fait de la spécificité de ses fonctions d'ingénieur commercial, avait perturbé le fonctionnement de la société Aerogaine, que l'absence de M. X... était prévue jusqu'au 6 mars 2006 et que M. Y... avait été embauché par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005 en qualité d'agent technico-commercial préparateur, tandis que M. X... était licencié le 28 novembre 2005 ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement de M. X... était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 1132-1 du code du travail ;
2° / que M. Y... avait été embauché par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005 en qualité d'agent technico-commercial-préparateur, tandis qu'il avait antérieurement travaillé à titre temporaire en qualité de métreur ; que la cour d'appel a affirmé que la société Aerogaine avait engagé M. Y... en qualité de métreur, par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005, après l'avoir employé en cette même qualité depuis le 19 septembre 2005, dans le cadre de plusieurs missions de travail temporaire successives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3° / que la société avait démontré que son chiffre d'affaire avait subi une baisse depuis le début de l'absence de M. X... compte tenu de la spécificité, de l'importance et de l'unicité de son poste, que ces difficultés économiques persistaient en novembre 2005 sans que l'embauche d'un salarié à durée déterminée ait permis d'enrayer cette dégradation ; que la cour d'appel a affirmé que " la pérennisation par un contrat à durée indéterminée de l'emploi de métreur occupé à titre temporaire par M. Y... démontre a posteriori que les perturbations entraînées par l'absence de M. X... avaient été palliées de façon satisfaisante par le travail accompli par ce salarié durant ses missions successives " ; qu'en statuant ainsi sans rechercher concrètement si les difficultés auxquelles l'entreprise était confrontée persistaient à la date du licenciement de M. X... sans que l'embauche du salarié à durée déterminée ait permis d'enrayer cette dégradation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
4° / que la société avait fait valoir que la situation de l'entreprise se dégradait progressivement et qu'il était urgent de trouver une solution pérenne et efficace pour résoudre ces difficultés, le recours à des contrats à durée déterminée pour assurer une partie des fonctions de M. X... ne permettant pas de pallier aux difficultés ; que la cour d'appel a affirmé que, pour justifier de l'embauche d'un salarié en contrat à durée indéterminée, l'entreprise se fondait sur le fait que " le salarié remplaçant ne voulait plus travailler en qualité de travailleur intérimaire " ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans tenir compte des contestations de la société qui démontraient que la dégradation de sa situation économique persistait en novembre 2005 et qu'il était urgent de trouver une solution pérenne et efficace pour résoudre ces difficultés qui n'avaient pas été résolues par l'embauche d'un salarié intérimaire en septembre 2005, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
5° / qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que les contrats à durée déterminée avaient été conclus uniquement pour assurer les fonctions de métreur tandis que M. X... assurait les fonctions d'ingénieur commercial ; qu'en considérant que l'entreprise aurait dû renouveler les contrats précaires sans rechercher si, compte tenu de la spécificité de l'emploi occupé par M. X... et de la situation de l'entreprise qui ne cessait de se dégrader, il n'y avait pas urgence à pourvoir à son remplacement de façon définitive par l'embauche d'un salarié assurant des fonctions commerciales, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que l'article L. 122-45 devenu L. 1132-1 du code du travail ne s'oppose pas au licenciement d'un salarié motivé, non par son état de santé, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé si les perturbations entraînent la nécessité, pour l'employeur, de procéder à son remplacement définitif, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait pourvu au remplacement du salarié dans le cadre de plusieurs missions successives de courte durée confiées à un travailleur temporaire et qu'il en était résulté que les perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise par l'absence du salarié avaient été résorbées ou étaient en voie de l'être ; qu'ayant relevé que l'absence du salarié prenait fin le 6 mars 2006 et qu'il n'était pas justifié par l'employeur d'une impossibilité au moment du licenciement de poursuivre jusqu'à cette date son remplacement temporaire dans les mêmes conditions que précédemment, la cour d'appel, qui a estimé que la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié n'était pas caractérisée, a, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant tenant à la qualification de la personne recrutée critiqué par la deuxième branche du moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aerogaine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aerogaine à payer à Mme X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Aerogaine.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société AEROGAINE à payer aux ayants droit de M. X... la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, dit que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société AEROGAINE ;
AUX MOTIFS QUE si l'article L. 122-45 du Code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du même code, ne s'oppose pas à son licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité, pour l'employeur, de procéder à son remplacement définitif ; par lettre du 28 novembre 2005, la société AEROGAINE a procédé au licenciement de Monsieur X... pour le motif suivant : " Ingénieur commercial dans notre entreprise depuis juin 1996, vous êtes absent pour raisons médicales depuis le 4 juillet 2005. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 novembre 2005, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Vous vous êtes présenté à l'entretien accompagné de Monsieur Joël Z..., Conseiller du salarié. Lors de cet entretien, nous nous sommes entretenus sur l'éventualité de votre licenciement pour motif personnel non fautif. Par la présente lettre, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour absence de longue durée, qui perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise et rend votre remplacement définitif indispensable. Il s'avère en effet que notre entreprise, qui totalise 20 salariés, compte à ce jour un seul poste au service « commercial ». Or, comme vous le savez, l'aspect commercial est primordial dans une entreprise, puisqu'il permet de maintenir, voire de développer l'activité. Laisser vacant le seul poste de commercial de l'entreprise nous désorganise tout particulièrement, puisque cela favorise l'assaut de nos concurrents chez nos clients, et par là même fait chuter notre carnet de commandes. Ceci est clairement confirmé par les chiffres. depuis le début de la suspension de votre contrat (il y a un peu plus de quatre mois), le chiffre d'affaires a baissé de 8, 63 %. Cette chute s'explique par le simple fait qu'en votre absence, une bonne partie des devis demandés ne peut être effectuée et que ce manque de réactivité de notre part entraîne une fuite des clients vers nos concurrents. Eu égard à l'importance et à l'unicité de votre poste, nous ne pourrons pas faire face à votre absence, qui est programmée au moins jusqu'en mars 2006, sans pourvoir votre poste en contrat à durée indéterminée. C'est la raison pour laquelle nous nous voyons contraints de rompre le contrat qui nous lie. Votre préavis, d'une durée de trois mois, débute à la première présentation de cette lettre et se termine le mardi 28 février 2006 au soir, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs. " ; au vu des éléments de preuve produits par l'employeur il est indéniable que l'absence prolongée de M. X..., du fait de la spécificité de ses fonctions d'ingénieur commercial, a perturbé le fonctionnement de la société AEROGAINE, qui ne comptait qu'une vingtaine de salariés ; pour remplacer M. X..., absent de manière continue, selon la lettre de licenciement, depuis le 4 juillet 2005, la société AEROGAINE a engagé M. Y... en qualité de métreur, par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005, après l'avoir employé en cette même qualité depuis le 19 septembre 2005, dans le cadre de plusieurs missions de travail temporaire successives ; l'employeur qui avait la possibilité, en fonction de l'absence du salarié alors prévue jusqu'au 6 mars 2006, de recourir aux services de M. Y... dans le cadre d'une mission de travail temporaire de longue durée, a ainsi préféré l'employer, sans que ce choix soit justifié sur ce point, dans le cadre de quatre missions de courte durée, du 19 au 30 septembre 2005, ensuite du 3 octobre au 14 octobre 2005 puis du 17 octobre au 11 novembre 2005 et enfin du 14 novembre au 2 décembre 2005 ; la pérennisation par un contrat à durée indéterminée de l'emploi de métreur occupé à titre temporaire par M. Y... démontre a posteriori que les perturbations entraînées par l'absence de M. X... avaient été palliées de façon satisfaisante par le travail accompli par ce salarié durant ses missions successives, dans la mesure où les perturbations apportées au fonctionnement de l'entreprise étaient ainsi résorbées ou en voie de l'être par ce remplacement temporaire, l'obligation de pourvoir au remplacement définitif du salarié absent ne pouvait, dès lors, résulter que d'une impossibilité manifeste de prolonger ce remplacement jusqu'au terme de l'absence alors fixée au 6 mars 2006 ; pour caractériser cette impossibilité, la société AEROGAINE se borne à soutenir, sans d'ailleurs en rapporter la preuve, que le salarié remplaçant ne voulait plus travailler en qualité de travailleur intérimaire et qu'elle a été ainsi contrainte de l'engager par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005 ; cependant, la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié absent qui, pour les raisons ci-dessus expliquées, n'était alors plus justifiée au regard de la situation objective de l'entreprise, ne pouvait valablement résider dans la seule revendication d'un emploi à durée indéterminée par le salarié remplaçant ; il en résulte que le licenciement de M. X..., dont la procédure a été engagée opportunément moins d'une semaine après le terme de la garantie d'emploi de quatre mois dont il bénéficiait, se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ; l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ouvre au paiement d'une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire (6 x 4 500euros), en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail dès lors que l'effectif de l'entreprise était supérieur à dix salariés et que l'ancienneté du salarié licencié était supérieure à deux ans ; en considération du préjudice subi par le salarié, qui avait alors près de dix ans d'ancienneté, il convient d'allouer à ses ayants droit une indemnité de 30 000 euros ;
ALORS QU'est justifié le licenciement du salarié motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée de l'intéressé lorsque ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'absence prolongée de Monsieur X..., du fait de la spécificité de ses fonctions d'ingénieur commercial, avait perturbé le fonctionnement de la société AEROGAINE, que l'absence de Monsieur X... était prévue jusqu'au 6 mars 2006 et que Monsieur Y... avait été embauché par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005 en qualité d'agent technico-commercial préparateur, tandis que Monsieur X... était licencié le 28 novembre 2005 ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement de Monsieur X... était dénué de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L 1132-1 du Code du travail (anciennement L122-45) ;
ALORS subsidiairement QUE Monsieur Y... avait été embauché par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005 en qualité d'agent technico-commercial-préparateur, tandis qu'il avait antérieurement travaillé à titre temporaire en qualité de métreur ; que la Cour d'appel a affirmé que la société AEROGAINE avait engagé Monsieur Y... en qualité de métreur, par contrat à durée indéterminée le 5 décembre 2005, après l'avoir employé en cette même qualité depuis le 19 septembre 2005, dans le cadre de plusieurs missions de travail temporaire successives ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de Procédure Civile ;
ALORS QUE la société avait démontré que son chiffre d'affaire avait subi une baisse depuis le début de l'absence de Monsieur X... compte tenu de la spécificité, de l'importance et de l'unicité de son poste, que ces difficultés économiques persistaient en novembre 2005 sans que l'embauche d'un salarié à durée déterminée ait permis d'enrayer cette dégradation ; que la cour d'appel a affirmé que « la pérennisation par un contrat à durée indéterminée de l'emploi de métreur occupé à titre temporaire par M. Y... démontre a posteriori que les perturbations entraînées par l'absence de M. X... avaient été palliées de façon satisfaisante par le travail accompli par ce salarié durant ses missions successives » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher concrètement si les difficultés auxquelles l'entreprise était confrontée persistaient à la date du licenciement de Monsieur X... sans que l'embauche du salarié à durée déterminée ait permis d'enrayer cette dégradation, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1132-1 du Code du travail (anciennement L122-45) ;
Et ALORS QUE la société avait fait valoir que la situation de l'entreprise se dégradait progressivement et qu'il était urgent de trouver une solution pérenne et efficace pour résoudre ces difficultés, le recours à des contrats à durée déterminée pour assurer une partie des fonctions de Monsieur X... ne permettant pas de pallier aux difficultés ; que la Cour d'appel a affirmé que, pour justifier de l'embauche d'un salarié en contrat à durée indéterminée, l'entreprise se fondait sur le fait que « le salarié remplaçant ne voulait plus travailler en qualité de travailleur intérimaire » ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans tenir compte des contestations de l'exposante qui démontrait que la dégradation de sa situation économique persistait en novembre 2005 et qu'il était urgent de trouver une solution pérenne et efficace pour résoudre ces difficultés qui n'avaient pas été résolues par l'embauche d'un salarié intérimaire en septembre 2005, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1132-1 du Code du travail (anciennement L122-45) ;
Et ALORS enfin QU'il résulte des constatations de la Cour d'appel que les contrats à durée déterminée avaient été conclus uniquement pour assurer les fonctions de métreur tandis que Monsieur X... assurait les fonctions d'ingénieur commercial ; qu'en considérant que l'entreprise aurait du renouveler les contrats précaires sans rechercher si, compte tenu de la spécificité de l'emploi occupé par Monsieur X... et de la situation de l'entreprise qui ne cessait de se dégrader, il n'y avait pas urgence à pourvoir à son remplacement de façon définitive par l'embauche d'un salarié assurant des fonctions commerciales, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1132-1 du Code du travail (anciennement L122-45).