LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 novembre 2007), que Mme X..., engagée le 30 octobre 1997 par la société Le Roucas d'Eygalières (la société) en qualité de régisseur, a été licenciée pour faute grave le 22 avril 1999 ;
Sur les deux premiers moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes à la salariée au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que seules les heures supplémentaires accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur, donnent lieu à paiement; qu'un tel accord n'existe pas lorsque les parties, aux termes du contrat de travail, sont convenues d'une rémunération forfaitaire mensuelle tenant compte des éventuels dépassements d'horaires, compte tenu de l'autonomie accordée à la salariée dans son travail et de ses fonctions à responsabilité ; qu'en faisant droit à la demande nonobstant l'absence d'accord de l'employeur pour l'exécution d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail (ancien L. 212-1-1 du même code) ;
2°/ qu'il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires, de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ne constituent pas de tels éléments les seules considérations tenant à la charge de travail du salarié, telle qu'expressément prévue par le contrat de travail ; qu'en se déterminant au regard de telles considérations, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail (ancien L. 212-1-1 du même code) ;
3°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, qu'une décision de justice doit être suffisamment motivée pour se suffire à elle-même ; que l'employeur dans ses conclusions devant la cour d'appel, a formellement contesté le décompte d'heures supplémentaires dont la salariée se prévalait ; qu'en se bornant à énoncer qu'elle était en possession de suffisamment d'éléments pour évaluer à 4 600 euros les heures supplémentaires exécutées par Mme X..., sans indiquer ni le nombre d'heures supplémentaires retenu ni le taux horaire appliqué, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de motivation du texte précité ;
4°/ que, de ce chef encore, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la bonne application des textes régissant la rémunération des heures supplémentaires, et l'ouverture comme l'étendue du droit au repos compensateur, privant ainsi son arrêt de base légale au regard des articles L. 3121-22, alinéa 1er (ancien article L. 212-5 al. et I) et L. 3121-27 (ancien article L. 212-5-1 al. 3) du code du travail ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, devant laquelle l'employeur ne soutenait pas qu'il s'était opposé à l'exécution d'heures supplémentaires, et qui a retenu que Mme X..., en produisant des décomptes d'heures crédibles, eu égard à sa charge de travail, fournissait des éléments de nature à étayer sa demande, a, par décision motivée, après avoir constaté que la société ne produisait aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, évalué les sommes qui devaient être allouées à Mme X... au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur ; que le moyen, irrecevable en sa premier branche comme nouveau, mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Roucas d'Eygalières aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Le Roucas d'Eygalières
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR JUGE que le licenciement de Madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et D'AVOIR CONDAMNE son ancien employeur, la SCEA Le Roucas d'Eygalières, à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour irrégularité de la procédure ;
AUX MOTIFS D'UNE PART QUE dans ses déclarations devant les gendarmes Monsieur Y... a indiqué que Madame Françoise X... lui avait proposé de faire transporter sa jument, jusque là en pension dans le domaine, suite à une transaction opérée avec un tiers ;que sans apporter d'autres précisions sur les modalités de transport de l'animal, Monsieur Y... a relaté que le transport avait été réalisé par le fils de Madame X... auquel il avait remis la somme de 900 francs ; qu'en l'état de ces déclarations, Madame X... réfutant par ailleurs avoir reçu cette somme de 900 francs, l'employeur ne peut reprocher à la salariée de s'être abstenue de reverser la somme et ne peut lui faire grief d'avoir eu un comportement fautif contraire aux intérêts financiers de la société ;
ALORS QUE le détournement d'une somme remise par un client de son employeur, et revenant à celui-ci, justifie le licenciement pour faute grave du salarié, peu important que celui-ci n'ait pas directement reçu la somme détournée des mains du client; qu'en l'espèce il ressortait du procès-verbal d'audition du client Monsieur Y... (production), entendu par les gendarmes le 31 mars 2001 dans le cadre de l'instruction menée par suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par l'employeur, que ce client avait déclaré au sujet du transport de sa jument : « (…) le vétérinaire m'a conseillé de la transporter dans un camion prévu expressément pour le transport des chevaux. Madame X... m'a informé qu'elle était équipée de ce genre de véhicule et qu'elle me ferait payer uniquement le carburant et l'autoroute (…) C'est son fils, Méderic, qui a conduit le camion jusqu'à Signes. J'ai payé en liquide 900 F que j'ai donnés à Méderic. En contrepartie je n'ai reçu aucune facture et je n'ai pas réclamé ce document car Madame X... nous avait fait un prix préférentiel » ; qu'il résultait de ce procès-verbal, régulièrement versé aux débats (bordereau de pièces communiquées annexé aux conclusions : production), que le détournement reproché avait été conçu par Madame X... pour le compte de laquelle son fils – Méderic – avait reçu la somme détournée ; qu'en écartant le grief au motif inopérant que la somme n'avait pas été directement versée à la salariée, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du Code du travail (respectivement anciens articles L. 122-6 et L.122-14-3 al.1 phr.1 et al.2 du même Code);
ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE les déclarations de Monsieur Z... et de Madame X... reproduites dans l'arrêt de la chambre de l'Instruction montrent qu'il a été convenu entre eux que Madame X... deviendrait propriétaire des poulains de la jument Sugar, en contrepartie de l'absence de versement de pension ; qu'un poulain Amigo est né en 1998 ; que cet arrangement a effectivement été conclu à l'insu de l'employeur ; qu'il n'a cependant pas eu pour effet de priver la SCEA le Roucas d'Eygalières du paiement : - des pensions de Sugar qui ont toutes été versées entre le mois de mai 1998 et le mois de septembre 1998, soit durant la période pendant laquelle la jument était en pension sur le domaine, - et des pensions d'Amigo versées entre le mois de septembre 1998 et janvier 1999, soit à l'issue du sevrage et jusqu'à son départ du domaine ; qu'en effet les registres tenus par Madame X... démontrent que la jument Sugar est notée présente sur le domaine à compter du mois de mai 1998 et non à compter du mois de novembre 1997 comme le soutient sans le démontrer l'employeur et que le poulain Amigo ne figure pas sur les registres dès le mois de février 1999 et non avril 1999 comme l'affirme, toujours sans le démontrer l'employeur ;
ALORS QUE le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; que le fait par un salarié, de priver son employeur des fruits de son activité, et de s'en attribuer le bénéfice au moyen d'un accord conclu à son insu, avec l'un de ses clients, justifie son licenciement pour faute grave ; qu'il résulte du procès-verbal d'audition du client Monsieur Z... en date du 11 mars 2001 (production), régulièrement versé aux débats (bordereau de pièces communiquées annexé aux conclusions : production), que ce client a déclaré ne jamais avoir payé de pension, « suite à l'accord avec Madame X... » ; qu'en affirmant que cet accord, dont elle a admis qu'il avait été conclu à l'insu de l'employeur, n'avait pas eu pour effet de priver la SCEA Le Roucas d'Eygalières du paiement des pensions pour la jument Sugar et le poulain Amigo, sans indiquer les pièces sur lesquelles elle fondait une telle affirmation, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du Code du travail (respectivement anciens articles L. 122-6 et L.122-14-3 al.1 phr.1 et al.2 du même Code);
ALORS EN OUTRE QUE la SCEA le Roucas d'Eygalières a fait valoir dans ses conclusions devant la Cour d'appel, que manquaient en comptabilité les pensions d'hébergement de la jument Sugar du mois de novembre 1997 au mois d'avril 1998 (conclusions p. 9 al.4 et s. : production); qu'il ressort sans ambiguïté du procès-verbal d'audition du client Monsieur Z... en date du 11 mars 2001, régulièrement versé aux débats (bordereau de pièces communiquées annexé aux conclusions : production), que ce client a déclaré avoir placé sa jument Sugar en pension à compter de l'année 1992, ce dont il résultait que cette jument était hébergée sur le domaine dès le début de l'exécution du contrat de travail de Madame X..., au mois de novembre 1997 ; que la Cour d'appel ne pouvait retenir que l'employeur ne démontrait pas que la jument Sugar fût présente sur le domaine à compter du mois de novembre 1997, sans s'expliquer sur les déclarations de Monsieur Z... contenues dans le procès-verbal d'audition en date du 11 mars 2001 ; qu'elle a, ce faisant, privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1235-1 du Code du travail (respectivement anciens articles L. 122-6 et L.122-14-3 al.1 phr.1 et al.2 du même Code);
ALORS AU SURPLUS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ;qu'en se fondant sur les registres dont elle a constatés qu'ils étaient tenus par Madame X..., pour déterminer les dates de présence sur le domaine de la jument Sugar et du poulain Amigo, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCEA Le Roucas d'Eygalières à payer à Madame X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité pour non-respect de la procédure.
ALORS QUE l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare tant le préjudice lié à l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement que celui résultant, le cas échéant, de l'irrégularité de la procédure, en sorte qu'il ne peut être attribué deux indemnités au titre de chacun de ces préjudices ; qu'en condamnant l'ancien employeur au paiement « cumulé » d'une part d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'autre part, d'une indemnité pour non respect de la procédure, la Cour d'appel a violé l'article L.1235-2 du Code du travail (ancien L. 122-14-4 du Code du travail).
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR CONDAMNE la SCEA Le Roucas d'Eygalières à payer à son ancienne salariée, Madame X..., les sommes de 4 600 euros au titre d'heures supplémentaires accomplies en 1998 et 1999, de 460 euros au titre des congés payés afférents ainsi que celle de 1 428 euros au titre du repos compensateur pour l'année 1998 ;
AUX MOTIFS QUE ni le contrat de travail ni les bulletins de salaire ne font référence au temps de travail, que le contrat de travail de Madame X... indique que compte tenu de l'autonomie dont dispose Madame X... dans l'organisation de son travail et de ses fonctions de responsabilité, sa rémunération forfaitaire mensuelle tient compte d'éventuels dépassements d'horaires ; cette stipulation qui ne prévoit pas la durée globale du temps de travail de la salariée (heures de base et heures supplémentaires) ne peut être analysée comme une convention de forfait ; que Madame X... indique avoir travaillé chaque jour de 7 h du matin à 12h30 puis de 14 h à 19h/19h30, et sollicite la somme de 11 051,26 euros au titre d'heures supplémentaires effectuées en 1998 et 1999 ; que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties, l'employeur devant fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, et le salarié devant préalablement donner ceux qui sont susceptibles d'étayer sa demande ; que l'employeur ne fournit pas d'éléments de nature à justifier des horaires réalisés par la salariée ; qu'il est constant que Madame X... habitait sur son lieu de travail, qu'elle était chargée selon les termes du contrat de travail de l'entretien des chevaux, de leur dressage, de leur débourrage, de leur entraînement, de la surveillance du domaine, que les chevaux accueillis en élevage et en pension (34 chevaux dont 20 au pré) demandent des soins quotidiens et que le domaine de 10 ha comptait en tout 3 salariés; que la cour, dès lors, possède les éléments suffisants pour évaluer à la somme de 4 600 euros les heures supplémentaires exécutées par Madame X... ; qu'en raison des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent de 180 heures pour l'année 1998, la somme de 1 428 euros sera attribuée au titre du repos compensateur ;
ALORS D'UNE PART QUE seules les heures supplémentaires accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur, donnent lieu à paiement ; qu'un tel accord n'existe pas lorsque les parties, aux termes du contrat de travail, sont convenues d'une rémunération forfaitaire mensuelle tenant compte des éventuels dépassements d'horaires, compte tenu de l'autonomie accordée à la salariée dans son travail et de ses fonctions à responsabilité ; qu'en faisant droit à la demande nonobstant l'absence d'accord de l'employeur pour l'exécution d'heures supplémentaires, la Cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail (ancien L 212-1-1 du même Code) ;
ALORS D'AUTRE PART QU'il appartient au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires, de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que ne constituent pas de tels éléments les seules considérations tenant à la charge de travail du salarié, telle qu'expressément prévue par le contrat de travail ; qu'en se déterminant au regard de telles considérations, la Cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail (ancien L 212-1-1 du même Code) ;
ALORS ENSUITE QU'il résulte des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, qu'une décision de justice doit être suffisamment motivée pour se suffire à elle-même ; que l'employeur dans ses conclusions devant la Cour d'appel, a formellement contesté le décompte d'heures supplémentaires dont la salariée se prévalait (conclusions p.4) ; qu'en se bornant à énoncer qu'elle était en possession de suffisamment d'éléments pour évaluer à 4 600 euros les heures supplémentaires exécutées par Madame X..., sans indiquer ni le nombre d'heures supplémentaires retenu ni le taux horaire appliqué, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de motivation du texte précité ;
ALORS ENFIN QUE de ce chef encore, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la bonne application des textes régissant la rémunération des heures supplémentaires, et l'ouverture comme l'étendue du droit au repos compensateur, privant ainsi son arrêt de base légale au regard des articles L. 3121-22 alinéa 1er (ancien article L.212-5 al.1 et I) et L. 3121-27 (ancien article L. 212-5-1 al.3) du Code du travail.