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01/07/2009 | FRANCE | N°08-43305

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 2009, 08-43305


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi :
Attendu selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Lyon, 16 mai 2008) que M. X... a été engagé par la société Betech en qualité de chef d'agence, qu'une clause de non concurrence était insérée dans son contrat de travail ; qu'en 1992 le salarié a informé son employeur qu'il était associé d'une société Appols, que le 22 mai 2007 la société Betech l'a licencié pour faute lourde et a initié deux procédures, l'une devant la juridiction prud'homale contre M. X... pou

r violation de l'obligation de loyauté, l'autre devant la juridiction commerciale ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi :
Attendu selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Lyon, 16 mai 2008) que M. X... a été engagé par la société Betech en qualité de chef d'agence, qu'une clause de non concurrence était insérée dans son contrat de travail ; qu'en 1992 le salarié a informé son employeur qu'il était associé d'une société Appols, que le 22 mai 2007 la société Betech l'a licencié pour faute lourde et a initié deux procédures, l'une devant la juridiction prud'homale contre M. X... pour violation de l'obligation de loyauté, l'autre devant la juridiction commerciale pour faire cesser les agissements déloyaux de la société Appols ; que simultanément M. X... saisissait la juridiction prud'homale en référé pour voir déclarer inopposable la clause de non concurrence pour défaut de contrepartie financière ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la clause de non-concurrence insérée à l'article 4 du contrat de travail de M. X... lui est inopposable et d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle tendant à obtenir la cessation du trouble illicite résultant de l'activité concurrentielle exercée par le salarié au sein de la société Appols alors, selon le moyen :
1°/ que les actes de concurrence déloyale commis par le salarié durant l'exécution de son contrat de travail privent la clause de non concurrence de son objet, libèrent l'employeur de toute obligation financière et excluent par voie de conséquence l'existence d'un trouble manifestement illicite causé au salarié du fait de l'absence de contrepartie financière ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que l'exercice par un salarié d'une concurrence déloyale rendait sans objet la clause de non concurrence et libérait l'employeur de son obligation financière, la cour d'appel ne pouvait retenir que l'absence de contrepartie financière créait un trouble manifestement illicite au salarié et justifiait sa demande d'inopposabilité de ladite clause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a viol. ensemble, les articles R. 516-31 devenu R. 1455-6 du code du travail et 1134 du code civil ;
2°/ que même si une clause de non concurrence ne prévoit pas de contrepartie financière, elle doit cependant recevoir application dès lors que le salarié a concurrencé déloyalement son employeur au cours de l'exécution de son contrat ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer qu'il convient de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'existence d'une clause de non concurrence dénuée de toute contrepartie financière, sans rechercher, comme elle y était invitée si M. X..., en exerçant une activité concurrentielle auprès d'une autre société pendant qu'il était salarié de la société Betech, n'avait pas vidé de son objet la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail et libéré son employeur de toute obligation, de sorte qu'aucun trouble ni aucune restriction à l'exercice d'une liberté professionnelle ne pouvait découler d'une absence de contrepartie financière à laquelle il ne pouvait prétendre en raison de ses propres agissements, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard, ensemble, des articles L. 1221-1 et R. 516-31 devenu R. 1455-6 du code du travail, 1134 et 1184 du code civil ;
3°/ que la clause de non concurrence ne produisant ses effets qu'à l'issue du contrat de travail, le salarié qui, du fait de ses agissements déloyaux au cours de son contrat de travail, ne peut prétendre à aucune contrepartie financière, n'est pas fondé, à l'issue dudit contrat, à invoquer l'illicéité résultant de l'absence d'obligation financière à la charge de l'employeur pour en solliciter a posteriori son inopposabilité ; qu'en l'espèce, pour déclarer la clause de non concurrence inopposable à M. X... la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'en l'absence d'obligation financière à la charge de l'employeur la clause, illicite, ne pouvait entraîner l'obligation pour le salarié de l'exécuter, sans rechercher si la clause de non concurrence ne se trouvait pas privée d'objet par la seule faute du salarié qui avait violé son obligation générale de loyauté durant l'exécution de son contrat de travail et si cette faute ne rendait pas indifférente l'absence de contrepartie financière puisque l'employeur en était libéré, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 120-4 devenu L. 1222-1 et R. 516-31 devenu. R. 1455-6 du code du travail ;
4°/ que la nullité d'une clause de non concurrence, du seul fait de l'absence de contrepartie financière, ne prive pas l'employeur du droit de faire cesser les actes de concurrence déloyale de son salarié dès lors qu'il a établi que cette déloyauté préexistait à la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour faire échec à la demande reconventionnelle de la société Betech, tendant à ce qu'il soit fait interdiction à M. X... de poursuivre, à quelque titre que ce soit, ses activités concurrentielles déloyales, la cour d'appel a retenu qu'un employeur ne pouvait prétendre à l'exécution par le salarié d'une clause de non concurrence illicite pour absence d'obligation financière ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble, les articles L. 1221-1 et R. 516-31 devenu R. 1455-6 du code du travail, 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu que la clause contractuelle de non concurrence n'étant assortie d'aucune contrepartie financière à la charge de l'employeur, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'elle était nulle et, statuant en application de l'article R. 1455 6 du code du travail, s'est bornée à juger qu'elle ne pouvait être opposée au salarié, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Betech aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société Betech.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la clause de non-concurrence insérée à l'article 4 du contrat de travail de Monsieur X... lui est inopposable et D'AVOIR rejeté la demande rconventionnelle de la Société BETECH tendant à obtenir la cessation du trouble illicite résultant de l'activité concurrentielle exercée par Monsieur X... au sein de la Société APPOLS ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : "Le contrat de travail signé par les parties le 2 mars 1989 contient une clause de non concurrence ainsi rédigée "en cas de rupture du contrat de travail pour quelle que cause que ce soit, vous vous engagez à ne pas entrer en rapport ou mettre en rapport un concurrent avec les clients de la société avec qui vous avez été en contact à l'occasion de votre activité à notre service ou avec lesquels nous entretenons ou avons entretenu des contacts ou des relations. Vous vous engagez, d'autre part, que ce soit pour votre compte ou pour celui d'un tiers, de façon directe ou indirecte, à ne pas exercer une activité salariée ou non, en rapport avec le travail temporaire ou la suppléance (sauf emploi de travailleur intérimaire). Les interdictions sont valables dans la région Rhônes-Alpes et pour une durée de deux ans à partir de la date de rupture du contrat de travail" ; que cette clause de non concurrence porte atteinte au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ; qu'elle ne peut être licite qu'à certaines conditions dont l'existence d'une contrepartie financière qu'elle ne prévoit pas ; que la clause est dès lors illicite, ce que la Société BETECH admet ; qu'il s'ensuit que son exécution est de nature à caractériser un trouble manifestement illicite ; que les motifs de la rupture et les prétendus agissements d'Alain X... contestés par ce dernier et débattus devant le juge prud'homal au fond et devant la juridiction commerciale, n'ont aucune incidence sur l'illicéité manifeste du trouble qu'entraînerait l'exécution d'une clause illicite portant atteinte au principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle ; que d'autre part, si l'exercice par un salarié d'une concurrence déloyale à l'égard de son employeur rend sans objet, ainsi que le soutient la Société BETECH, une clause de non concurrence et libère ainsi l'employeur de son obligation financière, un employeur ne peut pour autant prétendre à l'exécution d'une clause illicite pour quelle que cause que ce soit ; qu'en effet, si une clause licite devient sans objet du fait de la violation par le salarié de son inexécution et prive en conséquence ce dernier de l'exécution par l'employeur de l'obligation qu'il devait en contrepartie, une clause illicite qui ne comporte aucune obligation de l'employeur ne peut entraîner l'obligation pour le salarié de l'exécuter ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré la clause inopposable à Monsieur X..., cette prescription constituant une mesure destinée à faire cesser le trouble manifestement illicite au sens de l'article R. 516-31 du code du travail qui est devenu l'article R.1455-6 ; que ce faisant, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement statué sur la demande reconventionnelle de la Société BETECH et l'ont rejetée ; qu'en effet, faire injonction à Alain X... de cesser toutes relations avec la Société APPOLS ou toute autre entreprise du même domaine d'activité que le sien dans la région Rhône-Alpes reviendrait à obliger Alain X... à exécuter une clause de non-concurrence qui est illicite et qui lui a été déclarée inopposable" (arrêt, p. 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : " il ne saurait être contesté que le contrat de travail incluant une clause de non-concurrence, de nature à interdire à Monsieur X... de travailler pour le compte de l'entreprise de travail temporaire ne prévoit aucune contrepartie financière ; que cette restriction au libre exercice d'une activité professionnelle, résultant de la non dénonciation par l'entreprise de la clause de non-concurrence à l'occasion de la rupture du contrat de travail, est constitutive d'un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser par la prescription de mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent ; que la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de Lyon dit que Monsieur X... est bien fondé à demander à la formation de référé de Conseil de Prud'hommes que la clause de non-concurrence instituée à l'article 4 de son contrat de travail lui soit déclarée inopposable" (ordonnance, p.7) ;
1/ ALORS QUE les actes de concurrence déloyale commis par le salarié durant l'exécution de son contrat de travail privent la clause de non concurrence de son objet, libèrent l'employeur de toute obligation financière et excluent par voie de conséquence l'existence d'un trouble manifestement illicite causé au salarié du fait de l'absence de contrepartie financière; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que l'exercice par un salarié d'une concurrence déloyale rendait sans objet la clause de non concurrence et libérait l'employeur de son obligation financière, la cour d'appel ne pouvait retenir que l'absence de contrepartie financière créait un trouble manifestement illicite au salarié et justifiait sa demande d'inopposabilité de ladite clause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble, les articles R. 516-31 du code du travail (recod. R. 1455-6) et 1134 du code civil
2/ ALORS, EN OUTRE, QUE même si une clause de non concurrence ne prévoit pas de contrepartie financière, elle doit cependant recevoir application dès lors que le salarié a concurrencé déloyalement son employeur au cours de l'exécution de son contrat ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer qu'il convient de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'existence d'une clause de non concurrence dénuée de toute contrepartie financière, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel p 6 et s.), si Monsieur X..., en exerçant une activité concurrentielle auprès d'une autre société pendant qu'il était salarié de la Société BETECH, n'avait pas vidé de son objet la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail et libéré son employeur de toute obligation, de sorte qu'aucun trouble ni aucune restriction à l'exercice d'une liberté professionnelle ne pouvait découler d'une absence de contrepartie financière à laquelle il ne pouvait prétendre en raison de ses propres agissements, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard, ensemble, des articles L 221 1 et R. 516-31 du code du travail (recod. R. 1455-6) , 1134 et 1184 du code civil ;
3/ ALORS, AUSSI, QUE la clause de non concurrence ne produisant ses effets qu'à l'issue du contrat de travail, le salarié qui, du fait de ses agissements déloyaux au cours de son contrat de travail, ne peut prétendre à aucune contrepartie financière, n'est pas fondé, à l'issue dudit contrat, à invoquer l'illicéité résultant de l'absence d'obligation financière à la charge de l'employeur pour en solliciter a posteriori son inopposabilité; qu'en l'espèce, pour déclarer la clause de non concurrence inopposable à Monsieur X..., la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'en l'absence d'obligation financière à la charge de l'employeur la clause, illicite, ne pouvait entraîner l'obligation pour le salarié de l'exécuter, sans rechercher si la clause de non concurrence ne se trouvait pas privée d'objet par la seule faute du salarié qui avait violé son obligation générale de loyauté durant l'exécution de son contrat de travail et si cette faute ne rendait pas indifférente l'absence de contrepartie financière puisque l'employeur en était libéré, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.120-4(recod. L.1222-1) L 1221-1 et R.516-31 (recod. R. 1455-6) du code du travail
4/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la nullité d'une clause de non concurrence, du seul fait de l'absence de contrepartie financière, ne prive pas l'employeur du droit de faire cesser les actes de concurrence déloyale de son salarié dès lors qu'il a établi que cette déloyauté préexistait à la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour faire échec à la demande reconventionnelle de la Société BETECH, tendant à ce qu'il soit fait interdiction à Monsieur X... de poursuivre, à quelque titre que ce soit, ses activités concurrentielles déloyales, la cour d'appel a retenu qu'un employeur ne pouvait prétendre à l'exécution par le salarié d'une clause de non concurrence illicite pour absence d'obligation financière ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ensemble, les articles L 1221-1 et R. 516-31 du code du travail (recod. R. 1455-6) , 1134 et 1184 du code civil


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43305
Date de la décision : 01/07/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 16 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2009, pourvoi n°08-43305


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.43305
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