LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Angers, 22 janvier 2008) et les productions, qu'au cours des opérations de la liquidation judiciaire ouverte, le 9 septembre 2003, à l'égard de l'EARL X... (le débiteur) qui dans le cadre de son exploitation agricole avait pris à bail rural des terres appartenant au GFA Desmet (le GFA), le juge-commissaire a, par une ordonnance du 2 juillet 2004 renvoyant à une précédente ordonnance rectifiée du 2 avril précédent, ordonné la cession de l'exploitation viticole du débiteur au profit de M. Y... auquel s'est adjoint ultérieurement l'EARL Domaine de Versillé constituée à cet effet(le repreneur) en retenant l'option qui comportait une condition suspensive tenant à l'établissement d'un bail de 18 ans sur la surface totale exploitée par le propriétaire des terres ; que le repreneur, après régularisation de l'acte de cession et paiement du prix, a pris possession de l'exploitation agricole ; qu'invoquant le non-accomplissement de cette condition suspensive, le repreneur a ultérieurement assigné M. Z..., désigné liquidateur, et le GFA en nullité de la cession ; que le tribunal a constaté la nullité de la cession ; qu'en cause d'appel, le GFA s'est opposé à la demande d'annulation et a sollicité le paiement d'une indemnité d'occupation et l'indemnisation de son préjudice ;
Sur les premier et troisième moyens, réunis :
Attendu que le GFA fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables ses demandes tendant à voir dire n'y avoir lieu à constater la nullité de la cession "intervenue suivant ordonnance du juge-commissaire le 2 juillet 2004", et à voir constater le caractère parfait de cette cession ainsi que sa demande reconventionnelle au titre d'une indemnité d'occupation pour le bail verbal et au titre d'un préjudice et encore d'avoir, par confirmation du jugement, constaté la nullité de la cession du 2 juillet 2004 et condamné, en conséquence, M. Z..., ès-qualités, à restituer à M. Y... les sommes de 233 461 euros correspondant au prix de cession et 78 657 euros correspondant à la reprise des stocks alors, selon le moyen :
1°/ que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a un intérêt si elle n'y a pas renoncé ; que pour apprécier si une partie a intérêt à faire appel, c'est au dispositif du jugement et non à ses motifs qu'il convient de se référer ; qu'en outre l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'au surplus le tiers à un contrat peut invoquer comme fait juridique la situation créée par le contrat ; qu'en l'espèce, les deux ordonnances des 2 avril 2004 et 2 juillet 2004 du juge-commissaire portant sur la cession des éléments d'actifs du débiteur concernaient directement le GFA qui était partie à l'opération de cession, puisqu'il devait poursuivre les baux en cours avec M. Y... ; qu'ainsi le GFA avait bien intérêt et partant qualité pour s'opposer à la demande d'annulation ou de résolution de la cession intervenue suivant ordonnance du 2 juillet 2004 ; que son appel du jugement entrepris était bien recevable ; que dès lors en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 31 et 546 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se déterminant comme elle a fait sans rechercher, comme elle y avait été spécialement invitée, par les conclusions du GFA, si M. Y... n'avait pas été pleinement informé bien avant la cession, que le bail rural qui avait été convenu ne devait porter que sur les seules terres plantées en vignes et non sur la totalité des terres propriétés du GFA, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 622-17 du code de commerce et 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en toute hypothèse, en statuant encore comme elle a fait sans rechercher comme elle y avait été invitée par les conclusions du GFA, si M. Y... n'avait pas renoncé à se prévaloir des conditions suspensives visées dans l'offre de cession, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 455 du code de procédure civile et L. 622-17 du code de commerce ;
Mais attendu que le GFA, bailleur rural dont le contrat n'a pas été cédé à l'occasion de la cession de l'exploitation viticole du débiteur, n'a aucune prétention à faire valoir au sens des articles 4 et 31 du code de procédure civile dans l'instance tendant à l‘annulation de cette cession ; que la cour d'appel, qui a retenu que le GFA n'avait pas qualité pour prétendre à la validité de la cession rendant ainsi inopérants les griefs des deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu que le GFA fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande reconventionnelle tendant au paiement d'une indemnité d'occupation par M. Y..., occupant des terres objet du litige, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties peuvent soumettre de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de la révélation d'un fait ; qu'elles peuvent ajouter aux demandes soumises au premier juge les demandes qui en sont la conséquence ou le complément ; qu'en l'espèce, la demande de paiement d'une indemnité d'occupation qui se rattachait par voie de conséquence à la demande principale tendant à voir dire n'y avoir lieu à nullité de la cession, était bien recevable en appel, ayant pour objet de s'opposer et de faire écarter la prétention adverse ; que dès lors en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile ;
2°/ qu'est encore recevable la prétention en appel née de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce le défaut d'entretien de l'exploitation avait été révélé par le procès-verbal dressé par la SCP Hallgang-Coeur-Joly, huissier de Justice, le 4 mai 2006, soit à une date où le GFA, qui n'en avait disposé que quelques jours plus tard, n'avait pu en faire état à la date du 6 juin 2006, à laquelle les débats devant le tribunal avaient eu lieu ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes textes ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le GFA prétendait n'avoir pas reçu, depuis trois ans, un centime de fermage et le remboursement de taxes foncières ; qu'il relève ensuite que le GFA a eu connaissance du défaut d'entretien de l'exploitation par le procès-verbal dressé par un huissier de justice le 4 mai 2006 ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le GFA disposait devant les premiers juges des éléments nécessaires pour apprécier l'opportunité de demander la condamnation de M. Y... au paiement d'une indemnité d'occupation et de dommages-intérêts au titre de la dégradation de l'exploitation, la cour d'appel en a exactement déduit que ces demandes qui n'étaient pas nées de l'évolution du litige étaient irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le groupement foncier agricole Desmet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le groupement foncier agricole Desmet à payer à M. Y... et à la société Domaine de Versillé la somme globale de 2 500 euros et la somme de 1 000 euros à M. Z... ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour le groupement foncier agricole Desmet.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes du GFA DESMET tendant à voir dire n'y avoir lieu à constater la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du Juge Commissaire le 2 juillet 2004 ; et à voir constater le caractère parfait de cette cession ainsi que sa demande reconventionnelle au titre d'une indemnité d'occupation pour le bail verbal et au titre d'un préjudice.
Aux motifs que le GFA DESMET n'est pas partie à la cession de l'exploitation viticole de l'EARL X... au profit de Monsieur Y..., ordonnée par la décision du Juge Commissaire du 2 juillet 2004 ; qu'il est tiers à la cession ; qu'en sa disposition relative à la nullité de la cession, le jugement déféré n'est pas attaqué par les parties à la cession, dont Maître Z..., en qualité de Mandataire Liquidateur à la Liquidation Judiciaire de l'EARL X... ; qu'en sa qualité de tiers, le GFA n'a pas, par application de l'article 1165 du Code Civil, qualité pour prétendre à la validité de la cession ordonnée par décision du Juge Commissaire du 2 juillet 2004, dont la nullité a été constatée par le jugement déféré ; que sa demande tendant à voir dire n'y avoir lieu de constater la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du 2 juillet 2004 et à voir constater parfaite cette cession est donc irrecevable.
Alors que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a un intérêt si elle n'y a pas renoncé ; que pour apprécier si une partie a intérêt à faire appel, c'est au dispositif du jugement et non à ses motifs qu'il convient de se référer ; qu'en outre l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action ; qu'au surplus le tiers à un contrat peut invoquer comme fait juridique la situation créée par le contrat ; qu'en l'espèce, les deux ordonnances des 2 avril 2004 et 2 juillet 2004 du Juge Commissaire portent sur la cession des éléments d'actifs de l'EARL X... concernaient directement le GFA DESMET qui était partie à l'opération de cession, puisqu'il devait poursuivre les baux en cours avec Monsieur Y... ; qu'ainsi le GFA DESMET avait bien intérêt et partant qualité pour s'opposer à la demande d'annulation ou de résolution de la cession intervenue suivant ordonnance du 2 juillet 2004 ; que son appel du jugement entrepris était bien recevable ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a procédé d'une violation des articles 31 et 546 du Code de Procédure Civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande reconventionnelle du GFA DESMET tendant au paiement d'une indemnité d'occupation par Monsieur Y... occupant des terres faisant l'objet du litige.
Aux motifs que pour la première fois en cause d'Appel, le GFA DESMET se prétend créancier à l'égard de Monsieur Y... et de l'EARL DOMAINE DE VERSILLE d'une indemnité d'occupation pour bail verbal et à raison d'un préjudice constitué par la dévalorisation du stock et par le défaut d'entretien pendant trois années des terres et vignes ; que cependant le GFA DESMET qui prétend n'avoir pas reçu, depuis trois ans, un centime du fermage, au soutien de sa demande d'indemnité d'occupation, ne justifie pas à cet égard de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que sa prétention d'indemnité d'occupation pour bail verbal est bien nouvelle au sens de l'article 564 sus rappelé ; que sa demande reconventionnelle d'indemnité d'occupation pour bail verbal est donc irrecevable ; que s'agissant du défaut d'entretien de l'exploitation invoqué par le GFA DESMET, il ne constitue pas la survenance ou la révélation d'un fait, puisqu'il est loisible de lire dans les écritures de l'appelante que l'EARL DOMAINE DE VERSILLE avait mal entretenu l'exploitation viticole tel que cela ressort du procès-verbal de constat dressé le 4 mai 2006.
Alors d'une part que les parties peuvent soumettre de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de la révélation d'un fait ; qu'elles peuvent ajouter aux demandes soumises au Premier Juge les demandes qui en sont la conséquence ou le complément. ; qu'en l'espèce, la demande de paiement d'une indemnité d'occupation qui se rattachait par voie de conséquence à la demande principale tendant à voir dire n'y avoir lieu à nullité de la cession, était bien recevable en appel, ayant pour objet de s'opposer et de faire écarter la prétention adverse ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé les articles 564 et 566 du Code de Procédure Civile.
Alors en outre qu'est encore recevable la prétention en appel née de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce le défaut d'entretien de l'exploitation avait été révélé par le procès verbal dressé par la SCP HALGANG-COEURJOLY, Huissier de Justice, le 4 mai 2006, soit à une date où le GFA DESMET, qui n'en avait disposé que quelques jours plus tard, n'avait pu en faire état à la date du 6 juin 2006, à laquelle les débats devant le Tribunal avaient eu lieu ; que dès lors en statuant encore comme elle l'a fait, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes textes.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, constaté la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du Juge Commissaire en date du 2 juillet 2004, et condamné, en conséquence, Maître Martin Z... ès qualités à restituer à Monsieur Y... la somme de 233.461 euros correspondant au prix de cession et 78.657 euros correspondant à la reprise du stock.
Aux motifs que le jugement déféré a retenu que la condition suspensive de signature d'un bail de dix-huit ans sur la totalité des terres propriétés du GFA DESMET qui constituait un motif déterminant de l'engagement de Monsieur Y... n'ayant pas été réalisée, il convient de constater la caducité de l'offre et par la suite la nullité de la cession intervenue suivant ordonnance du Juge Commissaire du 2 juillet 2004 ; que la nullité de la cession est liée à la non résiliation de la condition suspensive de signature d'un bail de dix-huit ans sur la totalité des terres du GFA DESMET.
Alors d'une part qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans rechercher, comme elle y avait été spécialement invitée, par les conclusions de l'appelant, si Monsieur Y... n'avait pas été pleinement informé bien avant la cession, que le bail rural qui avait été convenu ne devait porter que sur les seules terres plantées en vignes et non sur la totalité des terres propriétés du GFA DESMET, la Cour d'Appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 622-17 du Code de Commerce et 455 du Code de Procédure Civile.
Alors d'autre part qu'en toute hypothèse, en statuant encore comme elle l'a fait sans rechercher comme elle y avait été spécialement invitée par les conclusions de l'appelant, si Monsieur Y... n'avait pas renoncé à se prévaloir des conditions suspensives visées dans l'offre de cession, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 455 du Nouveau Code de Procédure Civile et L. 622-17 du Code de Commerce.