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24/06/2009 | FRANCE | N°08-40003

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2009, 08-40003


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 18 mars 1985 par la société Agrali était directeur de chaîne d'approvisionnement pour la société Maison Boncolac lorsqu'elle a été licenciée pour faute grave le 24 décembre 2003 ;

Sur le pourvoi principal de la salariée :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave alors, selon le moyen :

1° / que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans

l'entreprise pendant la durée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciemen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 18 mars 1985 par la société Agrali était directeur de chaîne d'approvisionnement pour la société Maison Boncolac lorsqu'elle a été licenciée pour faute grave le 24 décembre 2003 ;

Sur le pourvoi principal de la salariée :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave alors, selon le moyen :

1° / que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués ; qu'ayant relevé que l'employeur avait tardé à mettre en oeuvre une procédure de licenciement qui s'imposait, la cour d'appel aurait dû en déduire qu'il n'était pas en droit de se prévaloir d'une faute grave ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail, alors en vigueur ;

2° / que la cour d'appel a constaté que le comportement de Mme X... avait nécessité l'intervention du directeur général dès le 31 janvier 2003 ; qu'en ne recherchant, ainsi pourtant que la salariée l'y invitait, si en la promouvant directrice du service " supply chain " le 26 février 2003, en augmentant sa rémunération et en lui accordant une délégation totale de pouvoir le 21 mai 2003, l'employeur ne s'était pas interdit de se prévaloir ultérieurement d'une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail, alors en vigueur ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que Mme X... ait soutenu devant la cour d'appel que l'employeur ait tardé à mettre en oeuvre la procédure de licenciement, ni qu'il se serait interdit de se prévaloir d'une faute grave en lui accordant une promotion ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et l'article L. 1235-2 du code du travail ;

Attendu que pour condamner la société maison Boncolac à payer à Mme X... une somme à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que le témoignage de Mme Y... établit que M. Z... a annoncé le licenciement de Mme X... dès le 12 décembre 2005, soit avant même l'entretien préalable, irrégularité qui a nécessairement causé préjudice ;

Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, que l'entretien préalable a eu lieu le 22 décembre 2003 et, d'autre part, que l'attestation de Mme Y... n'évoquait pas ce fait, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et ainsi violé le principe et le texte susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la société Maison Boncolac a été condamnée à payer à Mme X... la somme de 5 532, 98 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Toulouse le 28 novembre 2007 ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Maison Boncolac aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par Me A..., avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une faute grave ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement notifié à Mme X... qui fixe les termes du litige, est rédigée dans les termes suivants : « … Vous avez développé dans le service que vous dirigez un management basé sur la peur. Par des atteintes répétées à la dignité des salariés, par des remarques sans cesse dévalorisantes, par des accès de colère injustifiés, vous avez conduit certains d'entre eux à une déstabilisation personnelle préoccupante. Nous avons constaté des arrêts maladie que nous attribuons directement aux conditions de travail extrêmement détériorées que vous avez créées. Le CHSCT a souhaité mettre à l'ordre du jour sa réunion du 23 octobre 2003, le harcèlement moral, pour tenter de prévenir la situation que vous développiez dans votre service. Le médecin du travail nous a alerté sur cette dérive grave et vous a personnellement convoqué le 8 décembre 2003. Au cours de plusieurs entretiens durant l'année 2003, nous vous avons mise en garde sur ces pratiques que nous ne tolérons pas, allant jusqu'à envisager notre séparation si vous ne reveniez pas à un management respectueux des valeurs en vigueur dans l'entreprise. A aucun moment vous n'avez manifesté la moindre volonté d'une réelle remise en cause. Compte tenu de cette impossibilité de vous faire évoluer, nous considérons aujourd'hui que notre responsabilité d'employeur est engagée sur un problème de harcèlement moral. Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien du 22 décembre 2003, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de prendre une mesure de protection des salariés, de leur dignité et de leur santé physique et mentale en vous licenciant pour faute. Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible … » ; que, contrairement à ce que soutient Mme X..., cette lettre est correctement motivée en ce qu'elle énonce des faits matériellement vérifiables ; qu'en outre, les faits évoqués par l'employeur dépassent le cadre strict du harcèlement moral, de telle sorte que les longs développement de la salariée sur ce point sont inopérants ; que la société Maison Boncolac sur qui pèse la charge de la preuve de la faute grave produit les attestations, courriers et courriels de Mme B... (médecin du travail), Mme C... (assistante des ventes et secrétaire du C. H. S. C. T), Mme D..., Mme E..., Mme F..., Mme G..., Mme H... (assistantes des ventes), M. I... (assistant des ventes export), Mme J... (responsable des ADV), Mme K... (ancienne salariée), Mme L... (DRH), Mme M... (chef de file), Mme N... et Mme O... (membres du CHSCT) ainsi que les comptes rendus du CHSCT des 23 octobre 2003 et 10 février 2004 ; qu'il convient de relever que Mme X... n'a pas contesté ces attestations par le biais des procédures réservées à cet effet ; qu'il s'évince de ces documents que le management de Mme X... a toujours été réputé dur mais qu'il s'est accentué à partir du moment où la direction du service supply chain lui a été confiée, multipliant à l'encontre des salariés placés sous sa coupe les hurlements même pour des faits anodins, les injures grossières (putain, connasse, salopard) ou les propos à connotation racistes (le jaune, le juif) ; que cette situation étant remontée jusqu'au directeur général, M. Z..., à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue le 31 janvier 2003, a clairement annoncé qu'il exigeait un management respectueux ; que Mme X... qui y assistait a bien compris que cet avertissement lui était adressé et a modéré son langage à partir de cette date sans pour autant devenir irréprochable ; qu'en effet, les salariés témoignent de la pression quotidienne qui prenait des formes diverses (hurlements, extinction de la lumière dans des locaux où les personnes travaillent, questionnement déplacé et inquisiteur sur des questions d'ordre personnel, mise à l'écart des personnes qui osent manifester leur désaccord même sur une question technique, interruption des conversations téléphoniques pour le travail, horaires excessifs, culpabilisation lors de la prise de RTT, exigence de connaître les propos tenus par les uns et les autres, etc.) ; qu'il n'est pas rare de voir les salariés en pleurs sur le lieu de travail ; qu'en outre, plusieurs personnes font état des répercussions que cette ambiance délétère de travail a eu sur leur état de santé (insomnies, troubles alimentaires et digestifs, angoisse, anxiété) jusqu'à nécessiter des arrêts de travail ou des consultations chez un psychologue du travail ; qu'à l'occasion d'un séminaire qui s'est tenu du 8 au 10 octobre 2003, M. Z... a reproché ses méthodes à Mme X... devant l'équipe de direction ; qu'il lui a ensuite proposé un accompagnement personnalisé sous forme de coaching que l'intimée à refusé estimant ne pas en avoir besoin ; que lors de la réunion du CHSCT du 23 octobre 2003, à l'ordre du jour duquel avait été fixé le problème du harcèlement moral, le cas de Mme X... a été abordé en tant qu'exemple caractéristique de ce type de comportement ; qu'à l'issue de ce comité, la directrice des ressources humaines est allée s'entretenir avec Mme X... pour lui demander une nouvelle fois de faire des efforts ; que, le 1er décembre 2003, M. Z... était à nouveau alerté par le médecin du travail, au sujet de deux arrêts de travail concernant des salariés appartenant au service de Mme X... ; que si les pièces et témoignages versés aux débats par Mme X... confirment les difficultés rencontrées au cours de l'année 2003 en raison de la restructuration des services et du surcroît de travail lié à la canicule, force est de constater que la salariée ne combat pas utilement les preuves de son comportement inadmissible produites par l'employeur et reconnaît même dans ses écritures avoir parfois employé un vocabulaire grossier ; que, de même, le fait de démontrer que les consignes qu'elle donnait aux salariés placés sous ses ordres étaient conformes à l'intérêt de l'entreprise ne l'exonère pas de devoir répondre des moyens employés par elle pour atteindre ce but ; qu'en l'espèce, ces moyens étaient totalement inappropriés et humainement inacceptables et rendaient impossible le maintien de la salarié dans l'entreprise même pendant la durée de son préavis ; que la société Maison Boncolac sur qui pèse l'obligation de résultat de préserver la santé mentale et physique de ses salariés, était donc fondée à la licencier pour faute grave, son seul tort étant d'avoir tardé à prendre cette décision qui s'imposait ; que ce simple constat a conduit le conseil de prud'hommes à considérer à tort que les faits étaient prescrits alors qu'il est démontré que Mme X... a persisté dans son comportement jusque dans la période non prescrite ;

ALORS, en premier lieu, QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués ; qu'ayant relevé que l'employeur avait tardé à mettre en oeuvre une procédure de licenciement qui s'imposait, la cour d'appel aurait dû en déduire qu'il n'était pas en droit de se prévaloir d'une faute grave ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du code du travail, alors en vigueur ;

ALORS, en second lieu, QUE la cour d'appel a constaté que le comportement de Mme X... avait nécessité l'intervention du directeur général dès le 31 janvier 2003 ; qu'en ne recherchant, ainsi pourtant que la salariée l'y invitait, si en la promouvant directrice du service supply chain le 26 février 2003, en augmentant sa rémunération et en lui accordant une délégation totale de pouvoir le 21 mai 2003, l'employeur ne s'était pas interdit de se prévaloir ultérieurement d'une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du travail, alors en vigueur.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des circonstances de son licenciement ;

AUX MOTIFS QUE la procédure d'éviction immédiate utilisée par l'employeur n'est que la conséquence du refus de la salariée de tenir compte des recommandations antérieures qui lui avaient été faites de telle sorte que celle-ci ne peut arguer d'aucun préjudice distinct à ce titre ; qu'en revanche, il est établi que le licenciement a été annoncé avant même l'entretien préalable ;

ALORS QUE même lorsqu'il est prononcé en raison d'une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation ; qu'en ne recherchant pas si, par delà la célérité avec laquelle il avait agi, l'employeur n'avait pas engagé sa responsabilité contractuelle en annonçant à la salariée son licenciement avant tout entretien préalable, ce qu'elle a constaté mais n'a examiné que sous le seul angle de l'irrégularité de la procédure de licenciement, et en informant tant le personnel de l'entreprise que ses clients et fournisseurs, avant la notification du licenciement, de cette mesure et de ses motifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Maison Boncolac.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MAISON BONCOLAC à payer à madame X... la somme de 5. 532, 98 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « le témoignage de madame Martine Y..., responsable ordonnancement au sein du service supply chain, établit que monsieur Z... a annoncé le licenciement de madame X... dès le 12 décembre 2005 soit avant même l'entretien préalable ; cette irrégularité a nécessairement causé un préjudice à la salariée » ;

1°) ALORS QUE l'employeur ne commet pas une irrégularité de procédure en annonçant seulement à son personnel ou à des tiers, dès avant l'entretien préalable, qu'il envisage de prononcer le licenciement sans annoncer que sa décision est arrêtée ; qu'en ne précisant pas si la société MAISON BONCOLAC avait annoncé un licenciement d'ores et déjà décidé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail (recod. L. 1235-2) ;

2°) ALORS QU'il ne résulte nullement de l'attestation de MadameP... que le licenciement de madame X... aurait été annoncé dès le 12 décembre 2005 par monsieur Z..., qu'en affirmant le contraire la Cour d'appel a dénaturé cette attestation et violé l'article 1134 du Code civil.

3°) ALORS QUE ne commet pas une irrégularité de procédure l'employeur qui, dès avant l'entretien préalable, annonce à son personnel la mesure de licenciement concernant leur supérieur hiérarchique, auteur, à leur égard, de faits de harcèlement moral et mis à pied dès sa convocation à cet entretien ; qu'en l'espèce, madame X..., à laquelle ses subordonnées reprochaient une attitude irrespectueuse et dont ils demandaient le départ, avait été mise à pied à titre conservatoire dès sa convocation ; qu'il en résultait que la société MAISON BONCOLAC ne pouvait faire autrement que d'annoncer, dès son engagement, la procédure de licenciement ; qu'en analysant cette annonce, dans ce cas spécifique, en une irrégularité de procédure, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant et a violé l'article L. 122-14-4 du Code du travail (recod. L. 1235-2).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40003
Date de la décision : 24/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 28 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2009, pourvoi n°08-40003


Composition du Tribunal
Président : Mme Perony (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.40003
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