LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y..., ès qualités ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2008), que MM. X..., de Z... et Perrucon, ainsi que Mme A... ont, le 25 août 1970, constitué la SCI du Domaine des Gâtines (la SCI), ayant pour objet une activité de promotion immobilière ; que la SCI n'a pas acquis de l'Etat la propriété de parcelles affectées à l'usage collectif pour les transférer ensuite à titre gratuit au profit de l'association syndicale libre du Domaine des Gâtines (l'association), comme le prévoyaient les stipulations du cahier des charges de cette dernière ; que l'association, après avoir acquis ces parcelles, a assigné la SCI en remboursement du prix payé devant le tribunal, qui a accueilli sa demande ; que M. de Z... a fait tierce opposition à ce jugement et a demandé à titre subsidiaire la condamnation de M. X..., en sa qualité de gérant de la SCI, à lui payer des dommages-intérêts pour faute de gestion ; que ses demandes, rejetées par le tribunal, ont été accueillies par la cour d'appel ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. de Z... des dommages-intérêts sur le fondement de la perte d'une chance, alors, selon le moyen :
1°/ que pour condamner M. X... au paiement de dommages-intérêts envers MM. de Z... et Perrucon, la cour d'appel a estimé que M. X... avait fait preuve de légèreté fautive en restant sans agir, entre octobre 1998 et juillet 1999 pour alerter ses coassociés ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre le délai ainsi relevé et la perte d'une chance d'éviter la condamnation de la société du Domaine des Gâtines par le jugement rendu le 17 novembre 2000, soit plus d'un an après la convocation des associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que, de plus, seule constitue une perte de chance réparable la disparition certaine d'une éventualité favorable ; que les associés d'une société, qui a pu régulièrement défendre à l'assignation en paiement dirigée contre elle, ne peuvent se prévaloir, une fois la société condamnée, d'une perte de chance d'avoir pu faire valoir une argumentation différente ; qu'en jugeant néanmoins que la société du Domaine des Gâtines et, indirectement, ses associés, avaient perdu une chance de voir l'association déboutée de ses demandes, tandis qu'elle constatait que la société du Domaine des Gâtines avait régulièrement défendu à l'action, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, les juges ne peuvent réparer la perte d'une chance d'obtenir gain de cause en justice sans rechercher quelles étaient les chances réelles de succès de la demande ou de l'argumentation qui n'a pas été présentée à la suite d'une négligence ; que pour condamner M. X... à réparer la perte d'une chance de la société Domaine des Gâtines et de ses associés d'avoir pu présenter l'argumentation invoquée par M. de Z..., la cour d'appel a estimé que la demande en paiement de l'association pouvait donner lieu à un débat approfondi sur le fondement de cette argumentation, même si le résultat envisageable dans l'hypothèse où la société aurait présenté une défense argumentée demeurait inconnu ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher quelles étaient les chances réelles de succès de l'argumentation invoquée par M. de Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il appartenait à M. X..., en sa qualité de gérant de la SCI, chargé de l'intérêt collectif des associés, de contacter utilement ces derniers et de leur laisser la possibilité d'argumenter dans un sens différent de sa propre appréciation des obligations souscrites par la SCI, l'arrêt retient qu'en s'abstenant de le faire, il avait privé cette dernière, et indirectement ses associés qui l'avaient mandaté, d'une chance de voir l'association déboutée de ses prétentions, même si demeurait inconnu le résultat envisageable dans l'hypothèse où la SCI avait présenté une défense argumentée ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, caractérisant le lien de causalité entre cette carence et la perte de chance d'éviter la condamnation de la SCI, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le moyen, pris en sa première branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; le condamne à payer à M. de Z... la somme de 2 500 euros et à l'ASLDG la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me B..., avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Monsieur Jean-François X... à payer, à titre de dommages et intérêts, à Monsieur Antal C... de Z... la somme de 45.000 euros et à Monsieur Jean-Pierre D... celle de 14.000 euros ;
Aux motifs que « l'article 1.850 du code civil édicte que chaque gérant est responsable des infractions aux lois et règlements, de la violation des statuts et des fautes commises dans sa gestion (…) ; que Monsieur DE Z... reproche à Monsieur X... de n'avoir, après vingt-cinq ans de silence, rien entrepris pour retrouver les adresses actualisées des associés, de s'être débarrassé du problème sans chercher à en apprécier le bien fondé, et de s'être abstenu de défendre l'intérêt social ; que ces griefs sont de nature à voir la responsabilité du gérant engagée ; que, dès le mois d'octobre 1998 et ainsi qu'en font foi les courriers échangés entre les conseils, Monsieur X... a été averti par l'association ASLDG des demandes pressantes de l'Agence Foncière relatives à la cession des parcelles ; que la société DU DOMAINE DES GATINES a été assignée par l'association ASLDG le 14 décembre 1998 par un acte qui a été délivré à Monsieur X... ; que ce dernier était parfaitement conscient des conséquences pécuniaires, pour chacun des associés, de l'action judiciaire de association ASLDG puisque, pour éviter le contentieux, il a personnellement conclu une transaction le 23 juin 1999 ; qu'il a notifié à ses coassociés sa décision de démissionner de ses fonctions de gérant le 9 juillet 1999 en faisant le nécessaire pour convoquer une assemblée ; qu'il s'est borné à adresser les convocations aux dernières adresses connues de la société ; que Monsieur X... n'avait réuni aucune assemblée d'associés depuis 1974 ; qu'eu égard à l'importance du litige, il se devait de ne pas limiter ses efforts de gérant au seul emploi d'adresses anciennes, quoique suffisantes pour assurer la validité de l'assemblée ; qu'ayant reçu, en retour, ses lettres de convocation avec des mentions ne nondistribution pour cause d'adresses non valides, il lui appartenait de tenter d'obtenir le moyen de contacter utilement ses associés ; qu'il n'allègue pas avoir entrepris de telles recherches pourtant possibles puisque, comme le relève Monsieur DE Z..., association ASLDG les a utilement menées à bien ; qu'en restant sans agir, entre octobre 1998 et juillet 1999 pour alerter ses coassociés auxquels il n'avait pas rendu de compte de sa gestion depuis de nombreuses années, Monsieur X... a fait preuve d'une légèreté fautive qui engage sa responsabilité ; que, pour s'y soustraire, il expose que la société DU DOMAINE DES GATINES a été condamnée à respecter les engagements qu'elle avait pris, dès 1971, à l'égard de l'association ASLDG ; qu'il est établi par les documents produits aux débats et notamment par la lettre adressée le 15 décembre 1970 à l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne par la société DU DOMAINE DES GATINES que cette dernière avait la volonté d'acquérir les parcelles--R.48 de 1.880 m2 et T.75 de 13.202 m2 qui se trouvaient incluses dans le périmètre opérationnel de la promotion des 344 maisons individuelles ; que cette acquisition n'a pas pu intervenir à cette époque en raison d'un obstacle légal, les terrains ayant été acquis dans le cadre d'une ZAC ; que, dans l'attente, l'Agence Foncière a accepté de louer les parcelles à la société DU DOMAINE DES GATINES pour une durée de trois, six ou neuf ans, moyennant redevance, avec la faculté, pour la locataire, de se substituer l'association après qu'elle aura été créée ; que, dans la perspective de cette acquisition, la société DU DOMAINE DES GATINES a inscrit au passif de son bilan, et pour la première fois sur celui de l'exercice 1978, une provision de 150.000 francs (22.867,35 euros), laquelle, au demeurant, sera curieusement ramenée à 120.000 francs (18.293,88 euros) en 1982 et à 110.000 francs (16.769,39 euros) en 1985 ; que l'article 7 du cahier des charges définit l'opération de promotion immobilière comme constituée :
1°) des lots destinés à recevoir les maisons et à une propriété privée de chaque acquéreur,
2°) des lots destinés à recevoir le centre commercial et ses parkings et à faire l'objet d'une propriété privée,
3°) des parties affectées à usage collectif, constituée des espaces verts, de jeux et de sports, des sols des voies et parkings, trottoirs et places, dont la propriété devait être transférée à titre gratuit à l'Association Syndicale prévue,
4°) des parties à rétrocéder à la commune de Plaisir et à d'autres collectivités publiques,
5°) des parties louées à l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne pour espaces verts et sportifs ;
que Monsieur DE Z... ne peut sérieusement soutenir que la société DU DOMAINE DES GATINES ne serait plus liée, postérieurement à l'année 1974, par ce cahier des charges de l'association syndicale au motif que, ayant vendu la totalité des 344 maisons individuelles, elle n'en était plus membre ; qu'en effet, l'article 1 des statuts définit les membres de l'association comme "tous titulaires de droits de propriété, pour quelque cause que ce soit et à quelque titre que ce soit (...) sur des lots du groupe d'habitation cidessus désigné" ; que la société DU DOMAINE DES GATINES est donc restée membre au moins jusqu'au 10 avril 1995 date de l'acte authentique de rétrocession, à titre gratuit, à l'association ASLDG de 65 parcelles ; que Monsieur X... soutient que le cahier des charges avait pour portée d'inclure dans les parties affectées à usage collectif (référencées n°3), celle louées à l'Agence Foncière ; qu'à l'appui de cette lecture, il se prévaut de l'attestation de Monsieur E..., ancien directeur financier du groupe A..., qui indique que ces parcelles devaient, par la suite, être rétrocédées gratuitement à l'association ; qu'il en déduit que l'engagement de rétrocéder les terrains était une obligation de résultat incontournable en soulignant que tous les associés le savaient ; qu'il se prévaut aussi des motivations d'un arrêt rendu par cette cour le 26 mars 1982 dans le litige opposant la société DU DOMAINE DES GATINES à association ASLDG relativement à la détermination du débiteur des redevances dues à l'Agence Foncière en contrepartie de la location des parcelles, ainsi libellées : "que cette occupation n'implique nullement que l'indemnité d'occupation soit à la charge de l'association, alors surtout que l'article 7 alinéa 3 du cahier des charges de la société du Domaine des Gâtines indique que la propriété des espaces verts, de jeux et de sports, sera transférée à titre gratuit à l'Association Syndicale ; que si l'alinéa 5 du même article fait état d'une partie louée à l'Agence Foncière et Technique de la Région Parisienne, cette mention n'implique nullement que cette location soit à la charge de l'Association" ; que Monsieur X... en conclut qu'il ne peut lui être reproché d'avoir exécuté de bonne foi les obligations auxquelles était tenue la société DU DOMAINE DES GATINES et, en conséquence, l'ensemble des porteurs de parts ; que Monsieur DE Z... prétend, au contraire, que les parcelles à usage collectif étaient, selon leur implantation, soumises à trois régimes juridiques distincts et non pas globalement destinées à revenir gracieusement à association ASLDG ; qu'il admet que la société DU DOMAINE DES GATINES avait exprimé son intérêt et son souhait d'acquérir les parcelles mais souligne que rien ne la contraignait à la rétrocession gracieuse de ces terrains et affirme, en se prévalant d'une feuille d'information que l'association ASLDG en avait conscience ; qu'il observe que l'arrêt du 26 mars 1982 ne statuait que sur la validité d'une stipulation pour autrui et non pas sur la cohérence, alors non discutée, des dispositions du cahier des charges ; qu'il ressort de ces éléments que la demande en paiement de association ASLDG pouvait donner lieu à un débat approfondi sur l'exacte portée des dispositions du cahier des charges de l'association et sur les obligations du promoteur à son égard ; qu'en sa qualité de gérant, chargé de l'intérêt collectif des associés, il appartenait à monsieur X... de faire valoir des moyens en ce sens ou, pour le moins, de fournir tous ses efforts pour contacter efficacement ses coassociés et leur laisser la possibilité d'argumenter dans un sens différent de sa propre lecture des obligations souscrites par la société DU DOMAINE DES GATINES ; que, ne l'ayant pas fait, il a privé la société et, indirectement, les coassociés qui l'avaient mandaté, d'une chance de voir l'association ASLDG déboutée de ses prétentions, même si demeure inconnu le résultat envisageable dans l'hypothèse où la société aurait présenté une défense argumentée ; que cette perte de chance, dont la responsabilité lui incombe en partie, justifie qu'il soit condamné à indemniser une partie des préjudices subis par Messieurs DE Z... et D... ; que le tribunal de grande instance de Versailles, dans le jugement entrepris a rappelé que, par sa décision du 17 novembre 2000, il avait condamné la société DU DOMAINE DES GATINES à payer à l'association ASLDG les sommes de 3.820.635 francs (582.452,05 euros) au titre du remboursement du prix d'achat hors taxes des terrains, 191.278 francs (29.160,14 euros) représentant les frais et droits d'acquisition et 378.140,40 francs (57.647,13 euros) en dédommagement du coût de l'emprunt bancaire souscrit ; que ces condamnations représentent un montant total de 4.390.053,40 francs (669.259,33 euros) ; qu'elles sont susceptibles d'être répercutées à raison de 200.777,79 euros sur Monsieur DE Z... qui détient 30% du capital et de 63.579,63 euros sur Monsieur D... porteur de 9,5% des parts sociales ; que, dans ces circonstances, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise, eu égard aux fautes commises par Monsieur X... ayant eu pour conséquence de priver Messieurs DE Z... et D... d'une chance de voir la société DU DOMAINE DES GATINES échapper à ces condamnations, la cour dispose des éléments suffisants pour arrêter ces préjudices indemnisables, respectivement à 45.000 euros et à 14.000 euros que Monsieur X... sera condamné à leur payer » ;
1. Alors que, d'une part, le gérant d'une société civile ne peut, par une convocation régulière des associés à l'assemblée générale, engager sa responsabilité à leur égard ; que l'envoi d'une convocation à la dernière adresse communiquée par l'associé ne peut constituer une faute imputable au gérant, nonobstant le retour de cette convocation pour non distribution en raison d'un adresse invalide ; qu'il n'appartient pas au gérant d'effectuer des recherches afin de découvrir la nouvelle adresse de l'associé qui ne lui a pas spontanément communiquée ; qu'en jugeant néanmoins que Monsieur X... avait commis une faute en ne recherchant pas les adresses des associés pour lesquels les convocations envoyées aux adresses qu'ils avaient communiquées étaient revenues en raison d'une adresse invalide, tout en relevant que ces convocations étaient régulières, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1147 du Code civil et 40 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 ;
2. Alors que, d'autre part, pour condamner Monsieur X... au paiement de dommages et intérêts envers Messieurs de Z... et D..., la cour d'appel a estimé que Monsieur X... avait fait preuve de légèreté fautive en restant sans agir, entre octobre 1998 et juillet 1999 pour alerter ses coassociés ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre le délai ainsi relevé et la perte d'une chance d'éviter la condamnation de la société DOMAINE DES GATINES par le jugement rendu le 17 novembre 2000, soit plus d'un an après la convocation des associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3. Alors que, de plus, seule constitue une perte de chance réparable la disparition certaine d'une éventualité favorable ; que les associés d'une société, qui a pu régulièrement défendre à l'assignation en paiement dirigée contre elle, ne peuvent se prévaloir, une fois la société condamnée, d'une perte de chance d'avoir pu faire valoir une argumentation différente ; qu'en jugeant néanmoins que la société DU DOMAINE DES GATINES et, indirectement, ses associés, avaient perdu une chance de voir l'ASLDG déboutée de ses demandes, tandis qu'elle constatait que la société DU DOMAINE DES GATINES avait régulièrement défendu à l'action, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
4. Alors que, en toute hypothèse, les juges ne peuvent réparer la perte d'une chance d'obtenir gain de cause en justice sans rechercher quelles étaient les chances réelles de succès de la demande ou de l'argumentation qui n'a pas été présentée à la suite d'une négligence ; que pour condamner Monsieur X... à réparer la perte d'une chance de la société DOMAINE DES GATINES et de ses associés d'avoir pu présenter l'argumentation invoquée par Monsieur de Z..., la cour d'appel a estimé que la demande en paiement de l'ASLDG pouvait donner lieu à un débat approfondi sur le fondement de cette argumentation, même si le résultat envisageable dans l'hypothèse où la société aurait présenté une défense argumentée demeurait inconnu ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher quelles étaient les chances réelles de succès de l'argumentation invoquée par Monsieur de Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.