LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 31 mai 2007), que M. X... a été engagé par la société A et R Carton Fegersheim à compter du 17 septembre 1998, en qualité de responsable administratif et financier ; que la lettre d'embauche prévoyait une rémunération forfaitaire d'un montant de 400 000 francs par an, correspondant à un nombre indéterminé d'heures de travail, le salarié n'étant pas soumis à l'horaire de travail collectif ; que licencié pour motif économique le 2 avril 2002 à la suite d'une procédure de redressement par voie de cession, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour solliciter l'inscription, au passif de la société, d'un rappel d'heures supplémentaires pour les années 1999 et 2000 et d'une indemnité compensatrice de repos compensateur ;
Attendu que l'AGS et l'Unedic font grief à l'arrêt d'avoir d'avoir fixé, au passif de l'employeur, un rappel d'heures supplémentaires et une indemnité compensatrice de repos compensateur, et d'avoir déclaré sa décision opposable à l'AGS, alors, selon le moyen :
1°/ qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article L. 212-15-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 2000, les cadres n'étaient pas soumis à la réglementation relative à la durée du travail lorsqu'ils bénéficiaient d'une liberté d'action et percevaient un salaire forfaitaire correspondant à un nombre indéterminé d'heures de travail ; que la cour d'appel a constaté que le salarié avait été engagé pour exercer les fonctions de responsable administratif et financier de la société, et que compte tenu des responsabilités qui lui avaient été confiées il avait bénéficié d'une rémunération forfaitaire indépendante du temps de travail effectif, n'étant pas soumis à l'horaire collectif de travail ; que la cour d'appel, qui a exigé la preuve d'une convention de forfait prévoyant le nombre d'heures supplémentaires pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations dont il résultait que ladite rémunération correspondait à un nombre indéterminé d'heures de travail dont le décompte n'était pas possible, et a, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les cadres dirigeants qui, en vertu de l'article L. 212-15-1 du code du travail, ne sont pas soumis à la réglementation sur la durée du travail, sont ceux auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération ; qu'en disant que la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 212-15-1 du code du travail, était réservée aux cadres qui exercent les fonctions de dirigeant et en assument personnellement les conséquences en qualité de mandataires sociaux ou en vertu d'une délégation de pouvoir étendue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3°/ que pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié au sens de l'article L. 212-15-1 du code du travail, il appartient au juge d'examiner la fonction que celui-ci occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 212-15-1 du code du travail ; qu'ayant constaté que le montant de la rémunération annuelle du salarié avait été fixé à la somme de 400 000 francs, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de vérifier si ce salaire n'avait pas été l'un des plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans la société, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-15-1 du code du travail ;
4°/ qu' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en relevant qu'il incombait à l'employeur, dès lors que le salarié avait étayé sa demande d'heures supplémentaires, de justifier que ce dernier ne s'était pas trouvé à sa disposition pendant toute la période considérée, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'antérieurement à la loi du 19 janvier 2000, la qualité de cadre ne suffisait pas à exclure le droit du salarié au paiement des heures supplémentaires qu'il avait accomplies mais qu'il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve d'une convention de forfait précisant, pour les cadres non dirigeants, le nombre d'heures supplémentaires inclus dans celui-ci ;
Et attendu qu'ayant relevé, d'une part, que M. X... dirigeait un service sous la subordination du directeur général, sans disposer d'un pouvoir décisionnel autonome et qu'il n'était pas établi que son niveau de rémunération fût l'un des plus élevés de l'entreprise, et d'autre part qu'il étayait sa demande en paiement d'heures supplémentaires par la production des décomptes qui établissaient son temps de présence quotidien au sein de l'entreprise tandis que l'employeur ne fournissait aucun élément permettant de déterminer le nombre d'heures de travail effectivement réalisées, la cour d'appel en a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen qu'il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant et qu'en l'absence d'une convention de forfait, il était en droit d'obtenir paiement des heures supplémentaires effectuées dont elle a souverainement fixé le montant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'AGS et l'Unedic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'AGS et l'Unedic à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP PIWNICA et MOLINIE, avocat aux Conseils pour l'AGS et l'Unedic
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé, au passif de l'employeur, un rappel d'heures supplémentaires et une indemnité compensatrice de repos compensateur, et d'avoir déclaré sa décision opposable à l'AGS ;
AUX MOTIFS QUE la lettre d'embauche de M. X... en date du 16 juin 1998 a défini ses fonctions et attributions de « Responsable administratif et financier » et son niveau de rémunération (400.000 francs sur 13 mois) avec cette précision que « cette rémunération tient compte des responsabilités qui vous sont confiées et restera indépendante du temps effectif que vous consacrerez à l'exécution de votre travail » ; qu'ayant obtenu le paiement de ses heures supplémentaires de l'année 2001, à hauteur de 10.376,45 euros, ainsi que ses « RTT non pris » à hauteur de 5.265,55 euros, réglés lors du solde de tout compte, M. X... entend obtenir le paiement des heures supplémentaires et repos compensateur pour les années 1999 et 2000 ; que la loi du 19 janvier 2000 a opéré une classification des cadres et défini le régime juridique applicable au temps de travail de chaque catégorie, de sorte qu'au regard de la question en litige, il convient de distinguer la période antérieure au 19 janvier 2000 de celle ayant suivi l'application de la loi précitée ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, les cadres se voyaient appliquer la réglementation relative au temps de travail des salariés impliquant une mesure précise du temps de travail effectué, sauf à justifier d'une convention de forfait ; que la jurisprudence a défini les conditions de licéité des conventions de forfait, en exigeant qu'une convention claire et précise soit conclue en ce sens, que ce forfait ne soit pas défavorable au salarié et que la convention indique le nombre précis des heures qu'elle rémunère ; que ne répond pas à ces exigences, la lettre d'embauche d'ailleurs non signée par M. X... prévoyant un salaire forfaitaire sans référence à aucun horaire particulier hebdomadaire ni mensuel, ni indication d'un nombre d'heures compris dans le forfait ; que l'article L. 212-15-1 résultant de la loi du 19 janvier 2000 a déterminé trois catégories de cadres, en prévoyant que seuls le cadres dirigeants ne sont pas soumis à la réglementation sur le temps de travail ; que la loi définit les cadres dirigeants comme étant « les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ; que cette définition ne s'applique qu'aux seuls cadres qui déterminent les décisions stratégiques au sein de l'entreprise et en assument personnellement les conséquences en qualité de mandataires sociaux ou en vertu d'une délégation étendue de pouvoir ; que les fonctions assumées par M. X... ne répondent pas à ces exigences, alors qu'il dirige un service sous la subordination du directeur général, sans disposer d'un pouvoir décisionnel autonome et que par ailleurs rien n'établit que son niveau de rémunération soit l'un des plus élevés de l'entreprise ; que d'ailleurs la SA A et R CARTON FEGERSHEIM ne l'a pas considéré comme cadre dirigeant puisqu'elle lui a réglé ses heures supplémentaires pour l'année 2001 ainsi que des jours de RTT ; que la situation de M. X... « dont la nature des fonctions ne le conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier » est celle d'un cadre autonome (article L. 212-15-3 I du code du travail) « dont la durée du travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait... prévues par un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise... » ; que si un accord d'entreprise a bien été conclu au sein de la SA A et R CARTON FEGERSHEIM, prévoyant la possibilité de conclure des forfaits mensuels ou annuels en heures, aucune convention individuelle ni avenant à son contrat de travail n'a été consenti à M. X... prévoyant un tel forfait ; qu'il résulte de ces observations que M. X... est en droit d'obtenir le paiement de ses heures supplémentaires pour les années 1999 et 2000 ; qu'en matière d'heures supplémentaires, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, mais qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande au préalable et à l'employeur de rapporter la preuve des heures de travail effectivement réalisées par le salarié ; que M. X... étaye sa demande par la production de décomptes journaliers de temps de travail de la période considérée, établis sur la base du badgeage journalier auprès du portier de l'entreprise ; qu'il est sans emport que le portier ait été employé par une société de gardiennage, alors que celle-ci a précisément été chargée par la SA A et R CARTON FEGERSHEIM de sécuriser l'accès au site de l'entreprise et partant de contrôler les heures d'entrée et de sortie du personnel ; que ces décomptes rapportent la preuve jour après jour du temps de présence de M. X... au sein de l'entreprise et que pour le surplus, il appartient à l'employeur de justifier de ce qu'il ne se trouvait pas à sa disposition pendant toute la période considérée, sachant que contrairement aux allégations des intimés le temps de pause se rapportant au déjeuner a été déduit ;
1°) ALORS QUE antérieurement à l'entrée en vigueur de article L. 212-15-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 2000, les cadres n'étaient pas soumis à la réglementation relative à la durée du travail lorsqu'ils bénéficiaient d'une liberté d'action et percevaient un salaire forfaitaire correspondant à un nombre indéterminé d'heures de travail ; que la cour d'appel a constaté que le salarié avait été engagé pour exercer les fonctions de responsable administratif et financier de la société, et que compte tenu des responsabilités qui lui avaient été confiées il avait bénéficié d'une rémunération forfaitaire indépendante du temps de travail effectif, n'étant pas soumis à l'horaire collectif de travail ; que la cour d'appel, qui a exigé la preuve d'une convention de forfait prévoyant le nombre d'heures supplémentaires pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 2000, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations dont il résultait que ladite rémunération correspondait à un nombre indéterminé d'heures de travail dont le décompte n'était pas possible, et a, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE les cadres dirigeants qui, en vertu de l'article L. 212-15-1 du code du travail, ne sont pas soumis à la réglementation sur la durée du travail, sont ceux auxquels sont confiés des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération ; qu'en disant que la qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 212-15-1 du code du travail, était réservée aux cadres qui exercent les fonctions de dirigeant et en assument personnellement les conséquences en qualité de mandataires sociaux ou en vertu d'une délégation de pouvoir étendue, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
3°) ALORS QUE pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié au sens de l'article L. 212-15-1 du code du travail, il appartient au juge d'examiner la fonction que celui-ci occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L. 212-15-1 du code du travail ; qu'ayant constaté que le montant de la rémunération annuelle du salarié avait été fixé à la somme de 400.000 francs, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de vérifier si ce salaire n'avait pas été l'un des plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans la société, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-15-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en relevant qu'il incombait à l'employeur, dès lors que le salarié avait étayé sa demande d'heures supplémentaires, de justifier que ce dernier ne s'était pas trouvé à sa disposition pendant toute la période considérée, la cour d'appel a violé l'article L. 212-1-1 du code du travail.