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16/06/2009 | FRANCE | N°08-42261

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2009, 08-42261


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a conclu le 8 octobre 1971 avec le Centre national des études spatiales (CNES) une convention de bourse d'études lui permettant de bénéficier du régime de sécurité sociale étudiant, puis, le 1er octobre 1973 une bourse de recherche en vertu de laquelle il a été affilié au régime général de sécurité sociale ; que lo

rs de la liquidation de sa pension de retraite, il a fait valoir que le CNES n'av...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a conclu le 8 octobre 1971 avec le Centre national des études spatiales (CNES) une convention de bourse d'études lui permettant de bénéficier du régime de sécurité sociale étudiant, puis, le 1er octobre 1973 une bourse de recherche en vertu de laquelle il a été affilié au régime général de sécurité sociale ; que lors de la liquidation de sa pension de retraite, il a fait valoir que le CNES n'avait versé aucune cotisation au régime d'assurance vieillesse pour la période du 8 octobre 1971 au 1er octobre 1973 ; qu'il a saisi le 9 novembre 2005 la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la requalification de son contrat de bourse d'études en un contrat de travail et à la condamnation du CNES à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts réparant son préjudice résultant de la perte de huit trimestres de cotisation ;
Attendu que pour faire droit à ses demandes l'arrêt retient que l'action de M. X... a pour objet d'obtenir la réparation du préjudice causé par le manquement du CNES à son obligation de versement de cotisations à un régime de retraite pendant la période d'exécution du contrat dénommé bourse d'études alors que, selon l'intéressé, cette obligation résultait du fait que le contrat en cause présentait les caractéristiques d'un contrat de travail, que le préjudice né de la perte des droits à cotisations non versées n'est devenu certain pour ce salarié qu'au moment où il s'est trouvé en droit de prétendre à la liquidation de ses pensions soit en 2004, que ce n'est donc qu'à compter de cette date que la prescription a commencé à courir de sorte que son action est recevable ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'action en requalification du contrat de bourse d'études conclu le 8 octobre 1971, dont il est constant qu'il n'a donné lieu à aucune cotisation au régime d'assurance vieillesse des salariés, en un contrat de travail était prescrite pour avoir été engagée le 9 novembre 2005 soit plus de 30 ans après sa conclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en vertu de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen et sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare l'action de M. X... prescrite ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour le Centre national des études spatiales.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé l'action de Monsieur X... non prescrite et d ‘avoir en conséquence condamné le CNES à payer à Monsieur Marc X... la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-paiement des cotisations à l'assurance vieillesse (régime général et complémentaire) ainsi que 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'action de M. Marc X... a pour objet d'obtenir la réparation du préjudice causé par le manquement du C.N.E.S à son obligation de versement de cotisations à un régime de retraite pendant la période d'exécution du contrat dénommé "bourse d'étude" alors que, selon l'appelant, cette obligation résultait du fait que le contrat en cause présentait les caractéristiques d'un contrat de travail. Or le préjudice né pour M. Marc X... de la perte des droits à cotisations non versées n'est devenu certain pour ce salarié qu'au moment où il s'est trouvé en droit de prétendre à la liquidation de ses pensions soit en 2004. Ce n'est donc qu'à compter de cette date que la prescription a commencé à courir, de sorte que son action est recevable »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « VU L'ARTICLE 2262 du code de procédure civile, toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en apporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
- VU l'arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 1er Avril 1997 - ATTENDU que Monsieur Marc X... n'a pu connaître de la non-inscription des années 1971 à 1973 au régime général qu'au moment où il s'est préoccupé de la validation de ses droits- ATTENDU EN CONSEQUENCE que l'action de Monsieur Marc X... n'est pas prescrite et qu'il convient d'examiner le fond de l'affaire »
1. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce Monsieur X... sollicitait de la Cour d'appel qu'elle juge que « Monsieur X... a exécuté sa prestation de travail moyennant une rémunération dans un lien de subordination juridique du 1er octobre 1971 au 30 septembre 1973 » et que « le contrat dit de bourses d'études exécuté du 1er octobre 1971 au 30 septembre 1973 doit être requalifié en contrat de travail de droit commun » avant de solliciter la condamnation du CNES à réparer son préjudice (dispositif des conclusions d'appel de Monsieur X... p 15) ; qu'en affirmant que l'action de M. Marc X... a pour objet d'obtenir la réparation du préjudice causé par le manquement du C.N.E.S à son obligation de versement de cotisations à un régime de retraite pendant la période d'exécution du contrat dénommé "bourse d'étude", sans relever qu'elle tendait également à la requalification de son contrat de bourse d'études, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Monsieur X... par omission, en violation des articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile ;
2. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'action tendant à l'engagement de la responsabilité de l'employeur pour manquement à ses obligations contractuelles suppose l'existence d'un contrat de travail ; qu'en l'absence d'un tel contrat, cette action ne peut être exercée qu'après l'engagement d'une action tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail, laquelle se prescrit par trente ans à compter de sa conclusion ; qu'en l'espèce, l'action de Monsieur X... tendant à voir condamner le CNES à lui verser des dommages et intérêts pour n'avoir pas cotisé au régime vieillesse au titre du contrat de bourse d'études ayant lié les parties entre 1971 et 1973, impliquait une action en requalification du contrat de bourse d'études en contrat de travail, laquelle se prescrivait par trente ans à compter de sa conclusion ; qu'en fixant néanmoins le point de départ de la prescription de l'action de Monsieur X... à la survenance de son dommage, en 2004 lors de la liquidation de sa retraite, la Cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR d‘avoir condamné le CNES à payer à Monsieur Marc X... la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le non-paiement des cotisations à l'assurance vieillesse (régime général et complémentaire) ainsi que 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE « Le préjudice invoqué par M. Marc X... n'existe que s'il est démontré que les relations entre les parties caractérisaient un contrat de travail obligeant le C.N.E.S à cotiser au régime d'assurance vieillesse. Il appartient au juge du fond d'interpréter le contrat en vue de lui donner son exacte qualification, la volonté des parties, pas plus qu'une circulaire ministérielle ne pouvant faire échec à l'application du statut protecteur attaché au contrat de travail. Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération. Il découle de cette définition trois éléments indissociables : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération, le lien de subordination. En l'espèce, force est de constater que ces trois critères sont réunis puisque :- l'activité consiste en des travaux de recherche qui, s'ils conduisent M. Marc X... à rédiger des publications personnelles puis à soutenir une thèse, bénéficient en même temps au C.N.E.S, lequel se réserve au travers du laboratoire auquel l'intéressé est affecté ou directement (article 4.4 du contrat) la propriété des brevets d'invention ; le contrat rappelle en son article 1 l'obligation pour les boursiers de "consacrer toute leur activité professionnelle aux travaux scientifiques pour lesquels ils sont rémunérés par le C.N.E.S",- la rémunération est constituée d'une allocation mensuelle de 2.000 francs,- la subordination s'exprime tant dans l'exécution des tâches (M. Marc X... est placé sous la subordination du directeur du laboratoire et du directeur d'établissement dont il dépend) que dans l'exercice du pouvoir disciplinaire (horaire de travail à temps plein, obtention de congés, obligation de rapport d'avancement des travaux, possibilité de "licenciement" pour motif disciplinaire ou non).En outre, ainsi que le fait à juste titre observer l'appelant, il n'existe pas la moindre différence, notamment en matière d'activité professionnelle et d'objectifs poursuivis, entre le contrat litigieux dit de "bourse d'étude" et celui qui a suivi, dit de "bourse de recherche", dans le cadre duquel le statut de salarié lui a été accordé.Les nombreuses attestations de son ancien directeur de thèse devenu directeur du L.A.A.S, M. Y..., et d'autres chercheurs témoignent du travail accompli dès 1971 par M. Marc X... au sein de l'équipe "Techniques Numériques et Propulsion ionique" comme tout autre chercheur.En dernier lieu, l'affectation de M. Marc X... à un laboratoire dépendant apparemment d'un autre établissement ne prive pas le C.N.E.S de sa qualité d'employeur, le contrat lui en attribuant les droits (pouvoir disciplinaire) et obligations (paiement de la rémunération).En conséquence, la véritable nature de la relation contractuelle ayant lié les parties étant celle d'un contrat de travail, le C.N.E.S, en ne versant pas de cotisations à l'assurance vieillesse a causé à M. Marc X... un préjudice dont il doit réparation.Au regard de la privation de revenus subie à compter du jour où il aurait pu prétendre à sa retraite, M. Marc X... doit se voir allouer non la somme des manques à gagner, comme il le réclame, mais une indemnisation tenant compte du capital représentatif de cette privation de revenus calculé en fonction de l'espérance de vie, majoré pour prendre en considération les éventuelles revalorisations susceptibles d'intervenir en cas de diminution du pouvoir d'achat.Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'indemnité réparant ce préjudice est fixée à la somme de 50.000 . »1. ALORS QUE l'existence d'un lien de subordination dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ; que pour dénier tout lien de subordination, le CNES faisait valoir que « Monsieur X... n'a jamais effectué de travaux de recherches dans l'enceinte du CNES. Celui-ci était accueilli par un laboratoire, le LAAS, qui est une émanation du CNRS. Les personnes qui attestent en faveur de Monsieur X... sont des chercheurs salariés du LAAS ou du CNRS. En aucun cas Monsieur X... n'était en contact avec des salariés du concluant. Si bien que si ces témoignages étaient en mesure de démontrer un lien de subordination, celui-ci ne pourrait s'être noué que vis-à-vis du LAAS ou du CNRS et non pas du CNES » (conclusions d'appel de l'exposante p 9) ; qu'en relevant qu'aux termes du contrat de bourse d'études, les droits attachés au statut d'employeur étaient attribués au CNES, pour en déduire que la circonstance que Monsieur X... ait été affecté au sein d'un laboratoire indépendant du CNES ne remettait pas en cause l'existence d'un contrat de travail le liant à ce dernier, sans analyser, ainsi qu'elle y était invitée, les conditions de fait dans lesquelles Monsieur X... exerçait ses travaux de recherche au sein du laboratoire LAAS, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 121-1 devenu L 1221-1 du code du travail ;
2. ALORS EN OUTRE QU' il résultait des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'en vertu des articles 2 et 3 du contrat de bourse d'études, les boursiers « sont placés, pour leur travail de thèse, sous l'autorité du directeur de laboratoire et du directeur de l'établissement auquel le laboratoire appartient » et qu'ils « sont soumis à la discipline du laboratoire, service ou organisme auquel ils sont affectés, notamment pour l'horaire de travail », ce dont il résultait que le pouvoir de direction et le pouvoir disciplinaire étaient attribués au laboratoire dans lequel les boursiers étaient affectés ; qu'en relevant néanmoins qu'aux termes du contrat de bourse d'études, ces pouvoirs étaient attribués au CNES, pour en déduire que la circonstance que Monsieur X... avait été affecté au sein d'un laboratoire indépendant du CNES ne remettait pas en cause l'existence d'un contrat de travail le liant à ce dernier, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article L 121-1 devenu L 1221-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-42261
Date de la décision : 16/06/2009
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Responsabilité - Action en responsabilité - Exclusion - Cas - Action en requalification d'un contrat de bourse d'études en contrat de travail - Préjudice résultant de l'absence de cotisation au régime d'assurance vieillesse - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Point de départ - Action en requalification d'un contrat de bourse d'études en un contrat de travail - Date de conclusion du contrat - Portée

Une action en requalification d'un contrat de bourse d'études en un contrat de travail, engagée contre un employeur par son cocontractant en vue d'obtenir réparation du préjudice qu'il subit au moment de la liquidation de sa retraite du fait qu'aucune cotisation au régime d'assurance vieillesse n'a été versée pendant l'exécution de ce contrat, est soumise à la prescription trentenaire en application de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dont le délai a commencé à courir à la date de conclusion du contrat . Elle ne peut s'analyser en une action en responsabilité pour laquelle la prescription n'aurait commencé à courir qu'au moment de la survenance du dommage, soit au moment de la liquidation des droits à la retraite de l'intéressé. Doit donc être cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui fait droit à la demande de dommages-intérêts présentée par l'intéressé en réparation du préjudice subi pour le non-versement de cotisations au régime d'assurance vieillesse au titre de ce contrat de bourse conclu plus de trente ans auparavant


Références :

article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 19 mars 2008

Sur la détermination du point de départ de la prescription d'une action en responsabilité contractuelle dans le contrat de travail, à rapprocher :Soc., 26 avril 2006, pourvoi n° 03-47525, Bull. 2006, V, n° 146 (1) (cassation partiellement sans renvoi)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2009, pourvoi n°08-42261, Bull. civ. 2009, V, n° 148
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 148

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: M. Trédez
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.42261
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