LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Adecco Nouvelle-Calédonie par contrat du 25 février 2003 en qualité d'assistante junior, moyennant le paiement d'un salaire fixe assorti à compter du 1er septembre 2003, d'une commission sur "objectif atteint selon sa capacité à occuper pleinement son poste" ; qu'elle a démissionné par courrier du 24 novembre 2004 reprochant à son employeur le harcèlement dont elle était victime à la suite de l'annonce de sa grossesse et la modification unilatérale de sa rémunération variable ; qu'elle a saisi le tribunal du travail de Nouméa pour solliciter la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution du contrat et de sa rupture ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire, la cour d'appel a retenu que le contrat de travail stipulait que la rémunération comprenait un salaire de base fixe déterminé en son quantum pour un nombre d'heures précis et une partie variable consistant en une commission sur objectif atteint en fonction de la capacité de la salariée à occuper pleinement l'emploi ; que l'octroi d'une commission en fonction des résultats de l'entreprise demeurait donc une faculté pour l'employeur qui pouvait dès lors librement modifier la base de calcul ; qu'au surplus, l'examen des bulletins de salaire de Mme X... ne révèle pas une réduction de sa rémunération après le mois d'avril ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors d'une part que le contrat de travail ne précisait ni les critères ni les modalités de modification de la rémunération variable et faisait dépendre la variation de la rémunération du salarié d'éléments dépendant de la seule volonté de l'employeur et non d'éléments préalablement convenus et, d'autre part, qu'il lui incombait de déterminer le montant de la part variable de la rémunération en fonction des règles convenues pour les années précédentes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles Lp. 122-1 et Lp. 122-33 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;
Attendu que par les motifs ci-dessus rappelés, la cour d'appel a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée s'analysait en une démission et a débouté celle-ci de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur avait réduit, sans l'accord de la salariée, la part variable de sa rémunération et que cette modification unilatérale du contrat de travail lui rendait imputable la rupture, laquelle s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1315 du code civil, ensemble le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue et qu'il incombe à l'employeur qui s'oppose à la demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef de prouver que le salarié n'a pas respecté cette clause ;
Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la salarié relative à la clause de non-concurrence, après avoir constaté la nullité de celle-ci en raison de l'absence de contrepartie financière, l'arrêt retient d'une part que Mme X... n'établit pas qu'après sa démission elle a eu l'opportunité de travailler chez un concurrent de son ex-employeur et qu'elle s'y est refusée en raison de ladite clause et d'autre part qu'elle a exercé des emplois temporaires et surtout a connu une période de grossesse et de congé-maternité dont la durée totale n'est pas précisée de sorte que l'importance du préjudice subi ne peut être déterminé ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d‘appel a violé le principe et les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne la société Adecco Nouvelle-Calédonie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Adecco Nouvelle-Calédonie à payer à Mme X... somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de Madame X... lui était imputable, annulé la clause de non-concurrence prévue au contrat, débouté la salariée de toutes ses demandes en paiement de différentes sommes, notamment pour rupture abusive, commissions dues et insertion d'une clause de non-concurrence et de l'AVOIR condamnée à payer une indemnité de procédure à son employeur ;
AUX MOTIFS QUE Virginie X... estime qu'elle a été incitée à rompre le contrat de travail la liant à la société ADECCO NOUVELLE-CALEDONIE par deux types d'agissements de son employeur, le harcèlement perpétré par sa responsable et la modification unilatérale de la rémunération ; que Virginie X... soutient que l'employeur a appliqué de manière autoritaire l'avenant au contrat qu'il lui a proposé au mois d'avril 2004 et qu'elle a refusé de le signer. Qu'elle en veut pour preuve la réduction de la commission versée en avril 2004 et l'absence de commission versée les mois suivants ; que le contrat de travail signé le 25 février 2003 stipulait que la rémunération comprenait un salaire de base fixe déterminé en son quantum pour un nombre d'heures précis et une partie variable consistant en une commission sur objectif atteint en fonction de la salariée à occuper pleinement l'emploi. L'octroi d'une commission en fonction des résultats de l'entreprise demeurait une faculté pour l'employeur qui pouvait dès lors librement modifier la base de calcul. Au surplus, l'examen des bulletins de salaire de Madame X... ne révèle pas une réduction de sa rémunération après le mois d'avril 2004. Aucun élément nouveau ne vient contredire les calculs effectués dans le jugement déféré démontrant au contraire que la rémunération moyenne de Madame X... é même augmenté après le mois d'avril 2004. Il ne s'évince pas du dossier la preuve de ce que la salariée aurait pu prétendre à une commission d'un montant supérieur ni qu'elle a été victime d'une discrimination salariale puisqu'il ressort des pièces produites que les objectifs à atteindre pour calculer les commissions étaient fixés de manière générale pour l'ensemble du personnel. Dans ces conditions la rupture à l'initiative de Madame X... s' analyse bien en une démission librement décidée par la salariée. La société ADECCO NOUVELLE-CALEDONIE n'est ainsi redevable d'aucune somme du fait du départ volontaire de son employée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE sur le rappel de salaire : les dispositions du contrat de travail signé le 25 février 2003 prévoient le paiement d'un salaire fixe de 160 100 F.CFP les trois premiers mois, de 171 585 F.CFP les trois mois suivants, puis à compter du 1er septembre 2003, d'un «salaire de base qui pourra être modifié et assorti d'une commission sur objectif atteint» lequel sera communiqué mensuellement, trimestriellement ou annuellement ; à titre informatif, il est précisé que pour l'année 2003, l'objectif est fixé à 8 000 000 F.CFP de chiffre d'affaires mensuel avec une marge de 24%. Il en résulte que le salaire garanti contractuellement est le salaire fixe, qui en l'espèce n'est pas inférieur au salaire conventionnel, le contrat ne prévoyant aucun droit à paiement d'une partie variable puisque celle ci n'est qu'une possibilité accordée au surplus en fonction des objectifs précis à réaliser, de sorte qu'une modification de la base de calcul de cette partie variable ne saurait constituer une modification du contrat de Madame X.... Par ailleurs il résulte des bulletins de salaire versés aux débats qu'en octobre 2003, le salaire fixe est resté à la somme de 171 585 F.CFP pour passer, à compter de novembre, à celle de 181 585 F.CFP, auquel une prime de résultat s'ajoutait, d'un montant variable tous les mois, voire disparaissait, tel qu'en janvier, février, et de juillet à octobre 2004 (période postérieure à la prétendue modification du salaire) s'est établi à la somme de 221 172 F.CFP, alors qu'il était de 219 122 F.CFP en moyenne pour la période antérieure (d'octobre 2003 à mars 2004). Enfin, Madame X... ne présente aucun décompte détaillé de sa réclamation ne permettant ainsi aucune vérification de son calcul de la somme réclamée à ce titre. SUR LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL ainsi que cela vient d'être dit, il n'est pas établi que l'employeur aurait modifié de façon unilatérale de contrat de travail de Madame X... en ce qui concerne sa rémunération, le paiement d'une commission n'étant pas contractuellement garanti (jugement p 4 et 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la clause, par laquelle l'employeur se réserve le droit de modifier en tout ou en partie le contrat de travail, est nulle comme contraire aux dispositions de l'article 1134, alinéa 2, du Code civil, le salarié ne pouvant valablement renoncer aux droits qu'il tient de la loi; qu'en l'espèce, après avoir énoncé que le contrat de travail de Madame X... stipulait que la rémunération comprenait un salaire de base fixe et une partie variable consistant en une commission sur objectif atteint en fonction de la salariée à occuper pleinement l'emploi la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 1134 du code civil, juger que l'octroi d'une commission en fonction des résultats de l'entreprise demeurait une faculté pour l'employeur, qui pouvait dès lors librement modifier la base de calcul ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le salarié est libre de refuser la modification de son contrat et plus spécialement des modalités de sa rémunération, peu important que l'employeur soutienne que le nouveau régime ait été plus favorable, car cette rupture lui est alors imputable et équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse; qu'en imputant à la salariée la responsabilité de la rupture du contrat de travail, quand sa démission était consécutive au refus de Madame X... d'accepter la modification de la base de calcul de sa rémunération et au maintien de sa décision unilatérale par l'employeur, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1134 du code civil et L. 122-4, 122-5, L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que, si l'objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le contrat de travail prévoyait une prime de résultat d'un montant variable et que celle-ci avait disparu en janvier, février et de juillet à décembre 2004, la cour d'appel ne pouvait débouter Madame X... de sa demande en rappel de salaire, en affirmant que n'ayant pas présenté de décompte détaillé de sa réclamation aucune vérification de son calcul n'était possible ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a manqué à son office et violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'insertion d'une clause de non concurrence dans son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal a pertinemment rappelé que ladite clause, dont la contrepartie financière est indéterminée, est nulle. Une clause de non concurrence nulle donne lieu au versement d'une indemnisation mais encore faut-il que la juridiction dispose des éléments pour la chiffrer. Or aucune des pièces versées par l'appelante n'établit qu'après sa démission de la société ADECCO NOUVELLE-CALEDONIE elle a eu l'opportunité de travailler chez un concurrent de son exerciceemployeur et qu'elle s'y est refusée en raison de ladite clause. D'après les indications fournies Madame X... a exercé des emplois temporaires et surtout, a connu une période de grossesse et de congé maternité dont la durée totale n'est pas précisée de sorte que l'importance du préjudice subi ne peut être déterminée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts à ce titre (arrêt p 6) ;
ALORS QUE le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue et il incombe à l'employeur, qui s'oppose à la demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef, de prouver que le salarié n'a pas respecté cette clause; que pour rejeter la demande de la salariée en dommages intérêts au titre de la clause de non-concurrence non assortie d'une contrepartie financière contenue dans son contrat de travail, la cour d'appel a retenu que, bien qu'elle ait justifié d'emplois temporaires, Madame X... n'établit pas qu'elle a eu l'opportunité de travailler pour un concurrent ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, ensemble l'article 1315 du Code civil, le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, les articles 1147 du Code civil et L. 120-2 du Code du travail.