La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2009 | FRANCE | N°08-13611

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 2009, 08-13611


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un rapprochement ayant été envisagé entre la société par actions simplifiée X..., ayant pour unique associé la société Vectora, et la société Française de gastronomie (la société FDG), il a notamment été projeté que la société UGMA, filiale intégrale de la société FDG, fasse apport des éléments incorporels de son fonds de commerce à la société X... ; qu'à cette fin, la société FDG a confié à la société In Extenso audit (la société IEA) une miss

ion d'audit de la société X... ; qu'une ordonnance du président du tribunal de commerce a ul...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un rapprochement ayant été envisagé entre la société par actions simplifiée X..., ayant pour unique associé la société Vectora, et la société Française de gastronomie (la société FDG), il a notamment été projeté que la société UGMA, filiale intégrale de la société FDG, fasse apport des éléments incorporels de son fonds de commerce à la société X... ; qu'à cette fin, la société FDG a confié à la société In Extenso audit (la société IEA) une mission d'audit de la société X... ; qu'une ordonnance du président du tribunal de commerce a ultérieurement désigné cette même société IEA en qualité de commissaire aux apports chargé d'apprécier la valeur de l'apport en nature fait par la société UGMA à la société X... ; que le traité d'apport conclu le 14 décembre 2004 entre ces deux sociétés a attribué à l'apport une valeur dont la société IEA a estimé, dans son rapport du 22 décembre 2004, qu'elle n'était pas surestimée ; que le 30 décembre 2004, la société Vectora, statuant au vu de ce rapport en tant qu'unique associé de la société X..., a approuvé les opérations d'apport ainsi que l'augmentation du capital et les modifications statutaires en résultant ; que la société Vectora, soutenant que la société IEA n'était pas indépendante de la société FDG, a fait assigner cette dernière ainsi que les sociétés X... et IEA, demandant notamment l'annulation des délibérations du 30 décembre 2004 ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 225-147 et L. 225-149-1 du code de commerce, ensemble des articles L. 822-10 et L. 822-11 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les fonctions de commissaire aux apports sont, à peine de nullité des délibérations prises au vu de son rapport, incompatibles avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance à l'égard de l'une des parties à l'opération d'apport ou d'une personne qui la contrôle ou qu'elle contrôle ; qu'il en est ainsi lorsque le commissaire aux apports a, avant sa désignation, accompli, pour le compte de la société qui contrôle la société apporteuse, une mission relative à la situation et aux résultats de la société bénéficiaire de l'apport ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Vectora, l'arrêt retient que la société IEA se trouvait dans une situation d'indépendance totale, au sens des règles applicables à la profession, lorsqu'elle a accepté sa mission de commissaire aux apports, dès lors que la mission qui lui avait été confiée par la société FDG avait un objet très limité, qui consistait exclusivement à mettre en évidence les éléments susceptibles d'affecter le montant des capitaux propres et du résultat de la société X... arrêtés au 31 décembre 2003 et ne portait donc pas sur la valeur du fonds de commerce de la société UGMA, que cette mission était ponctuelle et achevée au moment de l'acceptation par la société IEA de la mission de commissaire aux apports relative à l'appréciation de la valeur du fonds de commerce de la société UGMA et que, dans le cadre de sa mission de commissaire aux apports, la société IEA n'avait pas été conduite à se prononcer sur une évaluation ou un montage financier qu'elle aurait elle-même réalisé dans le cadre de sa mission accomplie précédemment pour le compte de la société FDG ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la cinquième branche du moyen :

Vu les articles L. 225-147 et L. 225-149-1 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève encore que la société Vectora a été elle-même à l'origine de la désignation de la société IEA en qualité de commissaire aux apports, à une époque où elle avait parfaitement connaissance de la mission que cette société avait précédemment réalisée pour la société FDG, et qu'elle est donc mal venue à critiquer aujourd'hui un choix qu'elle a elle-même fait hier en toute connaissance de cause ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le défaut d'indépendance du commissaire aux apports étant sanctionné par une nullité d'ordre public qui n'a pas pour seul objet la protection de la société bénéficiaire de l'apport ou de ses associés, il importait peu que la société Vectora eût elle-même demandé en connaissance de cause la désignation de la société IEA, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à l'annulation des délibérations de l'associé unique de la société X... du 30 décembre 2004, l'arrêt rendu le 5 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés pour moitié par les sociétés In Extenso audit et Française de gastronomie ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés In Extenso audit et Française de gastronomie et les condamne chacune à payer à la société Vectora la somme de 1 250 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP GASCHIGNARD, avocat aux Conseils pour la société Vectora

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société VECTORA de ses demandes tendant à ce que soient annulées les délibérations de l'associée unique de la SAS X... en date du 30 décembre, constaté la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004, annulées les 38.575 actions X... émises en contrepartie de l'apport du fonds de commerce UGMA ainsi que la réduction de capital de la société X... à hauteur de 586.668 et de ses réserves à hauteur de 213.333 ,

AUX MOTIFS QUE VECTORA prétend qu'IEA ne devait pas accepter la mission de commissaire aux apports, n'étant pas « indépendante de FDG et de sa filiale UGMA », pour avoir réalisé quelques mois auparavant une mission de procédures convenues portant sur la société X... pour le compte de FDG ; que, cependant, cette mission n'a pas été effectuée à la requête de FDG et d'UGMA, mais à l'unique demande de la société FDG ; qu'au regard des règles d'indépendance applicables aux commissaires aux apports à l'époque des faits, aucune situation d'incompatibilité n'est caractérisée à l'encontre d'IEA dans le cadre de sa mission de commissaire aux apports ; qu'un commissaire aux apports ne peut accepter la mission qui lui est confiée que si son indépendance à l'égard des parties pour lesquelles il accomplit cette mission est certaine ; que les articles 7 et suivants du code de déontologie en vigueur à l'époque des faits précisent les situations interdites ou celles qui permettent de présumer d'un lien de dépendance ; qu'aucune de ces dispositions n'érige d'interdiction relative à des situations professionnelles passées, de surcroît avec des tiers à l'entité contrôlée ; qu'une mission ponctuelle et révolue telle que décrite ci-dessus ne peut entraîner une situation de dépendance pour l'avenir que dans l'hypothèse où un commissaire aux comptes accepterait une nouvelle mission dans le cadre de laquelle il serait amené à se prononcer sur des évaluations ou des montages financiers qu'il aurait lui-même établis ; que seul ce risque d'avoir à porter une appréciation sur des travaux auxquels il se serait lui-même livré par le passé est donc de nature à constituer un frein à l'indépendance du commissaire aux comptes ; qu'en dehors de cette hypothèse, et dans la mesure où la mission accomplie antérieurement est terminée et où, par conséquent, le commissaire aux comptes n'est plus dépendant financièrement vis-à-vis de l'entité pour laquelle il a réalisé cette mission, au sens où il ne perçoit plus de rémunération de celle-ci, un tel lien professionnel antérieur ne saurait faire l'obstacle à l'acceptation d'une nouvelle mission pour le compte de cette entité ; qu'en l'espèce, il est reproché à IEA d'avoir accepté une mission de commissaire aux comptes, consistant à évaluer la valeur de l'apport par UGMA à X... d'un fonds de commerce, alors qu'IEA aurait réalisé plusieurs mois auparavant une mission de procédures convenues, pour le compte de la société mère d'UGMA, à savoir FDG, cette mission portant sur les comptes sociaux de X... ; que ce reproche est infondé au regard des principes ci-dessus rappelés, dès lors que : 1° - la mission de procédures convenues a été accomplie par IN EXTENSO STRASBOURG pour le compte de FDG, alors que dans le cadre de sa mission ultérieure de commissaire aux apports, IEA a été mandatée à la demande de X... ; 2° - la mission de procédures convenues avait un objet très limité, qui consistait exclusivement à mettre en évidence les éléments susceptibles d'affecter le montant des capitaux propres et du résultat arrêtés au 31 décembre 2003 de X..., et ne portait donc pas sur la valeur du fonds de commerce d'UGMA ; 3° - cette mission, accomplie par IN EXTENSO STRASBOURG pour le compte de FDG, était ponctuelle et achevée au moment de l'acceptation, par IEA, de la mission de commissaire aux apports réalisée pour le compte de X..., et relative à l'appréciation de la valeur du fonds de commerce de la société UGMA ; qu'IEA se trouvait, par conséquent, dans une situation d'indépendance totale, au sens des normes et règles applicables à la profession, lorsqu'elle a accepté sa mission de commissaire aux apports ;
qu'est inopérante la critique de VECTORA faite aujourd'hui à l'égard d'IEA d'avoir accepté cette mission de commissaire aux apports, alors que c'est elle-même qui est à l'origine de cette désignation, à une époque où elle avait parfaitement connaissance de la mission de procédures convenues qu'IN EXTENSO STRASBOURG avait précédemment réalisé sur X... ; que VECTORA, représentée par ce même Michel X... dans le cadre de la présente instance est donc mal venue de venir critiquer aujourd'hui un choix qu'il a lui-même fait hier, et ce en toute connaissance de cause ;

1° ALORS QUE les fonctions de commissaire aux apports sont incompatibles avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance et son impartialité à l'égard de la personne proposant un apport ; qu'en particulier, ne saurait accepter une mission de commissaire aux apports, aux fins d'apprécier la valeur d'un apport effectué par une société, le professionnel de la comptabilité qui vient d'effectuer, pour le compte de la société mère de la société apportante, une mission destinée à apprécier la valeur des titres émis en contrepartie de cet apport ; qu'en retenant que la société IN EXTENSO AUDIT, qui venait, pour le compte de la société FRANCAISE DE GASTRONOMIE, d'auditer les comptes de la société X... pour apprécier la valeur des titres susceptibles d'être émis en contrepartie de l'apport à effectuer, pouvait licitement être désigné commissaire aux apports afin d'éclairer les associés de la société X... sur la valeur des biens apportés en contrepartie de l'émission de ces titres par la société UGMA, filiale à 100% de la société FRANCAISE DE GASTRONOMIE, la cour d'appel a violé les articles L. 225-147, L. 225-149-1, L. 820-1, L. 822-10 et L. 822-11 du Code de commerce dans leur rédaction applicable à la date du litige ;

2 ALORS de surcroît QU'en s'abstenant de rechercher si les liens de la société IN EXTENSO AUDIT avec la société FRANCAISE DE GASTRONOMIE, maison mère de la société apportante, ne pouvaient pas être déduits, non seulement de la mission d'audit effectuée pour son compte à l'occasion de son entrée au capital de la société X..., mais également de la circonstance que ce cabinet comptable avait été nommé six mois plus tard commissaire aux comptes de la société FRANCAISE DE GASTRONOMIE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 820-1, L. 822-10 et L. 822-11 du Code de commerce dans leur rédaction applicable à la date du litige ;

3° ALORS QUE le seul document versé aux débats et attestant de la réalisation d'une mission par la société IN EXTENSO AUDIT pour le compte de la société FRANCAISE DE GASTRONOMIE était un « projet de rapport » en date du 30 septembre 2004 ; que la société X... soutenait qu'il n'était pas établi que cette mission ait été achevée et payée lorsque la société IN EXTENSO AUDIT a été désigné commissaire aux apports, le 25 octobre 2004, et a accepté cette mission ; qu'en affirmant que cette mission de procédures était « achevée » et « révolue » lorsque la société IN EXTENSO AUDIT a accepté sa mission de commissaire aux apports, de telle sorte que la société IN EXTENSO n'avait plus à attendre de rémunération de la société FRANCAISE DE GASTRONOMIE, sans préciser d'où elle pouvait tirer ces conclusions, la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4° ALORS QUE les incompatibilités qui frappent les commissaires les concernent en tant que personnes physiques, quelle que soit la société par l'intermédiaire de laquelle ils exercent, et s'étendent aux réseaux auxquels ils appartiennent ; qu'en prétendant déduire l'inexistence d'une incompatibilité du fait que la société FRANCAISE DE GESTION avait confié une mission à la société IN EXTENSO AUDIT STRASBOURG cependant que la mission de commissaire aux apports avait été confiée à la société IN EXTENSO AUDIT, cependant qu'il n'était contesté, ni que les deux missions avaient été exercées par Monsieur Claude Y... ni que les sociétés IN EXTENSO AUDIT et IN EXTENSO AUDIT STRASBOURG appartenaient au même réseau, la cour d'appel a violé les articles L. 820-1, L. 822-10 et L. 822-11 du Code de commerce dans leur rédaction applicable à la date du litige ;

5° ALORS QUE la nullité des délibérations adoptées suite à la désignation illicite d'un commissaire aux apports est une nullité d'ordre public ; qu'en retenant que la société X... développerait, quant à la désignation de la société IN EXTENSO AUDIT, une critique « inopérante » dès lors qu'elle avait elle-même demandé cette désignation, la cour d'appel a violé les articles L. 225-147, L. 225-149-1 du Code de commerce dans leur rédaction applicable à la date du litige.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-13611
Date de la décision : 26/05/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 05 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 2009, pourvoi n°08-13611


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Gaschignard, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.13611
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award