LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Gaston X... et Odette Y... se sont mariés en 1930, en l'état d'un contrat de mariage en date du 18 juin 1930 portant adoption du régime de la communauté réduite aux acquêts et stipulant une clause selon laquelle, à la dissolution de la communauté, le survivant des époux aura, dans les trois mois suivant la clôture de l'inventaire, la faculté de conserver pour son compte personnel tout établissement de commerce ou d'industrie exploité pendant le mariage ; que Gaston X... est décédé le 27 octobre 1949 ; que par acte authentique du 24 octobre 1966, Odette Y..., veuve X..., a fait donation à son fils Alain " par préciput et hors part et par suite avec dispense de rapport à la succession " d'un fonds de commerce de quincaillerie ; que par testament olographe du 15 avril 1998, elle a pris des dispositions pour le partage de ses biens entre ses trois enfants, Mme Micheline X..., épouse Z..., M. Alain X... et Mme Annick X... ; qu'elle est décédée le 10 avril 2002 ; que M. Alain X... a fait assigner ses soeurs en liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux X...- Y... et de leurs successions ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Annick X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 26 juin 2007) d'avoir refusé de condamner les autres héritiers X... au paiement d'une indemnité en raison de l'apposition de scellés et de l'impossibilité où elle s'est trouvée de jouir de l'immeuble qui lui était légué et où elle avait fixé son domicile ;
Attendu qu'ayant retenu que l'apposition des scellés sur l'immeuble, opérée à l'initiative de M. Alain X..., était justifiée par les contestations émises par celui-ci et Mme Z... à l'encontre des dispositions testamentaires d'Odette Y..., qui se sont révélées partiellement fondées, et fait ressortir que le retard dans la levée des scellés ne leur était pas imputable, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu retenir que ceux-ci n'avaient commis aucune faute dans l'exercice de leur droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Annick X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé, par confirmation du jugement, que les bijoux faisaient partie de la communauté et devaient être partagés entre les héritiers ;
Attendu qu'ayant fait ressortir que Mme Annick X..., qui soutenait que les bijoux qui lui avaient été légués par sa mère étaient présumés être des biens propres, quand les autres héritiers prétendaient qu'il s'agissait de biens communs, ne précisait ni lesquels présentaient un caractère personnel, ni ceux qu'Odette Y... aurait acquis par elle-même, précisions qui n'apparaissaient pas sur le testament, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire qu'ils ne constituaient pas des biens propres ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé en ses deux autres ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Annick X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a constaté que la donation au profit de Monsieur Alain X... suivant acte notarié en date du 24 octobre 1966 portant sur le fonds de commerce de quincaillerie exploité ... à VILLEDIEU LES POELES avait été effectué par préciput et hors part et par suite avec dispense de rapport et dit cependant que lors de la liquidation des successions, les notaires devront tenir compte de la valeur de ce fonds, conformément aux dispositions du contrat de mariage des époux X...- Y... ;
AUX MOTIFS QU'« Il est constant que ce fonds était commun aux époux X...- Y..., dont le contrat de mariage comprenait la clause suivante : Si lors de la dissolution de la communauté les futurs époux ou l'un d'eux exploitent un établissement de commerce ou d'industrie, le survivant des époux aura le droit de conserver pour son compte personnel ledit établissement, à charge de tenir compte de la valeur dudit établissement et de ses accessoires, d'après la prisée qui en sera faite alors dans l'inventaire par deux experts choisis par les parties ;
Le survivant imputera la valeur desdits droits ou établissements ainsi conservés sur sa part dans la communauté et s'il y a lieu dans la succession de l'époux décédé et il aura pour s'acquitter de la somme qu'il pourrait encore devoir après cette imputation le délai de 3 ans à compter du jour du décès du prémourant, mais seulement pour la somme dont il n'aurait pas l'usufruit ;
Ces paiements auront lieu par tiers chaque année et lesdites sommes seront de plein droit productives, à compter du jour du décès du prémourant, d'intérêts au taux légal payables par semestre ;
Le survivant sera tenu de déclarer dans les trois mois qui suivront la clôture de l'inventaire ou de l'estimation s'il entend user des droits qui viennent de lui être réservés " ; que par ailleurs, il résulte de l'acte en date du 24 octobre 1966, par lequel Odette Y... veuve X... a fait donation de ce fonds, " par préciput et hors part et par suite avec dispense de rapport à sa succession ", à son fils Alain, qu'usant de la faculté que lui réservait son contrat de mariage, celle-ci a déclaré, lors de la 1re séance de l'inventaire dressé après le décès de son mari par Me D...- Notaire à VILLEDIEU LES POELES-, soit le 6 mars 1950, vouloir opter pour la conservation de ce fonds pour le montant de son estimation faite lors de cette séance, soit la somme de 1 872 580 F (anciens), dont 1 100 000 F au titre des éléments incorporels qu'Odette Y... s'est, en cet acte du 24 octobre 1966, engagée à régler, le jour où le partage de la communauté interviendra, toute somme qu'elle pourrait devoir pour la conservation du dit fonds ; que les formalités de publicité concernant l'option ont été effectuées ; qu'il s'en déduit, étant observé au surplus que la déclaration de la succession de Gaston X... a été établie en fonction dudit inventaire, qu'à défaut d'élément contraire aux énonciations de l'acte de donation du 24 octobre 1966, alors en particulier que l'inventaire qu'il vise pouvait être aisément obtenu du successeur de Me D... susnommé, qu'à défaut en outre pour Annick X... de démontrer que l'exercice dudit droit d'option était conditionné par le règlement tel que convenu des sommes dues au titre de la conservation du fonds que les prétentions de cette dernière sont infondées dans leur ensemble, étant précisé enfin qu'Alain X... est titulaire d'un bail sur l'immeuble où ce fonds est exploité, selon les termes d'un acte notarié en date du 14 novembre 1966 » ; (arrêt p. 3 à 6) ;
ALORS QUE, premièrement, la preuve de l'existence d'un acte juridique ayant un objet supérieur à 1 500 suppose un écrit ; qu'en application du contrat de mariage, l'option exercée par le conjoint survivant devait l'être dans le délai de trois mois suivant l'inventaire ; qu'en l'espèce, Monsieur X... étant décédé en 1949, l'inventaire a été dressé en 1950 ; qu'en faisant état d'une manifestation de volonté, constatée par un acte du 24 octobre 1966 intervenu au-delà du délai de trois mois, les juges du fond ont violé les articles 1134, 1341 et 1394, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 juillet 1965, du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, a supposer que les juge du fond aient retenu l'acte du 24 octobre 1966 comme constitutif d'un commencement de preuve par écrit, comme rendant vraisemblable une levée d'option dans le délai de trois mois qui suit l'inventaire ; en tout état de cause, les juges du fond n'ont pas fait état d'éléments complémentaires corroborant le commencement de preuve par écrit ; qu'à cet égard, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard des articles 1341 et 1347 du Code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, s'agissant des actes juridiques, « nul ne peut se constituer une preuve à lui-même » ; qu'à supposer que l'acte du 24 octobre 1966 ait été retenu, à titre de preuve d'un acte antérieur, de toute façon il était exclu que Madame Y... puisse faire la preuve d'un acte antérieur portant levée de l'option sur la base d'une déclaration postérieure et unilatérale de sa part ; que de ce point de vue l'arrêt a été rendu en violation du principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à lui-même » ;
ALORS QUE, quatrièmement, l'effet de la levée de l'option était expressément subordonnée, aux termes du contrat de mariage, au règlement des sommes nécessaires à la conservation du fonds de commerce ; qu'en énonçant que Madame Annick X... ne rapportait pas la preuve de cette exigence, sans se reporter aux stipulations du contrat de mariage et vérifier si les stipulations du contrat de mariage n'impliquaient pas ce paiement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 et 1394, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 juillet 1965, du Code civil. ;
ET ALORS QUE, cinquièmement, si les premiers juges ont cru devoir énoncer : « usant de cette faculté, Madame veuve X... née Y... a déclaré dans la première séance de l'inventaire vouloir opter pour la conservation du fonds de commerce présentement donné », en réalité, comme Madame Annick X... l'a souligné dans ses conclusions d'appel, cet inventaire n'a jamais été produit (conclusions du 14 mars 2007, p. 6, § 2) ; que les motifs du jugement ne peuvent donc être invoqués pour justifier la solution retenue dès lors que les juges du second degré ne se sont pas prononcés sur la production de l'inventaire ; que de ce point de vue, l'arrêt est dépourvu de base légale au regard des articles 1134, 1341 et 1394, tel qu'existant antérieurement à la loi du 13 juillet 1965, du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a refusé de condamner les autres héritiers X... au paiement d'une indemnité envers Madame Annick X..., à raison de l'apposition de scellés et dans l'impossibilité où elle s'est trouvée de jouir de l'immeuble qui lui était légué et où elle avait fixé son domicile ;
AUX MOTIFS QU'« Il résulte de l'acte en date du 17 novembre 1965 que Madame Odette Y... a entièrement payé comptant le prix d'acquisition de l'immeuble de la rue... à VILLEDIEUX LES POELES ; qu'il n'est pas contesté que Madame Y... disposait de revenus propres ; qu'en l'absence d'autres moyens, le legs de l'immeuble du... sera validé sauf à constater la créance des héritiers de Monsieur X... ; que pour autant la demande d'Annick X... que ses frère et soeur soient condamnés à lui payer une indemnité de 400 par mois à compter du décès de son auteur et jusqu'au 17 décembre 2003, ce pour l'avoir empêchée de jouir de ce bien, ne peut prospérer ; que s'il est constant, en effet, que des scellés ont été apposés sur l'immeuble le 10 mai 2002, à l'initiative d'Alain qui tenait pour contestables certaines des dispositions testamentaires de sa mère, il l'est non moins que la résistance d'Annick à la réalisation d'un inventaire, outre ses errements procéduraux, ont grandement retardé le consentement de ses frère et soeur à la laisser jouir de l'immeuble » ;
ALORS QUE, premièrement, avant de rejeter la demande de Madame Annick X..., les juges du fond devaient rechercher, dès lors que l'apposition des scellés était motivée par les contestations élevées par les autres héritiers, si ces contestations étaient ou non abusives ; que faute d'avoir recherché si tel était le cas, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, à supposer même qu'une faute ait pu être imputée à Madame Annick X..., de toute façon, dès lors qu'elle n'avait pas le caractère de la force majeure, cette faute ne pouvait exclure une réparation, fût-elle partielle ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1382 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé, par confirmation du jugement, que les bijoux faisaient partie de la communauté et devaient être partagés entre les héritiers ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant des bijoux, l'appelante soutient qu'ils sont présumés être des biens propres ; que cependant Odette Y... distingue elle-même dans son testament ses bijoux « personnels », mais sans les spécifier, de « tous les bijoux en or » ; qu'à défaut d'élément contraire, ces bijoux se trouvaient ensemble dans un coffre au CREDIT AGRICOLE de VILLEDIEU LES POELES, commun entre la défunte et sa fille Annick et il résulte de leur inventaire qu'ils sont d'origines diverses » (arrêt p. 6, § 1 à 3) ;
ALORS QUE, premièrement, à supposer que les bijoux de Madame Y... et les bijoux de Madame X..., sa fille, aient été confondus, dans un seul coffre, cette circonstance était impropre à justifier le rejet de la demande de Madame X... tendant à se faire attribuer sur le fondement du legs dont elle bénéficiait, les bijoux de sa mère ; que l'arrêt souffre d'un défaut de base légale au regard des articles 1002 et 1010 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, à supposer qu'une incertitude ait existé à raison de la distinction faite par Madame Y..., dans son testament, entre ses bijoux personnels et les bijoux en or, les juges du fond ne pouvaient rejeter la demande de Madame Annick Y... sans avoir au préalable mis en oeuvre leur devoir d'interprétation ; que faute de se faire, l'arrêt a été rendu en violation de l'article 4 du Code civil, ensemble des articles 1002 et 1010 du même Code ;
ALORS QUE, troisièmement, Madame Annick X... étant légataire des bijoux détenus par Madame Y..., il appartenait aux autres héritiers d'invoquer l'inopposabilité partielle du legs en tant qu'il était susceptible de porter sur des biens indivis et de démontrer, comme ayant la charge de la preuve, qu'il portait effectivement sur des biens de cette nature ; que faute d'avoir constaté que la preuve était rapportée par les autres héritiers de ce que, au moins pour partie, le legs portait sur des biens indivis, les juges du fond ont violé les articles 815-3 ancien du Code civil, 1002 et 1010 du même Code.