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19/05/2009 | FRANCE | N°08-84261

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mai 2009, 08-84261


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L' AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2008, qui, dans la procédure suivie contre Joël X... du chef, notamment, de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 31

de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, 65 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L' AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2008, qui, dans la procédure suivie contre Joël X... du chef, notamment, de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée et 1382 du code civil ;

"en ce que l'arrêt attaqué a limité la condamnation de Joël X... - opposable à la Macif - au profit de l'agent judiciaire du Trésor à la somme de 412 312,58 euros en remboursement de ses débours ;

"aux motifs que, sur les demandes de l'Etat représenté par l'agent judiciaire du Trésor en qualité de subrogé dans les droits de la victime, l'article 31 modifié de la loi du 5 juillet 1985 précitée dispose : « les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. » ; que l'agent judiciaire du Trésor est indiscutablement bien fondé à obtenir les sommes de 200 070,04 euros et 126 590,13 euros correspondant respectivement aux dépenses de santé et aux salaires versés pendant l'incapacité temporaire totale, qui ont complètement indemnisé la victime de ces chefs de préjudice ; qu'il entend, en outre, obtenir le remboursement de la somme de 84 127,79 euros correspondant au capital représentatif de l'allocation d'invalidité, dont il soutient qu'elle a dédommagé la victime de son déficit fonctionnel permanent ; qu'il fait valoir que cette prestation, compatible avec l'exercice de l'emploi occupé, compense un déficit fonctionnel et non une perte de revenus ; qu'implicitement, dans ses conclusions, et expressément, dans sa plaidoirie, le conseil de Philippe Y... s'oppose à l'imputation de cette prestation sur les postes de préjudices personnels ; que, de par son mode de fixation, l'allocation d'invalidité est de nature à compenser, en premier lieu, la réduction de la capacité de travail de la victime et, en second lieu, le déficit fonctionnel subjectif ; qu'ainsi, elle est destinée à indemniser la victime de l'incidence professionnelle du déficit fonctionnel susvisé ; qu'il s'ensuit que l'agent judiciaire du Trésor se verra attribuer la somme de 25 907,36 euros ; qu'au reste, l'agent judiciaire du Trésor n'établit pas que le capital représentatif de la pension d'invalidité a indemnisé effectivement et préalablement la victime, de manière incontestable, de son préjudice fonctionnel subjectif ; qu'en conséquence, son recours ne pourra s'exercer sur ce poste de préjudice personnel ;

"alors que l'allocation temporaire d'invalidité (ATI), calculée sur une base forfaitaire et cumulable avec le traitement, est destinée à compenser un déficit fonctionnel existant du fait de la présence de séquelles de l'accident ; d'où il résulte qu'en excluant le recours de l'Etat, tiers payeur, au titre de l'ATI sur le poste « déficit fonctionnel permanent», dont elle a alloué l'indemnisation à la victime en raison de son caractère personnel, alors pourtant que le tiers payeur justifiait avoir versé à la victime une allocation temporaire d'invalidité, ayant précisément pour objet d'indemniser ce chef de préjudice personnel, la cour d'appel a accordé une double indemnisation à la victime bénéficiaire de cette allocation" ;

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 et le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Philippe Y..., fonctionnaire de police, a été victime, le 10 janvier 2001, à l'âge de 42 ans, d'un accident de la circulation, constituant un accident de service, dont Joël X..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré seul responsable ; que, consolidé le 21 mars 2005, il reste atteint d'un déficit fonctionnel, évalué à 40 % par l'expert judiciaire chargé de l'examiner ;

Attendu que, par jugement du 12 décembre 2006, le tribunal, après avoir évalué la part d'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime à 464 295,52 euros et la part d'indemnité de caractère personnel à 33 000 euros, a condamné Joël X... à payer, d'une part, à l'agent judiciaire du Trésor, la somme de 418 143 euros, comprenant notamment le capital représentatif, fixé à 84 127,79 euros, d'une allocation temporaire d'invalidité concédée le 26 septembre 2005 au taux de 37 %, d'autre part, à la partie civile, 63 907, 52 euros de dommages-intérêts après déduction de la créance du tiers payeur et d'une provision de 15 244,90 euros ; que la partie civile et l'assureur du prévenu ont interjeté appel du jugement ; que l'agent judiciaire du Trésor a soutenu devant la cour d'appel que le capital représentatif de l'allocation temporaire d'invalidité concédée à l'agent de l'Etat devait s'imputer sur le poste du déficit fonctionnel permanent des préjudices à caractère personnel évalué à 75 000 euros par le premier juge ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 25 907,36 euros, retenue au titre de l'incidence professionnelle du dommage corporel, la somme à laquelle l'Etat peut prétendre en remboursement de l'allocation temporaire d'invalidité, et refuser d'en imputer le reliquat sur l'un des postes du préjudice personnel, porté à 131 500 euros, l'arrêt énonce que l'agent judiciaire du Trésor n'établit pas que cette prestation ait été effectivement et préalablement versée à la victime et ait indemnisé de manière incontestable son déficit fonctionnel permanent ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans la mesure où son montant excède celui des pertes de revenus et l'incidence professionnelle, l'allocation temporaire d'invalidité servie en application du décret du 6 octobre 1960 répare nécessairement, en tout ou en partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet tant entre l'agent judiciaire du Trésor, demandeur au pourvoi, et la victime, qu'entre celle-ci et l'assuré ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 7 avril 2008, en ses seules dispositions concernant la réparation du dommage de Philippe Y... et le recours de l'agent judiciaire du Trésor, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT que la cassation produira effet dans les rapports tant entre l'agent judiciaire du Trésor, demandeur au pourvoi, et la victime, qu'entre celle-ci et l'assuré ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de l'agent judiciaire du Trésor, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Agostini, MM. Chaumont, Delbano, Mme Harel-Dutirou conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Bocon-Gibod ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-84261
Date de la décision : 19/05/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 07 avril 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 mai. 2009, pourvoi n°08-84261


Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier (président)
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.84261
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