LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X... et à Mme Y... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés A et P services, Vandenabeele et ABC Côte d'Opale déménagements ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les consorts X..., ayant été expulsés de leur logement, ont demandé à Mme Z..., propriétaire du local et bénéficiaire de la mesure d'expulsion, et à M. A..., huissier de justice instrumentaire, une indemnisation des préjudices causés lors de l'exécution de la mesure ; qu'ils ont également demandé la restitution d'une somme versée à Mme Z... lors de la reprise de leur mobilier ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 514 du code de procédure civile et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X... tendant à la condamnation de Mme Z..., l'arrêt énonce notamment que celle-ci n'est pas intervenue fautivement dans l'exécution de la mesure d'expulsion et que le litige relatif au versement d'une certaine somme pour la reprise du mobilier ne relève pas de l'examen du juge de l'exécution mais de la juridiction de droit commun ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution provisoire d'une décision frappée d'appel a lieu aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer les conséquences dommageables, sans qu'il soit nécessaire d'établir une faute à son égard et alors que le juge de l'exécution connaît des contestations qui s'élèvent à l'occasion de la mise en oeuvre d'une procédure d'expulsion, y compris de celles tendant à une répétition de l'indu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu les articles 1382 du code civil et 201 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
Attendu que, pour débouter les consorts X... de leur demande, l'arrêt retient qu'ils n'apportent aucune preuve de ce que la SCP A... avait commis une faute, que le fait que celle-ci ait répertorié dans son inventaire moins d'objets que n'en n'a compté ensuite un autre huissier était sans lien de causalité avec le préjudice allégué, et qu'ils n'expliquent pas pour quel motif, alors qu'il se savaient sous le coup d'une mesure d'expulsion, les consorts X... ont choisi une destination de vacances éloignée en Andorre et en Espagne ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'inventaire était incomplet, sans vérifier s'il ne résultait pas du procès-verbal de M. B..., huissier de justice commis par les consorts X... lors de la reprise de leurs biens, que les conditions d'inventaire des objets par la SCP A... et l'organisation de leur transport permettaient d'établir un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la SCP A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP A..., la condamne à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour les consorts X... et Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Michel X... et Brigitte Y..., pris tant en leur nom personnel qu'ès qualités d'administrateurs légaux de leur fille Manuella X..., non fondés en leur demande tendant à la condamnation de Madame Valérie Z... à leur payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'expulsion du 22 août 2002 et de la saisie-attribution du 28 mai 2002 ;
AUX MOTIFS QUE les consorts X... demandent la condamnation de la SCP Jean-Yves A... et de Valérie Z... in solidum à leur verser 1) une somme de 8.795,22 en dédommagement des frais que leur a occasionnés la mesure d'expulsion, laquelle est, selon eux, entachée de nullité et d'illégalité ; 2) une indemnité de 282.487,62 en réparation des dégradations, des pertes et de la dépréciation subies par leur mobilier à la suite de son enlèvement ; 3) les sommes de 50.000 de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral et de 14.480,01 en restitution du versement qu'ils ont dû effectuer au profit de Valérie Z... pour obtenir d'être remis en possession de leurs meubles ; qu'ils réitèrent devant la cour, relativement à la saisie attribution diligentée par Valérie Z..., les prétentions précédemment soumises au premier juge (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le juge des référés, dans son ordonnance du 19 mars 2002, a constaté que Michel X... n'avait ni droit ni titre à l'occupation de la maison de Thumeries, et dit qu'il en serait par conséquent « expulsé ainsi que tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique et que tous les meubles meublants et objets garnissant les lieux lui appartenant seront entreposés, aux frais de l'expulsé, dans le garde-meubles choisi par l'huissier de justice » (...) ; que l'ordonnance de référé du 19 mars 2002, exécutoire par provision, suffisait à fonder la mesure d'expulsion ; que la circonstance que l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 novembre 2003 ait infirmé cette première décision est indifférente à la licéité de la procédure d'exécution forcée ; (...) qu'il n'apparaît pas que Valérie Z... soit intervenue fautivement dans l'exécution de la mesure d'expulsion ; qu'elle n'a donc pas à répondre des dommages matériels et, par extension, du trouble moral invoqués par les consorts X.../Y... ; qu'à défaut d'un vice entachant la validité ou la licéité des opérations d'expulsion, elle ne saurait non plus être redevable de ces chefs des remboursements de frais et des dédommagements réclamés par ses adversaires ; (...) que l'arrêt de la cour d'appel réformant un jugement de condamnation constitue par lui-même un titre exécutoire suffisant pour justifier la demande de restitution des éventuelles sommes qui auraient pu être versées sur le fondement de la décision exécutoire du premier juge, même si le dispositif de l'arrêt ne mentionne pas expressément l'obligation de restituer ; qu'il convient en conséquence, comme l'a fait le juge de l'exécution, de renvoyer les consorts X.../Y... à poursuivre, dans la mesure où ils l'estimeront utile, l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 novembre 2003 ayant rejeté l'ensemble des demandes de Valérie Z... auxquelles l'ordonnance du 19 mars 2002, qui servait de titre à la saisie-attribution, avait primitivement fait droit ; que Michel X... verse aux débats le relevé de son compte ouvert en l'étude de son notaire, la SCP Delpierre/Delattre et autres de Lille, qui mentionne un « disponible sur acompte » de 14.480,01 débité au profit de Valérie Z... le 8 octobre 2002 ; qu'en l'absence d'un compte de frais et indemnités à solder entre ces deux parties qui procèderait de l'irrégularité ou de l'annulation de la mesure d'expulsion, la répétition de la somme de 14.480,01, quand bien même le déboursement de celle-ci a été le préalable à la reprise de leur mobilier par les consorts X.../Y..., ne relève pas de l'examen du juge de l'exécution mais de l'appréciation de la juridiction de droit commun ; que les consorts X.../Y... doivent donc être déboutés de la totalité de leurs demandes formées contre Valérie Z... ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le juge de l'exécution connaît des contestations qui s'élèvent à l'occasion de la mise en oeuvre d'une procédure d'expulsion, y compris de celles tendant à une répétition de l'indu ; qu'en déboutant néanmoins les consorts X.../Y... de leur demande en répétition des sommes versées à Madame Z... pour la reprise de leur mobilier à la suite de l'expulsion litigieuse, au motif que cette demande relevait de l'appréciation de la juridiction de droit commun, la cour d'appel a violé l'article L.311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire, en sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, à l'occasion de la mise en oeuvre d'une procédure d'expulsion, le juge de l'exécution peut connaître d'une action en responsabilité exercée par la partie expulsée à l'encontre du bénéficiaire de la mesure d'expulsion ; qu'en déboutant néanmoins les consorts X.../Y... de leur action en responsabilité à l'encontre de Madame Z..., la cour d'appel a violé l'article L.311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire, en sa rédaction applicable à l'espèce ;
ALORS QUE, ENFIN, l'exécution provisoire d'une décision frappée d'appel n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer les conséquences dommageables, sans qu'il soit nécessaire d'établir une faute à son égard ; que Madame Z... a fait exécuter l'ordonnance de référé du 19 mars 2002, qui était frappée d'appel, pour faire expulser les consorts X.../Y... et faire pratiquer à leur encontre une saisie attribution ; que cette ordonnance a été infirmée par arrêt de la cour d'appel de Douai du 27 novembre 2003 ; qu'en déboutant néanmoins les consorts X.../Y... de leurs demandes de dommages et intérêts dirigées contre Madame Z..., la cour d'appel a violé l'article 514 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Michel X... et Brigitte Y..., pris tant en leur nom personnel qu'ès qualités d'administrateurs légaux de leur fille Manuella X..., non fondés en leur demande tendant à la condamnation de la SCP Jean Yves A..., huissier de justice, à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'expulsion du 22 août 2002 ;
AUX MOTIFS QUE contrairement aux prescriptions de l'article 201 du décret du 31 juillet 1992, I'inventaire des biens déménagés ou séquestrés qui figure sur le procès verbal d'expulsion du 22 août 2002 ne comprend aucune indication permettant de savoir si les choses laissées sur place ou déposées en un lieu approprié paraissent avoir ou non une valeur marchande ; que toutefois cette précision est destinée à renseigner le juge de l'exécution, et non pas la personne expulsée, sur le sort à donner aux biens pour le cas où celle-ci n'en reprendrait pas possession dans le délai fixé à cet effet par le procès-verbal d'expulsion ; qu'en l'occurrence, il n'est pas contesté que les consorts X.../Y... ont récupéré leurs meubles les 15 et 16 octobre 2002 ; que l'omission sur l'acte du 22 août 2002 des renseignements utiles à la décision du juge ne leur a, partant, causé aucun grief ; qu'aux termes de l'article L 213.6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ; qu'il suit de là que la personne expulsée peut, à l'occasion de la mise en oeuvre de la procédure d'expulsion, saisir le juge de l'exécution d'une action en responsabilité exercée contre l'huissier de justice sur le fondement du droit commun ; que la demande des consorts X.../Y... tendant à l'indemnisation de leur dommage matériel consécutif à la dégradation ou à la disparition de leur mobilier entre donc dans le champ des attributions du juge de l'exécution ; que les consorts X.../Y... invoquent un procès-verbal des 15 et 16 octobre 2002 établi par Maître Marie-Hélène B..., huissier de justice à Bailleul, qui s'est rendue à cette date dans les locaux de la société Vandenabeele afin de dresser l'inventaire des meubles et objets leur appartenant, entreposés dans différents containers, et de décrire l'état de ces biens avant que leurs propriétaires les reprennent ; que Maître B... relate dans cet acte qu'aucun des objets et meubles n'est emballé ou protégé ; qu'elle relève que de nombreuses pièces de mobilier présentent des traces de coups, griffures ou éraflures et que plusieurs objets décoratifs sont cassés ; que l'huissier rapporte encore les doléances de Brigitte Y... qui déplore la disparition de nombreuses choses de valeur parmi lesquelles un lustre, un important stock de bouteilles de vins, une collection de timbres, un lot de biscuits et de nombreux bijoux ; que pour obtenir réparation par la SCP "Jean-Yves A..." des désordres dont leur mobilier est atteint et des pertes qu'ils auraient subies, Ies consorts X.../Y... se bornent à affirmer que l'huissier de justice chargé de l'exécution a, suivant I'article 19 de la loi du 19 juillet 1991, la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution ; qu'ils ne prouvent cependant pas que la SCP "Jean-Yves A..." ait, à l'occasion de leur expulsion, commis une faute dans le choix des sociétés "A et P Services" et "ABC Côte d'Opale Déménagements", professionnels auxquels elle s'est adressée pour enlever et entreposer les meubles dans un lieu approprié, ou qu'elle se soit malencontreusement immiscée dans le travail confié à ces entreprises ; que le fait qu'en dressant l'inventaire des biens déplacés, la SCP "Jean-Yves A..." ait répertorié moins d'objets que n'en a compté ensuite Maître Marie-Hélène B... à l'époque où les consorts X.../Y... ont récupéré leurs biens, est sans lien de causalité avec le dommage allégué découlant des dégradations constatées ; que, quant aux objets prétendument disparus, dont l'huissier instrumentaire se serait abstenu de tenir compte, les consorts X.../Y..., qui indiquent avoir été dépouillés en outre de nombreux documents administratifs ou personnels, ne produisent aucun justificatif de l'existence de ces objets ; que les photographies qu'ils déclarent avoir prises en février 2002 à l'intention du Crédit Agricole dont ils souhaitaient obtenir un prêt, représentent diverses salles d'une maison décorées ou encombrées d'un mobilier qui n'est pas précisément identifiable ; que ces clichés au surplus ne démontrent pas que les objets photographiés se soient encore trouvés dans les lieux au moment de l'expulsion ; que dans les semaines qui suivaient l'ordonnance de référé ayant prononcé leur expulsion, soit dans le courant du mois d'avril 2002, les consorts X.../Y... ont demandé à Maître D..., huissier de justice à Pont à Marcq, de prendre en photographie la vue d'ensemble d'une salle de séjour occupée par différents meubles et éléments de décoration afin de mettre en évidence « la consistance des objets mobiliers entreposés dans les lieux avant expulsion » ; que les intéressés, qui se flattent de cette initiative comme d'une précaution dictée par la nécessité de protéger un mobilier précieux, n'expliquent pas pour quel motif, alors qu'ils se savaient sous le coup d'une mesure d'expulsion imminente dès le 1er juillet 2002, ils ont choisi une destination de vacances éloignée en Andorre et en Espagne pendant la seconde moitié du mois d'août sans s'assurer d'être présents aux opérations d'expulsion pour y contrôler les conditions dans lesquelles leurs biens seraient déménagés en désignant, conformément à l'article 65 de la loi du 9 juillet 1991, le lieu où ils devraient être remis ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le procès-verbal d'expulsion doit établir, lorsque l'huissier a fait transporter les meubles présents dans le local en un autre lieu, l'inventaire de ces biens ; qu'engage sa responsabilité l'huissier qui établit un inventaire incomplet, impropre à permettre à la personne expulsée de démontrer, par la suite, la disparition de certains biens lors des opérations d'expulsion ; que pour écarter néanmoins l'action en responsabilité dirigée par les consorts X.../Y... contre la SCP Jean Yves A..., huissier de justice, la cour d'appel a certes constaté que l'inventaire des meubles des expulsés dressé par cet huissier avait répertorié moins d'objets que n'en avait compté ensuite un autre huissier, commis par les expulsés, ce dont il résultait que l'inventaire initial était incomplet, mais a considéré que ce fait était sans lien de causalité avec le dommage résultant des dégradations constatées sur les meubles ; qu'en statuant ainsi, tandis que les consorts X.../Y... faisaient valoir que des objets et meubles avaient disparu lors des opérations d'expulsion, ce dont la cour d'appel a affirmé de façon inopérante qu'ils ne rapportaient pas la preuve, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et 201 du décret du 31 juillet 1992 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le procès-verbal d'expulsion doit mentionner, lorsque l'huissier a fait transporter les meubles présents dans le local en un autre lieu, si ces biens paraissent ou non avoir une valeur marchande ; que l'huissier qui omet de porter cette indication sur le procès-verbal engage sa responsabilité lorsque, par la suite, la personne expulsée fait valoir que certains des meubles ont disparu ; qu'en écartant néanmoins l'action en responsabilité dirigée par les consorts X.../Y... contre la SCP Jean Yves A..., tandis que les consorts X.../Y... faisaient valoir que des meubles de valeur avaient disparu, ce que le procès-verbal incomplet de l'huissier ne leur permettait pas de démontrer, la cour d'appel, qui a affirmé de façon inopérante que les consorts X.../Y... étaient en vacances au mois d'août en un lieu éloigné, a violé les articles 1382 du Code civil et 201 du décret du 31 juillet 1992 ;
ALORS QUE, ENFIN, l'huissier doit répondre du fait des transporteurs qu'il a choisis pour faire transporter les meubles de la personne expulsée en un autre lieu ; qu'en jugeant néanmoins que la SCP Jean-Yves A... n'avait pas engagé sa responsabilité à l'occasion des détériorations du mobilier des consorts X.../Y... par les sociétés A et P Services et ABC Côte d'Opale Déménagements, que l'huissier avait cependant chargées des opérations matérielles de transport, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.