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12/05/2009 | FRANCE | N°08-85047

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mai 2009, 08-85047


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Christian,
- A... Marguerite,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 17 juin 2008, qui a condamné le premier, pour travail dissimulé, infractions à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité du travail, refus d'obtempérer à une décision d'arrêt de chantier, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et à seize amendes de 150 euros chacune, et la seconde, pour travail di

ssimulé, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Christian,
- A... Marguerite,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 17 juin 2008, qui a condamné le premier, pour travail dissimulé, infractions à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité du travail, refus d'obtempérer à une décision d'arrêt de chantier, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et à seize amendes de 150 euros chacune, et la seconde, pour travail dissimulé, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 320, L. 324-10 et L. 362-3 du code du travail, devenus les articles L. 1221-10, L. 1221-11, L. 1221-12, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8224-1 et L. 8224-2 du même code, 5, 14, 16 et 140 du décret n° 65-48 du 8 janvier 1965, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marguerite A..., en sa qualité de gérante de droit de la société CP Bâtiment, et Christian X..., en sa qualité de gérant de fait, coupables d'exécution d'un travail dissimulé, en omettant intentionnellement de procéder à la déclaration nominative d'embauche de Patrick Y... et a statué sur les actions publique et civile ;

" aux motifs que les inspecteurs du travail ont constaté par procès-verbal dans les locaux de la CP Bâtiment le 17 août 2004 : à notre arrivée, nous sommes accueillis par deux personnes, après avoir décliné notre fonction, nous leur demandons de nous présenter la personne responsable de la société, après quelques minutes d'attente, Patrick Y... nous reçoit dans son bureau, nous lui demandons si la société a d'autres chantiers en cours, il nous répond à ma connaissance nous n'avons pas d'autres chantiers en cours, à la lecture du registre du personnel, nous constatons que Patrick Y... n'y est pas inscrit, nous lui demandons quel est son statut, il répond je suis observateur externe je regarde comment fonctionne cette entreprise, j'ai en vue de la racheter, après l'arrivée de Marguerite A..., gérante de droit, celle-ci déclare que Patrick Y... est de passage, sur question des inspecteurs du travail, elle répond que Patrick Y... va plutôt être un futur directeur commercial, elle précise que le bureau est occupé par le seul Patrick Y... ; que le 10 août 2004 au cours de la manifestation organisée devant les locaux de la direction départementale du travail et de l'emploi, que Patrick Y... était présent et s'était présenté comme directeur commercial de la société CP Bâtiment, que le 11 août 2004, en réponse à la convocation de la société CP Bâtiment par les services de l'inspection du travail, Patrick Y... était présenté par Christian X... comme directeur commercial ; que Patrick Y... qui prétendait être observateur au sein de la société en août 2004 sera finalement engagé par cette dernière en qualité de salarié le 1er janvier 2005 ; qu'il résulte de ces éléments que la présence de Patrick Y... dans la société CP Bâtiment ne peut s'expliquer autrement que par l'accomplissement d'une sorte de période d'essai, hors de tout cadre contractuel et sans déclaration aux organismes sociaux, qui débouchera sur l'engagement de celui-ci en janvier 2005 en qualité de salarié ; que la prétendue présence de Patrick Y..., en qualité d'observateur, futur repreneur, n'est démontrée par aucun élément probant ; que Marguerite A... s'occupait de la gestion administrative de la société ; qu'il lui appartenait autant qu'à son fils, codirigeant de fait, de faire les déclarations préalables à l'embauche ;

" alors que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié nécessite que soit caractérisée l'existence d'un contrat de travail et des éléments permettant d'en retenir l'existence ; que doivent être établies la prestation de travail, la rémunération et la subordination juridique du salarié au prévenu ; qu'en statuant au motif inopérant que la présence de Patrick Y... dans la société CP Bâtiment, le 17 août 2004, ne pouvait « s'expliquer autrement que par l'accomplissement d'une sorte de période d'essai », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que le moyen revient à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus dont ils ont déduit, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, que les prévenus, en leur qualité, l'une de gérante de droit, l'autre, de dirigeant de fait de la société CP Bâtiment, ont employé Patrick Y... comme directeur commercial en se soustrayant intentionnellement à la formalité prévue par l'article L. 1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

Attendu qu'en l'état de tels motifs qui caractérisent en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de travail dissimulé dont la cour d'appel a déclaré les prévenus coupables, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 3- a et 6 § 3- b de la Convention européenne des droits de l'homme, 5, 16 et 140 du décret n° 65-48 du 8 janvier 1968, L. 263-2 du code du travail, devenu l'article L. 233-5- l du même code, 388, 427 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian X..., en sa qualité de dirigeant de fait, coupable d'infraction aux règles de sécurité concernant les travaux en hauteur ;

" aux motifs qu'il a été constaté lors de la visite du chantier de rénovation de façades d'un immeuble situé..., la présence de quatre salariés travaillant sur cordes, les travaux consistant en la réfection de façades, des volets et garde-corps des baies vitrées sur un immeuble de quatre étages d'une hauteur de douze mètres construit avec des toits terrasses, que l'inspecteur du travail a relevé que l'accomplissement de travaux sur cordes n'est admis que pour des chantiers dont la durée n'excède pas la journée (article 5 du décret du 8 janvier 1965) ou en cas d'impossibilité de mettre en place des protections collectives de manière satisfaisante (articles 16 et 140 du décret susvisé) ; qu'après contact pris avec Christian X..., celui-ci s'engageait à arrêter la poursuite du chantier dans ces conditions ; qu'en dépit de cet engagement du prévenu, les inspecteurs du travail constataient de nouveau, le 22 juillet 2004, l'accomplissement sur le chantier de travaux sur cordes, que l'employeur était convoqué pour le 4 août 2004 en vue de lui rappeler son engagement, que ce dernier ne pouvant se rendre à la convocation de l'inspecteur du travail, les contrôleurs du travail se rendaient sur le chantier le même jour et constataient la présence de trois salariés dont deux cordistes en train de procéder à des travaux sur cordes aux 2ème et 3ème étage du bâtiment, que dans ces conditions les contrôleurs du travail prenaient la décision d'arrêter le chantier pour cause de danger grave et imminent résultant d'un défaut de protection de risque de chute de hauteur ; le prévenu a été poursuivi pour avoir à Marseille de février à août 2004, exécuté des travaux en hauteur sans mise à disposition d'équipement de travail conforme aux règles de sécurité, au visa des articles L. 263-2 et L. 233-5- l et d'articles du code du travail issus du décret 2004-924 du 1er septembre 2004, entré en application le 4 septembre 2004, relatif à l'utilisation des équipements de travail mis à disposition pour des travaux en hauteur ; que le tribunal a estimé que ces textes n'étant pas en vigueur à la date des faits, de février à août 2004, il ne pouvait leur être substitué la référence aux dispositions anciennes du décret du 8 janvier 1965 ; que le prévenu a été invité à s'expliquer devant la cour sur le non-respect des règles de sécurité prévues par le décret du 8 janvier 1965, qu'en effet, ce texte était applicable à la date des constatations faites par les inspecteurs du travail, qu'il convient donc d'examiner les faits reprochés au prévenu au regard des dispositions du décret du 8 janvier 1965 ; que l'article 5 du décret prévoit que lorsque du personnel travaille ou circule à une hauteur de plus de trois mètres en se trouvant exposé à un risque de chute dans le vide, il doit être installé au niveau du plan de travail ou de circulation, des garde-corps placés à une hauteur de 90 cm des plinthes de 15 cm de hauteur au moins, à défaut il doit être installé des auvents, éventails, planchers ou tous autres dispositifs de protection collective capables d'arrêter une personne avant qu'elle ne soit tombée de plus de trois mètres ; que l'article 16 du décret prévoit que dans le cas où les moyens de protection collective ne peuvent être mis en oeuvre de manière satisfaisante, des équipements de protection individuelle et des produits de protection appropriés doivent être utilisés ; que l'article 140 du décret prévoit que lorsque le peu d'importance de certains travaux (de couverture, fumisterie, entretien, plomberie ou peinture) ou la disposition des lieux ne permet pas l'établissement d'échafaudages volants, l'usage de plates-formes, nacelles ou tous autres dispositifs similaires suspendus à un câble, codage ou chaîne, ainsi que l'usage de cordes à noeuds ou les échelles suspendues soient fixées à une partie solide de la construction et que les travailleurs appelés à utiliser ces dispositifs en connaissent la manoeuvre ; que le chantier du parc Corot durait plus d'une journée, que les travaux prévus, rénovation de façades, ne peuvent être considérés comme des travaux de peu d'importance, qu'il appartenait donc au prévenu de prévoir sur ce chantier des dispositifs de protection collective, ce qu'il n'a pas fait estimant que le travail sur cordes présente toute garantie de sécurité alors que l'inspection du travail a constaté l'absence de protection d'accès à la toiture-terrasse où sont fixées les cordes et de protections périphériques en toiture-terrasse, l'absence de garantie d'attestation de solidité des points d'ancrage et l'absence d'attestation de vérification du bon état des systèmes de protection individuelle ;

" 1°) alors que tout accusé a droit notamment à être informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portées contre lui et doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; qu'en invitant Christian X..., seul prévenu de ce chef d'infraction, à s'expliquer sur l'infraction de travaux en hauteur en contravention aux articles 5, 16 et 140 du décret du 8 janvier 1965, qui comporte 140 articles, seulement au cours de son interrogatoire préliminaire à l'audience des débats, sans qu'il puisse préalablement s'entretenir avec son conseil ni, le cas échéant, verser aux débats les pièces justificatives dont il ne pouvait disposer, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense ;

" 2°) alors, subsidiairement, que les dispositions du décret n° 65-48 du 8 janvier 1968 sont applicables aux personnels positionnés de façon stable à une hauteur de plus de trois mètres, c'est-à-dire aux personnels amenés à travailler ou à circuler sur des plans horizontaux fixes, tels une toiture, un échafaudage ou un couloir de circulation au-dessus duquel ils peuvent basculer ; qu'elles ne visent pas le personnel qui n'est pas amené à travailler sur de tels plans fixes, appelés cordistes, exécutant des travaux à des hauteurs variables en dehors de tout positionnement sur des plans fixes ; qu'en estimant néanmoins les dispositions du décret précité applicables aux salariés cordistes de la société CP Bâtiment, la cour a violé les textes visés au moyen " ;

Attendu que Christian X... a été poursuivi notamment pour avoir, de février à août 2004, exécuté des travaux en hauteur sans mise à disposition d'équipements de travail conformes aux règles de sécurité, au visa des articles R. 233-13-20 et suivants du code du travail, prescrivant les mesures relatives à l'exécution des travaux temporaires en hauteur et aux équipements de travail mis à disposition et utilisés à cette fin, issus du décret n° 2004-924 du 1er septembre 2004 ; qu'eu égard à la date des faits, les juges ont invité le prévenu à s'expliquer sur les manquements aux mêmes obligations, telles que prévues par les articles 5, 16 et 140 du décret du 8 janvier 1965 ; qu'en cet état, et dès lors que les prescriptions de l'un et de l'autre de ces décrets sont rédigées en termes identiques, le grief allégué n'est pas encouru ;

Attendu que, par ailleurs, l'arrêt ayant retenu que le travail en façade d'un immeuble de quatre étages effectué par la société CP Bâtiment avait une durée de plus d'une journée et devait, dès lors, conformément aux prescriptions du code du travail, être exécuté à partir de mesures de protection collectives et d'un plan de travail qu'il n'était pas impossible de mettre en place, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 263-2 du code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Christian X..., en sa qualité de dirigeant de fait de la société CP Bâtiment, coupable d'infractions aux règles d'hygiène et de sécurité et, en répression, l'a condamné à 16 amendes de 150 euros ;

" aux motifs que les dispositions de l'article L. 263-2 du code du travail sont applicables au dirigeant de fait ; qu'il n'est pas contesté que Christian X... était le dirigeant de fait de l'entreprise, s'occupant plus particulièrement des chantiers ; qu'il doit seul répondre de l'infraction ;

" alors qu'aux termes de l'article L. 263-2 du code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, il appartient au seul chef d'entreprise ou à son délégataire de veiller personnellement à l'application stricte et constante des dispositions en matière d'hygiène et de sécurité ; qu'en jugeant Christian X..., dirigeant de fait, coupable d'infractions aux règles d'hygiène et de sécurité, la cour a violé les textes visés au moyen " ;

Attendu qu'en déclarant Christian X..., gérant de fait de la société CP Bâtiment, coupable d'infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, les juges ont fait l'exacte application de la loi ;

Qu'en effet, en l'absence de délégation de pouvoirs, chacun des cogérants, de fait ou de droit, a l'obligation d'assurer le respect de cette réglementation ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 263-2 du code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christian X... à seize amendes de 150 euros chacune pour infractions aux règles d'hygiène et de sécurité ;

" alors que l'article L. 263-2 du code du travail, devenu l'article L. 4741-1 du même code, dispose que l'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise concernés par la ou les infractions relevées ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que sur le chantier objet du contrôle, les salariés travaillant sur cordes et utilisant le local en cause était au nombre de quatre ; qu'en prononçant néanmoins 16 amendes pour infraction aux règles d'hygiène et de sécurité, la cour d'appel a violé les textes visés " ;

Attendu qu'en prononçant seize amendes après avoir constaté que seize salariés de la société dirigée par le prévenu étaient concernés par les infractions aux règles sur la sécurité du travail constatées sur le chantier, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Palisse conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-85047
Date de la décision : 12/05/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 mai. 2009, pourvoi n°08-85047


Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.85047
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