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06/05/2009 | FRANCE | N°08-84378

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mai 2009, 08-84378


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Patrick,
- LA SOCIÉTÉ BNP PARIBAS,
- LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU FINISTÈRE,
parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 29 mai 2008, qui a condamné le premier, pour escroqueries et banqueroute, à 7 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoi

res et les observations complémentaires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Patrick,
- LA SOCIÉTÉ BNP PARIBAS,
- LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE DU FINISTÈRE,
parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 29 mai 2008, qui a condamné le premier, pour escroqueries et banqueroute, à 7 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer, et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Patrick X... a dirigé, sous le couvert d'une société holding, un groupe de sociétés de promotion, vente, transaction et gestion immobilières, qui, depuis le 26 avril 2002, ont été déclarées en redressement judiciaire, avec confusion de leurs patrimoines, la date de cessation des paiements étant fixée au mois de novembre 2000 ; qu'au terme de l'information judiciaire ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de la société BNP Paribas, dénonçant des émissions croisées, par les principales sociétés de ce groupe, de chèques sans provision émis sur les comptes ouverts dans les livres de cette banque et de la Caisse régionale de crédit agricole du Finistère (CRCA), Patrick X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, entre les 31 décembre 2001 et 13 février 2002, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce les tirages et remises croisés de 292 chèques sans provision pour la plupart, trompé les deux établissements bancaires tirés pour les déterminer à créditer les comptes des sociétés bénéficiaires des effets ; qu'au préjudice du Crédit agricole du Finistère ont été présentés à l'encaissement dix-huit chèques, pour un montant de 1 055 830 euros, tirés sur le compte ouvert au nom de la Société Unigroupe auprès de la BNP Paribas, rejetés par cette banque, après avoir été crédités sur les comptes des sociétés Uni habitat, Cofibra et Sodexsa ; que quatorze chèques, pour un montant de 641 585 euros, tirés sur les comptes ouverts par les sociétés Cofibra, Sodexsa et Uni habitat dans les livres de la Caisse régionale de crédit agricole, ont été rejetés par cette banque au préjudice de la société BNP Paribas qui en avait crédité le montant sur le compte de la société Unigroupe ; que le délit de banqueroute est également reproché à Patrick X... pour avoir, entre les 1er janvier 2001 et 13 février 2002, étant dirigeant de droit des sociétés Sodexsa, Serim, Seris et Unigroupe, faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, et dont l'état de cessation des paiements a été fixé au mois de novembre 2000, employé, dans le but d'éviter ou de retarder la procédure de redressement judiciaire, des moyens ruineux pour se procurer des fonds, en sollicitant et en obtenant des prêts à court terme assortis de sûretés onéreuses, dont les montants excédaient les capacités financières de ces sociétés ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Patrick X..., pris de la violation des articles 51, 80, 179, 184, 385 et 591 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi tirée de la violation du principe de la saisine in rem du magistrat instructeur ;

" aux motifs qu'« en vertu des dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel, lorsqu'il est saisi par une ordonnance de renvoi, n'a pas qualité pour constater les nullités de procédures, à l'exception de celles résultant de la méconnaissance des dispositions de l'article 184 du même code ; … ; que, … c'est vainement que Patrick X... conclut à l'annulation même partielle de l'ordonnance susvisée, alors qu'il est permis au magistrat instructeur de ne pas préciser de façon exhaustive les motifs pour lesquels il existe ou non contre le prévenu des charges suffisantes dès lors que son ordonnance, conforme aux réquisitions du ministère public, s'y réfère explicitement ; qu'à défaut pour lui, d'avoir exercé dans les délais qui lui étaient impartis par les dispositions du code de procédure pénale, les recours qui lui étaient reconnus devant la chambre de l'instruction pour contester utilement le bien-fondé de sa mise en examen pour banqueroute par emploi de moyens ruineux de se procurer des fonds au regard des charges qui avaient été retenues à son égard, il n'entre pas dans les pouvoirs du tribunal correctionnel de vérifier la régularité de sa saisine, en dehors des cas limitativement énumérés par les dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale » (arrêt attaqué, p. 5, al. 6 et 7) ;

" alors que les juridictions de jugement ont qualité pour constater la nullité d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel pour des faits dont le juge d'instruction n'était pas régulièrement saisi ; qu'en l'espèce, le juge d'instruction n'était pas saisi des faits consistant pour le prévenu à avoir sollicité et obtenu des prêts à court terme assortis de sûretés pesantes dont les montants excédaient les capacités financières des sociétés dont il était le dirigeant, faits qui n'étaient visés ni par le réquisitoire introductif du 4 septembre 2002 ni par le réquisitoire supplétif du 8 octobre 2003 ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, refuser de constater la nullité de l'ordonnance du juge d'instruction ordonnant le renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel pour répondre de ces faits " ;

Attendu que Patrick X... ne saurait se faire un grief des motifs par lesquels l'arrêt a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi tirée de la violation du principe de la saisine in rem du magistrat instructeur dès lors que les juges n'ont pas retenu sa culpabilité pour les faits dont le juge d'instruction n'aurait pas été saisi ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Patrick X..., pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable d'escroquerie ;

" aux motifs que, « c'est par des motifs pertinents et appropriés que les premiers juges ont retenu Patrick X... dans les liens de la prévention de ce chef de poursuites après avoir relevé, d'une part, qu'il avait reconnu l'émission de chèques croisés non causés et, d'autre part, qu'il ne pouvait s'abriter derrière une connaissance réelle et certaine par la BNP Paribas, des difficultés financières du groupe et de son information quasi permanente sur l'état de sa trésorerie, pour se disculper de l'infraction commise intentionnellement pour lui permettre de présenter des comptes tous créditeurs et ainsi obtenir les crédits qu'il sollicitait ; qu'il suffit d'ajouter, qu'en aucun cas il ne peut être déduit d'une absence de vigilance, même si celle-ci a pu parfois confiner à l'aveuglement, du responsable régional à Rennes de la BNP Paribas qui, malgré son information très régulière par Patrick X... sur l'état de la trésorerie des différentes sociétés de son groupe et sur le montant des remises de chèques qu'il déposait sur leurs comptes bancaires, n'a pas su être alerté par le développement pour le moins singulier et en tout état de cause anormal des flux de trésorerie résultant du tirage croisé des chèques litigieux, pour des montants sans rapport avec le flux financier ordinaire généré par les sociétés de ce groupe, la preuve de ce que cette banque était à l'initiative de cette fraude ou qu'elle savait que les chèques qu'elle escomptait étaient non causés et de ce qu'elle a volontairement encouragé voire régularisé les agissements frauduleux commis par le prévenu » (arrêt attaqué, 6, al. 1 et 2) ;

" 1°) alors que, pour que soit caractérisé le délit d'escroquerie, les manoeuvres frauduleuses doivent avoir été déterminantes de la remise ; qu'en retenant que le prévenu s'était rendu coupable d'escroquerie en émettant des chèques croisés non causés, après avoir constaté que la BNP Paribas avait une connaissance très précise de l'état de la trésorerie des différentes sociétés de son groupe, ainsi que du montant des remises des chèques déposés sur leurs comptes bancaires, constatation qui excluait que la banque ait été trompée par les agissements reprochés au prévenu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a méconnu les textes susvisés ;

" 2°) alors que, en tout état de cause, le délit d'escroquerie suppose l'existence d'un préjudice subi par la victime ; qu'en déclarant constitué le délit d'escroquerie après avoir constaté, d'une part, que la BNP Paribas avait contre-passé les chèques rejetés par le Crédit agricole, annulant ainsi les écritures par lesquelles elle avait crédité le compte de la société Unigroupe du montant des chèques rejetés et, d'autre part, qu'aucun des chèques crédités par le Crédit agricole sur les comptes des sociétés Uni Habitat, Cofebra et Sodexsa n'avait été rejeté par la BNP Paribas, en sorte qu'il n'a finalement résulté aucun préjudice pour les banques des agissements reprochés au prévenu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer Patrick X... coupable d'escroquerie, l'arrêt énonce, notamment, par motifs propres et adoptés, que le prévenu a reconnu l'émission de chèques croisés non causés ; que les juges retiennent qu'il ne peut invoquer la connaissance qu'avait la société BNP Paribas des difficultés financières des sociétés pour se disculper de l'infraction commise intentionnellement pour permettre à ces dernières de présenter des comptes créditeurs et obtenir ainsi les crédits qu'elles sollicitaient ; qu'ils ajoutent qu'il ne peut être déduit d'une absence de vigilance du responsable régional de la banque la preuve de ce qu'elle avait initié la fraude ou de la connaissance qu'elle aurait eu de l'absence de cause des chèques ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que constituent des manoeuvres frauduleuses, de nature à porter préjudice à tous les obligés détenant des actions en paiement des effets, les émissions croisées, sur des comptes bancaires ouverts dans des établissements de crédit distincts, de chèques sans provision qui, se créditant apparemment les uns les autres, permettent aux tireurs de se procurer du crédit auprès des banques, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais, sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet pour Patrick X..., pris de la violation des articles L. 654-2, 1° (ancien L. 626,-2, 1°) du code de commerce, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X... coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux ;

" aux motifs propres que « c'est … de façon pertinente que les premiers juges ont retenu Patrick X..., dans les liens de la prévention de banqueroute par emploi de moyens ruineux, de se procurer des fonds en se référant au tirage croisé des chèques litigieux ; qu'en effet, la mise en oeuvre de la cavalerie de chèques incriminés, à une période où Patrick X... savait que, depuis le mois de novembre 2000, son groupe était en état de cessation des paiements, avait pour objet de permettre aux différentes sociétés du groupe de présenter des comptes bancaires en position créditrice, pour rassurer les instances de la BNP Paribas chargées d'accorder les prêts sollicités par Patrick X... et ainsi obtenir des fonds qu'il n'aurait pas obtenus sans ce stratagème ; que c'est ainsi que la BNP Paribas a accordé un prêt permettant le financement partiel du programme Saint-Louis ; que les autres prêts n'ont pas été accordés pour des raisons indépendantes de la volonté de Patrick X... ; que le moyen utilisé pour obtenir ces accords de crédits doit être qualifié de ruineux dès lors que la remise des fonds était conditionnée par la commission d'une infraction ; que, pour ces motifs, et ceux des premiers juges que la cour fait siens, le jugement déféré doit … être confirmé sur la déclaration de culpabilité » (arrêt attaqué, p. 7, al. 4 et 5) ;

" et au motifs adoptés que « l'infraction de banqueroute par emploi de moyens ruineux est caractérisée à l'encontre de Patrick X..., lesdits moyens ruineux consistant en l'émission de chèques croisés non causés, générateurs par nature de frais bancaires importants, destinés à apporter au groupe une trésorerie indue et ainsi, permettant de faire face au passif exigible, de retarder l'ouverture d'une procédure collective » (jugement entrepris, p. 12, dernier al.) ;

" 1°) alors que la saisine des juridictions de jugement est limitée par les termes de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ; que l'ordonnance de renvoi du 10 mars 2006 visait, sous la prévention de banqueroute, le seul fait d'avoir employé « des moyens ruineux pour se procurer des fonds, en l'espèce en sollicitant et en obtenant des prêts à court terme assortis de sûretés pesantes dont les montants excédaient les capacités financières des sociétés dont il était le dirigeant » ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, sans excéder les limites de sa saisine, retenir à l'encontre du prévenu des moyens ruineux consistant en l'émission de chèques croisés non causés ;

" 2°) alors que, en tout état de cause, une opération suppose, pour être qualifiée de ruineuse, qu'elle ait généré des frais importants que l'entreprise ne pouvait supporter ; que Patrick X... soutenait, dans ses conclusions d'appel (p. 36, al. 2), que les avances de trésorerie résultant de l'émission de chèques croisés ne pouvaient être qualifiées de ruineuses dès lors qu'elles n'avaient eu lieu que « sur une période d'environ un mois » et qu'elles n'avaient pas entraîné de coût pour les sociétés du groupe X... ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

" 3°) alors que, en outre, Patrick X... soutenait dans ses conclusions d'appel (p. 13, pénult. al. et p. 35, al. 1) que si la BNP Paribas avait accordé un prêt pour le financement de l'opération immobilière Saint-Louis, elle n'avait jamais versé les fonds qu'elle s'était engagée à prêter ; qu'en retenant que l'émission de chèques croisés avait permis au prévenu d'obtenir un prêt de la BNP Paribas pour le financement du programme Saint-Louis et que la remise des fonds prêtés avait ainsi été conditionnée par la commission d'une infraction, sans s'expliquer sur la circonstance, invoquée par le prévenu, de l'absence de remise par la banque des fonds prêtés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 4°) alors que, en toute hypothèse, le fait de souscrire un emprunt bancaire au profit d'une société en état de cessation de paiement ne suffit pas à caractériser l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ; qu'en se bornant à retenir, pour déclarer Patrick X... coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux, que l'émission de chèques croisés lui avait permis d'obtenir un prêt de la BNP Paribas, sans expliquer en quoi cet emprunt, dont les conditions ne sont pas précisées, avait constitué un moyen ruineux de se procurer des fonds, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 5°) alors que, enfin, l'utilisation d'un moyen frauduleux pour obtenir un crédit ne constitue pas nécessairement un moyen ruineux de se procurer des fonds ; qu'en retenant, pour qualifier de ruineux l'octroi du prêt destiné au financement du programme Saint-Louis, que la remise des fonds était conditionnée par la commission d'une infraction, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;

Vu les articles 388 et 512 du code de procédure pénale ;

Attendu que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ;

Attendu que, pour déclarer Patrick X... coupable de banqueroute pour avoir, dans l'intention de retarder l'ouverture d'une procédure collective, employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds, l'arrêt retient, notamment, que l'infraction est caractérisée par les émissions croisées de chèques non causés, génératrices, par nature, de frais bancaires importants, destinées à apporter aux sociétés du groupe X... une trésorerie indue et ainsi, en permettant de faire face au passif exigible, de retarder l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ; que les juges ajoutent que les moyens utilisés pour obtenir des accords de crédit doivent être qualifiés de ruineux, la remise des fonds étant conditionnée par la commission d'une infraction ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans que le prévenu ait accepté d'être jugé sur ces faits, distincts de ceux qualifiés par l'ordonnance de renvoi, qui ne vise que l'obtention de prêts à court terme assortis de sûretés onéreuses, la cour d'appel, qui a excédé sa saisine, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et, sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Defrenois et Levis pour la société BNP Paribas, pris de la violation des articles 313-1 et suivants du code pénal, 2 et 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la BNP Paribas de sa demande de voir condamner Patrick X... à lui payer une somme de 714 249 euros à titres de dommages-intérêts ;

" aux motifs propres que, pour fonder sa réclamation la BNP Paribas produit le rapport de M. Y..., expert-comptable, expert-judiciaire, aux termes duquel le montant de sa créance à l'encontre de Patrick X... s'élève à la somme de 714 249 euros ; que « la réalisation de l'infraction d'escroquerie au préjudice de la BNP Paribas lui a nécessairement causé un dommage ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition de la loi que la négligence de la victime aussi avérée soit elle, autorise l'auteur d'une infraction pénale contre les biens, à demander la réduction des réparations civiles dues à celle-ci, le délinquant ne pouvant être admis à tirer un profit quelconque de l'infraction ; que le préjudice subi par la BNP Paribas du fait de l'escroquerie dont elle a été victime correspond au montant total des chèques dont elle n'a pu obtenir le paiement ; qu'en l'espèce, celui-ci s'élève ainsi que l'a établi l'expert Y..., à la somme de 714 249 euros ; que cependant, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la BNP Paribas a choisi de contrepasser le 6 mars 2002 les chèques demeurant impayés, avant de clôturer le compte courant avec la société Unigroupe le 7 mars 2002 ; que la contrepassation équivaut au paiement de la créance cambiaire ou autre ; qu'à partir du moment où elle a été décidée par le banquier qui n'est jamais contraint d'y procéder, elle est irrévocable et celui-ci doit restituer sans délais les effets contrepassés à son client, afin que celui-ci puisse exercer les recours dont il dispose à l'égard du tireur ; que la BNP Paribas qui ne soutient nullement que la contrepassation des chèques sans cause qu'elle a escomptés, est le résultat d'une écriture automatique générée par le traitement informatisé des chèques qui lui ont été remis, en a été irrévocablement payée par l'effet de la contrepassation qu'elle a choisi d'exercer le 6 mars 2002, avant la clôture du compte courant ; que les écritures comptables subséquentes qu'elle produit pour justifier de la réalité de son dommage sont dépourvues de toute force probante et sont en tout état de cause inopérantes ; qu'elle est ainsi mal fondée à venir réclamer à nouveau à Patrick X... le paiement des chèques litigieux déjà payés par la contrepassation ; que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la BNP Paribas de sa demande d'indemnisation ;

" et aux motifs adoptés que la BNP Paribas, qui a procédé à la contre passation des chèques litigieux et en a ainsi obtenu paiement, n'est plus fondée à invoquer l'annulation de cette contre passation et le préjudice qui lui subsiste en ce que cette écriture constitue un mode de paiement irrévocable dès lors que son auteur a manifesté la volonté claire d'y procéder, ainsi qu'en l'espèce ; que sa demande sera donc rejetée ;

" 1°) alors que l'inscription d'une opération au compte d'impayé et non au compte courant n'est pas une contrepassation et que par conséquent cette opération ne saurait être assimilée à un paiement et ne saurait priver la banque y ayant procédé de ses droits sur l'effet impayé ; que la cour d'appel en se contentant d'affirmer que la BNP Paribas avait procédé à une contrepassation consistant à inscrire l'opération au compte courant des sociétés concernées, sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir la BNP Paribas, l'opération avait été inscrite au compte d'impayé et donc ne pouvait être considérée comme équivalent à un paiement ni comme privant la banque de ses droits sur l'effet impayé, a privé sa décision de base légale ;

" 2°) alors que celui qui a personnellement souffert d'un dommage directement causé par une infraction pénale peut en obtenir réparation devant le juge répressif ; qu'aucune disposition de la loi ne permet de réduire en raison d'une négligence ou d'une faute de la victime le montant des réparations civiles dues par l'auteur de l'infraction intentionnelle contre les biens ; que la cour d'appel, dès lors qu'il était établi que Patrick X... avait commis une infraction consistant dans une escroquerie par cavalerie au détriment de la BNP Paribas, et que cette infraction avait entraîné le rejet des chèques impayés par le crédit Agricole, causant ainsi un préjudice à la BNP Paribas, partie civile, en refusant cependant d'allouer des dommages-intérêts à la partie civile au motif que son préjudice avait déjà été réparé par une prétendue opération de contre-passation, a violé les textes susvisés " ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 du même code et 1382 du code civil ;

Attendu, d'une part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu, d'autre part, que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'après avoir déclaré Patrick X... coupable d'escroquerie commise au préjudice de la société BNP Paribas et chiffré ce préjudice au montant total des chèques dont elle n'a pu obtenir le paiement, en retenant qu'aucune disposition de la loi n'autorise l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens à invoquer une prétendue négligence de la victime, l'arrêt déboute la partie civile de ses demandes par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs contradictoires laissant sans réponse les conclusions de la partie civile qui soutenait que les écritures en débit ont été contre-passées sur un compte d'impayés différent du compte courant aussitôt clôturé, et alors que le paiement susceptible de résulter d'une contre-passation régulière en compte ne peut avoir d'effet sur l'action en réparation du dommage directement causé par le délit d'escroquerie, distincte, faute d'identité de cause, d'objet et de parties, des actions et obligations liées au rejet de chèques sans provision, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

Et, sur le moyen unique de cassation proposé par Me Z... pour la Caisse régionale de Crédit agricole du Finistère, pris de la violation des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, violation de l'article 1382 du code civil, ensemble violation des articles 313-1, 313-3, 313-7 et 313-8 du code pénal et violation des articles L. 626-1, L. 626-2, L. 626-3, L. 262-5, L. 626-7 et L. 626-8 du code de commerce ;

" en ce que l'arrêt infirmatif sur ce point a débouté le Crédit agricole de sa demande en paiement d'une somme non pas de 1 532 661 euros mais d'une somme de 1 055 830 euros ;

" aux motifs que le Crédit agricole soutient qu'il a escompté dix-huit chèques non causés pour un montant global de 1 055 830 euros et qui ont fait l'objet du rejet de la part de la BNP Paribas ; qu'il conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré en ce qu'il a seulement condamné Patrick X... à lui payer la somme de 783 175 euros à titre de dommages-intérêts, qu'il demande la condamnation de Patrick X... à lui payer la somme de 1 055 830 euros, outre celle de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que Patrick X... demande à la cour de déclarer le Crédit agricole irrecevable en ses demandes et au fond, de l'en débouter ;

" aux motifs encore qu'il convient de relever, ainsi que l'ont fait les premiers juges que le Crédit agricole ne produit pas les attestations de rejet relatives à l'ensemble des chèques dont elle réclame le paiement au titre du préjudice qu'elle a subi du fait de l'escroquerie commise à son détriment par Patrick X... ; qu'en outre, contrairement à l'appréciation portée par les premiers juges, il n'existe aucune contradiction entre l'attestation de régularisation adressée le 9 avril 2002 à la société Unigroupe par la BNP Paribas et la lettre datée du même jour, que cette même banque a adressé à cette société ; qu'en effet, l'attestation susvisée établit seulement la régularisation de l'ensemble des incidents survenus sur le compte n° 10121279 ouvert au nom de la société Unigroupe, ce qui signifie que les incidents de paiements susceptibles d'être résultés de l'escompte des chèques remis par le Crédit agricole ont été régularisés, c'est-à-dire que ne pouvant plus être rejetés, la BNP Paribas n'a plus eu d'autre solution que les porter au crédit du compte de la société Unigroupe, malgré l'absence de provision ; qu'ainsi, à défaut d'avoir pu les contre-passer, la BNP Paribas peut en réclamer le remboursement à son client, ce qu'elle ne manque pas de faire par sa lettre du même jour adressée par son agence de Rennes à la société Unigroupe en écrivant : « contrairement à ce qui vous a été précisé, nous n'avons pas été en mesure de procéder au rejet des chèques que vous avez tirés-, « nous vous mettons en demeure de nous régler immédiatement de la somme de 1 532. 661 euros au titre des chèques rejetés impayés du Crédit agricole » ;

" 1°) alors que, d'une part les juges du fond doivent se prononcer à partir de motifs suffisants, non contradictoires et pertinents ; qu'il appert de l'arrêt attaqué que l'attestation du 9 avril 2002 signifie que les incidents de paiement susceptibles d'être résultés de l'escompte des chèques remis par le Crédit agricole ont été régularisés, c'est-à-dire que ne pouvant plus être rejetés, la BNP Paribas n'avait plus d'autre solution que de les porter au crédit du compte de la société Unigroupe malgré l'absence de provision ; que cependant, il résulte de la lettre datée du même jour de la société BNP Paribas et Unigroupe citée par la cour que la BNP Paribas mettait en demeure la société Unigroupe de régler immédiatement la somme de 1 532 661 euros au titre des chèques rejetés impayés du Crédit agricole ; que la cour ne pouvait sans se contredire ou sans mieux s'en expliquer, dire d'une part que les chèques ne pouvaient plus être rejetés par la BNP Paribas, et d'autre part, constater que ces mêmes chèques ont été rejetés impayés, d'où la méconnaissance des exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ;

" 2°) alors que d'autre part et en toute hypothèse, la Caisse régionale de Crédit agricole du Finistère insistait sur le fait que des rejets de nombreux chèques avaient effectivement fait l'objet de rejets de la part de la BNP Paribas, ces décisions de rejet ayant d'ailleurs été jointes à la déclaration de créance du Crédit agricole au passif du redressement judiciaire du groupe Sauvage qu'il n'était ni contesté ni contestable que le Crédit agricole n'a pas été crédité de la somme de 1 055 830 euros correspondant à dix-huit chèques de cavalerie, le Crédit agricole insistant sur le fait que l'attestation du 9 avril 2002 émanant de la BNP Paribas ne pouvait établir à son endroit une régularisation par un crédit porté à hauteur de 1 532 661 euros dans la mesure où, d'une part il s'agit d'un courrier de la BNP Paribas et non du Crédit agricole, d'autre part que cette lettre du 9 avril 2002 est bien postérieure aux rejets des chèques tels qu'ils figurent au dossier et qu'en tout état de cause, le prévenu n'a jamais rapporté la preuve de ce que le Crédit agricole avait été crédité de la somme de 1 055 830 euros au titre des dix-huit chèques rejetés ; qu'en statuant là encore, à la faveur d'une motivation insusceptible de caractériser une inscription dans les comptes du Crédit agricole, d'une somme à hauteur de 1 055 830 euros, la cour ne justifie pas davantage son arrêt au regard des textes cités au moyen ;

" 3°) et alors que, enfin en l'état de la motivation retenue par la cour, il apparaît que celle-ci confond entre les chèques remis par le Crédit agricole et qui furent à concurrence de dix huit rejetés, et des chèques remis par Unigroupe à la BNP Paribas dans le cadre de la cavalerie constatée qui auraient été portés au crédit du compte de la société Unigroupe, malgré l'absence de provision, que n'ayant pu les contre-passer, la BNP Paribas en a réclamé le remboursement à son client en mettant en demeure Unigroupe de régler immédiatement à la BNP Paribas la somme de 1 532 661 euros au titre des chèques rejetés impayés du Crédit agricole ; qu'en l'état d'une motivation qui n'est pas de nature à justifier la solution retenue par rapport aux demandes du Crédit agricole et qui est tout à la fois elliptique, difficilement intelligible et abstraite prise dans son épure, l'arrêt attaqué doit être de plus fort censuré " ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 du même code et 1382 du code civil ;

Attendu, d'une part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu, d'autre part, que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'après avoir déclaré Patrick X... coupable d'escroquerie commise au préjudice de la Caisse régionale de crédit agricole du Finistère, l'arrêt déboute la partie civile de ces demandes par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs contradictoires qui procèdent d'une confusion entre les chèques endossés pour encaissement à l'ordre de la Caisse régionale de crédit agricole et ceux tirés sur cette banque et remis à l'encaissement sur des comptes ouverts à la société BNP Paribas, et alors qu'à les supposer établis, les paiements et irrégularités susceptibles de mettre fin aux actions liées au rejet des chèques sans provision demeurent sans effet sur le droit à réparation du dommage résultant du délit d'escroquerie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encore encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mai 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la Caisse régionale de Crédit agricole du Finistère, de Maîtres Sophie C... et Nicole B..., ès qualités, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, Mme Desgrange conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-84378
Date de la décision : 06/05/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 29 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 mai. 2009, pourvoi n°08-84378


Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Defrenois et Levis, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.84378
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