LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil ensemble l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... son épouse (M. et Mme X...) ont, le 19 février 2001, donné mandat à la société BNP Paribas (la banque) d'investir une certaine somme dans des titres sur les marchés financiers et d'en assurer la gestion ; que celle-ci s'étant révélée déficitaire, M. et Mme X... ont ordonné la cession des titres et demandé que la banque soit condamnée à les indemniser du montant de la perte subie ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la banque n'est tenue que d'une obligation de moyens quant à l'objectif de gestion "équilibrée" définie dans le mandat, à savoir une valorisation du capital n'excluant pas une exposition, au demeurant modérée, aux fluctuations des marchés des actions, que M. et Mme X... ont été clairement informés par le contrat des modalités de fonctionnement de ce type de gestion ainsi que des aléas des opérations boursières et des risques financiers en découlant, qu'ils ont expressément accepté d'assumer, et qu'ils ne peuvent a posteriori reprocher à la banque de ne pas les avoir orientés sur un type de gestion "prudente" dès lors que, même s'ils avaient un certain âge, il n'est pas démontré qu'ils ne possédaient pas les capacités nécessaires pour opérer un choix éclairé dans leurs placements ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs desquels il ne résulte ni que la banque avait procédé, lors de la conclusion du mandat de gestion, à l'évaluation de la situation financière de M. et Mme X..., de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs concernant les services demandés, ni qu'elle leur avait fourni une information adaptée en fonction de cette évaluation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que la Société BNP PARIBAS n'avait pas manqué à son obligation de conseil dans la gestion du portefeuille qui lui avait été confiée par les consorts X... et débouté ces derniers de l'intégralité de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE par des motifs pertinents, clairs et précis, que la Cour adopte, le premier juge a procédé à une analyse exacte de la situation et en a justement déduit, au vu des moyens des parties, les conséquences juridiques qui s'imposaient ; qu'il est en effet constant que la banque n'est pas tenue à une obligation de résultats quant aux performances escomptées mais à une obligation de moyen quant à l'objectif de gestion équilibrée parfaitement définie dans le mandat, à savoir une valorisation du capital n'excluant pas une exposition, au demeurant modérée, aux fluctuations des marchés des actions ; que si une part importante était réservée aux obligations et aux placements à références monétaires, il était également prévu des actions présentant un niveau de risque considéré, a priori, comme mesuré et il n'était évidemment pas interdit des placements divers de type BNP ne présentant a priori pas plus de risques que d'autres ; que les époux X... ont été clairement informés des modalités de fonctionnement de ce type de gestion par le contrat écrit sur les aléas des opérations boursières et les risques financiers en découlant qu'ils ont expressément acceptée d'assumer ; qu'ils ont été également régulièrement informés du choix des placements par les relevés qui leur étaient adressés sans formuler de contestation alors qu'ils disposaient contractuellement d'un délai de 30 jours pour ce faire ; qu'ils ne peuvent a posteriori reprocher à la banque de ne pas les avoir orientés initialement sur un type de « gestion prudente » alors que même s'ils avaient un certain âge, il n'est pas démontré qu'ils ne possédaient pas les capacités nécessaires pour opérer un choix éclairé dans leurs placements, étant observé en outre que celui retenu et à présent critiqué, leur laissait une grande faculté pour reprendre leur argent s'ils le souhaitaient, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en 2002 puis en novembre 2004 ; que le rapport de Monsieur Z..., produit en cause d'appel, se référant à des gestionnaires concurrents ayant selon lui obtenu de meilleures performances pour le même type de gestion, n'est pas de nature à démontrer une faute de la BNP PARIBAS à son obligation de moyen, et ce d'autant plus qu'il n'ait cité que trois autres gestionnaires alors que le marché comporte nettement plus d'intervenants et qu'il est prévu dans le contrat que le mandant ne pourra opposer au mandataire ni le niveau de performance de gestion ni les pertes éventuelles consécutives à la conjoncture économique et financière du moment pour contester la gestion du mandataire ; qu'il n'est pas allégué que l'intimée aurait outrepassé son mandat en procédant à des opérations non autorisées ; qu'il n'appartient pas à la Cour de suppléer à la carence des parties en ordonnant la mesure d'instruction sollicitée à titre subsidiaire par les époux X..., et ce d'autant plus que la mission tend à déléguer à l'expert l'appréciation juridique ; qu'il échet par suite de constater que la preuve d'une faute de la BNP PARIBAS n'est pas démontrée, de débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes et de confirmer le jugement déféré ;
1°/ ALORS QU'il appartenait à la banque, conformément à l'article L. 533-4 du Code Monétaire et Financier, de s'enquérir de la situation financière de ses clients, et de procéder, lors de la conclusion du contrat de mandat, à l'évaluation de la compétence de ceux-ci, s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, et de leur fournir une information adaptée en fonction de cette évaluation ; qu'en affirmant qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir orienté initialement les époux X... sur un type de « gestion prudente » dès lors qu'il n'est pas démontré que ceux-ci, « même s'ils avaient un certain âge », « ne possédaient pas les capacités nécessaires pour opérer un choix éclairé dans leurs placements », quand il appartenait à la banque de justifier avoir effectué les diligences nécessaires à cet égard, la Cour d'Appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1315 du Code Civil ;
2°/ ALORS QUE l'obligation générale de vigilance pèse sur la banque, non seulement lors de la conclusion du contrat de mandat, mais également en cours d'exercice de ce mandat ; qu'en se bornant à énoncer qu'il n'est pas allégué que la banque aurait outrepassé son mandat en procédant à des opérations non autorisées, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si la banque, dont la « gestion équilibrée » lors d'une période postérieure au krach boursier de l'an 2000 avait entraîné une perte anormale de valeur de 30 %, avait rempli, en cours d'exécution du mandat, son obligation de conseil et d'information, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil.