LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 novembre 2007), que Mme X... a été engagée le 1er février 1982 par l'AIAC, Association interprofessionnelle d'aide à la construction, devenu l'association Aliance, en qualité d'attachée de direction ; que son contrat de travail prévoyait une clause de mobilité géographique ; que par courrier du 17 novembre 2003, l'employeur a proposé à la salariée qui occupait les fonctions de responsable de clientèle une mutation à l'agence de Troyes accompagnée d'une promotion au poste de responsable d'agence à compter du 1er février 2004 et le remplacement d'un salarié démissionnaire de cette agence à compter du 1er décembre 2003 ; que Mme X..., après avoir sollicité un délai de réflexion, a été placée en arrêt maladie à partir du 1er décembre 2003 ; qu'elle a été licenciée le 17 septembre 2004 en raison de la nécessité de procéder à son remplacement définitif ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et réclamer en outre le paiement de dommages et intérêts en raison de la présence dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'association Aliance fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de Mme X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence condamnée à lui payer une somme à titre d'indemnité pour licenciement abusif, alors, selon le moyen, qu'elle faisait valoir que, comme l'indiquait la lettre de licenciement, il était indispensable que durant la période cruciale de fin d'année ou les entreprises décident du versement de leur contribution à l'effort de construction, celles-ci disposent d'un interlocuteur unique, durable et expérimenté, en sorte qu'elle devait absolument s'assurer, dès le mois de septembre, que, tant à Nancy qu'à Troyes, une même personne ayant reçu une formation et bénéficiant d'une certaine expérience assurerait jusqu'à la fin de l'année les relations avec les entreprises et qu'elle ne pouvait rester dans l'expectative d'un retour de Mme X... et de sa décision sur sa mutation à Nancy ; qu'elle se trouvait donc dans la nécessité, comme l'avaient reconnu les premiers juges, de pérenniser les emplois des deux salariées ayant acquis une expérience et établi depuis le début de l'année des liens avec les entreprises susceptibles de la choisir comme organisme collecteur en fin d'année ; qu'en affirmant que les solutions de remplacement temporaires se trouvées pour pallier l'absence de Mme X... pouvaient être prolongées sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de la spécificité de l'entreprise, il n'était pas indispensable que les remplaçantes soient maintenues à leur poste jusqu'à la fin de l'année et si ceci n'impliquait pas qu'elles soient définitivement embauchées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-45 du code du travail, ensemble l'article L. 122-14-4 du même code ;
Mais attendu que si l'article L. 122-45 du code du travail, alors applicable, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du Titre IV du Livre II de ce même code, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'absence de la salariée ne perturbait pas l'entreprise dès lors que des solutions de remplacement temporaires étaient possibles, lesquelles avaient été rapidement trouvées et pouvaient être prolongées notamment en fin d'année, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'association Aliance fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mme X... une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la présence dans son contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle alors, selon le moyen, que l'existence, dans le contrat de travail, d'une clause de non-concurrence illicite, n'apporte aucune restriction à la liberté du travail du salarié lorsque celui-ci, durant la période d'applicabilité de la clause, était physiquement inapte à travailler et n'était donc pas, en toute hypothèse, à la recherche d'un emploi ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir que Mme X... n'avait subi aucun préjudice du fait de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail puisqu'elle était "en arrêt maladie" ; qu'en la condamnant à lui verser des dommages-intérêts en l'absence de contrepartie pécuniaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si pendant la période durant laquelle la cause aurait produit ses effets, l'état de santé de la salariée ne lui interdisait pas de travailler, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 120-2 du code du travail et du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ;
Mais attendu que le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue; qu'il incombe à l'employeur, qui s'oppose à la demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef, de prouver que le salarié n'a pas respecté cette clause ;
Et attendu qu'après avoir exactement énoncé que le contrat de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière, la clause de non-concurrence était illicite, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante prétendument omise et qui a constaté que l'association Aliance, qui n'avait pas renoncé au bénéfice de la clause de non-concurrence, ne démontrait pas que la salariée eût violé son obligation de non-concurrence, a statué à bon droit ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Aliance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils pour l'association Aliance.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné l'association ALIANCE à lui payer la somme de 62.000 à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement mentionne : « Votre absence prolongée de l'entreprise depuis le 1er décembre 2003 a conduit à la nécessité impérative de votre remplacement définitif. Celui-ci est en effet nécessaire à la bonne marche de l'entreprise dans la mesure où il est indispensable, en prévision du versement pour les entreprises adhérentes de leur contribution à la PEEC à l'association d'ici à la fin d'année, que celles-ci puissent disposer à ALIANCE d'un interlocuteur unique, durable et très expérimenté » ; que Mme X... a fait l'objet d'arrêts maladie successifs ayant entraîné une absence continue de plus de neuf mois ; que sur le site de Nancy, Mlle Y..., embauchée depuis le 26 septembre 2001 dans le cadre d'un emploi jeune en qualité de conseiller en ingénierie sociale, a été affectée au sein de la Direction Régionale Grand Est selon courrier du 30 janvier 2004, lequel précisait que cette nouvelle affectation lui permettrait d'acquérir une expérience complémentaire et d'évoluer à terme vers une fonction de responsable relations clientèle et l'informait qu'une modification de son contrat de travail lui serait proposée au plus tard le 1er septembre 2004 si les conditions de cette promotion étaient remplies et que, dans le cas contraire, elle retrouverait une affectation au sein du service Loca-Pass ; que dès le 30 janvier 2004, Mlle Y... apparaissait sur l'organigramme du réseau ; qu'au cours de la réunion du comité d'entreprise du 29 janvier 2004, la Directrice Générale d'ALIANCE a indiqué que Mlle Y... remplaçait à Nancy Mme X... laquelle irait à Troyes, et serait licenciée si elle n'acceptait pas cette mutation ; que dès le mois d'avril 2004, Mlle Y... écrivait aux clients de Mme X... qu'elle était dorénavant chargée des relations avec eux et leur donnait ses coordonnées ; que le 23 août 2004, elle a été nommée chargée de mission à effet du 1er septembre; qu'il résulte de ces éléments que l'absence de Mme X... à son poste de Nancy ne perturbait pas l'entreprise qui, dès le mois de janvier 2004, a été en mesure d'organiser son remplacement avec la perspective claire de la remplacer définitivement le 1er septembre 2004 quand bien même un tel remplacement n'était pas absolument nécessaire ; que les explications fournies par l'employeur, qui indique avoir remplacé provisoirement Mme X... à Nancy et avoir dû former Mlle Y..., dont le contrat emploi jeune arrivait à terme le 31 août 2004, ne permettent pas de caractériser les perturbations dues à l'absence prolongée de Mme X... et ne justifient pas de la nécessité de la remplacer définitivement alors qu'il disposait d'une salariée formée pour poursuivre le remplacement, notamment en fin d'année, qui bénéficiait depuis son embauche en septembre 2001 d'un contrat à durée déterminée et aurait pu, en cas de retour de Mme X..., être affectée à un autre service (Loca-Pass) tel que l'indique la lettre du 30 janvier 2004 ; qu'en ce qui concerne le poste de Troyes, il est démontré que Mme X..., qui devait prendre le poste de responsable d'agence, poste créé qui n'existait pas auparavant, a été remplacée par Mlle Z... embauchée par contrat à durée déterminée pour ce motif le 15 décembre 2003 ; que le seul souci de conserver à son service, pour la fin de l'année, du personnel qu'elle a formé ne justifie pas de la nécessité de remplacer définitivement alors qu'il ne résulte d'aucun élément que l'association courait ce risque, d'autant plus que le contrat à durée déterminée conclu pour procéder au remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu peut avoir pour terme la fin de l'absence ; qu'il est donc établi que l'activité de l'association n'était pas perturbée du fait de l'absence de Mme X..., des solutions de remplacement temporaires étant possibles, ayant rapidement été trouvées et pouvant être prolongées ;
ALORS QUE l'association faisait valoir que, comme l'indiquait la lettre de licenciement, il était indispensable que durant la période cruciale de fin d'année où les entreprises décident du versement de leur contribution à l'effort de construction, celles-ci disposent d'un interlocuteur unique, durable et expérimenté, en sorte qu'elle devait absolument s'assurer, dès le mois de septembre, que, tant à Nancy qu'à Troyes, une même personne ayant reçu une formation et bénéficiant d'une certaine expérience assurerait jusqu'à la fin de l'année les relations avec les entreprises et qu'elle ne pouvait rester dans l'expectative d'un retour de Mme X... et de sa décision sur sa mutation à Nancy ; qu'elle se trouvait donc dans la nécessité, comme l'avaient reconnu les premiers juges, de pérenniser les emplois des deux salariées ayant acquis une expérience et établi depuis le début de l'année des liens avec les entreprises susceptibles de la choisir comme organisme collecteur en fin d'année ; qu'en affirmant que les solutions de remplacement temporaires trouvées pour pallier l'absence de Mme X... pouvaient être prolongées sans rechercher, comme elle y était invitée, si, compte tenu de la spécificité de l'entreprise, il n'était pas indispensable que les remplaçantes soient maintenues à leur poste jusqu'à la fin de l'année et si ceci n'impliquait pas qu'elles soient définitivement embauchées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 122-45 du Code du travail, ensemble l'article L 122-14-4 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné l'association ALIANCE à payer à Mme X... une somme de 7.500 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la présence dans son contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle ;
AUX MOTIFS QUE l'article 7 du contrat de travail contenait une clause de non-concurrence en vertu de laquelle Mme X... s'interdit, pendant deux ans après la rupture de son contrat de travail, de s'intéresser aux activités de tous organismes collecteurs de la participation des employeurs à l'effort de construction dans la limite de sa dernière zone d'activité et des départements limitrophes ; qu'en l'absence de contrepartie financière, cette clause de non-concurrence était nulle ; que l'association ALIANCE n'y a pas renoncé dès le licenciement de Mme X... ; que l'existence d'une clause de non-concurrence nulle à laquelle, en outre, l'employeur n'a pas immédiatement renoncé, a nécessairement causé à Mme X... un préjudice qui peut, au vu des éléments de la cause, être évalué à 7.500 ;
ALORS QUE l'existence, dans le contrat de travail, d'une clause de non-concurrence illicite, n'apporte aucune restriction à la liberté du travail du salarié lorsque celui-ci, durant la période d'applicabilité de la clause, était physiquement inapte à travailler et n'était donc pas, en toute hypothèse, à la recherche d'un emploi ; qu'en l'espèce, l'ALIANCE faisait valoir que Mme X... n'avait subi aucun préjudice du fait de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat puisqu'elle était « en arrêt maladie » (concl. p. 9) ; qu'en condamnant l'association à lui verser des dommages-intérêts en raison de l'absence de contrepartie pécuniaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si pendant la période durant laquelle la clause aurait produit ses effets, l'état de santé de la salariée ne lui interdisait pas de travailler, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 120-2 du code du travail et du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.