LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 386 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que dans une instance engagée par les sociétés Editions du Félin et Comotion Musique, la société EMI Music Publishing France a soulevé la péremption de l'instance ;
Attendu que pour accueillir l'incident, l'arrêt retient que la lettre adressée par l'avocat des appelantes au greffe du tribunal de commerce pour solliciter la fixation de l'affaire à l'audience ne peut être considérée comme une diligence de nature à poursuivre l'instance et à la faire évoluer ;
Qu'en statuant ainsi alors que la procédure étant orale les parties n'avaient pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Emi Music Publishing France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Emi Music Publishing France ; la condamne à payer aux sociétés Editions du Félin et Comotion Musique la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Editions du Félin et la société Comotion Musique.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la péremption de l'instance et d'AVOIR condamné les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE au paiement de diverses sommes, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au profit des sociétés EMI MUSIC PUBLISHING et GMF RECOUVREMENT, de Mme Y..., M. Z... et de Mme A..., ès qualités de légataire universel de MM. B..., G..., H... et I... ;
AUX MOTIFS QUE pour s'opposer à l'exception de péremption, les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE invoquent deux diligences accomplies par elles dans le délai de deux ans suivant le dernier jugement rendu le 16 mars 2000 inscrivant l'affaire au rôle des sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pendante devant la cour d'appel de VERSAILLES et disant que la procédure pourra être reprise, la partie la plus diligente devant en informer le greffe et qu'à défaut l'affaire sera radiée au bout de deux années, le délai de péremption d'instance de deux ans commençant à courir à compter de son prononcé, d'une part l'envoi par pli recommandé d'une lettre de demande de remise au rôle pour interrompre le délai de péremption émanant de leur conseil, d'autre part des conclusions d'intervention volontaire dans une autre instance pendante devant le tribunal de grande instance de PARIS qui auraient été signifiées le 16 mars 2001 mais ne sont pas produites aux débats et des conclusions signifiées le 24 septembre 2001 dans cette même instance ; que la seule lettre recommandée du 21 février 2002 adressée par l'avocat des appelantes au greffe du tribunal de commerce de NANTERRE, non communiquées aux autres parties à l'instance avant l'expiration du délai de deux ans, pour solliciter la fixation de l'affaire à l'audience afin d'interrompre le délai de péremption qui expirait le 16 mars 2002 ne peut être considérée comme une diligence de nature à poursuivre l'instance et à la faire évoluer ; que la démarche ne tendait qu'à interrompre la péremption mais nullement à faire progresser l'instance vers sa conclusions ; qu'il ne s'agit pas d'une diligence interruptive et que c'est à tort que les premiers juges, se référant à une jurisprudence obsolète, ont considéré qu'une simple lettre adressée par une partie au greffe pour faire réinscrire l'affaire au rôle constituait une diligence suffisante ; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ; qu'en conséquence, il convient de relever que les parties n'ont effectué aucune diligence entre le jugement du 16 mars 2000 et le dépôt des conclusions de la société EMI MUSIC PUBLISHING du 11 avril 2002 relevant la péremption de l'instance ; que la péremption de l'instance est acquise et elle emporte extinction de l'instance conformément à l'article 389 du nouveau Code de procédure civile ; que les parties ne peuvent plus opposer aucun des actes de la procédure ni s'en prévaloir ;
ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'en l'état d'un jugement du tribunal de commerce, devant lequel la procédure est orale, ayant ordonné le sursis à statuer dans l'attente du jugement d'une autre juridiction et dit que la procédure sera reprise sur demande de la partie la plus diligente en informant le greffe, constitue une diligence interruptive du délai de péremption, le jugement attendu ayant été rendu, la lettre adressée par le conseil d'une partie au greffier du tribunal de commerce pour lui demander de fixer l'affaire à l'audience ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 386 du nouveau Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la péremption de l'instance et d'AVOIR condamné les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE au paiement de diverses sommes, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au profit des sociétés EMI MUSIC PUBLISHING et GMF RECOUVREMENT, de Mme Y..., M. Z... et de Mme A..., ès qualités de légataire universel de MM. B..., G..., H... et I... ;
AUX MOTIFS QUE les société EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE sont intervenues volontairement à l'instance engagée le 15 novembre 2000 par la société EMI MUSIC PUBLISHING et les auteurs-compositeurs C...
J..., Christophe D..., Vincent E... et Pascal F... à l'encontre de la société COMOTION devenues NEW DEAL représentée par maître COURTOUX administrateur ad hoc de la société liquidée, par des conclusions signifiées au cours de l'année 2001 ce qui n'est pas contesté ; que toutefois, pour que ces actes de procédure accomplis au cours d'une instance distincte devant une autre juridiction puissent interrompre le délai de péremption de l'instance engagée en 1988 devant le tribunal de commerce de NANTERRE, il faut que ces deux instances se rattachent l'une à l'autre par un lien de dépendance direct et nécessaire ; que la présente instance engagée par les EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE tend à leur voir reconnaître la qualité d'éditeurs des oeuvres musicales ETIENNE et UN ESPOIR alors que la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de PARIS à l'initiative de la société EMI MUSIC PUBLISHING et des auteurs-compositeurs, fondée sur les dispositions de l'article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle, porte sur une demande de résiliation notamment du contrat de cession et d'édition musicale des mêmes oeuvres du 8 octobre 1987 et ce à compter du 1er janvier 1996 eu égard à la disparition de la société NEW DEAL suite à sa liquidation judiciaire ; que le tribunal de grande instance de PARIS a sursis à statuer jusqu'au règlement définitif du tribunal de commerce de NANTERRE considérant que la décision de ce dernier aurait manifestement une incidence sur le litige qui lui est soumis puisque cette juridiction doit déterminer si les EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE sont ou non éditeurs des oeuvres musicales litigieuses ; mais que si la décision du tribunal de commerce de NANTERRE peut avoir une incidence sur l'instance devant le tribunal de grande instance de PARIS, la réciproque n'est pas exacte car la procédure en cours devant cette dernière juridiction est sans lien direct et certain avec la présente instance ; qu'il est en effet indifférent, pour la solution du litige, que le contrat du 8 octobre 1987 soit résilié à compter de 1996 du fait de la liquidation judiciaire de la société NEW DEAL car cette résiliation ne vaudra que pour l'avenir et laisse subsister les effets de la cession au profit de la société EMI MUSIC PUBLUISHING ; que dès lors, on ne peut considérer que les deux instances se rattachent l'une à l'autre par un lien de dépendance direct et nécessaire, l'issue de la procédure dans laquelle l'acte procédure revendiqué comme interruptif du délai de péremption a été accompli étant sans incidence sur les résultats de la première instance ; qu'en conséquence, il convient de relever que les parties n'ont effectué aucune diligence entre le jugement du 16 mars 2000 et le dépôt des conclusions de la société EMI MUSIC PUBLISHING du 11 avril 2002 relevant la péremption de l'instance ; que la péremption de l'instance est acquise et elle emporte extinction de l'instance conformément à l'article 389 du nouveau Code de procédure civile ; que les parties ne peuvent plus opposer aucun des actes de la procédure ni s'en prévaloir ;
1°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée s'impose au juge ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué et du jugement du Tribunal de grande instance de PARIS rendu le 15 janvier 2003, dont les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE se prévalaient, que cette juridiction avait jugé que la décision qui serait rendue par le Tribunal de commerce de NANTERRE, dans l'instance opposant les mêmes parties, aurait nécessairement une incidence sur le litige qui lui était soumis, constatant ainsi le lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux instances ; qu'en niant l'existence de ce lien, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée et violé l'article 1351 du Code civil ;
2°) ALORS QUE l'objet d'un litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il résulte du jugement du Tribunal de grande instance de PARIS du 15 janvier 2003 que les prétentions formées devant cette juridiction par la société EMI et les auteurscompositeurs tendaient à voir juger, notamment, que les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION ne rapportaient pas la preuve des droits dont elles se prévalaient sur les oeuvres ETIENNE et UN ESPOIR, que les contrats qu'elles invoquaient étaient nuls et qu'en revanche, le contrat de cession et d'édition conclu avec la société EMI le 8 octobre 1987 était « valable et de plein effet » ; qu'il résulte, en outre, des termes clairs et précis des conclusions déposées par les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE devant cette même juridiction, le 24 septembre 2001, que ces sociétés s'opposaient aux prétentions adverses et qu'elles demandaient au Tribunal de dire et juger qu'elles étaient « les seuls éditeurs des oeuvres interprétées par C...
J... intitulées ETIENNE et UN ESPOIR » et, en conséquence, de débouter les parties adverses de leurs demandes et de condamner la société EMI à leur verser toutes les sommes perçues par elles indûment ; qu'en affirmant, pour exclure tout lien de dépendance nécessaire entre l'instance pendante devant le Tribunal de grande instance et celle ouverte devant le Tribunal de commerce, que la seconde, engagée par les EDITIONS DU FELIN et COMOTION MUSIQUE, tendait « à leur voir reconnaître la qualité d'éditeurs des oeuvres musicales ETIENNE et UN ESPOIR », tandis que la première, engagée par la société EMI, n'aurait porté que « sur une demande de résiliation » d'un « contrat de cession et d'édition musicale des mêmes oeuvres », la Cour d'appel a dénaturé les termes du premier litige, soumis au Tribunal de grande instance, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en présence de deux instances se rattachant par un lien de dépendance direct et nécessaire, les diligences accomplies dans la première interrompent le délai de péremption de la seconde ; qu'en se bornant, pour exclure tout lien de dépendance entre les deux instances, à relever que la procédure pendante devant le Tribunal de grande instance de PARIS portait sur « une demande de résiliation notamment du contrat de cession et d'édition musicale » des oeuvres en cause sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sociétés EDITIONS DU FELIN et COMOTION n'avaient pas, par ailleurs, formulé devant le Tribunal de grande instance de PARIS les mêmes revendications et demandes que devant le Tribunal de commerce de NANTERRE, en sorte que les deux instances se rattachaient par un lien de dépendance direct et nécessaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du nouveau Code de procédure civile.